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12/12/2019 | FRANCE | N°18PA03023

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 12 décembre 2019, 18PA03023


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

SNCF Réseau a demandé au tribunal administratif de Melun de condamner la société par actions simplifiée Parc Auto à lui verser la somme de 83 382,72 euros au titre des redevances d'occupation du domaine public dues entre le 30 novembre 2011 et le 31 novembre 2013 pour l'emplacement qu'elle a occupé dans la gare de Chennevières-sur-Marne, ainsi que la somme de 24 876,80 euros au titre des frais avancés pour la démolition de la dalle bitumée et la réalisation d'un diagnostic environnemental.

Par

un jugement n° 1510666 du 6 juillet 2018, le tribunal administratif de Melun a c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

SNCF Réseau a demandé au tribunal administratif de Melun de condamner la société par actions simplifiée Parc Auto à lui verser la somme de 83 382,72 euros au titre des redevances d'occupation du domaine public dues entre le 30 novembre 2011 et le 31 novembre 2013 pour l'emplacement qu'elle a occupé dans la gare de Chennevières-sur-Marne, ainsi que la somme de 24 876,80 euros au titre des frais avancés pour la démolition de la dalle bitumée et la réalisation d'un diagnostic environnemental.

Par un jugement n° 1510666 du 6 juillet 2018, le tribunal administratif de Melun a condamné la société Parc Auto à verser à SNCF Réseau au titre de l'indemnité d'occupation la somme de 83 382,72 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2015, dont il doit être déduit celle de 5 716,75 euros au titre du dépôt de garantie versé par la société, et rejeté le surplus des conclusions de SNCF Réseau.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 septembre 2018 et un mémoire en réplique enregistré le 19 octobre 2019, la société Parc Auto, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1510666 du 6 juillet 2018 du tribunal administratif de Melun ;

2°) à titre subsidiaire, de réduire le montant des indemnités d'occupation mis à sa charge dont il sera déduit le montant du dépôt de garantie versé préalablement ;

3°) de mettre à la charge de SNCF Réseau le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'établissement public SNCF Réseau n'a pas qualité pour agir, il n'est pas établi qu'il soit propriétaire de la cour de marchandises ;

- la juridiction administrative est incompétente pour connaitre du litige, les parcelles occupées ne relevant pas du domaine public ;

- SNCF Réseau n'est pas fondé à solliciter le versement des redevances d'occupation puisqu'il n'établit pas être propriétaire des biens pris à bail ;

- les redevances ne sont pas dues car elle a libéré les parcelles en cause le 31 décembre 2011, la présence du gardien, convenue avec Nexity, ainsi que celle de la dalle bitumée et des déchets ne pouvant être assimilée à une occupation privative du domaine public ;

- le montant de l'indemnité correspondant aux indemnités pour occupation doit être révisée en raison de la faute du gestionnaire du domaine public ;

- le calcul retenu pour l'indemnité d'occupation ne doit prendre en compte que la superficie de l'emprise des bungalows destinés à la surveillance du site, l'occupation ne concernant pas l'ensemble de la parcelle.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 septembre 2019, l'établissement public SNCF Réseau, représenté par Me C..., conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, à la condamnation de la requérante à l'indemniser du préjudice résultant de l'obligation dans laquelle il s'est trouvé de procéder à des travaux de démolition de la dalle bitumée, à hauteur de 21 528 euros, ainsi qu'à la réalisation d'un diagnostic environnemental, à hauteur de 3 348,80 euros, sous la réserve de la justification ultérieure dudit préjudice ;

3°) à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société Parc Auto sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- aucun des moyens de la requête n'est fondé ;

- il justifiera ultérieurement du préjudice résultant de l'obligation dans laquelle il s'est trouvé de procéder à des travaux de démolition de la dalle bitumée ainsi qu'à la réalisation d'une étude environnementale par la production des factures afférentes.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code des transports ;

- la loi n° 97-135 du 13 février 1997 portant création de l'établissement public Réseau ferré de France en vue du renouveau du transport ferroviaire ;

- la loi n° 2014-872 du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire ;

- le décret n° 97-445 du 5 mai 1997 portant constitution du patrimoine initial de l'établissement public Réseau Ferré de France ;

- le décret n° 97-444 du 5 mai 1997 relatif aux missions et aux statuts de SNCF Réseau ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 octobre 2019 :

- le rapport de M. D...,

- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., avocat de SNCF réseau.

