La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/01/2020 | FRANCE | N°19PA00053

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 29 janvier 2020, 19PA00053


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Biribin Limousines a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 octobre 2011 ainsi que des majorations et pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1713309/1-2 du 6 novembre 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 6 janvier et 1

7 avril 2019, la SAS Biribin Limousines, représentée par Me B... C..., demande à la Cour :

1°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Biribin Limousines a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 octobre 2011 ainsi que des majorations et pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1713309/1-2 du 6 novembre 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 6 janvier et 17 avril 2019, la SAS Biribin Limousines, représentée par Me B... C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 6 novembre 2018 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'a pas bénéficié des garanties prévues par l'article L. 47 A II du livre des procédures fiscales, le vérificateur ne l'ayant pas informée, dans son courrier du 26 janvier 2012, de la nature des traitements envisagés ;

- la doctrine administrative référencée BOFIP BOI-CF-IOR-60-40-3020170607 a été méconnue ;

- le CD-Rom mentionné dans la proposition de rectification n'ayant pas été annexé à ce document, les dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ont été méconnues ; cette irrégularité constitue une erreur substantielle au sens de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales ;

- les rappels de taxe sur la valeur ajoutée notifiés pour 164 236 euros, 179 960 euros et

149 435 euros ne sont pas motivés ;

- les modalités de détermination des bases taxables et des montants taxés relatifs aux opérations réalisées sur le site de Cannes n'étant pas compréhensibles, les dispositions de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales ont été méconnues ;

- le document par lequel lui a été notifié l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ne comporte pas la signature de l'inspecteur des finances publiques ;

- seule la période concernant l'année 2009 a été renseignée ;

- les droits mentionnés ne correspondent pas à ceux figurant dans la réponse aux observations du contribuable ;

- les droits retenus par la commission ne sont pas indiqués ;

- la note du 25 mai 1965 n° 83 référencée D. adm. 13 M-2542 n° 2 en date du

14 mai 1999 et les doctrines administratives référencées BOFIP BOI-CF-CMSS-20-40-30-20120912 n° 20 et BOFIP BOI-CF-IOR-10-40-20171004 ont été méconnues ;

- l'administration ne pouvait émettre un avis de mise en recouvrement sans répondre à sa demande de réexamen de son dossier ;

- la remarque faite par le vérificateur dans son courrier du 18 décembre 2013 vaut " demande de prise de position formelle " au sens des articles L 80 A et L 80 B du livre des procédures fiscales, auquel l'administration se devait de répondre dans un délai de trois mois ;

- l'avis de mise en recouvrement fait référence à des pièces de procédure irrégulières ;

- les prestations réalisées sont des prestations de transport auxquels s'appliquent une taxe sur la valeur ajoutée à taux réduit ;

- la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 a été méconnue ;

- le courrier du 28 septembre 2007 contient à cet égard une prise de position formelle opposable à l'administration ;

- des prestations de transfert, des prestations dont le prix inclut une facturation en fonction des kilomètres, des prestations de transport en bus, des frais de débours et des montants toutes taxes comprises ont été taxés à tort ;

- des redressements ont été calculés en ne prenant pas en compte le montant de taxe sur la valeur ajoutée effectivement versé ;

- le tribunal administratif n'a pas instruit ce moyen ;

- le rescrit du 24 juin 2008 est invocable.

Par des mémoires en défense enregistré les 22 mars 2019 et 10 mai 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par la société Biribin Limousines ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 13 mai 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au

3 juin 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de Mme Jimenez, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant la société Biribin Limousines.

Considérant ce qui suit :

1. La société Biribin Limousines, qui exerce une activité de location de véhicules avec chauffeur de grande remise (VTC), a fait l'objet d'une vérification de sa comptabilité ayant porté sur la période du 1er janvier 2009 au 31 octobre 2011, à l'issue de laquelle l'administration a remis en cause le taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée facturé par la société pour certaines de ses prestations de mise à disposition de véhicules, au motif que ces prestations s'analysaient non comme des contrats de transport auxquels s'applique un taux réduit mais comme des contrats de location relevant de l'application du taux normal. Elle relève appel du jugement n° 1713309/1-2 du 6 novembre 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie en conséquence au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 octobre 2011 ainsi que des majorations et pénalités y afférentes.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 13 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la procédure d'imposition en litige : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables./ Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contrôle porte sur l'ensemble des informations, données et traitements informatiques qui concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fiscaux et à l'élaboration des déclarations rendues obligatoires par le code général des impôts ainsi que sur la documentation relative aux analyses, à la programmation et à l'exécution des traitements (...) ". Aux termes du II de l'article L. 47 A du même livre, dans sa rédaction applicable au litige : " En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Le contribuable formalise par écrit son choix parmi l'une des options suivantes : a) Les agents de l'administration peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable ; b) Celui-ci peut effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. Dans ce cas, l'administration précise par écrit au contribuable, ou à un mandataire désigné à cet effet, les travaux à réaliser ainsi que le délai accordé pour les effectuer (...) ; c) Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. (...) ".

