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20/12/2018 | FRANCE | N°18PA00517

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 20 décembre 2018, 18PA00517


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2012.

Par un jugement n° 1507555 du 28 décembre 2017, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 13 février et 15 septembre 2018, M.B..., représenté par MeD..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le ju

gement n° 1507555 du 28 décembre 2017 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) de prononcer la décharge ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2012.

Par un jugement n° 1507555 du 28 décembre 2017, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 13 février et 15 septembre 2018, M.B..., représenté par MeD..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1507555 du 28 décembre 2017 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2012 ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier faute pour le tribunal de lui avoir communiqué le mémoire produit par l'administration le 28 novembre 2017 ;

- le tribunal a écarté le moyen qu'il avait soulevé devant lui tiré de la méconnaissance du champ d'application du 2 de l'article 80 duodecies du code général des impôts en relevant d'office que ces dispositions étaient limitées aux seuls gérants minoritaires, alors que cette condition n'a pas été débattue par les parties ;

- le service a refusé tout dialogue avec la société Arc en Ciel Environnement lors des opérations de vérification de la comptabilité de cette société, lui permettant de prendre connaissance des pièces confirmant sa démission forcée ; la procédure d'établissement des impositions est entachée d'un vice de forme ;

- l'indemnité versée ne pouvait être imposée sur le fondement du 1. de l'article 80 duodecies du code général des impôts ;

- elle n'est pas imposable en application du 2. de l'article 80 duodecies du code général des impôts et conformément aux énonciations des paragraphes 70, 100, 110 et 120 de l'instruction BOI-RSA-CHAMP-20-40-20, puisque sa démission, demandée par le mandataire ad hoc de la société Arc en Ciel Environnement désigné par le Tribunal de commerce de Créteil, constitue une cessation forcée de ses fonctions de mandataire social ;

- la somme versée de 150 000 euros a entièrement été réutilisée dans la restructuration de la société Arc en Ciel Environnement ;

- l'administration a méconnu les paragraphes 5998 et 5999 du Lamy social - droit du travail - charges sociales paru en 2013. Il est, par ailleurs, fondé à se prévaloir des énonciations du paragraphe 150 de l'instruction BOI-REC-EVTS-10-20-20 du 1er juillet 2015.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 juin 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. B...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lescaut,

- les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant M.B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B...relève appel du jugement du 28 décembre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2012.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...). / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ".

3. Il résulte des dispositions précitées, destinées à garantir le caractère contradictoire de l'instruction, que la méconnaissance de l'obligation de communiquer un mémoire ou une pièce contenant des éléments nouveaux est en principe de nature à entacher la procédure d'irrégularité. Il n'en va autrement que dans le cas où il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, cette méconnaissance n'a pu préjudicier aux droits des parties.

4. M. B...conteste la régularité du jugement du tribunal au motif que le mémoire de l'administration du 28 novembre 2017 ne lui a pas été communiqué. Il ressort, cependant, des pièces du dossier de première instance que ce mémoire, dans lequel, l'administration se bornait à indiquer que le mémoire en réplique du requérant ne développait " aucun argument nouveau susceptible d'infléchir la position de l'administration ", et n'appelait donc " pas d'observations particulières de sa part ", ne comportait pas d'élément nouveau. Par suite, en ne communiquant pas ce mémoire à M.B..., les premiers juges n'ont pas méconnu les dispositions de l'article R. 611-1 du code de justice administrative. Le moyen tiré de l'atteinte au principe du caractère contradictoire de la procédure doit, dès lors, être écarté.

5. En second lieu, en relevant, dans le jugement attaqué, que M. B...n'était pas fondé à soutenir que l'administration aurait dû se fonder sur les dispositions du 2. de l'article 80 duodecies du code général des impôts, dès lors que ces dispositions n'étaient applicables, pour les sociétés à responsabilité limitée, qu'aux gérants minoritaires et que M. B...détenait 50 % des parts de la société Arc En Ciel Environnement, le tribunal n'a pas relevé d'office un moyen qu'il était tenu de communiquer aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative mais s'est prononcé, au vu de l'argumentation présentée par le requérant, sur le bien-fondé du moyen dont il était saisi.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

6. Si M. B...a entendu soutenir que la procédure d'établissement de l'imposition en litige est entachée d'un vice de forme, le moyen n'est pas assorti des précisions nécessaires permettant au juge d'en apprécier le bien-fondé.

7. En vertu du principe de l'indépendance des procédures d'imposition, la circonstance que le service se serait refusé à toute discussion avec la société Arc En Ciel Environnement lors de sa vérification de comptabilité est sans influence sur la régularité de la procédure suivie à l'encontre de M.B....

Sur le bien fondé de l'imposition :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

8. Aux termes de l'article 80 duodecies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " 1. Toute indemnité versée à l'occasion de la rupture du contrat de travail constitue une rémunération imposable, sous réserve des dispositions suivantes. Ne constituent pas une rémunération imposable : 1° Les indemnités mentionnées aux articles L. 1235-2, L. 1235-3 et L. 1235-11 à L. 1235-13 du code du travail ; 2° Les indemnités de licenciement ou de départ volontaire versées dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi au sens des articles L. 1233-32 et L. 1233-61 à L. 1233-64 du code du travail ; 3° La fraction des indemnités de licenciement versées en dehors du cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi au sens des articles L. 1233-32 et L. 1233-61 à L. 1233-64 du code du travail, (...) / 2. Constitue également une rémunération imposable toute indemnité versée, à l'occasion de la cessation de leurs fonctions, aux mandataires sociaux, dirigeants et personnes visés à l'article 80 ter. Toutefois, en cas de cessation forcée des fonctions, notamment de révocation, seule la fraction des indemnités qui excède les montants définis aux 3 et 4 du 1 est imposable ". Aux termes de l'article 80 ter de ce code : " a) Les indemnités, remboursements et allocations forfaitaires pour frais versés aux dirigeants de sociétés sont, quel que soit leur objet, soumis à l'impôt sur le revenu. b Ces dispositions sont applicables : (...) 2° Dans les sociétés à responsabilité limitée : aux gérants minoritaires;(...) ".