Considérant ce qui suit :

1. Par une convention prenant effet le 1er mai 2002 " pour l'occupation et la desserte d'un emplacement dépendant du domaine public ferroviaire non constitutif de droit réels ", l'établissement public industriel et commercial " Société nationale des chemins de fer français " (SNCF) a autorisé la société Parc Auto à occuper pour une durée de trois ans une surface de 5 750 m² dans l'ancienne cour de marchandises de la gare de Chennevières-sur-Marne, en vue de l'exploitation de son activité de fourrière automobile départementale. La convention a été renouvelée le 20 avril 2005 pour une durée d'un an, tacitement reconductible jusqu'au 30 avril 2009 au maximum. SNCF Réseau a toléré le maintien sur site de la société Parc Auto jusqu'au 31 décembre 2011, date à laquelle la société a transféré son activité sur une autre parcelle tout en maintenant certaines installations, et notamment un gardien, sur le site. Le 1er mars 2013, la société Nexity property management, agissant en tant que gestionnaire des biens immobiliers et fonciers de Réseau foncier de France lui a demandé de le libérer entièrement. SNCF Réseau, établissement public se substituant à Réseau Ferré de France à compter du 1er janvier 2015, considérant que la société Parc Auto a continué à occuper l'ancienne cour de marchandise jusqu'en novembre 2013, a demandé au tribunal administratif de Melun de la condamner à lui verser la somme de 83 876,72 euros au titre des indemnités d'occupation non perçues pour la période du 31 décembre 2011 au 31 novembre 2013, ainsi que la somme totale de 24 876,80 euros toutes taxes comprises au titre des frais engagés pour la démolition de la dalle bitumée qu'elle avait construite et la réalisation d'un diagnostic environnemental. Par un jugement du 6 juillet 2018, dont la société Parc Auto interjette appel devant la Cour, le tribunal administratif de Melun l'a condamnée à verser à SNCF Réseau au titre de l'indemnité d'occupation la somme de 83 382,72 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2015, dont il doit être déduit celle de 5 716,75 euros au titre du dépôt de garantie versé par ladite société, et a rejeté le surplus des conclusions de SNCF Réseau.

Sur la compétence de la juridiction administrative :

2. Aux termes de l'article L. 1 du code général de la propriété des personnes publiques, entré en vigueur le 1er juillet 2006 : " Le présent code s'applique aux biens et aux droits, à caractère mobilier ou immobilier, appartenant à l'État, aux collectivités territoriales et à leurs groupements, ainsi qu'aux établissements publics ". Aux termes de l'article L. 2141-1 de ce code : " Un bien d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1, qui n'est plus affecté à un service public ou à l'usage direct du public, ne fait plus partie du domaine public à compter de l'intervention de l'acte administratif constatant son déclassement ". Aux termes de l'article L. 2111-15 du même code : " Le domaine public ferroviaire est constitué des biens immobiliers appartenant à une personne publique mentionnée à l'article L. 1, non compris dans l'emprise des biens mentionnés à l'article L. 2111-14 et affectés exclusivement aux services de transports publics guidés le long de leurs parcours en site propre ". Avant l'entrée en vigueur, le 1er juillet 2006, du code général de la propriété des personnes publiques, l'appartenance d'un bien au domaine public ferroviaire était subordonné à la condition d'être affecté au service des transports publics. En l'absence de toute disposition en ce sens, l'entrée en vigueur de ce code n'a pu, par elle-même, avoir pour effet d'entraîner le déclassement de dépendances qui appartenaient antérieurement au domaine public ferroviaire et qui, depuis le 1er juillet 2006, ne rempliraient plus les conditions désormais fixées par son article L. 2111-15. Il incombe au juge administratif, pour déterminer si la juridiction administrative est compétente pour se prononcer sur les conclusions tendant au paiement de redevances pour occupation d'un bien public lorsqu'il est saisi de moyens en ce sens, de vérifier que cette dépendance relève du domaine public à la date à laquelle il statue. A cette fin, il lui appartient de rechercher si cette dépendance a été incorporée au domaine public, en vertu des règles applicables à la date de l'incorporation, et, si tel est le cas, de vérifier en outre qu'à la date à laquelle il se prononce, aucune disposition législative ou, au vu des éléments qui lui sont soumis, aucune décision prise par l'autorité compétente n'a procédé à son déclassement.

