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29/05/2019 | FRANCE | N°18PA03795

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 29 mai 2019, 18PA03795


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Ypso France SAS a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'économie et des finances a rejeté ses demandes tendant à l'obtention des agréments prévus par les dispositions du II de l'article 209 et du 6 de l'article 223 I du code général des impôts. Par un jugement n° 1501565/1-1

du 23 novembre 2016, le tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 17PA00213 du 9 novembre 2017, la Cour administrative d'appel de P

aris a, sur appel de la société Ypso France SAS, annulé ce jugement et la décision attaqué...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Ypso France SAS a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'économie et des finances a rejeté ses demandes tendant à l'obtention des agréments prévus par les dispositions du II de l'article 209 et du 6 de l'article 223 I du code général des impôts. Par un jugement n° 1501565/1-1

du 23 novembre 2016, le tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 17PA00213 du 9 novembre 2017, la Cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de la société Ypso France SAS, annulé ce jugement et la décision attaquée et enjoint au ministre de l'action et des comptes publics de procéder à un nouvel examen des demandes d'agrément présentées par la société Ypso France SAS dans un délai de deux mois.

Par une décision n° 417173 du 28 novembre 2018, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé les articles 1er et 2 de l'arrêt n° 17PA00213 du 9 novembre 2017 de la Cour administrative d'appel de Paris en tant qu'ils portent sur l'agrément demandé sur le fondement des dispositions du 6 de l'article 223 I du code général des impôts en vue du transfert de la part du déficit d'ensemble provenant de la société NC Numericable, renvoyé l'affaire dans cette mesure à la Cour administrative d'appel de Paris et rejeté le surplus des conclusions du pourvoi du ministre de l'action et des comptes publics.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 16 janvier 2017, la société Ypso France SAS, représentée par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1501565/1-1 du 23 novembre 2016 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'économie et des finances a rejeté sa demande tendant à l'obtention de l'agrément prévu par les dispositions du 6 de l'article 223 I du code général des impôts ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'économie et des finances de procéder à un nouvel examen de sa demande dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'agrément prévu par les dispositions du 6 de l'article 223 I du code général des impôts est un agrément de plein droit dont le refus doit être motivé par l'administration fiscale ; l'administration fiscale, à laquelle il a été demandé de justifier de son silence, n'a pas motivé le rejet implicite de sa demande ;

- elle est fondée à se prévaloir des énonciations de l'instruction référencée BOI 13-D-2-02 n° 46 du 21 août 2002 ;

- l'administration ne pouvait, sans méconnaître l'étendue de sa compétence, s'abstenir d'examiner sa demande ;

- elle remplissait les conditions de l'article 223 I, 6 du code général des impôts pour obtenir la délivrance de l'agrément qu'elle sollicitait ;

- la dissolution de la société NC Numéricable ne faisait pas obstacle au transfert à la société Eno France de sa contribution au déficit d'ensemble d'Ypso France, ainsi que l'a confirmé le Bureau des agréments dans un courriel du 12 octobre 2006 ;

- l'ensemble des réorganisations menées par le groupe visait exclusivement à simplifier un organigramme et n'a jamais affecté les modalités d'exercice de l'activité des sociétés et notamment de celle de la société Numéricable, qui a poursuivi son activité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 avril 2017, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Ypso France SAS ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 10 décembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au

8 février 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public,

- le code des relations entre le public et l'administration,

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Magnard,

- et les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Ypso France, société mère d'un groupe auquel appartenaient les sociétés Numericable et NC Numericable, a été absorbée le 15 juin 2006 avec effet rétroactif au

