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27/06/2019 | FRANCE | N°18PA00695

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 27 juin 2019, 18PA00695


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...C...et Mme E...C...ont demandé au Tribunal administratif de Melun la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 et 2012.

Par un jugement n° 1508793-7 du 28 décembre 2017, le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 27 février 2018, le 6 septembre 2018, le 24 décembre 2018, le 21

janvier 2019 et le 21 février 2019, M. et MmeC..., représentés par la Selarl Caliste Avocats, d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...C...et Mme E...C...ont demandé au Tribunal administratif de Melun la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 et 2012.

Par un jugement n° 1508793-7 du 28 décembre 2017, le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 27 février 2018, le 6 septembre 2018, le 24 décembre 2018, le 21 janvier 2019 et le 21 février 2019, M. et MmeC..., représentés par la Selarl Caliste Avocats, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1508793-7 du 28 décembre 2017 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes pour un montant total de 55 190 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée en méconnaissance des dispositions des articles L. 57 du livre des procédures fiscales dès lors que la proposition adressée à la société Royal Saveurs, à laquelle renvoie la proposition de rectification qui leur a été adressée, ne précise pas la méthode retenue pour fixer un loyer normal de 3 000 euros et ne motive pas le taux de rentabilité de 10 % retenu ; la motivation contenue dans la réponse aux observations du contribuable ne permet pas de régulariser la motivation de la proposition de rectification dès lors qu'elle est tardive et était elle-même insuffisante ; cette insuffisance de motivation constitue une erreur substantielle au sens de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales ; le principe d'indépendance des procédures ne leur est pas opposable dès lors que la proposition de rectification adressée aux époux C...est motivée par référence à celle adressée à la société Royal Saveurs ;

- en conséquence de cette irrégularité de la procédure d'imposition, la prescription est acquise ;

- l'administration a méconnu le principe de non-immixtion dans la gestion de l'entreprise en retenant que la SAS Royal Saveurs n'aurait pas dû souscrire le bail à construction ;

- l'administration, qui a la charge de la preuve, n'établit pas l'existence d'un acte anormal de gestion ; les critères tirés du prix d'achat du terrain et d'un " taux normal de rentabilité " fixé à 10 % du prix d'achat du terrain ne sont pas pertinents pour déterminer le loyer normal qui devait être fixé par rapport à la valeur locative objective ; les méthodes de valorisation retenues par le service sont viciées dans leur principe ;

- ils établissent le caractère normal du loyer par deux rapports d'expertise fondés sur la valeur locative objective du terrain ; il n'y a pas eu d'acte anormal de gestion en leur faveur, dès lors que la société Royal Saveurs a bénéficié du bail à construction, dont la conclusion répondait à ses intérêts ;

- le service vérificateur ne justifie pas que M. C...a bénéficié d'une distribution de revenus dès lors que ce n'est pas lui qui détient directement la société Royal Saveurs mais la société Agrofinance et qu'il n'était pas le maître de l'affaire ;

- l'administration avait pris une position formelle qui lui est opposable lors d'un précédent contrôle fiscal ;

- la majoration de 25 % prévue à l'article 158-7-2° du code général des impôts n'est pas applicable aux prélèvements sociaux sur les distributions occultes ; le service a commis une erreur s'agissant du calcul des dégrèvements accordé en cours d'instance au titre de cette majoration en ce qu'il n'a dégrevé qu'à hauteur de 2 693 euros au lieu de 13 488 euros ;

- les pénalités de 40 % pour manquement délibéré sont infondées ; l'administration n'apporte pas la preuve du caractère délibéré des manquements et ils étaient de bonne foi.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 1er août 2018, le 5 novembre 2018, le 7 février 2019 et le 4 mars 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête de M. et Mme C...à hauteur du montant des dégrèvements prononcés en cours d'instance et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il soutient que :

- il a procédé au dégrèvement partiel des compléments de contributions sociales à hauteur de 2 693 euros par avis de dégrèvement du 20 août 2018 ; il a porté ce dégrèvement à la somme totale de 13 488 euros par un dégrèvement partiel complémentaire de 10 774 euros par avis de dégrèvement du 23 octobre 2018 ;

- les moyens pris de l'insuffisance de motivation de la proposition de rectification adressée à la société Royal Saveurs sans inopérants en raison du principe d'indépendance des procédures ;

- le Tribunal administratif de Toulouse par son jugement du 24 juillet 2018, a également jugé que l'administration avait établi l'existence d'un avantage sans contrepartie réelle au profit de la société Moureous ;

