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27/06/2019 | FRANCE | N°16PA03218

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 27 juin 2019, 16PA03218


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C...B...ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2008, ainsi que des intérêts de retard et des pénalités y afférents.

Par un jugement n° 1412568 en date du 12 juillet 2016, le Tribunal administratif de Paris a fait droit à leur demande et mis à la charge de l'État une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code d

e justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par un recours, enregistré le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C...B...ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2008, ainsi que des intérêts de retard et des pénalités y afférents.

Par un jugement n° 1412568 en date du 12 juillet 2016, le Tribunal administratif de Paris a fait droit à leur demande et mis à la charge de l'État une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par un recours, enregistré le 4 novembre 2016, et un mémoire enregistré le 1er mars 2017, le ministre de l'économie et des finances demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1er et 2 du jugement n° 1412568 du 12 juillet 2016 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rétablir M. et Mme B...au rôle de l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2008, à raison des droits et pénalités dont la décharge a été prononcée à tort par le tribunal.

Le ministre de l'économie et des finances soutient que, compte tenu de la nature des fonctions exercées par M. B... au sein du groupe Editis et du caractère peu risqué de l'investissement réalisé, c'est à tort que le tribunal a considéré que le gain résultant de la cession, le 20 mai 2008, des titres de la société Odyssée Management à la société Ofilux Finances était imposable selon le régime des plus-values de cession de valeurs mobilières prévu par l'article 150-0 A du code général des impôts.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 décembre 2016, M. et MmeB..., représentés par Me A..., demandent à la Cour de rejeter le recours du ministre de l'économie et des finances et de mettre à la charge de l'État une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. et Mme B...soutiennent que :

- les moyens soulevés par le ministre de l'économie et des finances ne sont pas fondés ;

- la proposition de rectification est complexe et peu intelligible ; elle comporte des erreurs ;

- les impositions auraient dû être établies au titre de l'année 2004, qui est atteinte par la prescription ;

- les pénalités pour manquement délibéré que leur a infligées le service ne sont pas suffisamment motivées et ne sont pas justifiées dès lors que leur intention d'éluder l'impôt n'est pas établie.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Poupineau ;

- et les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Wendel Investissement a acquis le 30 septembre 2004 le groupe Editis, second groupe d'édition français, qu'elle a revendu le 30 mai 2008 au groupe espagnol Planeta. Parallèlement, elle a mis en place des instruments juridiques et financiers visant à associer à cette opération certains de ses cadres dirigeants et des cadres dirigeants d'Editis, dont M. B..., afin de leur permettre d'appréhender, au travers de prises de participations, une partie du gain réalisé lors de la revente d'Editis en 2008. M. B... a ainsi acquis, le 20 octobre 2004, 37 500 actions de la société Odyssée Management pour un montant total de 75 000 euros, qu'il a revendues, le 20 mai 2008, à la société Ofilux Finances au prix de 1 212 746 euros. La plus-value correspondante, d'un montant de 1 137 746 euros, a été imposée selon le régime des plus-values de cession de valeurs mobilières prévu par les dispositions de l'article 150-0 A du code général des impôts. A la suite d'un contrôle sur pièces du dossier fiscal de M. et MmeB..., le service a considéré que le gain ainsi réalisé constituait, à concurrence de 60 % de son montant, un complément de salaire accordé à M. B...à raison des fonctions qu'il exerçait alors au sein du groupe Editis. Il a, en conséquence, taxé cette fraction du gain, s'élevant à la somme de 682 648 euros, dans la catégorie des traitements et salaires et mis en recouvrement une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu assortie des intérêts de retard et des pénalités pour manquement délibéré sur le fondement des dispositions du a) de l'article 1729 du code général des impôts. Le ministre de l'économie et des finances relève appel du jugement en date du 12 juillet 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris, faisant droit à la demande de M. et MmeB..., a prononcé la décharge de cette imposition et des pénalités correspondantes et mis à la charge de l'État la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur le motif de décharge retenu par les premiers juges :