1er avril 2006 par la société Eno France, devenue la société Ypso France SAS. Le 30 juin 2006, la société Numericable a procédé, avec effet rétroactif au 1er avril 2006, à la dissolution sans liquidation de la société NC Numericable, dont elle détenait la totalité du capital. Par lettre d'option du 11 septembre 2006, la société Ypso France SAS a procédé, en application du c du 6 de l'article 223 L du code général des impôts et avec effet au 1er avril 2006, à l'élargissement du groupe fiscal à la tête duquel elle se trouvait, comprenant la société Numericable. Par une demande du 27 avril 2006, complétée les 29 septembre et 13 octobre 2006, la société Eno France avait, préalablement à ces opérations, sollicité de l'administration la délivrance des agréments prévus au II de l'article 209 et au 6 de l'article 223 I du code général des impôts, afin de bénéficier du transfert des déficits antérieurs non encore déduits de la société Ypso France et du transfert des déficits d'ensemble du groupe dont la société Ypso France était la société mère en vue de les imputer partiellement sur une base élargie. Par un jugement du 23 novembre 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la requête de la société Ypso France SAS tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de ces demandes d'agréments. Par un arrêt

du 9 novembre 2017, la Cour administrative d'appel de Paris a, sur appel de la société Ypso France SAS, annulé ce jugement et la décision de rejet des demandes d'agréments présentées par cette société et a enjoint au ministre de l'action et des comptes publics de procéder à un nouvel examen de ces demandes dans un délai de deux mois. Par une décision n° 417173

du 28 novembre 2018, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé les articles 1er et 2 de l'arrêt n° 17PA00213 du 9 novembre 2017 de la Cour administrative d'appel de Paris en tant qu'ils portent sur l'agrément demandé sur le fondement des dispositions du 6 de l'article 223 I du code général des impôts en vue du transfert de la part du déficit d'ensemble provenant de la société NC Numericable, renvoyé l'affaire dans cette mesure à la Cour administrative d'appel de Paris et rejeté le surplus des conclusions du pourvoi du ministre de l'action et des comptes publics.

2. En premier lieu, il découle de l'article 5 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, alors en vigueur et dorénavant codifié à l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration, qu'une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas entachée d'illégalité du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Elle ne peut être regardée comme illégale qu'en l'absence de communication de ses motifs par l'autorité saisie dans le délai d'un mois suivant une demande, formulée dans le délai de recours contentieux. Il ne ressort pas en l'espèce des pièces du dossier, et notamment des courriels par lesquels la société Ypso France demandait à l'administration qu'une décision soit prise sur sa demande d'agrément, que l'intéressée ait sollicité la communication des motifs de la décision implicite par laquelle le ministre de l'économie et des finances a refusé de lui délivrer les agréments sollicités. Elle n'est, par suite, pas fondée à soutenir que cette décision serait illégale du seul fait de son absence de motivation.

3. En deuxième lieu, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le ministre de l'économie et des finances n'aurait pas procédé à un examen des demandes d'agréments présentées par la société requérante. Le moyen tiré de ce que cet examen n'aurait pas été effectué et que le ministre aurait de ce fait, méconnu l'étendue de sa compétence, ne peut qu'être écarté.

4. En troisième lieu, aux termes du 5 de l'article 223 I du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " Dans les situations visées aux c, d ou e du 6 de l'article 223 L, et sous réserve, le cas échéant, de l'obtention de l'agrément prévu au 6, la fraction du déficit qui n'a pu être reportée au titre d'un exercice dans les conditions prévues à l'article 223 S peut, dans la mesure où ce déficit correspond à celui de la société mère absorbée ou à celui des sociétés membres du groupe ayant cessé et qui font partie du nouveau groupe, s'imputer sur les résultats, déterminés selon les modalités prévues au 4 du présent article et par dérogation au a du 1 du présent article, des sociétés mentionnées ci-dessus ". Aux termes du 6 du même article, dans sa version alors applicable : " Dans les situations visées aux c ou e du 6 de l'article 223 L, les déficits de la société absorbée ou scindée, déterminés dans les conditions prévues à l'article 223 S, sont transférés au profit de la ou des sociétés bénéficiaires des apports sous réserve d'un agrément délivré dans les conditions prévues à l'article 1649 nonies. / L'agrément est délivré lorsque : a. L'opération est placée sous le régime prévu à l'article 210 A ; b. Elle est justifiée du point de vue économique et obéit à des motivations principales autres que fiscales ; c. Les déficits proviennent : - de la société absorbée ou scindée sous réserve du respect de la condition mentionnée au b du II de l'article 209 ; - ou des sociétés membres du groupe auquel il a été mis fin qui font partie du nouveau groupe et pour lesquelles le bénéfice des dispositions prévues au 5 est demandé. Les déficits transférés sont imputables sur les bénéfices ultérieurs dans les conditions prévues au troisième alinéa du 1 de l'article 209 ".

