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16/10/2019 | FRANCE | N°18PA20571

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 16 octobre 2019, 18PA20571


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au Tribunal administratif de la Guyane de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre des années 2008, 2009 et 2010.

Par un jugement n° 1500662 du 24 novembre 2017, le Tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 février 2018 au greffe de la Cour administrative d'appel de Bordeaux et transmise à la Cour administrative d'appel de

Paris par le Président de la section du contentieux du Conseil d'Etat en application des disp...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au Tribunal administratif de la Guyane de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre des années 2008, 2009 et 2010.

Par un jugement n° 1500662 du 24 novembre 2017, le Tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 février 2018 au greffe de la Cour administrative d'appel de Bordeaux et transmise à la Cour administrative d'appel de Paris par le Président de la section du contentieux du Conseil d'Etat en application des dispositions de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, M. D..., représenté par Me E... A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de la Guyane du

24 novembre 2017 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;

Il soutient :

- aucun avis de vérification ni aucune proposition de rectification ne lui ont été envoyés en ce qui concerne l'année 2008 ; le principe du caractère contradictoire de la procédure a été méconnu ;

- le tribunal administratif a éludé cette question ;

- la mise en oeuvre de la " règle du double " aurait dû prendre en compte le principe de la balance de trésorerie ;

- le différentiel entre les revenus déclarés et les crédits restant à justifier interdit le recours à la " règle du double " ;

- l'instruction administrative BOI-CF-40-20-20120912 prévoit le recours à une balance de trésorerie ;

- les apports espèces sont justifiés par des retraits espèces ;

- certaines opérations trouvent leur origine dans des opérations comptables issues des comptes sociaux ;

- les conséquences du contrôle fiscal des sociétés tierces n'ont pas fait l'objet d'une procédure distincte et n'ont pas fait l'objet d'une procédure contradictoire indépendante ;

- les montants de revenus fonciers sont insuffisamment motivés ;

- la motivation des rehaussements en matière de revenus de capitaux mobiliers est insuffisante ;

- l'intégration des résultats de la vérification de sociétés entraine l'accroissement artificiel des résultats de la balance de trésorerie ;

- les pénalités ont été appliquées abusivement ;

- les avis d'imposition sont irréguliers en tant qu'ils portent une mention d'exigibilité immédiate.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 août 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de M. D... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 17 avril 2019 la clôture de l'instruction a été fixée

au 2 mai 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... relève appel du jugement du 24 novembre 2017 par lequel le Tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre des années 2008, 2009 et 2010.

Sur la régularité du jugement :

2. Le requérant a fait valoir devant les premiers juges que les impositions établies au titre de l'année 2008 n'avaient fait l'objet d'aucun avis de vérification ni d'aucune proposition de rectification. Le moyen tiré de l'absence de proposition de rectification n'était pas inopérant. Les premiers juges étaient tenus d'y répondre, ce qu'ils n'ont pas fait. Il y a en conséquence lieu d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il a statué sur les conclusions tendant la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à la charge de M. D... au titre de l'année 2008, de statuer sur ces conclusions par la voie de l'évocation, et de statuer sur le surplus des conclusions par l'effet dévolutif de l'appel.

Sur la procédure d'imposition :

En ce qui concerne l'année 2008 :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu, une vérification de comptabilité ou un examen de comptabilité ne peut être engagé sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification ou par l'envoi d'un avis d'examen de comptabilité ". Il résulte de l'instruction que les impositions assignées à M. D... au titre de l'année 2008 procèdent d'un contrôle sur pièces de son dossier effectué suite au contrôle opéré à l'encontre de la société Clean Service Auto et non d'opérations d'examen de la situation fiscale personnelle de l'intéressé. Le moyen tiré de ce que M. D... n'avait pas reçu d'avis préalablement à l'engagement de la procédure de rectification dont il a fait l'objet au titre de l'année 2008 est par suite inopérant.