2. Aux termes de l'article 79 du code général des impôts : " Les traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères concourent à la formation du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu. ". Aux termes de l'article 82 de ce code : " Pour la détermination des bases d'imposition, il est tenu compte du montant net des traitements, indemnités et émoluments, salaires, pensions et rentes viagères, ainsi que de tous les avantages en argent ou en nature accordés aux intéressés en sus des traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères proprement dits. (...) ". Aux termes du 1 du I de l'article 150-0 A du même code, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices non commerciaux et aux bénéfices agricoles ainsi que des articles 150 UB et 150 UC, les gains nets retirés des cessions à titre onéreux (...) de valeurs mobilières (...) sont soumis à l'impôt sur le revenu lorsque le montant de ces cessions excède, par foyer fiscal, (...) 25 000 euros pour l'imposition des revenus de l'année 2008 (...) ".

3. Ainsi qu'il a été dit au point 1, la société Wendel Investissement, qui a acquis le groupe Editis le 30 septembre 2004 et l'a revendu le 30 mai 2008 au groupe espagnol Planeta, a élaboré et mis en place des instruments juridiques et financiers pour associer à cette opération certains des cadres dirigeants d'Editis et leur permettre d'appréhender une partie du gain réalisé lors de cette revente. A cet effet, les cadres que la société Wendel Investissement a souhaité faire bénéficier de l'opération ont été regroupés au sein d'une société créée le 22 août 2004 et détenue indirectement par la société Wendel Investissement, la société Odyssée Management, dont ils ont pu acquérir, le 20 octobre 2004, 750 000 actions, représentant un peu plus de 60 % de son capital, au prix unitaire de deux euros, sans pour autant que la société Wendel Investissement n'en perde le contrôle, l'une de ses filiales, la société Ofilux Finances, détenant une action de classe B lui garantissant un droit de veto sur l'ensemble des décisions. Le même jour, la société Odyssée Management a acquis 43 750 actions de la société Odyssée 3, alors détenue indirectement par la société Wendel Investissement, auprès d'une autre filiale de cette société. A ces actions étaient attachés 87 500 bons de souscription d'actions (BSA) dits " Ratchet ". Chacun de ces bons permettait de souscrire une nouvelle action de la société Odyssée 3 à l'occasion de la revente du groupe Editis par le groupe Wendel, le nombre de bons pouvant être exercés dépendant du taux de rentabilité interne pour le groupe Wendel de l'opération d'achat et de revente du groupe Editis. Par ailleurs, la société Odyssée 3 a elle-même acquis en 2007 des BSA dits " Topco ", émis par la société Odyssée Holding, société mère des sociétés opérationnelles du groupe Editis. L'exercice de ces BSA " Topco " devait permettre à la société Odyssée 3, si l'opération d'achat et de revente du groupe Editis présentait pour le groupe Wendel un taux de rentabilité interne supérieur à 15 %, de détenir jusqu'à 49,94 % du capital de la société Odyssée Holding lors de sa cession. Le 20 mai 2008, les actions de la société Odyssée Management cédées aux cadres du groupe Editis ont été revendues à la société Ofilux Finances au prix unitaire de 32,34 euros. Conformément aux stipulations d'un pacte d'actionnaires conclu le 29 septembre 2004 entre les actionnaires de la société Odyssée Management, ce prix a été déterminé par transparence avec le prix de cession au groupe Planeta des actions de la société Odyssée 3, en tenant compte d'une participation de la société Odyssée Management au capital de la société Odyssée 3 résultant de l'exercice de l'ensemble des BSA " Ratchet ".

4. Le service a constaté que l'ensemble de ces instruments, et en particulier les modalités de détermination du prix de cession des 750 000 actions de la société Odyssée Management, permettaient aux propriétaires de ces actions de voir leur participation indirecte dans la société Odyssée 3 passer de 10 à 25 % et de réaliser lors de la cession de leurs titres, moins de quatre ans après leur acquisition et sur un marché mature, un gain de 1 517 %, sans commune mesure avec les sommes investies. Le service a considéré que ce gain procédait, pour partie, de la mise en place d'un mécanisme d'intéressement destiné à gratifier les cadres du groupe Editis pour leur implication dans la réalisation de l'opération de cession de leur groupe et qu'il constituait un complément de salaire, imposable dans la catégorie des traitements et salaires, à concurrence de 60 % de son montant, pourcentage correspondant à l'augmentation de la participation de la société Odyssée Management dans le capital de la société Odyssée 3.

