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29/05/2019 | FRANCE | N°17PA02978

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 29 mai 2019, 17PA02978


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Sarl Dag Cler a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er juin 2009 au 31 mai 2013, des suppléments d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012, et des amendes auxquelles elle a été assujettie sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts au titre des exercices clos en 2011 et 2012.



Par un jugement n° 1617547/2-2 du 7 juillet 2017, le Tribunal administratif d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Sarl Dag Cler a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er juin 2009 au 31 mai 2013, des suppléments d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012, et des amendes auxquelles elle a été assujettie sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts au titre des exercices clos en 2011 et 2012.

Par un jugement n° 1617547/2-2 du 7 juillet 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 31 août, 4, 5 et 7 septembre 2017, 12 et 14 février, 22 mars, 11 et 23 avril et 2 juillet 2018, 22 et 25 mars 2019, la Sarl Dag Cler, représentée par Me Perrot, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1617547/2-2 du 7 juillet 2017 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont méconnu les dispositions de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, faute de lui avoir communiqué le mémoire de l'administration du 7 juin 2017 ;

- la demande d'option formulée par l'administration sur le fondement des dispositions du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales est irrégulière, dès lors que la demande d'option expose sa finalité mais non les traitements envisagés à cette fin ; le service n'a pas précisé que les traitements envisagés pouvaient servir à reconstituer ses recettes ;

- l'administration ne lui a accordé qu'un délai de sept jours pour effectuer un choix, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 11 du livre des procédures fiscales qui a vocation à s'appliquer à toutes les situations pour lesquelles la loi n'a pas mentionné de délai de réponse ;

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- le tribunal a dénaturé les pièces du dossier ;

- le service a méconnu les droits de la défense et les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, faute de l'avoir informée de l'origine et de la teneur des informations techniques qu'il a utilisées et d'avoir fait droit à sa demande tendant à la communication des spécifications fonctionnelles et techniques du logiciel de caisse ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé qu'il lui incombait de justifier de l'utilisation faite du logiciel webgamer, alors qu'aucun texte ne met à sa charge une telle obligation ; en l'absence de données techniques sur ce logiciel, il ne peut être qualifié de logiciel d'effacement ;

- le service a méconnu les dispositions combinées de l'article L. 13 et du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales ; les caisses enregistreuses ne sont pas connectées au logiciel comptable et ne disposent pas d'un progiciel de comptabilité ; sa comptabilité n'est pas tenue au moyen d'un système informatisé ;

- la méthode de reconstitution des recettes mise en oeuvre par le service est erronée ;

- les amendes et pénalités ne sont pas fondées ;

- le service a méconnu le principe de proportionnalité ;

- le cumul des pénalités méconnaît les articles 6-1 et 6-2 de la convention européenne des droits de l'homme et du citoyen ;

- l'action de l'administration était prescrite depuis le 31 décembre 2012 s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée ;

- l'annexe technique de la proposition de rectification n'a pas été produite dans le cadre du débat oral et contradictoire, en méconnaissance de l'instruction 24-2006, 13 L-1-06 n° 153 reprise au BOI-CF-IOR-60-40-30 n°270 du 13 décembre 2013.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 5 février, 15 mars, 11 avril 2018, 22 et 25 mars 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 14 mars 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 mars 2019.

Un mémoire présenté par le ministre de l'action et des comptes publics a été enregistré le 4 avril 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Stoltz-Valette,

- les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public,

- et les observations de Me Perrot, avocat de la Sarl Dag Cler.