3. Il résulte des dispositions précitées du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales que le vérificateur qui envisage un traitement informatique sur une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés est tenu d'indiquer au contribuable, au plus tard au moment où il décide de procéder au traitement, par écrit et de manière suffisamment précise, la nature des investigations qu'il souhaite effectuer, c'est-à-dire les données sur lesquelles il entend faire porter ses recherches ainsi que l'objet de ces investigations, afin de permettre au contribuable de choisir en toute connaissance de cause entre les trois options offertes par ces dispositions. Le vérificateur n'est, à cet égard et conformément aux dispositions du b du II de l'article L. 47 A, tenu de préciser au contribuable la description technique des travaux informatiques à réaliser en vue de la mise en oeuvre de ces investigations que si celui-ci a fait ensuite le choix d'effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification.

4. L'administration fiscale a adressé à la société requérante, le 26 janvier 2012, une lettre indiquant qu'elle envisageait de mettre en oeuvre des traitements permettant de contrôler le taux de taxe sur la valeur ajoutée applicable aux opérations à réaliser. Ce courrier répondait aux exigences des dispositions précitées du II de l'article L 47 A du livre des procédures fiscales, quand bien même il ne détaillait pas le contenu technique des traitements à effectuer. L'administration a ainsi suffisamment informé la société requérante sur la nature des investigations souhaitées pour lui permettre d'effectuer son choix en toute connaissance de cause, choix qu'elle a fait par lettre du 8 février 2012. La société requérante ne saurait se prévaloir à cet égard de la doctrine administrative référencée BOFIP BOI-CF-IOR-60-40-3020170607 laquelle, étant relative à la procédure d'imposition, ne saurait être valablement invoquée sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

5. En second lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ".

6. La société requérante fait valoir, d'une part, que le CD-Rom mentionné dans la proposition de rectification n'a pas été annexé à ce document, et se prévaut à cet égard de ce que la première page de cette proposition de rectification ne faisait pas référence au CD-Rom en cause. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification mentionnait à plusieurs reprises qu'elle était accompagnée du CD-Rom en cause. A supposer que le service ait omis d'inclure le CD-Rom dans son envoi, il appartenait à la société Biribin Limousines, qui était ainsi dûment informée du contenu du pli et des pièces jointes à la proposition de rectification, d'effectuer les diligences nécessaires pour en obtenir la communication, ce qu'elle n'a pas fait. La société Biribin Limousines ne saurait en conséquence invoquer l'absence de ce CD-Rom à l'appui de son moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales et de l'existence d'une erreur substantielle au sens de l'article

L. 80 CA du même livre.

7. La société requérante fait valoir, d'autre part, que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée notifiés pour 164 236 euros, 179 960 euros et 149 435 euros ne sont pas motivés. Il résulte toutefois de l'instruction que la mention, dans la proposition de rectification, de rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour les montants susmentionnés résulte d'une erreur de calcul qui a été corrigée dans la réponse aux observations du contribuable. Cette correction a abouti à l'abandon des rehaussements correspondants, les montants mis en recouvrement étant, en tout état de cause, inférieurs aux rappels régulièrement motivés dans la proposition de rectification. Le moyen en cause ne peut dès lors qu'être écarté.

8. Il résulte de l'examen de la proposition de rectification que les erreurs affectant les modalités de détermination des bases taxables et des montants taxés relatifs aux opérations réalisées sur le site de Cannes ne faisaient pas obstacle à ce que la société requérante présente de manière utile ses observations, ce qu'elle a d'ailleurs fait, ces observations ayant conduit, dans le cadre de la réponse aux observations à la correction des erreurs commises. Les dispositions précitées de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ne sauraient être regardées comme ayant été méconnues à cet égard.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales : " A l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu ou d'une vérification de comptabilité, lorsque des rectifications sont envisagées, l'administration doit indiquer, avant que le contribuable présente ses observations ou accepte les rehaussements proposés, dans la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou dans la notification mentionnée à l'article L. 76, le montant des droits, taxes et pénalités résultant de ces rectifications. Lorsqu'à un stade ultérieur de la procédure de rectification contradictoire l'administration modifie les rehaussements, pour tenir compte des observations et avis recueillis au cours de cette procédure, cette modification est portée par écrit à la connaissance du contribuable avant la mise en recouvrement, qui peut alors intervenir sans délai ".