- l'administration a établi l'existence de distributions effectuées au profit de M. C...par la facturation par la SCI Moureous relevant du régime de l'article 8 du code général des impôts d'un loyer anormalement élevé à la société Royal Saveurs, laquelle constituait un avantage occulte consenti à la SCI Moureous imposable au nom de M.C..., à proportion de ses droits dans celle-ci ; les avantages consentis à une société de personnes doivent être regardés comme appréhendés par les associés de cette société ; c'est donc à bon droit que l'administration fiscale a considéré M. C...comme bénéficiaire de 50 % des sommes regardées comme distribuées au sens du 1° du 1. de l'article 109 du code général des impôts ;

- subsidiairement, il est demandé d'opérer par une substitution de base légale le maintien des impositions sur le fondement de l'article 111, c du code général des impôts au titre d'avantage occulte ;

- les autres moyens soulevés par M. et Mme C...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Notarianni,

- les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public,

- et les observations de Me B...et de MeF..., avocats de M. et MmeC....

Considérant ce qui suit :

1. La société civile immobilière (SCI) Moureous, dont M. C...est gérant et associé, a acquis les 29 novembre et 7 décembre 2002 des terrains sur le territoire de la commune de Marignac (Tarn-et-Garonne) d'une superficie de 45 696 m² pour un prix de 33 124 euros. Par acte notarié du 10 juillet 2003, les terrains en cause ont fait l'objet d'un bail à construction d'une durée de vingt ans, prolongée de dix ans en 2011, au profit de la société par actions simplifiée (SAS) Royal Saveurs, qui exerce une activité d'achat, de tri, de conditionnement et de vente d'ail, d'oignons et d'échalotes, située à Marignac (Tarn-et-Garonne) et dont le capital est détenu par la société anonyme holding Agrofinance dont M. C...est associé à hauteur de 50 %, aux termes duquel la SAS Royal Saveurs s'engageait à édifier sur le terrain loué un bâtiment à usage d'entrepôts, de conditionnement et de locaux et à verser à la SCI propriétaire un loyer annuel de 6 000 euros hors taxes pendant les huit premières années et 240 000 euros hors taxes pendant les douze suivantes. La SAS Royal Saveurs a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012 à l'issue de laquelle l'administration a estimé que le loyer annuel versé par la SAS Royal Saveurs en exécution du bail à construction conclu le 10 juillet 2003 avec la SCI Le Moureous était excessif pour la part excédant 3 000 euros par an et constituait un acte anormal de gestion. En conséquence de cette vérification de comptabilité, M. et Mme C...ont fait l'objet d'un contrôle sur pièces au titre des mêmes années, à l'issue duquel l'administration a considéré que les revenus fonciers qu'ils avaient déclarés correspondant à la part de M. C...dans les bénéfices de la SCI Moureous avaient la nature de revenus distribués au sens du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. Ils relèvent appel du jugement du 28 décembre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises en conséquence à leur charge au titre des années 2011 et 2012.

Sur l'étendue du litige :

2. Par décisions des 20 août 2018 et 23 octobre 2018, postérieures à l'introduction de la requête, le ministre de l'action et des comptes publics a prononcé le dégrèvement, en droits et pénalités, pour un montant total de 13 488 euros, des compléments de contributions sociales auxquelles M. et Mme C...ont été assujettis au titre des années 2011 et 2012. Les conclusions de la requête relatives à ces impositions sont, dans cette mesure, devenues sans objet.

Sur le fond du litige :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

3. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations et que la précision de la réponse de l'administration aux observations du contribuable doit être proportionnelle à la précision de ces observations. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs.

4. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 31 juillet 2014 adressée à la SAS Royal Saveurs, à la motivation de laquelle renvoie la proposition de rectification adressée à M. et MmeC..., mentionne clairement le montant en base des redressements envisagés, les années d'imposition, la nature des rectifications opérées, les motifs de fait et de droit de ces rectifications ainsi que leurs conséquences financières. Notamment, s'agissant des critères de fixation du loyer regardé comme normal par le service, elle indique que, pour déterminer la part excessive des loyers à réintégrer dans les résultats de la société, faute de trouver des transactions comparables, le service a évalué la valeur locative du terrain en utilisant la méthode fondée sur la rentabilité de l'investissement réalisé par le bailleur et a retenu un loyer de 3 000 euros par an correspondant à un taux de rendement de 10 % de l'investissement initial de la SCI Moureous par référence au taux d'emprunt de la banque de France pour une durée de 10 et 30 ans à la date de signature du contrat. Elle est ainsi suffisamment précise et détaillée pour être régulière au regard des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales.