Considérant ce qui suit :

1. La Sarl Dag Cler, qui exploite à Paris une brasserie sous l'enseigne " Le Daguerre ", a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les années 2009 à 2013. Après avoir écarté la comptabilité comme irrégulière et non probante, le service a procédé à la reconstitution de son chiffre d'affaires, laquelle a donné lieu, selon la procédure de rectification contradictoire, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, des pénalités pour manoeuvres frauduleuses et à l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts. La Sarl Dag Cler relève appel du jugement du 2 juillet 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et pénalités.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué, sans qu'il soit besoin d'examiner sa régularité :

2. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. "

3. Il résulte des dispositions citées au point précédent qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, d'informer le contribuable, avec une précision suffisante, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition, afin de permettre à l'intéressé, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Toutefois, l'obligation qui lui est ensuite faite de tenir à la disposition du contribuable qui les demande ou de lui communiquer, avant la mise en recouvrement des impositions, les documents ou copies de documents contenant les renseignements qu'elle a utilisés pour procéder aux redressements ne peut porter que sur les documents effectivement détenus par les services fiscaux. Dans l'hypothèse où les documents que le contribuable demande à examiner sont détenus non par l'administration fiscale, qui les a seulement consultés à l'occasion d'une vérification de comptabilité concernant une autre société, mais par cette dernière, il appartient à l'administration fiscale, d'une part, d'en informer l'intéressé afin de le mettre en mesure d'en demander communication à ce tiers et, d'autre part, de porter à sa connaissance l'ensemble des renseignements fondant l'imposition recueillis à l'occasion de la vérification de comptabilité de cette autre société.

4. La société Dag Cler soutient qu'en l'espèce les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ont été méconnues dès lors que le service a utilisé des informations recueillies auprès de tiers, telles que les spécifications fonctionnelles et techniques ou le code source du logiciel de caisse PI Electronique, sans les lui avoir communiquées, comme elle le lui avait demandé antérieurement à la mise en recouvrement des impôts. En réponse, le ministre de l'action et des comptes publics rétorque que le service s'est fondé sur sa propre analyse des fichiers, sans utiliser les spécifications fonctionnelles et techniques. Cependant, il indique lui-même qu'indépendamment de l'analyse des fichiers informatiques issus du logiciel Prores, le service s'est appuyé " sur les éléments rencontrés au cours [de] précédentes vérifications ", qui lui ont permis d'acquérir une solide connaissance technique des systèmes de caisse PI Electronique, " complétés par des éléments figurant dans le " Guide sur la procédure de lecture de caisse " ". Or il ne résulte d'aucune des pièces du dossier et notamment pas des propositions de rectification des 20 décembre 2013 et 10 juin 2014 qu'antérieurement à la mise en recouvrement des impositions litigieuses, l'administration aurait indiqué à la société Dag Clerc s'être ainsi fondée sur des éléments provenant de tiers et qu'elle aurait précisé à la société l'origine et la teneur exacte de ces éléments. Par ailleurs, en admettant que le " Guide sur la procédure de lecture de caisse " contienne les spécifications fonctionnelles et techniques du logiciel de caisse, il résulte des pièces du dossier que la société Dag Cler a demandé au service la communication de ces spécifications antérieurement à la mise en recouvrement des impositions et il n'a pas été fait droit à cette demande, sans que puissent être utilement opposées les circonstances que le service n'a pas exercé son droit de communication auprès du fournisseur de caisse PI Electronique et que la société requérante a reconnu en août 2014 être en possession du guide sur la procédure de lecture de caisse. L'administration ne peut dès lors être regardée comme ayant respecté les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales.

5. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la Sarl Dag Clerc est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1617547/2-2 du 7 juillet 2017 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La Sarl Dag Cler est déchargée des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er juin 2009 au 31 mai 2013, des suppléments d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012 et des pénalités dont ces impositions ont été assorties.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Sarl Dag Cler et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Ile-de-France (division juridique est).

Délibéré après l'audience du 16 mai 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Dalle, président,

- Mme Notarianni, premier conseiller,

- Mme Stoltz-Valette, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 29 mai 2019.

Le rapporteur,

A. STOLTZ-VALETTELe président,

D. DALLE

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA02978


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA02978
Date de la décision : 29/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-03-02-01-02-02 Contributions et taxes. Généralités. Règles générales d'établissement de l'impôt. Rectification (ou redressement). Généralités.


Composition du Tribunal
Président : M. DALLE
Rapporteur ?: Mme Alexandra STOLTZ-VALETTE
Rapporteur public ?: Mme MIELNIK-MEDDAH
Avocat(s) : SCP BERSAGOL, PIRO et PERROT

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-05-29;17pa02978 ?
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