5. Il résulte de l'instruction, et notamment du protocole d'accord conclu le 28 mai 2004 entre la société Wendel Investissement et le président de la société Editis Holding, que le groupe Wendel a souhaité gratifier certains cadres dirigeants du groupe Editis pour leur contribution et leurs efforts à la réussite de l'opération d'achat et de revente de ce groupe. A cette fin, le groupe Wendel a élaboré un mécanisme d'intéressement particulier devant permettre à quelques cadres spécialement sélectionnés, occupant des postes stratégiques pour le développement économique et financier du groupe d'édition et dont la liste figure à l'annexe B au protocole d'accord, de percevoir une partie du prix de cession de ce groupe en les regroupant au sein de la société Odyssée Management, conçue comme un véhicule d'intéressement. Ainsi, la souscription d'actions de la société Odyssée Management et, par suite, le bénéfice de ce mécanisme étaient subordonnés à la qualité de salarié ou de mandataire social du groupe Editis, les cadres intéressés ayant pris l'engagement, lors de l'acquisition de ces actions, de les revendre au groupe Wendel en cas de cessation de leurs fonctions, à un prix de cession dépendant du nombre d'années écoulées depuis leur acquisition, et donc de la durée de la contribution du cadre dirigeant à la valorisation du groupe Editis depuis 2004. Dans ces conditions, le gain réalisé par M. B..., qui exerçait les fonctions de directeur salarié de la société anonyme Sogedif, filiale de la société anonyme Editis, doit être regardé comme trouvant son origine dans les fonctions salariées qu'il exerçait au sein de ce groupe.

6. Le tribunal a cependant considéré que le gain en litige ne présentait pas le caractère d'un complément de salaire, dès lors qu'il avait nécessité un investissement préalable important et que cet investissement avait été aléatoire et risqué. Mais, ainsi qu'il a été dit au point 3, il résulte de l'instruction que les cadres dirigeants ont bénéficié de conditions très favorables lors de la souscription au capital de la société Odyssée Management puisqu'ils ont acquis les actions de cette société au prix unitaire de deux euros, prime d'émission comprise. L'acquisition des BSA " Ratchet " par la société Odyssée Management, pour un montant total de 2,4 millions d'euros, et celle des BSA " Topco " par la société Odyssée 3, pour un montant total de 16,5 millions d'euros, n'ont été financées que de façon très marginale par les cadres dirigeants du groupe d'Editis, les fonds résultant de leur entrée au capital de la société Odyssée Management ne s'élevant qu'à 1,6 million au débouclage de l'opération. Par ailleurs, l'exercice de ces BSA, qui a permis, lors du débouclage, d'augmenter la participation de la société Odyssée Management dans le capital de la société Odyssée 3 et celle de la société Odyssée 3 dans le capital de la société Odyssée Holding, a été réalisé, s'agissant des BSA " Ratchet ", grâce à un prêt consenti par le groupe Wendel, et, s'agissant des BSA " Topco ", grâce à un emprunt obligataire émis par la société Odyssée 3 et souscrit par le groupe Wendel. Ainsi, l'exercice des BSA " Ratchet " et " Topco ", qui a permis d'apprécier la valeur des titres de la société Odyssée Management, a été réalisé sans que les cadres associés de la société Odyssée Management n'aient à effectuer un quelconque investissement supplémentaire et à supporter l'éventuel risque lié à cet investissement.

