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29/05/2019 | FRANCE | N°18PA02083

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 29 mai 2019, 18PA02083


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Domaine de Tencin a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, pour un montant de

104 645 euros, et des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie pour un montant de 56 639 euros au titre de l'exercice clos en 2014, ainsi que de l'amende pour opposition à contrôle fiscal mise à sa charge

pour un montant de 86 760 euros.

Par un jugement n° 1708930/1-2 du 17 avril 2018, l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Domaine de Tencin a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, pour un montant de

104 645 euros, et des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie pour un montant de 56 639 euros au titre de l'exercice clos en 2014, ainsi que de l'amende pour opposition à contrôle fiscal mise à sa charge pour un montant de 86 760 euros.

Par un jugement n° 1708930/1-2 du 17 avril 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 19 juin et 9 octobre 2018, la SARL Domaine de Tencin, représentée par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1708930/1-2 du 17 avril 2018 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'avis de vérification du 10 mars 2015 n'a pas été régulièrement notifié ;

- le courrier du 1er avril 2015 n'est pas un avis de vérification ;

- la vérification ne pouvait porter sur la période du 15 avril 2013 au 30 octobre 2014, la date de clôture du premier exercice comptable étant fixée statutairement au 31 décembre 2014 et l'inscription de radiation d'office de la société au registre du commerce à la date du

30 octobre 2014 ayant été annulée ;

- l'administration ne peut se prévaloir d'une obligation de déclaration de résultats au 30 octobre 2014 ;

- la vérification était en conséquence prématurée ;

- l'obligation de souscription d'une déclaration de résultats dans les soixante jours de la radiation d'office qui procède des dispositions de l'article 202 du code général des impôts ne concerne pas les entreprises relevant de l'impôt sur les sociétés ;

- l'administration lui a rendu opposable, ainsi qu'au mandataire désigné, l'ordonnance de désignation d'un mandataire ad'hoc, sans justifier de la remise d'une copie de l'ordonnance et de la requête avant la date d'envoi de l'avis de vérification et de la proposition de rectification ;

- plusieurs courriers, et notamment celui du 21 novembre 2015, ont été adressés au mandataire et non à la société ;

- les documents invoqués par le service pour justifier de l'opposition à contrôle fiscal ont été adressés au mandataire et non à la société ;

- l'opposition à contrôle fiscal n'est pas constituée ;

- les sommes versées par la société BPI ne constituent pas des recettes mais des avances en compte courant ;

- les versements effectués par la société BTD Blanchisserie Duval ne correspondent pas à des recettes, mais à un dépôt de garantie.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 août 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par la société ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 24 septembre 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au

9 octobre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de procédure civile ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Magnard,

- et les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Domaine du Tencin a pour objet la gestion et l'acquisition de biens immobiliers. Cette société n'ayant déposé aucune déclaration de taxe sur la valeur ajoutée ou de résultats pour la période du 15 avril 2013 au 30 octobre 2014, le service d'imposition des entreprises a demandé sa radiation d'office auprès du greffe du Tribunal de commerce de Paris. Cette radiation a été prononcée le 30 octobre 2014. Pour procéder à la vérification de comptabilité de la société, l'administration fiscale a demandé la désignation d'un mandataire de justice chargé de représenter la société pendant la procédure. Le tribunal de commerce a désigné M.B.... Ce dernier ne s'étant pas présenté aux rendez-vous fixés par l'administration après envoi d'un avis de vérification suivi de plusieurs courriers, un procès verbal d'opposition à contrôle fiscal a été dressé la 27 juillet 2015 et adressé au représentant de la société. Des rectifications ont été notifiées à la société selon la procédure d'évaluation d'office prévue par l'article L. 74 du livre des procédures fiscales. La société Domaine de Tencin relève appel du jugement n° 1708930/1-2 du 17 avril 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, des cotisations d'impôt sur les sociétés, au titre de l'exercice clos en 2014, ainsi que de l'amende pour opposition à contrôle fiscal, auxquels elle a été assujettie en conséquence.

Sur la notification d'un avis de vérification :

2. Aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu, une vérification de comptabilité ou un examen de comptabilité ne peut être engagé sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification ou par l'envoi d'un avis d'examen de comptabilité ".

3. Il résulte de l'instruction que, l'avis de vérification envoyé le 10 mars 2015 à l'ancienne adresse du mandataire de justice chargé de représenter la société Domaine de Tencin n'ayant pas été reçu, l'administration a envoyé un nouveau courrier, accompagné d'une copie de cet avis et de la charte du contribuable, à ce mandataire, à l'adresse qu'il avait déclarée lors de la souscription de sa déclaration de revenus de l'année 2013 et qui était la dernière adresse connue du service. Le pli contenant ce document a été retourné à l'administration revêtu de la mention " non réclamé " et " absent avisé le 3 avril 2015 ". Par ailleurs un courrier comportant l'avis de vérification et la charte du contribuable a été reçu par M. B...le 18 mai 2015. Dès lors, le moyen tiré de la violation de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ne peut qu'être écarté.