10. Il résulte de l'instruction et il n'est pas contesté par le ministre que la proposition de rectification comportait effectivement des erreurs dans la détermination des conséquences financières des rectifications. Ces erreurs ont toutefois été rectifiées dans la réponse aux observations du contribuable, laquelle indiquait des conséquences financières d'un montant nettement inférieur à celles précédemment notifiées. Le montant finalement mis en recouvrement n'est pas supérieur à celui indiqué dans la réponse aux observations du contribuable. Il suit de là que les erreurs commises, dont la correction résulte du déroulement régulier de la procédure contradictoire, n'ont pas privé la société Biribin Limousines d'une garantie dans des conditions susceptibles d'exercer une influence sur la décision d'imposition.

11. En quatrième lieu, l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, lui-même signé par le président et le secrétaire de cette commission, a été notifié à l'intéressée par un courrier d'accompagnement revêtu de la signature du vérificateur. La société Biribin Limousines ne saurait en tout état de cause se prévaloir, au motif tiré de ce que le document par lequel lui a été notifié l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ne comporte pas la signature de l'inspecteur des finances publiques, d'une irrégularité de la procédure d'imposition.

12. En cinquième lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales que les vices de forme ou de procédure dont serait entaché l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'affectent pas la régularité de la procédure d'imposition et ne sont, par suite, pas de nature à entraîner la décharge de l'imposition. Au surplus, la circonstance que l'ensemble des rappels soumis à l'avis de la commission aient été rattachés à l'année 2009, alors qu'ils étaient relatifs à l'ensemble de la période, procède d'une erreur matérielle sans influence sur la régularité de l'avis. Enfin, ni le fait que des erreurs auraient été commises dans l'identification du montant des droits en litige, ni le fait que le montant des droits retenus par la commission ne figurerait pas dans l'avis de cette dernière n'ont privé le contribuable d'une garantie de nature à exercer une influence sur la décision d'imposition, la commission s'étant déclarée incompétente pour statuer sur le rehaussement qui lui était soumis. Il résulte de l'ensemble de ces motifs que la société Biribin Limousines ne saurait valablement soutenir que la procédure d'imposition serait irrégulière en raison des vices affectant l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires.

13. En sixième lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que la procédure d'imposition n'est entachée d'aucune irrégularité susceptible d'exercer une influence sur la décision d'imposition. Le moyen tiré de ce que l'avis de mise en recouvrement ferait référence à des pièces de procédure irrégulières ne peut en tout état de cause qu'être écarté.

14. En septième lieu, il résulte de l'instruction que les impositions litigieuses ont été mises en recouvrement le 11 décembre 2015 dans le délai de reprise à l'issue, comme il a été dit ci-dessus, d'une procédure régulière. Aucune disposition législative ou réglementaire ne contraignant l'administration à différer le recouvrement d'impositions en l'attente d'une réponse à la demande de réexamen de son dossier adressée par la société au cabinet du ministre compétent, le moyen tiré de ce que l'administration ne pouvait émettre un avis de mise en recouvrement sans répondre à sa demande de réexamen adressée à ce cabinet le 11 décembre 2013 ne peut qu'être écarté. La société Biribin Limousines ne saurait en tout état de cause se prévaloir, eu égard à sa date, sur le fondement des dispositions des articles L. 80 A et L 80 B du livre des procédures fiscales, de l'indication contenue dans le courrier du 18 décembre 2013 et par laquelle le vérificateur lui aurait fait part de ce que la mise en recouvrement des impositions serait différée dans l'attente de la réponse de l'administration centrale à cette demande de réexamen. Une telle indication, relative à la procédure d'imposition, n'est au surplus pas constitutive d'une interprétation formelle du texte fiscal ou d'une prise de position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal au sens de ces dispositions du livre des procédures fiscales.

