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06/12/2018 | FRANCE | N°17PA00160

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 06 décembre 2018, 17PA00160


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Société de sécurité privée 2SP a demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos en 2008 et 2009 ainsi que des pénalités correspondantes.

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des cotisations primitives de con

tributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008 et 2009 ainsi ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Société de sécurité privée 2SP a demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos en 2008 et 2009 ainsi que des pénalités correspondantes.

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des cotisations primitives de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008 et 2009 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement nos 1404815 et 1404923 du 7 novembre 2016, le Tribunal administratif de Melun a rejeté ces demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 12 janvier 2017 et un mémoire enregistré le 9 janvier 2018, l'EURL Société de sécurité privée 2SP et M.A..., représentés par Me Pornin, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1404815 et 1404923 du 7 novembre 2016 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à la charge de l'EURL Société de sécurité privée 2SP au titre des exercices clos en 2008 et 2009 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales mises à la charge de M. A...au titre des années 2008 et 2009, ainsi que des pénalités correspondantes.

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent, s'agissant de l'EURL Société de sécurité privée 2SP, que :

- la proposition de rectification adressée à l'EURL Société de sécurité privée 2SP était insuffisamment motivée, l'administration n'indiquant pas précisément les éléments retenus et la méthode suivie pour déterminer la base d'imposition redressée ;

- l'EURL a justifié, par la production de pièces comptables, du montant des salaires versés au cours des exercices 2008 et 2009 ;

- les cotisations URSSAF doivent être prises en compte au titre des charges déductibles ;

S'agissant de M.A..., que :

- la proposition de rectification adressée à l'EURL Société de sécurité privée 2SP étant insuffisamment motivée, celle adressée à M. A...devra être également annulée ;

- il a été la victime d'un système organisé ; il était un simple gérant de paille, rémunéré uniquement à hauteur de 1 000 euros par mois ; le véritable maître de l'affaire était un tiers, qui disposait seul de la carte bancaire de l'EURL, était le seul interlocuteur du client et le seul à établir les plannings des salariés ; il ne peut pas être regardé comme le bénéficiaire des revenus distribués ; il n'a jamais perçu les sommes en cause ;

- à tout le moins, il ne peut être considéré comme le seul maître de l'affaire.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 11 avril 2017 et le 22 janvier 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d'instance et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés dans la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Doré,

- les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public,

- et les observations de Me Pornin, avocat de l'EURL Société de sécurité privée 2SP, et de M.A....

Considérant ce qui suit :

1. L'EURL Société de sécurité privée 2SP, dont M. A...est l'unique associé et le gérant de droit, exerçait une activité de gardiennage et de surveillance. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration lui a notifié, selon la procédure de taxation d'office prévue par les dispositions du 2° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2008 et 2009. Concomitamment, M. A...a fait l'objet d'un contrôle sur pièces à l'issue duquel l'administration lui a notifié, selon la procédure de rectification contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, les conséquences sur ses revenus de la vérification de comptabilité de l'EURL Société de sécurité privée 2SP en matière de revenus distribués et a mis à sa charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des cotisations primitives de contributions sociales au titre des années 2008 et 2009. L'EURL Société de sécurité privée 2SP et M. A...font appel du jugement en date du 7 novembre 2016, par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté leurs demandes tendant à la décharge de ces impositions et pénalités.

Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision du 27 avril 2017 postérieure à l'introduction de la requête, le directeur départemental des finances publiques de Seine-et-Marne a prononcé le dégrèvement, en droits et pénalités, des contributions sociales auxquelles M. A...a été assujetti au titre des années 2008 et 2009 à concurrence d'un montant total de 6 268 euros correspondant à la majoration de 25 % prévue au 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts. Les conclusions de la requête tendant à la décharge des contributions sociales mises à la charge de M. A...au titre des années 2008 et 2009 sont, dans cette mesure, devenues sans objet. Par suite, il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur le surplus du litige :

En ce qui concerne les impositions mises à la charge de l'EURL Société de sécurité privée 2SP :

S'agissant de la régularité de la procédure d'imposition :

3. Aux termes de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales : " Les bases ou les éléments servant au calcul des impositions d'office sont portés à la connaissance du contribuable, trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions, au moyen d'une proposition de rectification qui précise les modalités de leur détermination ".