3. Il résulte de l'instruction que la cour de marchandises objet de la convention d'occupation conclue entre la SNCF et la requérante constitue une dépendance de l'ancienne gare de Chennevières-sur-Marne et a été intégrée au domaine public ferroviaire dès lors qu'elle a été affectée au service public des transports en étant la propriété de la SNCF. La désaffectation de la gare de Chennevières-sur-Marne, l'adoption du code général de la propriété des personnes publiques, non plus que la disparition de l'utilité ferroviaire du bien n'ont eu pour effet de conduire à son déclassement du domaine public. La vente de la parcelle, survenue le 13 décembre 2017 sans l'intervention préalable d'un acte de déclassement, ne saurait en tout état de cause emporter, en l'absence de dispositions législatives en ce sens, des conséquences rétroactives sur son appartenance antérieure au domaine public et sur l'application des conventions antérieurement conclues. Par suite, le bien en cause relevait effectivement du domaine public pendant la période s'étendant du 31 décembre 2011 au 31 novembre 2013. Il s'ensuit que la société Parc Auto n'est pas fondée à soutenir que le litige a été porté devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Sur la recevabilité de la demande de première instance de SNCF Réseau :

4. Aux termes de l'article 5 de la loi n° 97-135 du 13 février 1997 : " Les biens constitutifs de l'infrastructure et les immeubles non affectés à l'exploitation des services de transport appartenant à l'État et gérés par la Société nationale des chemins de fer français sont, à la date du 1er janvier 1997, apportés en pleine propriété à Réseau ferré de France (...) / Sont exclus de l'apport, d'une part, les biens dévolus à l'exploitation des services de transport, qui comprennent les gares, les entrepôts et cours de marchandises (...). Les modalités de détermination de ces biens sont fixées par décret en Conseil d'État ". Aux termes de l'article 16 de cette même loi : " Les actes relatifs aux biens mentionnés au premier alinéa de l'article 5, passés par la Société nationale des chemins de fer français à compter du 1er janvier 1997 et jusqu'à l'intervention des dispositions réglementaires et de la convention mentionnée à l'alinéa précédent, sont réputés conclus au nom et pour le compte de Réseau ferré de France ". Aux termes de l'annexe au décret du 5 mai 1997 susvisé, font partie des actifs transférés de la Société nationale des chemins de fer français à Réseau ferré de France les " terrains et bâtiments non liés à l'exploitation des services de transport (...) ". Enfin, l'article 25 de la loi n° 2014-872 du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire dispose que : " (...) / II. L'établissement public dénommé " Réseau ferré de France " prend la dénomination : " SNCF Réseau " et l'établissement public dénommé " Société nationale des chemins de fer français " prend la dénomination : " SNCF Mobilités. / III. - Les changements de dénomination mentionnés au II sont réalisés du seul fait de la loi ".

5. La société Parc Auto soutient que SNCF Réseau n'établit pas être propriétaire du bien public en cause et qu'en conséquence cet établissement public ne dispose pas de la qualité à agir pour solliciter sa condamnation à lui verser une indemnité correspondant aux redevances d'occupation du domaine public exigibles du 31 décembre 2011 au 31 novembre 2013. Toutefois, il ressort de l'instruction que la propriété du bien en cause, constitué d'un terrain appartenant initialement à la SNCF qui n'était plus directement lié à l'exploitation des services de transport puisque la gare de Chennevières-sur-Marne est désaffectée depuis la fermeture du chemin de fer de grande ceinture et que la parcelle était utilisée depuis 1959 pour une activité de traitement des déchets, a été transférée de plein droit à l'établissement public Réseau Ferré de France par effet de la loi n° 97-135 du 13 février 1997, et la requérante ne produit aucun élément de nature à contester sérieusement cette propriété pour la période du 31 décembre 2011 au 30 novembre 2013. L'établissement public SNCF Réseau, nouvelle dénomination de Réseau Ferré de France, est demeuré, par l'effet de la loi du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire, le propriétaire de la parcelle en cause. Par suite, le moyen contestant la qualité pour agir de SNCF Réseau doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Toute occupation ou utilisation du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 donne lieu au paiement d'une redevance sauf lorsque l'occupation ou l'utilisation concerne l'installation par l'État des équipements visant à améliorer la sécurité routière ou nécessaires à la liquidation et au constat des irrégularités de paiement de toute taxe perçue au titre de l'usage du domaine public routier ". Aux termes de l'article L. 2125-3 du même code : " La redevance due pour l'occupation ou l'utilisation du domaine public tient compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de l'autorisation ".