Sur la période vérifiée et le caractère prématuré de la vérification :

4. Aux termes de l'article 201 du code général des impôts, rendu applicable à l'impôt sur les sociétés par les dispositions de l'article 221 du même code : " 1. Dans le cas de cession ou de cessation, en totalité ou en partie, d'une entreprise industrielle, commerciale, artisanale ou minière, ou d'une exploitation agricole dont les résultats sont imposés d'après le régime du bénéfice réel, l'impôt sur le revenu dû en raison des bénéfices réalisés dans cette entreprise ou exploitation et qui n'ont pas encore été imposés est immédiatement établi. / (...)/3. Les contribuables assujettis à un régime réel d'imposition sont tenus de faire parvenir à l'administration, dans un délai de soixante jours déterminé comme indiqué au 1, la déclaration de leur bénéfice réel accompagnée d'un résumé de leur compte de résultat. ".

5. La société requérante fait valoir que la vérification de comptabilité ne pouvait porter sur la période du 15 avril 2013 au 30 octobre 2014, dès lors que la date de clôture du premier exercice comptable était fixée statutairement au 31 décembre 2014, que l'inscription de radiation d'office de la société au registre du commerce à la date du 30 octobre 2014 a été annulée et que l'administration, qui ne peut en conséquence se prévaloir d'une obligation de déclaration de résultats au 30 octobre 2014, a entrepris le 10 mars 2015 une vérification prématurée. Un tel moyen est en tout état de cause sans influence sur les rehaussements notifiés en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que le tribunal de commerce de Paris a prononcé le 30 octobre 2014 la radiation de la société Domaine de Tencin et que le

19 février 2015, le gérant de la société, M.B..., a été désigné par le président dudit tribunal en qualité de mandataire de justice chargé de représenter la société dans la procédure de vérification de comptabilité. La radiation entraînant cessation d'activité au sens des dispositions précitées, la société était tenue de déposer ses déclarations dans un délai de soixante jours à compter du 30 octobre 2014. En se bornant à produire un extrait K bis d'avril 2015 ne faisant pas mention de cette radiation, la société requérante ne met pas la Cour en mesure d'apprécier les conditions dans lesquelles ladite radiation aurait été annulée. Au surplus, et en tout état de cause, il résulte de l'instruction que les cotisations d'impôt sur les sociétés en litige concernent exclusivement la période indiquée sur l'avis de vérification adressé à l'intéressée. Il n'est ni établi ni même allégué que la prise en compte, dans la vérification de comptabilité, de la période courant du 30 octobre au 31 décembre 2014 aurait conduit à une imposition inférieure. A la date à laquelle l'opposition à contrôle fiscal a été constatée, aucune déclaration n'avait été déposée au titre de l'exercice clos en 2014, quelle qu'ait été la date de clôture de l'exercice. En conséquence la fixation, à la supposer même erronée, de la date de clôture de l'exercice au 30 octobre 2014, et la mise en oeuvre, antérieurement à l'expiration du délai de déclaration des résultats d'un exercice qui aurait été clos le 31 décembre 2014, d'une vérification de comptabilité, n'ont privé le contribuable d'aucune garantie et n'ont eu aucune influence sur la décision d'imposition. Le moyen susmentionné ne peut par suite qu'être écarté.

Sur la désignation du mandataire de justice :

6. Aux termes de l'article 495 du code de procédure civile : " L'ordonnance sur requête est motivée. / Elle est exécutoire au seul vu de la minute. / Copie de la requête et de l'ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée ".

7. Il résulte des dispositions précitées que l'ordonnance désignant le mandataire ad hoc est exécutoire au seul vu de la minute, sans qu'il soit besoin de rechercher si elle a fait l'objet de formalités la rendant opposable. Le moyen tiré de ce que la procédure serait irrégulière au motif que l'administration ne justifie pas de la remise à la société ou au mandataire désigné d'une copie de l'ordonnance et de la requête avant la date d'envoi de l'avis de vérification et de la proposition de rectification ne peut qu'être écarté.

Sur l'opposition à contrôle fiscal :

8. Aux termes de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales : " Les bases d'imposition sont évaluées d'office lorsque le contrôle fiscal ne peut avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers. ".