4. Il résulte de l'instruction que, par un courrier du 17 décembre 2010, l'administration a porté à la connaissance de l'EURL Société de sécurité privée 2SP les bases d'imposition. Si le service a indiqué s'être fondé sur les " encaissements " pour déterminer le chiffre d'affaires de la société requérante, il résulte de l'ensemble de ce courrier qu'il s'agit d'une simple erreur de plume et que les bases d'imposition pour les exercices clos en 2008 et 2009 ont été déterminées à partir des factures émises par l'EURL Bulls Sécurité Privée, qui a fait l'objet d'une vérification de comptabilité et qui était l'unique client de l'EURL Société de sécurité privée 2SP. Le courrier du 17 décembre 2010 renvoie en outre à son annexe n° 3 qui détaille les factures adressées par la société requérante à ce client et dont la somme totale correspond au chiffre d'affaires retenu par le vérificateur pour chacun des exercices litigieux. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le courrier du 17 décembre 2010 laissait penser que le chiffre d'affaires avait été déterminé à partir des encaissements bancaires de l'EURL. Par suite, le service ayant exposé de manière suffisamment explicite la méthode de reconstitution des résultats de la société au titre des exercices 2008 et 2009 pour permettre à celle-ci de présenter utilement ses observations, le moyen tiré d'une méconnaissance des dispositions de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales doit être écarté.

S'agissant du bien-fondé des impositions :

5. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ". Les impositions mises à la charge de l'EURL Société de sécurité privée 2SP ayant été établie selon la procédure de taxation d'office prévue au 2° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, il appartient à la société requérante d'établir l'exagération des suppléments d'impôt sur les sociétés mis à sa charge.

6. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : 1° les frais généraux de toute nature (...) ".

7. La comptabilité présentée par l'EURL Société de sécurité privée 2SP ayant été écartée comme irrégulière et non probante, l'administration fiscale a procédé à une évaluation forfaitaire des charges, fixées à 80 % du chiffre d'affaires reconstitué.

8. En premier lieu, la société requérante fait grief au vérificateur d'avoir sous-évalué le montant de ses charges salariales et fait valoir qu'elles se sont élevées à 380 429,56 euros en 2008 et 612 614 euros en 2009. Elle se borne toutefois à se référer à la liste des sommes débitées de son compte bancaire et versées à des personnes physiques figurant en annexe 4 du procès-verbal de constat d'infraction de travail dissimulé établi le 17 décembre 2010 par le vérificateur, sans produire de pièce de nature à justifier que les personnes physiques en cause étaient des salariés et que les sommes débitées de son compte bancaire étaient des salaires. Par conséquent l'EURL Société de sécurité privée 2SP n'établit pas l'exagération des bases d'impositions retenues par le vérificateur.

9. En second lieu, l'EURL Société de sécurité privée 2SP sollicite la déduction en charge du montant du rappel de cotisations sociales de 272 708 euros mis à sa charge au titre des années 2008 et 2009. Toutefois, cette charge n'était, en l'absence de toute déclaration auprès des organismes sociaux, certaine ni dans son principe, ni son montant à la clôture des exercices 2008 et 2009 et son montant n'a été déterminé qu'au cours de l'année 2011, à la suite de la notification du rappel par un courrier de l'URSSAF en date du 22 mars 2011. Dès lors, l'EURL Société de sécurité privée 2SP n'est pas fondée à demander la déduction en charges, au titre des exercices clos en 2008 et 2009, de la somme de 272 708 euros.

En ce qui concerne les impositions mises à la charge de M.A... :

S'agissant de la régularité de la procédure d'imposition :

10. En vertu du principe de l'indépendance des procédures d'imposition, l'insuffisance de motivation qui entacherait, selon M. A..., le courrier de notification des bases d'imposition adressé à l'EURL Société de sécurité privée 2SP est sans influence sur la régularité de la procédure suivie à son encontre, ainsi que sur le bien-fondé des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales mises à sa charge. Par suite, c'est à juste titre que les premiers juges ont écarté ce moyen.