7. Un propriétaire public est fondé à réclamer à l'occupant sans titre de son domaine public, au titre de la période d'occupation irrégulière, une indemnité compensant les revenus qu'il aurait pu percevoir d'un occupant régulier pendant cette période. A cette fin, il doit rechercher le montant des redevances qui auraient été appliquées si l'occupant avait été placé dans une situation régulière, soit par référence à un tarif existant, lequel doit tenir compte des avantages de toute nature procurés par l'occupation du domaine public, soit, à défaut de tarif applicable, par référence au revenu, tenant compte des mêmes avantages, qu'aurait pu produire l'occupation régulière de la partie concernée du domaine public.

8. L'article 10.2 intitulé " libération des lieux " des conditions générales de la convention d'occupation du domaine public prenant effet le 1er mai 2002 stipule : " A la date à laquelle prend fin le contrat, l'emplacement occupé doit être restitué en bon état d'entretien et entièrement libéré de tous objets mobiliers (meubles, matériels, marchandises, etc.). A défaut, la SNCF pourra procéder aux travaux nécessaires aux frais de l'occupant et disposera comme elle l'entend des objets mobiliers restant sur l'emplacement. (...) Pendant toute la durée de l'indisponibilité du terrain, une indemnité mensuelle équivalente au montant actualisé de la redevance sera due à la SNCF, sans préjudice des autres chefs d'indemnisation ".

9. La société Parc Auto allègue avoir libéré la parcelle relevant du domaine public le 31 décembre 2011 en respectant la date limite effective d'occupation formulée par Réseau Ferré de France, après avoir transféré son activité sur un autre site. Elle conteste que tant la dalle bitumée, détruite aux frais avancés par Réseau Ferré de France fin 2013, que la présence d'un gardien jusqu'à fin mars 2013 ainsi que la présence de détritus, déchets et polluants puissent être regardés comme constituant une occupation privative du domaine public et soutient que SNCF Réseau n'est pas fondé à solliciter la somme qu'elle réclame au titre de l'indemnité d'occupation.

10. Toutefois, il ressort de l'instruction que la dalle bitumée présente sur le site, effectivement détruite et évacuée aux frais avancés de Réseau ferré de France après une mise en demeure adressée à la requérante et demeurée sans résultat, doit être regardée comme une emprise rendant indisponible le bien public en cause. Par ailleurs, si la société Parc Auto soutient que la présence sur le site de déchets, de détritus et d'autres polluants ne saurait lui être imputé faute d'état des lieux d'entrée et de sortie pourtant prévus par les stipulations précitées, les pièces qu'elle produit ne permettent pas de remettre en cause les constatations du procès-verbal établi par l'huissier mandaté le 29 mars 2013 par SNCF Réseau, lequel confirme la présence sur le site de matériaux non mentionnés par la convention, non plus que le reportage photographique effectué en janvier 2013 dont il s'infère que les déchets présents sur site sont constitués de roues, de batteries et de carcasses de voitures, manifestement rattachables à une activité de fourrière. En outre, alors même que les constatations auxquelles a procédé l'huissier n'ont pas été réalisées contradictoirement en présence de toutes les parties, cette circonstance ne fait pas obstacle par elle-même à ce que le procès-verbal et le reportage photographique soient retenus par le juge administratif à titre d'éléments d'information dès lors que, comme en l'espèce, ces documents ont été versés au dossier et soumis de ce fait au débat contradictoire des parties. Enfin, il est constant que la société Parc Auto a maintenu sur site une activité de gardiennage dans des bâtiments provisoires jusqu'au 29 mars 2013. En conséquence, dès lors qu'elle n'a pas procédé à la remise en l'état des lieux et a continué, par l'indisponibilité du terrain, à l'occuper, la société Parc Auto doit, pour l'application des dispositions législatives et des stipulations conventionnelles citées respectivement aux points 6 et 8, être regardée comme un occupant sans droit ni titre du domaine public.

11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous ". Eu égard aux exigences qui découlent tant de l'affectation normale du domaine public que des impératifs de protection et de bonne gestion de ce domaine, l'existence de relations contractuelles autorisant l'occupation privative ne peut se déduire de sa seule occupation effective, même si celle-ci a été tolérée par l'autorité gestionnaire et qu'en conséquence, une convention d'occupation du domaine public ne peut être tacite et doit nécessairement revêtir un caractère écrit.