7. Par ailleurs, il résulte des stipulations du pacte d'actionnaire conclu le 29 septembre 2004 entre les associés de la société Odyssée Management, d'une part, que les cadres dirigeants du groupe Editis bénéficiaient, en cas de cession de contrôle du groupe Editis, d'une garantie de rachat par le tiers cessionnaire ou par le groupe Wendel de leurs titres de la société Odyssée Management à un prix qui, conformément au pacte, devait être déterminé par transparence avec le prix de cession des actions de la société Odyssée 3, en tenant compte " du pourcentage du capital de Odyssée 3 détenu par Odyssée Management et du pourcentage du capital de Odyssée 3 que Odyssée Management [serait] en droit de souscrire de manière certaine au jour de la cession de contrôle par l'exercice des BSA Ratchet ". Ainsi, en cas de débouclage de l'opération d'achat et de revente du groupe Editis par cession de contrôle de ce groupe, les cadres intéressés, dont l'investissement s'était limité à l'acquisition d'actions de la société Odyssée Management au prix unitaire de deux euros, étaient assurés de voir ces mêmes titres rachetés au prix unitaire de cession de l'action de la société Odyssée 3. Compte tenu des caractéristiques et des sous-jacents respectifs des actions de la société Odyssée Management et des actions servant de référence à la fixation de leur prix de cession, les cadres intéressés étaient certains, dans cette hypothèse, de pouvoir céder leurs titres à un prix égal ou supérieur au montant de leur investissement initial, lequel n'était ainsi exposé à aucun risque de perte.

8. Il résulte également du pacte d'actionnaires, d'autre part, qu'en cas d'introduction en bourse de la société Odyssée 3 ou de la société Odyssée Holding, le groupe Wendel s'engageait à permettre l'absorption de la société Odyssée Management par la société dont les actions devaient être négociées sur le marché réglementé retenu, et ce, " de manière à permettre aux dirigeants de devenir actionnaires de cette société, préalablement ou lors de l'introduction ", cette fusion étant " effectuée avant l'exercice des BSA Ratchet et en les valorisant comme s'ils étaient exerçables, dans le respect de leurs modalités et notamment du nombre de BSA exerçables en fonction du TRI du Groupe Wendel ". Ainsi, en cas de débouclage de l'opération d'achat et de revente du groupe Editis par introduction en bourse de la société-mère de ce groupe, les cadres intéressés, actionnaires de la société Odyssée Management, devaient devenir actionnaires de cette société-mère. Compte tenu des caractéristiques et des sous-jacents respectifs des actions de la société Odyssée Management et des actions de la société-mère du groupe Editis, les cadres intéressés étaient dès lors assurés de pouvoir céder des titres liquides de cette dernière société à un prix égal ou supérieur au montant de leur investissement initial et, dans cette hypothèse également, de n'être exposés à aucun risque de perte de cet investissement.

9. Il résulte enfin de l'instruction, et notamment du pacte d'actionnaires, que l'investissement des cadres du groupe Editis était préservé dans l'attente du débouclage de l'opération d'achat et de revente de ce groupe par cession de contrôle ou introduction en bourse, selon les modalités ci-dessus rappelées, lesquelles, ainsi qu'il a été dit, garantissaient les cadres intéressés contre tout risque de perte de leur investissement initial, même en cas de perte de valeur du groupe Editis, alors que le ministre relève à cet égard, et à juste titre, que le groupe Editis, que le groupe Wendel n'avait acquis qu'en vue de sa revente à court terme, devait continuer à se développer rapidement entre 2004 et 2008 en procédant à l'acquisition de sept importantes maisons d'édition, le secteur de l'édition étant alors caractérisé par des perspectives plutôt favorables.

10. Il résulte de ce qui a été dit aux points 6 à 9 que les garanties élaborées et mises en oeuvre par le groupe Wendel pour sécuriser le mécanisme d'investissement proposé aux cadres dirigeants du groupe Editis ont permis à ces derniers de réaliser, sur une courte période, des gains substantiels avec des apports limités, sans supporter aucun risque d'investisseur, leur investissement initial étant en effet sécurisé en toutes hypothèses. Ainsi, en l'absence de risque, et alors que le gain en litige se rattache exclusivement aux fonctions exercées par M. B... au sein du groupe Editis, c'est à bon droit que le service a imposé 60 % de ce gain dans la catégorie des traitements et salaires. Le ministre est, dès lors, fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a considéré que cette partie du gain n'était pas imposable dans cette catégorie et qu'il a, pour ce motif, prononcé la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu mise à la charge de M. et Mme B... au titre de l'année 2008.