4. En deuxième lieu et contrairement à ce qui est soutenu, les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à la charge de M. D... au titre de l'année 2008 l'ont été suite à l'envoi d'une proposition de rectification en date du 7 décembre 2011 à M. D..., qui doit être regardé comme en ayant reçu notification le 18 décembre 2011, date de présentation du pli qu'il n'a pas retiré au bureau de poste, alors qu'il avait, comme cela ressort des mentions figurant sur la copie de l'enveloppe produite par l'administration, été avisé par le dépôt d'un avis d'instance. Le moyen tiré de ce que des cotisations supplémentaires ont été établies au titre de ladite année sans procédure préalable de rectification ne peut par suite qu'être écarté, de même que celui tiré de ce qu'en conséquence, le principe du caractère contradictoire de la procédure aurait été méconnu.

En ce qui concerne les années 2009 et 2010 :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales :

" En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. (...) Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés. (...) ". Aux termes de l'article L. 69 du même livre :

" Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16 ".

6. Il résulte de l'instruction que le vérificateur a constaté d'importantes discordances entre les montants de revenu brut global déclarés par M. D..., à savoir 14 231 euros pour 2009 et 23 980 euros pour 2010, et le montant des sommes versées à ses comptes bancaires, soit 83 590,18 euros pour 2009 et 55 645,55 euros pour 2010. Contrairement à ce que soutient M. D..., et alors même que certains crédits seraient des remises en espèces et que des retraits espèces pouvaient être constatés par ailleurs sur les comptes dont disposait l'intéressé, la seule existence de ces discordances entre les crédits bancaires constatés et les revenus déclarés au titre des années en cause était suffisante pour permettre à l'administration d'établir que le contribuable pouvait avoir des revenus supérieurs à ceux déclarés, d'engager la procédure prévue par les dispositions précitées de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales et d'interroger l'intéressé sur l'origine et la nature de ces crédits bancaires. Le montant des crédits bancaires ayant été retenu pour la mise en oeuvre de ces dispositions, le moyen tiré de ce que l'intégration des résultats de la vérification de sociétés entraine l'accroissement artificiel des résultats de la balance de trésorerie est en tout état de cause inopérant. Enfin, aucune obligation législative ou réglementaire ne pesant sur l'administration à cet égard, M. D... ne saurait valablement soutenir qu'il incombait au vérificateur d'établir une balance de trésorerie avant de l'interroger sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales.

7. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que M. D... a également fait l'objet d'un rehaussement dans la catégorie des revenus fonciers sur la base des sommes inscrites à son compte courant ouvert dans la comptabilité de la société Technicauto en échange de la mise à disposition d'un local par l'intéressé, et d'un rehaussement dans la catégorie des revenus distribués sur la base des bénéfices présumés distribués par la société Clean service auto. Ces rehaussements ont été notifiés à l'intéressé selon la procédure de rectification contradictoire, par une proposition de rectification du 12 novembre 2012, motivée conformément aux dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, qui comporte la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et qui énonce les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile. La proposition de rectification du 12 novembre 2012 était en outre accompagnée de la proposition de rectification du 17 février 2012 et de la réponse aux observations du contribuable

du 23 mars 2012 adressées à la société Clean service auto. En se bornant à faire valoir, sans plus de précisions, que les conséquences du contrôle fiscal des sociétés tierces n'ont pas fait l'objet d'une procédure distincte et n'ont pas fait l'objet d'une procédure contradictoire, que les montants de revenus fonciers sont insuffisamment motivés et que la motivation des rehaussements en matière de revenus de capitaux mobiliers est insuffisante, sans préciser les règles qui auraient été méconnues ou la nature des insuffisances invoquées, le requérant ne met pas la Cour en mesure d'identifier les irrégularités affectant la procédure d'imposition.