12. L'occupation sans droit ni titre d'une dépendance du domaine public constitue une faute commise par l'occupant qui l'oblige à réparer le dommage causé au gestionnaire de ce domaine par cette occupation irrégulière. Si l'autorité gestionnaire du domaine public n'a pas mis en demeure l'occupant irrégulier de quitter les lieux, ne l'a pas invité à régulariser sa situation ou a entretenu à son égard une ambiguïté sur la régularité de sa situation, ces circonstances sont de nature, le cas échéant, à constituer une cause exonératoire de la responsabilité de l'occupant, dans la mesure où ce comportement du gestionnaire serait constitutif d'une faute, mais elles ne sauraient faire obstacle, dans son principe, au droit du gestionnaire du domaine public à la réparation du dommage résultant de cette occupation irrégulière.

13. La société Parc Auto soutient, pour solliciter la réduction du montant de l'indemnité d'occupation mise à sa charge, que SNCF Réseau a contribué à ce que perdure une situation ambigüe quant à la régularité de sa propre situation dans le cadre de l'occupation de l'ancienne cour de marchandises. Il résulte de l'instruction que la requérante a saisi Réseau ferré de France, le 29 décembre 2011 par lettre recommandée avec accusé de réception, d'une proposition de maintien d'un gardiennage sur les lieux, à la charge du propriétaire, proposition à laquelle le destinataire n'a jamais apporté de réponse négative. En outre, l'absence d'établissement d'un état des lieux de sortie n'a pas permis de clarifier la situation de cette occupation, d'autant que deux bungalows demeuraient sur le site. Dans ces conditions, il apparait que SNCF Réseau, en contribuant ainsi au maintien d'une situation ambigüe quant à l'occupation de la parcelle par la société Parc Auto, et à l'allongement subséquent de la période durant laquelle les lieux n'ont pas été complètement libérés, a commis une faute de nature à atténuer la responsabilité de la requérante, à hauteur de la moitié du préjudice subi. En conséquence, il y a lieu de réformer le jugement attaqué et de ramener le montant de la condamnation mise à la charge de la société Parc Auto à la somme de 41 691,36 euros.

14. Eu égard au caractère conditionnel des conclusions de SNCF Réseau tendant à la condamnation de la requérante à l'indemniser du préjudice résultant de l'obligation dans laquelle elle s'est trouvée de procéder à des travaux de démolition de la dalle bitumée, à hauteur de 21 528 euros, ainsi qu'à la réalisation d'un diagnostic environnemental, à hauteur de 3 348,80 euros, qui étaient expressément subordonnées, dans son mémoire enregistré le 25 septembre 2019, à la justification de ce préjudice par la production ultérieure des factures afférentes, il n'y pas lieu de faire droit à cette demande.

Sur les frais liés à l'instance :

15. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'établissement public SNCF Réseau le versement d'une somme de 1 500 euros à la société Parc Auto sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce que SNCF Réseau, qui est la partie perdante dans la présente instance, en puisse invoquer le bénéfice.

DÉCIDE :

Article 1er : La somme mise à la charge de la société Parc Auto au profit de l'établissement public SNCF Réseau par l'article 1er du jugement n° 1510666 du 6 juillet 2018 du tribunal administratif de Melun est ramenée à 41 691,36 euros.

Article 2 : Le jugement n° 1510666 du 6 juillet 2018 du tribunal administratif de Melun est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : L'établissement public SNCF Réseau versera à la société Parc Auto une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus de la requête de la société Parc Auto et les conclusions de l'établissement public SNCF Réseau sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Parc Auto et à l'établissement public SNCF Réseau.

Délibéré après l'audience du 24 octobre 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme E..., présidente de chambre,

- M. D..., président-assesseur,

- M. Legai, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 décembre 2019.

Le rapporteur,

S. D...La présidente,

S. E...Le greffier,

M. B...

La République mande et ordonne ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 18PA03023


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18PA03023
Date de la décision : 12/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Domaine - Domaine privé - Contentieux - Compétence de la juridiction administrative - Contentieux de la gestion.

Marchés et contrats administratifs - Notion de contrat administratif - Nature du contrat - Contrats ayant un caractère administratif - Contrats relatifs au domaine public.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Stéphane DIEMERT
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : JEUDI

Origine de la décision
Date de l'import : 24/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-12-12;18pa03023 ?
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