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10/12/2019 | FRANCE | N°17PA23495

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 10 décembre 2019, 17PA23495


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des marchés publics ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,

- et les observations de Me A... pour la Communauté intercommunale des villes solidaires.

Une note en délib

ré, enregistrée le 27 novembre 2019, a été présentée par Me D..., pour la Communauté intercommunale des villes solidaires.

Cons...

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des marchés publics ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,

- et les observations de Me A... pour la Communauté intercommunale des villes solidaires.

Une note en délibéré, enregistrée le 27 novembre 2019, a été présentée par Me D..., pour la Communauté intercommunale des villes solidaires.

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte d'engagement signé le 15 juillet 2004, le syndicat mixte de coopération du sud (SMCS), dont est membre la communauté intercommunale des villes solidaires (CIVIS), a confié à la société Arm Pajani l'exécution d'un marché de prestations de services informatiques concernant l'équipement multimédia des écoles des communes membres de la CIVIS. Les 22 et 28 décembre 2005, après intervention du préfet de La Réunion et de la chambre régionale des comptes pour faire reconnaître le caractère obligatoire des dépenses liées au règlement financier de l'exécution de ce marché, le SMCS a versé à la société Arm Pajani les sommes de 543 733,55 euros et de 45 179,28 euros représentant respectivement les prestations effectuées et les intérêts de retard. Ultérieurement, par des arrêtés préfectoraux en date des 11 mars et 24 octobre 2005, la CIVIS est devenue compétente pour passer des marchés publics d'équipements en matériel, aux lieu et place du SMCS. Le 26 septembre 2006, estimant être venue aux droits du SMCS dans le cadre de l'exécution du marché signé le 15 juillet 2004, la CIVIS a émis un titre de recettes à l'encontre de la société Arm Pajani, d'un montant de 30 603,25 euros en remboursement d'un trop-perçu lors du versement des intérêts de retard, retenant un nombre de jours de retard de 102 et non de 284 initialement retenus pour la liquidation des intérêts moratoires versés le 28 décembre 2005. Mais par un jugement n° 0700123 du 1er octobre 2009, confirmé par arrêt de la Cour administrative d'appel de Bordeaux du 1er juin 2011, n° 10BX00115, le Tribunal administratif de La Réunion a annulé ce titre de recettes pour incompétence de la CIVIS en estimant qu'aucun des arrêtés préfectoraux cités ci-dessus n'avait eu pour objet de procéder à la répartition du matériel informatique acquis par le syndicat dans le cadre de l'exercice de sa compétence reprise par les collectivités membres et que, par suite, la CIVIS n'établissait pas que le SMCS se serait trouvé dessaisi des droits et obligations relatifs à l'acquisition de ce matériel. Par la suite, par un arrêté préfectoral du 17 décembre 2009, le SMCS a été dissout et, le 2 mars 2012, la CIVIS et la commune de Saint-Philippe ont conclu une convention sur les modalités de reprise et du partage de l'actif du SMCS. Le 13 août 2014, la CIVIS a alors émis un deuxième titre de recettes n° 947 à l'encontre de la société Arm Pajani pour le même montant de 30 603,25 euros. Toutefois, par une décision du 31 décembre 2014, la CIVIS a retiré ce titre, puis le 27 mai 2015, a émis un troisième titre de recettes à l'encontre de la société Arm Pajani, toujours pour un montant de 30 603,25 euros. La société Arm Pajani a saisi le Tribunal administratif de la Réunion d'une demande tendant à être déchargée de l'obligation de payer cette somme ainsi mise à sa charge alors que la CIVIS, pour sa part, a présenté des conclusions reconventionnelles tendant à la condamnation de la société Arm Pajani à lui verser la somme de 7 798,64 euros au titre de pénalités relatives à la livraison tardive des prestations du marché conclu le 15 juillet 2004 avec le SMCS. Par un jugement du 21 juillet 2017, le Tribunal administratif de la Réunion a déchargé la société Arm Pajani de l'obligation de payer la somme litigieuse de 30 603,25 euros, a mis à la charge de la CIVS une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, enfin a rejeté les conclusions reconventionnelles de la CIVIS. La CIVIS relève appel de ce jugement alors que la société Arm Pajani conclut au rejet de la requête et présente des conclusions incidentes tendant à la condamnation de la CIVIS à lui verser la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des écritures en défense de première instance de la CIVIS que cette dernière soulevait deux fins de non recevoir tirées de la tardiveté de la requête et de son défaut de motivation. Si les premiers juges les ont bien visées, ils ont omis d'y statuer alors qu'ils ne pouvaient s'en abstenir dès lors qu'ils faisaient droit à la demande de la société Arm Pajani. La CIVIS est donc fondée à soutenir que, pour ce motif, le jugement attaqué est irrégulier et doit être annulé.

3. Il y a lieu pour la Cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de la société Arm Pajani devant le Tribunal administratif de la Réunion ainsi que sur ses conclusions d'appel incident.

Sur les fins de non recevoir opposées par la CIVIS :

4. En premier lieu, si la CIVIS soutient que la demande est tardive, d'une part, elle n'établit pas la date de notification du titre exécutoire litigieux, d'autre part, contrairement à ce que soutient la CIVIS, il ne ressort pas des écritures de la société qu'elle aurait reconnu avoir eu connaissance du titre litigieux avant le 7 juillet 2015. Par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que la demande introduite le 7 septembre 2015 au greffe du tribunal administratif aurait été introduite après l'expiration du délai de deux mois prévu par l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales.