5. En second lieu, en vertu du principe d'indépendance des procédures, les moyens relatifs à la régularité de la procédure d'imposition suivie à l'encontre d'une société soumise au régime d'imposition des sociétés de capitaux étant sans influence sur les impositions personnelles mises à la charge des bénéficiaires des revenus de capitaux mobiliers distribués par cette société, les requérants ne peuvent en tout état de cause utilement critiquer la motivation de la réponse du 17 octobre 2014 aux observations de la société Royal Saveurs, les motifs de cette réponse n'étant pas inclus dans la motivation par référence de la proposition de rectification en date du 31 juillet 2014 qui leur a été adressée.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

S'agissant du moyen tiré de la prescription du délai de reprise :

6. Aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due (...) ". M. et Mme C...soutiennent que le délai de reprise était expiré par suite de l'irrégularité de la procédure d'imposition du fait de l'irrégularité de la motivation de la proposition de rectification. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit au point 4 que leur moyen doit être écarté comme manquant en fait.

S'agissant des revenus distribués :

S'agissant de la qualité de bénéficiaires de distributions :

7. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ". Les avantages consentis à une société de personnes doivent être regardés comme appréhendés par les associés de celle-ci.

8. Il est constant que les loyers en litige ont été versés par la société Royal Saveurs à la SCI Moureous, société relevant de l'article 8 du code général des impôts, et que M. C... était associé à hauteur de 50 % des parts de cette société au cours des années en litige. Dans ces conditions, dans l'hypothèse où l'administration établit l'existence de revenus distribués, ceux-ci peuvent être imposés entre les mains de M. C...dès lors qu'il a bénéficié par l'intermédiaire de la SCI Moureous du versement des loyers acquittés par la société Royal Saveurs. Par ailleurs, si les requérants font valoir que la société Royal Saveurs était détenue par la SAS Agrofinance, ils ne contestent pas que celle-ci était une société holding détenue à hauteur de 50 % des parts par M. C..., Dans ces conditions, les relations unissant les sociétés Royal Saveurs et Moureous emportent présomption d'intention libérale.

S'agissant de l'existence des revenus distribués :

9. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : "1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ". Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt. Il appartient, en règle générale, à l'administration, qui n'a pas à se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par une entreprise, d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour invoquer ce caractère anormal. C'est au regard du seul intérêt propre de l'entreprise que l'administration doit apprécier si les opérations litigieuses correspondent à des actes relevant d'une gestion commerciale normale.

10. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 251-1 du code de la construction et de l'habitation : " Constitue un bail à construction le bail par lequel le preneur s'engage, à titre principal, à édifier des constructions sur le terrain du bailleur et à les conserver en bon état d'entretien pendant toute la durée du bail (...) " et aux termes de l'article L. 251-5 du même code : " (...) S'il est stipulé un loyer périodique payable en espèces, ce loyer est affecté d'un coefficient révisable par périodes triennales comptées à partir de l'achèvement des travaux. Toutefois, la première révision a lieu au plus tard dès l'expiration des six premières années du bail. La variation du coefficient est proportionnelle à celle du revenu brut des immeubles. Le revenu pris pour base de la variation du coefficient est celui de la première année civile qui suit celle de l'achèvement des travaux (...) ".

11. L'administration a considéré que la SAS Royal Saveurs avait payé à la SCI Moureous un loyer excessif au titre des années 2011 et 2012 et que, dès lors que la SCI est indirectement détenue par les mêmes associés que ceux de la SAS, M. C...avait bénéficié à hauteur de sa participation dans la SCI de distributions provenant de la SAS. M. et Mme C...n'ayant pas accepté les rectifications, qui leur ont été notifiées selon la procédure de rectification contradictoire et qui découlent du rattachement à leur revenu global des avantages consentis par la SAS Royal Saveurs à la SCI Moureous regardés comme distribués, il appartient à l'administration de prouver l'existence de revenus distribués et le montant des sommes distribuées aux contribuables.