11. Toutefois, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme B...tant devant elle que devant le Tribunal administratif de Paris.

Sur les autres moyens soulevés par M. et MmeB... :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

12. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ".

13. Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations.

14. La proposition de rectification du 6 décembre 2011 adressée aux contribuables mentionne l'année d'imposition, les impositions concernées, la nature et le montant des rectifications envisagées. Elle expose les raisons pour lesquelles le service a considéré que le gain réalisé par M. B...lors de la cession le 20 mai 2008 de ses 37 500 actions de la société Odyssée Management à la société Ofilux Finances constituait, à concurrence de 60 % de son montant, un complément de salaire imposable dans la catégorie des traitements et salaires, ainsi que les modalités de calcul de ce pourcentage. M. et MmeB..., qui ne précisent pas la nature des erreurs qui entacheraient selon eux les mentions de cette proposition de rectification, disposaient d'éléments d'information précis et intelligibles leur permettant de contester utilement les impositions mises à leur charge, ce qu'ils ont d'ailleurs fait. Ils ne sont, dès lors, pas fondés à soutenir que la motivation de la proposition de rectification du 6 décembre 2011 ne répond pas aux exigences des dispositions précitées de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

15. En vertu de l'article 156 du code général des impôts, un revenu est imposable à l'impôt sur le revenu au titre de l'année au cours de laquelle le foyer fiscal en a eu la disposition.

16. Il résulte de l'instruction que l'administration a entendu imposer le gain réalisé par M. B... lors de la cession le 20 mai 2008 des titres de la société Odyssée Management à la société Ofilux Finances. Ce gain ayant été mis à la disposition de M. B...au cours de l'année 2008, c'est à bon droit que le service l'a imposé au titre de cette année dans la catégorie des traitements et salaires. Par suite, le moyen tiré de ce que l'administration aurait commis une erreur dans la détermination de l'année d'imposition qui serait couverte par la prescription doit être écarté.

En ce qui concerne les pénalités :

S'agissant de la procédure d'établissement des pénalités :

17. En premier lieu, aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable. Les sanctions fiscales ne peuvent être prononcées avant l'expiration d'un délai de trente jours à compter de la notification du document par lequel l'administration a fait connaître au contribuable ou redevable concerné la sanction qu'elle se propose d'appliquer, les motifs de celle-ci et la possibilité dont dispose l'intéressé de présenter dans ce délai ses observations ".

18. Il résulte de ces dispositions que l'administration a l'obligation, au moins trente jours avant la mise en recouvrement des pénalités visées par le second alinéa de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales, d'adresser au contribuable un document comportant la motivation des pénalités qu'elle envisage de lui appliquer et indiquant qu'il dispose d'un délai de trente jours pour présenter ses observations. Elle est tenue de renouveler cette formalité si, pour quelque motif que ce soit, elle modifie, avant leur mise en recouvrement, la base légale, la qualification ou les motifs des pénalités qu'elle se propose d'appliquer au contribuable.

19. La proposition de rectification du 6 décembre 2011 adressée aux époux B...vise, dans un paragraphe relatif aux pénalités, l'article 1729 du code général des impôts et indique le taux et le montant des pénalités exigibles. Elle précise que la majoration de 40 % prévue par ces dispositions a pour base le supplément d'impôt sur le revenu mis à la charge des contribuables au titre de l'année 2008 procédant de l'imposition dans la catégorie des traitements et salaires de la fraction du gain réalisé par M.B..., initialement déclaré en tant que plus-value de cession de valeurs mobilières, lors de la cession des titres qu'il détenait de la société Odyssée Management à la société Ofilux Finances. Elle expose également de façon détaillée les circonstances de fait sur lesquelles l'administration s'est fondée pour caractériser l'intention de M. B...d'éluder l'impôt en relevant que celui-ci, qui avait acquis 37 500 actions de la société Odyssée Management, véhicule d'investissement des cadres du groupe Editis, et signé le pacte d'actionnaires, ne pouvait ignorer qu'une fraction du gain constituait en réalité un complément de salaire et qu'elle devait être imposée dans la catégorie des traitements et salaires. Par ailleurs, le service a également rappelé le délai de 30 jours dont disposaient M. et Mme B...pour contester cette majoration. Enfin, le service a repris dans sa lettre du 26 décembre 2012, adressée en réponse aux observations des contribuables plus de 30 jours avant la mise en recouvrement des impositions en litige, les différents éléments établissant la connaissance qu'avait M. B...de la nature du mécanisme d'intéressement dont il avait bénéficié. Dans ces conditions, la proposition de rectification du 6 décembre 2011, ainsi que la lettre du 26 décembre 2012 doivent être regardées comme comportant l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la majoration appliquée par l'administration. Ainsi, cette majoration est, contrairement à ce que soutiennent M. et MmeB..., suffisamment motivée au regard des dispositions précitées de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales.

