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19/02/2019 | FRANCE | N°17PA01912

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 19 février 2019, 17PA01912


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), subrogé dans les droits des consorts B...sur le fondement de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) à lui rembourser un montant de 46 003,82 euros correspondant à la somme des indemnités transactionnelles qu'il a versées aux consorts B...en réparation du décès de M

. A...B..., survenu le 10 janvier 2002, lié à une infection du greffon vasc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), subrogé dans les droits des consorts B...sur le fondement de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) à lui rembourser un montant de 46 003,82 euros correspondant à la somme des indemnités transactionnelles qu'il a versées aux consorts B...en réparation du décès de M. A...B..., survenu le 10 janvier 2002, lié à une infection du greffon vasculaire implanté le 10 décembre 2001 à la Fondation Hôpital Saint-Joseph, avec intérêts au taux légal à compter de sa demande préalable, de condamner l'AP-HP à lui verser la somme de 1 200 euros en remboursement des frais d'expertise, avec intérêts au taux légal, ainsi qu'une somme de 6 900,57 euros au titre de l'indemnité prévue à l'article L. 1142-15 du code de la santé publique.

Par un jugement n° 1417170/6-3 du 6 avril 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la requête de l'ONIAM.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 juin 2017, l'ONIAM, représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 6 avril 2017 ;

2°) de faire droit à ses conclusions de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'AP-HP le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- application de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, il est subrogé dans les droits des consorts B...à concurrence des sommes versées, à l'encontre de l'AP-HP qui a refusé de l'indemniser ;

- en application des articles 1386-1 et suivants du code civil, la responsabilité de

l'AP-HP est engagée de plein droit en sa qualité de producteur ou à défaut, de fournisseur d'un greffon aorto-aortique contaminé, lequel constitue un produit de santé défectueux au sens de la directive européenne relative aux produits défectueux et du code de la santé publique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 janvier 2019, l'AP-HP, représentée par Me G..., conclut au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce que le montant des demandes soit ramené à de plus justes proportions, et en tout état de cause, à la mise à la charge de l'ONIAM d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le moyen tiré de la responsabilité sans faute du service public hospitalier du fait d'un produit de santé se trouve voué à un rejet certain sans qu'il soit besoin d'examiner les notions de producteur du greffon ou de mise en circulation de celui-ci ;

- la responsabilité de l'AP-HP ne saurait davantage être retenue sur le fondement de la faute de service ;

- il n'existe aucune preuve de la contamination du greffon antérieurement à sa prise en charge par l'hôpital Saint-Joseph.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la directive 85/ 374 / CEE du Conseil du 25 juillet 1985, modifiée,

- le code civil,

- le code de la sécurité sociale,

- le code de la santé publique,

- le décret n° 2015-233 du 27 février 2015,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pena,

- les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public,

- et les observations de MeG..., représentant l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique : " En cas de silence ou de refus explicite de la part de l'assureur de faire une offre, ou lorsque le responsable des dommages n'est pas assuré ou la couverture d'assurance prévue à l'article L. 1142-2 est épuisée ou expirée, l'office institué à l'article L. 1142-22 est substitué à l'assureur. / (...) / L'acceptation de l'offre de l'office vaut transaction au sens de l'article 2044 du code civil. (...) / L'office est subrogé, à concurrence des sommes versées, dans les droits de la victime contre la personne responsable du dommage ou, le cas échéant, son assureur ou le fonds institué à l'article L. 426-1 du même code. (...) / En cas de silence ou de refus explicite de la part de l'assureur de faire une offre, ou lorsque le responsable des dommages n'est pas assuré, le juge, saisi dans le cadre de la subrogation, condamne, le cas échéant, l'assureur ou le responsable à verser à l'office une somme au plus égale à 15 % de l'indemnité qu'il alloue (...) ".

2. M. A...B...a bénéficié le 10 décembre 2001 à l'hôpital Fondation Saint-Joseph d'une transplantation de greffon aorto-aortique provenant de la banque de tissus humains de l'hôpital Saint-Louis, établissement relevant de l'AP-HP. Il a quitté l'hôpital Fondation Saint-Joseph le 19 décembre 2001, fébrile, et y est revenu le 24 décembre 2001. Les examens tomodensitométriques et les prélèvements pratiqués ayant révélé une collection autour de la greffe de la bactérie Prevotella, un lavage péri-prothétique et une épiplooplastie ont été réalisés le 2 janvier 2002. Il a présenté le 8 janvier 2002 un épisode de déglobulisation avec instabilité hémodynamique et un nouvel épisode hémorragique le 10 janvier 2002 ayant nécessité une intervention en urgence au cours de laquelle il est décédé.