9. Il résulte de l'instruction que le vérificateur a adressé le 1er avril 2015 à

M.B..., en sa qualité de mandataire de la société requérante, un courrier accompagné de l'avis de vérification. Ce courrier, envoyé à l'adresse de l'intéressé, et qui proposait un rendez-vous au siège de la société le 28 avril 2015, a été retourné au service avec la mention avisé non réclamé. M. B...ne s'étant pas présenté à ce rendez-vous, le vérificateur lui a adressé, le même jour, un deuxième courrier, reçu par le destinataire le 18 mai, et qui fixait un rendez-vous pour le 26 mai à 14 heures. L'administration ayant constaté que M. B...ne se présentait pas audit rendez-vous, lui a envoyé un troisième courrier, le 2 juin 2015, revenu non réclamé, et qui fixait un nouveau rendez-vous le 22 juin 2015. M. B...ne s'étant pas présenté à ce rendez-vous, le vérificateur a établi le 27 juillet 2015 un procès-verbal d'opposition à contrôle fiscal.

10. En premier lieu, la société requérante fait valoir que c'est à tort que les courriers susmentionnés ont été adressés au mandataire et non à elle-même et se prévaut, à cet égard, comme précédemment, de l'extrait K bis établi en avril 2015 qui révèlerait l'annulation de la décision de radiation prise en février 2015. Toutefois la seule production de cet extrait K bis ne permet pas d'apprécier le contenu et la portée d'une éventuelle décision du juge judiciaire, et par suite les modalités selon lesquelles il aurait été mis fin à la radiation. Au surplus,

M.B..., mandataire nommé suite à la radiation de la société Domaine de Tencin, était également le gérant de droit de ladite société, tant avant la radiation qu'après l'éventuelle annulation de celle-ci. Il résulte en outre de l'instruction que les courriers envoyés au cours de l'année 2013 à la société requérante, à l'adresse mentionnée dans l'extrait K bis, sont revenus au service avec la mention " destinataire inconnu à l'adresse ". Il suit de là qu'en envoyant ses courriers, ainsi qu'il vient d'être dit, à M.B..., à l'adresse de ce dernier, l'administration doit être regardée comme s'étant adressée, dans les seules conditions possibles, à la personne habilitée à représenter la société. Le moyen susanalysé doit par suite être écarté.

11. En deuxième lieu, en ne prenant pas, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les mesures nécessaires pour recevoir son courrier et en ne se faisant pas représenter aux rendez-vous fixés par le vérificateur, la société requérante s'est mise en situation d'opposition à contrôle fiscal. La seule circonstance que le vérificateur, ait, le 28 avril 2015, également écrit à un autre contribuable pour lui proposer, comme à M.B..., un rendez-vous le 26 mai à

14 heures, ne saurait conduire, au regard des faits rappelés au point 9, à attribuer l'impossibilité de réaliser la vérification de comptabilité au vérificateur et non au représentant de la société requérante.

Sur les autres pièces de procédure :

12. Pour les motifs rappelés au point 10, l'administration a régulièrement pu adresser l'ensemble des pièces de la procédure d'imposition à M. B...à l'adresse personnelle de ce dernier. Par suite le moyen tiré de ce que plusieurs courriers, et notamment celui du

21 novembre 2015, ont été adressés au mandataire et non à la société elle-même ne peut qu'être écarté. En tout état de cause, le courrier du 21 novembre 2015 a été reçu par

M. B...qui y a répondu en sa qualité de représentant de la société.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

13. La société Domaine de Tencin, dont les recettes et les résultats ont été évalués d'office pour opposition à contrôle fiscal, supporte, en application des dispositions de

l'article L. 193 du livre des procédures fiscales, la charge d'établir l'exagération des impositions qu'elle conteste. En se bornant à affirmer, sans produire à l'appui de ses allégations le moindre document susceptible d'en étayer le bien-fondé, que les sommes versées par la société BPI ne constituaient pas des recettes mais des avances en compte courant et que les versements effectués par la société BTD Blanchisserie Duval ne correspondaient pas à des recettes taxables à l'impôt sur les sociétés, ni à des recettes passibles de la taxe sur la valeur ajoutée, mais à un dépôt de garantie prévu par une convention conclue entre les parties intéressées, la société requérante n'apporte pas la preuve dont la charge lui incombe.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Domaine de Tencin n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Domaine de Tencin est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Domaine de Tencin et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal

d'Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 15 mai 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Appèche, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller.

Lu en audience publique le 29 mai 2019.

Le rapporteur,

F. MAGNARDLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 18PA02083


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA02083
Date de la décision : 29/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. CHEYLAN
Avocat(s) : GUETTA

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-05-29;18pa02083 ?
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