5. En second lieu, la société Arm Pajani soulevait dans sa demande introductive d'instance, quoique de façon sommaire, les moyens tirés du défaut d'information ne lui permettant pas d'assurer une défense contradictoire et de l'inexistence d'un lien contractuel l'unissant à la CIVIS. Le moyen tiré du défaut de motivation de la demande doit donc être écarté.

6. Il résulte de tout ce qui précède que les fins de non recevoir opposées par la CIVIS doivent être écartées.

Sur les conclusions de la société Arm Pajani devant le Tribunal administratif de la Réunion :

7. Aux termes de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " Dans les conditions prévues pour chaque catégorie d'entre elles, les recettes sont liquidées avant d'être recouvrées. La liquidation a pour objet de déterminer le montant de la dette des redevables. Les recettes sont liquidées pour leur montant intégral, sans contraction avec les dépenses. / Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation. En cas d'erreur de liquidation, l'ordonnateur émet un ordre de recouvrer afin, selon les cas, d'augmenter ou de réduire le montant de la créance liquidée. Il indique les bases de la nouvelle liquidation. (...) " . En vertu de ces dispositions, l'administration ne peut mettre en recouvrement un trop-perçu d'intérêts moratoires sans indiquer, soit dans le titre lui même, soit par référence à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur, les bases et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde pour mettre les sommes en cause à la charge des redevables.

8. En l'espèce, le titre exécutoire n° 405 du 27 mai 2015 se borne à mentionner " trop-perçu sur IM versé soit 102 jours de retard et non 284 " sans faire référence à un quelconque document. Si la CIVIS soutient que le courrier de notification du titre litigieux était accompagné du premier titre de recettes du 26 septembre 2006, de l'arrêt rendu par la cour administrative d'appel de Bordeaux le 1er juin 2011, d'une note au président de la CIVIS du 4 juillet 2014 reprenant les faits ainsi que d'un courrier du 27 septembre 2006 informant la société requérante de l'émission du titre de 2006, elle n'en justifie pas, alors que la société Arm Pajani conteste expressément en avoir eu notification . Dans ces conditions, la société Arm Pajani est fondée à soutenir que le titre en litige est insuffisamment motivé, en méconnaissance des dispositions citées au point 7 du décret du 7 novembre 2012.

9. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que la société Arm Pajani est fondée à demander à être déchargée de l'obligation de payer la somme de 30 603,25 euros mise à sa charge par le titre exécutoire n° 405 du 27 mai 2015.

Sur les conclusions reconventionnelles présentées par la CIVIS devant le Tribunal administratif de la Réunion :

10. La CIVIS demande la condamnation de la société Arm Pajani à lui verser une somme de 7 798,64 euros au titre de pénalités relatives à la livraison tardive des prestations du marché signé le 15 juillet 2004 par le SMCS aux droits duquel elle est venue en faisant notamment valoir que plusieurs licences et disques durs n'ont été livrés que le 26 mai 2005, soit postérieurement au délai contractuel de livraison. Toutefois, il résulte de l'instruction que le SMCS a accepté sans réserve le matériel livré le 26 mai 2005 et que le 22 décembre 2005, il a réglé l'intégralité de la facture présentée par la société Arm Pajani. Dans ces conditions, s'agissant d'un marché de services dont le règlement financier ne donne pas lieu à l'établissement d'un décompte général cosigné par l'administration et son co-contractant, le SMCS doit être regardé comme ayant nécessairement renoncé au bénéfice de pénalités de retards en ne formulant aucune réserve lors de la réception du matériel et en réglant l'intégralité de la facture présentée par son prestataire. Par suite, les conclusions reconventionnelles de la CIVIS ne peuvent être accueillies.

Sur les conclusions incidentes de la société Arm Pajani :

11. Si la société Arm Pajani demande la condamnation de la CIVIS à lui verser la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts, ces conclusions constituent une demande nouvelle en appel, laquelle doit être rejetée comme irrecevable, ainsi que le relève la CIVIS.

Sur les conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Arm Pajani, qui n'est pas pour l'essentiel la partie perdante dans la présente instance, la somme que la CIVIS demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la CIVIS une somme de 1 500 euros, à verser à la société Arm Pajani sur le fondement des mêmes dispositions au titre de sa demande de première instance, ainsi que la même somme au titre de la procédure d'appel, soit la somme globale de 3 000 euros.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1500910 du 21 juillet 2017 du Tribunal administratif de la Réunion est annulé.

Article 2: La société Arm Pajani est déchargée de l'obligation de payer la somme de 30 603,25 euros mise à sa charge par le titre exécutoire n° 405 émis le 27 mai 2015 par la Communauté intercommunale des villes solidaires.

Article 3 : La Communauté intercommunale des villes solidaires versera une somme de 3 000 euros à la société Arm Pajani au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la Communauté intercommunale des villes solidaires et le surplus des conclusions de la société Arm Pajani sont rejetés.

Article 5: Le présent arrêt sera notifié à la Communauté intercommunale des villes solidaires et à la société Arm Pajani.

Délibéré après l'audience du 26 novembre 2019 à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- M. B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 décembre 2019.

Le rapporteur,

D. PAGES

Le président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au préfet de la Réunion en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 17PA23495


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA23495
Date de la décision : 10/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : BIGAIGNON PIERRE-YVES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-12-10;17pa23495 ?
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