3. Par un avis du 4 octobre 2006, la CRCI d'Île-de-France a retenu, après avoir ordonné une expertise, dont le rapport a été remis le 22 septembre 2005, et complété par le 22 août 2006, la responsabilité de l'hôpital Saint-Louis en sa qualité de producteur d'un produit défectueux. L'AP-HP ayant toutefois refusé de faire une offre d'indemnisation aux consortsB..., l'ONIAM s'est substitué, en application des dispositions précitées de l'article L. 1142-15 du CSP, et a versé aux termes de huit protocoles d'indemnisation transactionnels à Mme D...B...au titre des frais funéraires, des souffrances endurées par son époux et des troubles dans ses conditions d'existence, les sommes de 4 003,82 euros et de 20 000 euros au titre de son préjudice moral, à M. F...B...et M. E...B..., fils de la victime, une somme de 5 000 euros chacun au titre du préjudice moral lié au décès de leur père et une somme de 3 000 euros à chacun des quatre petits enfants de M. A...B.... L'ONIAM s'étant trouvé, de ce fait, subrogé à hauteur des sommes versées dans les droits de M. B... contre l'auteur du dommage, a formé devant le Tribunal administratif de Paris, un recours subrogatoire dirigé contre l'AP-HP tendant au remboursement des indemnités transactionnelles versées aux consorts B...d'un montant total de 46 003,82 euros en réparation de la défectuosité du greffon transplanté ayant entrainé le décès de M. A...B.... L'ONIAM relève appel du jugement du 6 avril 2017 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa requête.

Sur la responsabilité :

4. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du 22 septembre 2005 et du complément du 26 août 2006 remis à la CRCI, que M. B...est décédé des suites d'une infection à Prevotella dont l'hypothèse la plus probable est celle d'un greffon contaminé avant son utilisation. Ledit greffon ayant été prélevé et fourni par l'hôpital Saint Louis, l'ONIAM persiste à rechercher devant la Cour la responsabilité sans faute de l'AP-HP sur le fondement des articles 1245-1 et suivants du code civil qui transposent la directive européenne 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 susvisée.

5. Toutefois, et ainsi que l'ont à bon droit rappelé les premiers juges, le régime de responsabilité du producteur de produits défectueux institué par la directive 85/374/ CEE du Conseil du 25 juillet 1985 ne s'applique pas aux organes et éléments internes du corps humain prélevés en vue d'une transplantation, lesquels ne peuvent être regardés comme des produits, tant au sens de cette directive que des articles 1245-1 et suivants du code civil, susceptibles d'engager la responsabilité du service public hospitalier en dehors de toute faute de sa part. En effet, en cas de contamination du bénéficiaire d'une greffe par un agent pathogène dont le donneur était porteur, la responsabilité du ou des hôpitaux qui ont prélevé tout ou partie de l'organe et procédé à la transplantation n'est susceptible d'être engagée que s'ils ont manqué aux obligations qui leur incombaient afin d'éviter un tel accident.

6. En l'espèce, les experts ont estimé tout à la fois que l'indication chirurgicale était formelle, qu'elle a été expliquée au patient qui en a accepté le principe, que la technique employée en pré et per-opératoire avait été indemne de toute anomalie (qu'il s'agisse du protocole d'anesthésie, de celui de décongélation du greffon, des moyens en personnel comme en matériel), que les règles d'asepsie avaient été respectées, et que tant le suivi post-opératoire que les traitements antibiotiques administrés avait été tout à fait conformes aux règles de l'art et aux données acquises de la science à l'époque de sa réalisation. Dès lors, et en tout état de cause, aucune faute ne saurait être imputée à l'AP-HP.

7. Il résulte de ce qui précède que l'ONIAM n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté son recours subrogatoire dirigé contre l'AP-HP tendant au remboursement des indemnités transactionnelles versées aux consortsB....

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de l'AP-HP, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que l'ONIAM demande au titre des frais, non compris dans les dépens, qu'il a exposés.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'ONIAM est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à la Réunion des assureurs maladie, à la Mutuelle verte et à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris.

Délibéré après l'audience du 5 février 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- M. Bernier, président assesseur,

- Mme Pena, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 19 février 2019.

Le rapporteur,

E. PENALe président,

M. BOULEAU

Le greffier,

A. DUCHER

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N° 17PA01912


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA01912
Date de la décision : 19/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Eléonore PENA
Rapporteur public ?: Mme DELAMARRE
Avocat(s) : SCP UGGC ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-02-19;17pa01912 ?
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