9. Il résulte des termes mêmes de ces dispositions qu'à l'exception des indemnités qui y sont limitativement énumérées, toute somme perçue par le salarié à l'occasion de la rupture de son contrat de travail revêt un caractère imposable.

10. Il résulte de l'instruction, en particulier du protocole d'accord signé entre la société Arc En Ciel Environnement et M.B..., que celui-ci, associé de cette société dont il détenait 50 % des parts sociales, a démissionné de ses fonctions de gérant salarié le 21 août 2012 à la suite de difficultés financières ayant conduit à la désignation d'un mandataire ad hoc. Ce protocole prévoyait le versement d'une indemnité de 150 000 euros à M. B...en contrepartie de l'interdiction qui lui était faite pendant une durée de deux ans de procéder à " toute démarche pouvant nuire à la société AECE, qui consisterait à effectuer toute manoeuvre visant à faire résilier les contrats de la société AECE dans le cadre de marchés déjà conclus par la société ". Le service a estimé que l'indemnité versée par la société Arc En Ciel Environnement à M. B... en exécution de ce protocole d'accord l'avait été à l'occasion de la démission par l'intéressé de son activité de gérant salarié et a imposé la totalité de la somme de 150 000 euros à l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des traitements et salaires, sur le fondement du 1. de l'article 80 duodecies du code général des impôts.

11. Si le requérant fait valoir que l'indemnité en litige a été réinvestie dans la restructuration de l'activité de la société Arc en Ciel Environnement et qu'à ce titre, elle ne peut constituer un revenu imposable, ayant simplement transité sur son compte bancaire, il n'a produit aucun élément susceptible d'établir le bien-fondé de ses allégations, alors que, précisément, le protocole d'accord susmentionné ne contient aucune clause en ce sens et qu'il prévoit seulement que l'indemnité sera versée à M.B....

12. Il résulte de l'instruction, et, en particulier, des termes du protocole d'accord précité que l'indemnité de 150 000 euros a été versée à M. B...à l'occasion de la cessation de ses fonctions salariées de gérant à compter du 21 août 2012 et qu'elle ne peut, eu égard à son objet, être regardée comme une indemnité de licenciement. Par suite, c'est à bon droit que le service a considéré qu'elle constituait une rémunération imposable sur le fondement du 1. de l'article 80 duodecies du code général des impôts et qu'il l'a taxée dans la catégorie des traitements et salaires.

13. Toutefois, M. B... soutient que l'administration aurait dû se fonder sur les dispositions du 2. de l'article 80 duodecies dès lors qu'il était gérant de la société Arc en Ciel Environnement et que l'indemnité de 150 000 euros lui avait été versée lors de la cessation de ses fonctions de mandataire social. Cependant, ainsi que l'a relevé à juste titre le tribunal administratif, les dispositions du 2. de l'article 80 duodecies ne sont applicables, en ce qui concerne les sociétés à responsabilité limitée, qu'aux gérants minoritaires. Et il est constant que M. B...détenait, au titre de l'année d'imposition en litige, 50 % du capital de la société à responsabilité limitée Arc En Ciel Environnement. Il ne peut dès lors être regardé comme un gérant minoritaire au sens des dispositions du 2. de l'article 80 duodecies du code général des impôts et n'entre ainsi pas dans le champ d'application de ces dispositions dont il ne peut, par suite, revendiquer le bénéfice.

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

14. M. B...n'est pas fondé à invoquer, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, les énonciations de l'instruction BOI-RSA-CHAMP-20-40-20 du 12 septembre 2012, qui étend le champ d'application des dispositions du 2. de l'article 80 duodecies du code général des impôts aux gérants égalitaires des sociétés à responsabilité limitée, dès lors qu'il n'établit pas qu'il aurait été contraint de cesser ses fonctions de mandataire social.

15. M. B...n'est pas davantage fondé à invoquer les énonciations de l'instruction BOI-REC-EVTS-10-20-20- du 1er juillet 2015 postérieure à l'année d'imposition en litige.

16. Le requérant ne saurait enfin se prévaloir, sur ce même fondement, des commentaires figurant dans les paragraphes 5998 et 5999 du Lamy social - droit du travail - charges sociales paru en 2013, dès lors que ces commentaires n'émanent pas de l'administration fiscale.

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur général des finances publiques, direction de contrôle fiscal Île-de-France (division juridique Ouest).

Délibéré après l'audience du 6 décembre 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Poupineau, présidente,

- Mme Lescaut, premier conseiller,

- M. Doré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 décembre 2018.

Le rapporteur,

C. LESCAUTLa présidente,

V. POUPINEAULe greffier,

C. RENÉ-MINE

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

N° 18PA00517


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA00517
Date de la décision : 20/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUPINEAU
Rapporteur ?: Mme Christine LESCAUT
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : MIGNUCCI

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-12-20;18pa00517 ?
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