12. Pour justifier d'un appauvrissement de la SAS Royal Saveurs, l'administration fait valoir que la SAS Royal Saveurs a, en vertu du bail à construction signé le 10 juillet 2003 avec la SCI Moureous, dont M. C...était associé à hauteur de 50 % des parts, édifié des constructions, dont la propriété doit revenir sans indemnité à la SCI à l'expiration du bail à construction, pour un coût de 1 706 456 euros, que, pour financer ces constructions, la SAS Royal Saveurs a versé 500 000 euros d'intérêts d'emprunt, que le montant de la taxe foncière est remboursé par la SAS à la SCI, que, sur les trente années du bail à construction, la SAS versera 5 501 477 euros de loyers et qu'à l'issue du bail à construction, la SAS aura ainsi supporté un coût supérieur à huit millions d'euros pour l'utilisation de bâtiments dont la propriété reviendra à la SCI Moureous qui n'a investi que 33 124 euros lors de l'achat de ces terrains et qui n'a supporté au cours de cette opération aucune charge ni aucun risque. A cet égard, ni le fait que la société Moureous tire de l'opération un bénéfice particulièrement important au regard de la faiblesse de son propre investissement, ni - au moins en ce qui concerne les années d'imposition en litige - le fait que les constructions édifiées reviendront en fin de bail à la société Moureous, ne suffisent à établir que la société Royal Saveurs se serait pour sa part appauvrie au cours des années 2011 et 2012. En revanche, l'administration fait notamment valoir, ce qui est au demeurant constant, que la société Royal Saveurs a versé en exécution du bail à construction à la SCI Moureous au cours de chacune des années en litige des loyers pour un montant annuel équivalent à huit fois le montant versé pour l'acquisition des terrains par la société bailleresse moins d'un an avant la signature du bail à construction. Dans ces conditions, elle apporte suffisamment, en se prévalant du montant exagéré des loyers par rapport au prix versé à des tiers pour l'achat du terrain peu avant la signature du bail à construction, la preuve à sa charge d'un appauvrissement au moins apparent de la société Royal Saveurs. Il incombe dans ces conditions aux requérants de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer, comme ils le soutiennent, que cet appauvrissement apparent ne correspondait pas à la réalité des faits ou qu'il n'était pas étranger aux intérêts de la société Royal Saveurs.

13. A cet égard, M. et Mme C...font valoir que l'opération ayant consisté à faire acquérir les terrains par la SCI Moureous, constituée à cette fin par M C...et M. A...qui détenaient indirectement la SAS Royal Saveurs, pour les donner en bail à construction à la SAS Royal Saveurs est intervenue dans l'intérêt de la SAS Royal Saveurs dès lors que le montage immobilier ainsi mis en place avait été la condition pour cette socété, qui n'avait alors que trois années d'existence, d'obtention du prêt bancaire de 1 400 000 euros qui lui a permis de faire construire les locaux et équipements nécessaires à son exploitation au lieu le plus adapté pour cette exploitation, ce montage assurant à l'établissement bancaire prêteur de garantir le remboursement du prêt en faisant échapper les bâtiments à construire aux éventuels autres créanciers de la SAS Royal Saveurs par leur entrée dans le patrimoine des associés de la SCI, garants personnels du prêt de la SAS. Les explications ainsi avancées, si elles sont de nature à justifier que le montage immobilier a été mis en place dans l'intérêt de la société Royal Saveurs, dans le cadre d'un choix de gestion dont l'opportunité ne peut être remise en cause par l'administration, ne permettent pas de justifier que le montant particulièrement important des loyers litigieux au regard de la valeur vénale de ces terrains, telle qu'elle résultait de leur prix d'achat dans un temps proche de la signature du bail, n'était pas contraire à l'intérêt de cette société. De même, la circonstance que le coût des loyers du bail à construction serait plus favorable à la société Royal Saveurs qu'un autre choix de gestion ne permet pas d'écarter le caractère d'acte anormal de gestion qui résulterait du versement de loyers excessifs au regard de la valeur locative objective de ces terrains.