5. Il résulte de ces dispositions que la part du déficit d'ensemble provenant d'une société appartenant à un groupe dont la société mère fait l'objet d'une absorption ou d'une scission peut être transférée, sur agrément, à la société absorbante ou bénéficiaire des apports et être imputée sur les résultats de cette société et, le cas échéant, sur ceux des sociétés membres du groupe ayant cessé et faisant partie du nouveau groupe, lorsque le bénéfice de cette imputation est demandée. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce que l'agrément soit délivré pour le transfert de la part du déficit d'ensemble provenant d'une société membre du groupe ayant cessé qui ne fait pas partie du nouveau groupe, alors même que cette société aurait été absorbée, à l'occasion des opérations de restructuration, par une autre société membre du groupe ayant cessé, faisant elle-même partie du nouveau groupe, et qui aurait bénéficié du transfert des bénéfices propres de la société absorbée.

6. La société NC Numericable, à la date de la demande d'agrément, ne faisait pas partie du nouveau groupe fiscal déclaré par la société Ypso France SAS. Le ministre pouvait en conséquence légalement refuser à cette dernière société l'agrément qu'elle sollicitait sur le fondement des dispositions précitées du 6 de l'article 223 I du code général des impôts et tendant au transfert, à son profit, de la part du déficit d'ensemble du groupe auquel il avait été mis fin le 1er avril 2006 correspondant aux déficits de la société NC Numericable, et cela alors même que la société NC Numericable avait été absorbée à la même date par la société Numericable, laquelle faisait partie du nouveau groupe et avait bénéficié du transfert du déficit propre de la société NC Numericable sur le fondement des dispositions du II de l'article 209 du même code.

7. Enfin, la société requérante, à supposer qu'elle se place sur le terrain des articles

L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales, ne saurait se prévaloir valablement de la doctrine administrative référencée 13 D-2-02 en date du 21 août 2002 ou encore du courriel du Bureau des agréments du 12 octobre 2006, dès lors que la garantie prévue par les dispositions desdits articles ne trouve en tout état de cause pas à s'appliquer dans le contentieux de l'excès de pouvoir.

8. Il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le ministre de l'économie et des finances a rejeté sa demande visant à l'obtention de l'agrément prévu par les dispositions du 6 de l'article 223 I du code général des impôts en vue du transfert de la part du déficit d'ensemble provenant de la société NC Numericable. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Les conclusions de la société Ypso France SAS à fin d'annulation du jugement

du 23 novembre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le ministre de l'économie et des finances a rejeté sa demande visant à l'obtention de l'agrément prévu par les dispositions du 6 de l'article 223 I du code général des impôts en vue du transfert de la part du déficit d'ensemble provenant de la société NC Numericable, ainsi que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat d'une somme sur le fondement des dispositions de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Ypso France SAS et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 15 mai 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Appèche, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller.

Lu en audience publique le 29 mai 2019.

Le rapporteur,

F. MAGNARDLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA03795


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA03795
Date de la décision : 29/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. CHEYLAN
Avocat(s) : SCP HERALD ; SCP HERALD ; SCP GRANRUT AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-05-29;18pa03795 ?
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