S'agissant du bien-fondé des impositions :

11. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ". Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés ".

12. L'administration fiscale a qualifié M. A...de maître de l'affaire et a considéré qu'il devait être regardé comme ayant été le bénéficiaire des revenus distribués par l'EURL Société de sécurité privée 2SP. M. A... n'ayant pas accepté les rectifications proposées par l'administration découlant du rattachement à son revenu global des sommes regardées comme distribuées par l'EURL Société de sécurité privée 2SP, tant en ce qui concerne le montant des recettes dissimulées par la société qu'au regard de la réalité de la distribution, il incombe à l'administration d'apporter la preuve qu'il a effectivement disposé des sommes en cause. Toutefois, le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle.

13. En premier lieu, M. A... conteste le montant des bénéfices de l'EURL Société de sécurité privée 2SP reconstitués dans le cadre de la vérification de comptabilité et regardés par l'administration comme des revenus distribués en application des dispositions précitées des articles 109 et 110 du code général des impôts. Toutefois, alors que M. A...ne produit aucune pièce de nature à justifier du montant réel des charges supportées par l'EURL Société de sécurité privée 2SP évaluées par l'administration à 80 % du montant du chiffre d'affaires reconstitué et que le rappel de cotisations sociales mentionné au point 9 ne pouvait être déduit en charge au cours des exercices en litige, l'administration établit le montant des revenus réputés distribués.

14. En second lieu, il résulte de l'instruction que M. A...est l'unique associé de l'EURL Société de sécurité privée 2SP et son gérant de droit, qu'il était le seul à détenir la signature du compte bancaire détenu par l'EURL et qu'il a été l'unique interlocuteur de l'administration au cours de la vérification de comptabilité de l'EURL. M. A... a d'ailleurs été condamné en sa qualité de gérant à une peine d'emprisonnement de trois ans avec sursis par une décision du Tribunal de grande instance de Melun, statuant en matière correctionnelle, en date du 4 septembre 2013 et devenu définitif. Le requérant fait valoir qu'il était un simple " homme de paille " et que la société était dirigée par un tiers, qui en était le gérant de fait, disposait de la carte bancaire de l'EURL et était l'interlocuteur de son unique client. Il ne l'établit toutefois pas en se bornant à produire une convention relative à un stage en alternance conclu avec une entreprise située à Strasbourg, pour une période allant du 20 février au 25 mars 2009 et un relevé du compte bancaire de l'EURL faisant apparaître quelques opérations bancaires survenues en région parisienne durant cette période, dès lors que la seule circonstance qu'un tiers aurait, à quelques reprises, utilisé la carte bancaire de l'EURL n'est pas suffisante pour établir que M. A...n'était pas le maître de l'affaire. Dans ces conditions, l'administration établit que M. A...doit être regardé comme le maître de l'affaire et, par suite, comme le bénéficiaire des revenus distribués par l'EURL Société de sécurité privée 2SP.

15. Il résulte de tout ce qui précède que l'EURL Société de sécurité privée 2SP et M. A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté leurs demandes. Par suite, leurs conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. A... tendant à la décharge des cotisations de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008 et 2009, ainsi que des pénalités correspondantes, à concurrence des dégrèvements accordés en cours d'instance.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A...et de l'EURL Société de sécurité privée 2SP est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A..., à l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Société de sécurité privée 2SP et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (Pôle fiscal parisien 1 - service du contentieux d'appel déconcentré).

Délibéré après l'audience du 22 novembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- Mme Poupineau, président assesseur,

- M. Doré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 décembre 2018.

Le rapporteur,

F. DORÉLe président,

S.-L. FORMERY

Le greffier,

C. RENÉ-MINE

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

N° 17PA00160


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA00160
Date de la décision : 06/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-03-01-01-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. Revenus distribués. Notion de revenus distribués. Imposition personnelle du bénéficiaire.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: M. FRANCOIS DORE
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : CABINET LOUBEYRE-ENTREMONT-PORNIN

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-12-06;17pa00160 ?
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