8. Enfin, M. D... ne saurait utilement se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du contenu de l'instruction administrative BOI-CF-40-20-20120912 qui est relatif à la procédure d'imposition.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

9. M. D... ayant été régulièrement taxé d'office sur ses revenus d'origine indéterminée sur le fondement de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve de l'exagération des impositions qu'il conteste lui incombe en application des dispositions de l'article L. 193 du même livre.

10. Si M. D... soutient qu'il convient de prendre en compte pour expliquer l'origine et la nature des dépôts en espèces sur ses comptes bancaires, les retraits en espèces et les retraits effectués dans les comptes courants dont il disposait dans la comptabilité de sociétés, il ne produit aucun document permettant d'effectuer le recoupement entre les dates et les montants des crédits bancaires dont s'agit et les retraits dont il se prévaut. En outre, le moyen est en tout état de cause inopérant, le requérant n'ayant pas été taxé dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée sur ses dépôts en espèces, lesquels ont été inclus dans les sommes imposées dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, mais sur ses remises de chèques. La Cour ne trouve au dossier aucune pièce permettant d'établir l'origine et la nature des sommes correspondant aux remises de chèques seules en litige.

11. M. D... n'ayant pas été imposé sur le solde d'une balance de trésorerie, le moyen tiré de ce que l'intégration dans ses revenus des résultats de la vérification de sociétés entraine l'accroissement artificiel des résultats de la balance de trésorerie est en tout état de cause inopérant.

Sur les vices affectant l'avis d'imposition :

12. Les vices affectant l'avis d'imposition sont sans influence tant sur la régularité de la procédure d'imposition que sur le bien-fondé de l'imposition. En outre, les irrégularités affectant la procédure de recouvrement sont sans portée dans le présent litige, qui est relatif à l'assiette de l'impôt. M. D... ne saurait en conséquence utilement faire valoir que les avis d'imposition sont irréguliers en tant qu'ils portent une mention d'exigibilité immédiate.

Sur les pénalités :

13. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts: " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ". Il résulte de ces dispositions que la pénalité pour manquement délibéré a pour seul objet de sanctionner la méconnaissance délibérée par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir le caractère délibéré du manquement, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt. Pour établir le caractère intentionnel du manquement du contribuable à son obligation déclarative, l'administration doit se placer au moment de la déclaration ou de la présentation de l'acte comportant l'indication des éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt.

14. En se bornant à se prévaloir de ce que le requérant ne peut ignorer l'origine et la nature des remises de chèques taxées dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée, et à invoquer l'absence d'explications fournies à cet égard par le requérant au cours du contrôle, l'administration n'établit pas le caractère intentionnel du manquement du contribuable à son obligation déclarative.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... est seulement fondé à obtenir la décharge des pénalités pour manquement délibéré dont ont été assorties les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu établies au titre des années 2009 et 2010 sur les crédits bancaires taxés dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée. Pour le surplus, il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat une somme sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1500662 du 24 novembre 2017 du Tribunal administratif de la Guyane est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à la charge de M. D... au titre de l'année 2008.

Article 2 : Les conclusions de M. D... tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre de l'année 2008 sont rejetées.

Article 3 : M. D... est déchargé des pénalités pour manquement délibéré dont ont été assorties les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu établies au titre des années 2009 et 2010 sur les crédits bancaires taxés dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D... est rejeté.

Article 5 : Le jugement n° 1500662 du 24 novembre 2017 du Tribunal administratif de la Guyane est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt en tant qu'il a statué sur les conclusions en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à la charge

de M. D... au titre des années 2009 et 2010.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal

Sud-Ouest.

Délibéré après l'audience du 2 octobre 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Appèche, président,

- M. C..., premier conseiller,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Lu en audience publique le 16 octobre 2019.

Le rapporteur,

F. C...Le président assesseur,

En application de l'article R. 222-26 du code

de justice administrative,

S. APPECHE

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

2

N° 18PA20571


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA20571
Date de la décision : 16/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme APPECHE
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : CABINET BAUR JEAN-PHILIPPE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-10-16;18pa20571 ?
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