S'agissant du bien-fondé des pénalités :

20. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration. ".

21. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit au point 19, pour justifier l'application des pénalités pour manquement délibéré à la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu en litige, le service s'est fondé sur la circonstance que M. B...ne pouvait ignorer en sa qualité d'actionnaire de la société Odyssée Management, véhicule d'investissement des cadres du groupe Editis, et de signataire du pacte d'actionnaires, que l'investissement réalisé revêtait le caractère d'un intéressement salarial et que le gain de cession des titres de la société Odyssée Management constituait, dès lors, un complément de salaire imposable dans la catégorie des traitements et salaires. En se fondant sur ces éléments, l'administration doit être regardée comme établissant l'intention délibérée de M. et Mme B... de minorer l'impôt dont ils étaient redevables. Par suite, c'est à bon droit que le service a infligé aux contribuables la pénalité pour manquement délibéré sur le fondement du a) de l'article 1729 du code général des impôts. La circonstance invoquée qu'ils ont porté la totalité du gain dans la déclaration de revenus qu'ils ont souscrite au titre de l'année 2008 est sans incidence sur le bien-fondé de cette majoration, dès lors qu'ils ont volontairement déclaré en tant que plus-value de cession de valeurs mobilières un gain dont ils ne pouvaient ignorer qu'il avait la nature d'un complément de salaire relevant de la catégorie des traitements et salaires.

22. En second lieu, M. et Mme B...font valoir que la majoration pour manquement délibéré a été appliquée à l'ensemble des impositions dont ils étaient redevables, y compris aux impositions primitives établies conformément à leurs déclarations et dont ils se sont déjà acquittés. Toutefois, il résulte des mentions de la proposition de rectification du 6 décembre 2011 que seule la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu résultant de la rectification apportée à la taxation d'une fraction du gain de cession des titres de la société Odyssée Management initialement réalisée selon le régime des plus-values de cession de valeurs mobilières, a été assortie des pénalités prévues par l'article 1729 du code général des impôts. Par suite, le moyen tiré de l'existence d'une double imposition doit être écarté.

23. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie et des finances est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle M. et Mme B...ont été assujettis au titre de l'année 2008, ainsi que des intérêts de retard et des pénalités correspondantes.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

24. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

25. Les dispositions précitées font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que M. et Mme B...demandent au titre des frais qu'ils ont exposés.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1412568 du Tribunal administratif de Paris en date du 12 juillet 2016 est annulé.

Article 2 : La cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu ainsi que les intérêts de retard et les pénalités correspondants auxquels M. et Mme B...ont été assujettis au titre de l'année 2008 et dont la décharge a été prononcée par le Tribunal administratif de Paris sont remis à leur charge.

Article 3 : Les conclusions de M. et Mme B...présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics et à M. et Mme C...B....

Délibéré après l'audience du 29 mai 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- Mme Poupineau, président assesseur,

- M. Doré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 juin 2019.

Le rapporteur,

V. POUPINEAULe président,

S.-L. FORMERY

Le greffier,

C. RENÉ-MINE

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA03218


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA03218
Date de la décision : 27/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-07 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Traitements, salaires et rentes viagères.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: Mme Valérie POUPINEAU
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : BEER

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-06-27;16pa03218 ?
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