14. En revanche, les requérants contestent sérieusement la réalité, et en tout état de cause l'importance, de l'appauvrissement qu'aurait subi la société Royal Saveurs en faisant valoir que la valeur locative objective des terrains à la date de la signature du bail à construction était très supérieure à leur prix d'achat par la SCI Moureous fin 2002 dès lors notamment qu'ils se prévalent d'un rapport d'expertise en date du 16 janvier 2015 rédigé par un expert judiciaire nommé par ordonnance du président du tribunal de commerce de Montauban, qui conclut au caractère normal du loyer versé, et qu'il résulte des termes de ce rapport que les terrains litigieux auraient été acquis à un prix proche de celui des terrains agricoles alors qu'il résulte de l'instruction que le permis de construire les bâtiments prévus par le bail à construction a été obtenu en 2002 avant l'acquisition des terrains en cause et a fortiori la signature du bail. Toutefois, l'état du dossier ne permet pas à la Cour d'apprécier la valeur locative des terrains à la date de signature du bail à construction, dès lors que les conclusions de cette expertise reposent sur des éléments insuffisamment précis et probants en ce qui concerne notamment le caractère normal du prix acquitté fin 2002 par la SCI Moureous au regard du prix du marché de terrains bénéficiant d'un permis de construire tel que celui accordé à la société Royal Saveurs ainsi qu'en ce qui concerne la valeur locative des terrains en cause dans le cadre d'un bail à construction. Dès lors, il y a lieu, avant de statuer sur la requête de M. et Mme C..., d'ordonner sur ces points une expertise répondant aux conditions prévues à l'article R. 621-1 du code de justice administrative, aux termes duquel : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision. L'expert peut se voir confier une mission de médiation. Il peut également prendre l'initiative, avec l'accord des parties, d'une telle médiation. Si une médiation est engagée, il en informe la juridiction. Sous réserve des exceptions prévues par l'article L. 213-2, l'expert remet son rapport d'expertise sans pouvoir faire état, sauf accord des parties, des constatations et déclarations ayant eu lieu durant la médiation".

D É C I D E :

Article 1er : A hauteur des dégrèvements intervenus en cours d'instance, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête.

Article 2 : Il sera, avant de statuer sur le surplus des conclusions de la requête de M. et MmeC..., procédé à une expertise par un expert, désigné par le président de la Cour, avec mission :

1°) de prendre connaissance des documents relatifs à l'acquisition des terrains par la SCI Moureous, du bail à construction, du permis de construire obtenu par la société Royal Saveurs, des règles d'urbanisme applicables aux terrains en cause à la date d'acquisition par la SCI Moureous et à la date de signature du bail et de se faire remettre tous autres documents utiles à sa mission.

2°) de convoquer et entendre les parties et tous sachants ;

3°) de réunir tous les éléments permettant de déterminer la valeur locative objective des terrains litigieux à la date de la signature du bail à construction, en précisant notamment, à cette fin, la valeur vénale objective de ces terrains à la date de leur acquisition par la SCI Moureous et à la date de la signature du bail à construction ainsi que les règles d'urbanisme applicables à ces terrains à ces dates ;

4°) Avec l'accord des parties, l'expert pourra assurer une mission de médiation afin de leur permettre de trouver un accord sur le montant normal des loyers annuels du bail à construction au regard de la valeur locative des terrains à la date de signature du bail à construction.

5°) de déposer un pré-rapport afin de permettre aux parties de faire valoir contradictoirement leurs observations préalablement au dépôt du rapport définitif.

Article 3 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il prêtera serment par écrit devant le greffier en chef de la Cour.

L'expert déposera son rapport au greffe de la Cour en deux exemplaires dans le délai fixé par le président de la Cour. Des copies seront notifiées par l'expert aux parties intéressées. Avec leur accord, cette notification pourra s'opérer sous forme électronique. L'expert justifiera auprès de la cour de la date de réception de leur rapport par les parties.

Dans le cas où l'expert conduirait une mission de médiation, son rapport ne doit pas rendre compte des constatations et déclarations recueillies dans le cadre de cet office, sauf accord des parties.

Dans le cas où la médiation aura donné lieu à un accord entre les parties, son rapport peut se borner, après avoir indiqué les diligences qu'il a effectuées, à rendre compte de cet accord, en y joignant, si les parties ne s'y opposent pas, la transaction qu'elles auront, le cas échéant, conclue et en précisant si cet accord règle l'attribution de la charge des frais d'expertise.

Article 4 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.

Article 5 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...C..., à Mme E...C...et au ministre des comptes et de l'action publics.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (pôle fiscal parisien 1).

Délibéré après l'audience du 29 mai 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- M. Dalle, président assesseur,

- Mme Notarianni, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 27 juin 2019.

Le rapporteur,

L. NOTARIANNI

Le président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA00695


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA00695
Date de la décision : 27/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Détermination du bénéfice net - Acte anormal de gestion.

Procédure - Instruction - Moyens d'investigation - Expertise - Recours à l'expertise.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Laurence NOTARIANNI
Rapporteur public ?: Mme MIELNIK-MEDDAH
Avocat(s) : RIGHI

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-06-27;18pa00695 ?
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