15. Enfin, la note du 25 mai 1965 n° 83 référencée D. adm. 13 M-2542 n° 2 en date du 14 mai 1999 et les doctrines administratives référencées BOFIP BOI-CF-CMSS-20-40-30-20120912 n° 20 et BOFIP BOI-CF-IOR-10-40-20171004 sont également relatives à la procédure d'imposition et ne contiennent en conséquence pas d'interprétations formelles du texte fiscal au sens des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

16. Aux termes de l'article 278 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige : " Le taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée est fixé à 19,6 % ". Aux termes de l'article 279 du même code : " La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 5,5 % en ce qui concerne (...) b quater : les transports de voyageurs ".

17. En premier lieu, en vertu du b quater de l'article 279 du code général des impôts, la taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 5,5 % en ce qui concerne les transports de voyageurs. Ce taux réduit s'applique aux mises à disposition, avec chauffeur, de véhicules conçus pour le transport de personnes lorsque ces opérations procèdent de l'exécution de contrats qui peuvent être qualifiés de contrats de transports, compte tenu notamment de leurs stipulations relatives à l'assurance et à la responsabilité du propriétaire. La qualification de contrat de transport s'apprécie au regard des stipulations relatives aux conditions concrètes d'exploitation de l'activité, en particulier des stipulations relatives à la tarification et à la maîtrise du déplacement par le prestataire du véhicule. Ne relèvent pas d'une telle qualification, faute d'accord préalable sur les trajets à effectuer, les mises à disposition, avec chauffeur, de véhicules conçus pour le transport de personnes facturées à l'heure, pour lesquelles le tarif est totalement indépendant de la distance parcourue, voire de l'existence ou non d'un déplacement, comme les prestations assorties d'un kilométrage illimité ou celles dont les tarifs sont calculés exclusivement en fonction de la tranche horaire et de la durée de la prestation.

18. En deuxième lieu, la société requérante soutient que les dispositions de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ont été méconnues dès lors qu'elles n'opèrent pas de dissociation entre les prestations de transport. Cependant, dans son arrêt du 27 février 2014 rendu dans l'affaire C-454/12 et 455/12, Pro Med Logistik GmbH et Eckard Pongratz, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que les dispositions de cette directive ne s'opposaient pas à ce que deux types de services de transport urbain des personnes et des bagages qui les accompagnent, à savoir, d'une part, en taxi et, d'autre part, en voiture de location avec chauffeur, soient soumis à des taux de taxe sur la valeur ajoutée distincts, l'un réduit, l'autre normal, pour autant que, d'une part, en raison des différentes exigences légales auxquelles sont soumis ces deux types de transport, l'activité de transport urbain de personnes en taxi constitue un aspect concret et spécifique de la catégorie des services de transport des personnes et des bagages qui les accompagnent, et, d'autre part, ces différences ont une influence déterminante sur la décision de l'usager moyen de recourir à l'un ou à l'autre de ceux-ci. La directive 2006/112/CE ne fait donc pas obstacle à ce que des prestations de mise à disposition de véhicules avec chauffeur soient soumises au taux réduit. La société ne peut enfin valablement soutenir que la directive s'oppose à ce que les prestations fournies soient scindées artificiellement en prestations de mise à disposition de véhicules et prestations de mise à disposition de personnel dès lors que l'administration s'est bornée à requalifier les prestations de transport fournies en prestations de mise à disposition de véhicule avec chauffeur.

19. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que la société Biribin Limousines propose à ses clients des formules de " transfert " et de " mise à disposition " de véhicules avec chauffeur. Si le vérificateur a exclu du champ du rehaussement les transferts entre un aéroport et un hôtel, ou certaines autres prestations, lorsqu'il ressortait des pièces produites que l'objet même de la prestation était le déplacement d'un client d'un lieu vers une destination stipulée par avance, ont en revanche été soumises au taux normal les prestations intitulées " transport ", qui étaient en fait assimilables à la location d'un véhicule avec chauffeur, dès lors que ces opérations donnaient lieu à une facturation essentiellement à l'heure sans référence au nombre de kilomètres parcourus, ou à la destination, ou même à l'existence d'un déplacement. Etaient notamment concernés par le rehaussement les contrats de longue durée se bornant à stipuler qu'un véhicule était mis à la disposition de la personnalité transportée pour une certaine durée, ainsi que les prestations ponctuelles pour lesquelles la tarification des prestations n'apparaissait pas liée à la distance parcourue, soit que les points de départ ou d'arrivée n'étaient pas déterminés, soit que la mention des kilométrages sur les factures était purement indicative ou totalement absente. La société Biribin Limousines ne produit, alors qu'elle est seule en mesure de le faire, aucun document permettant d'établir que les prestations soumises au taux normal auraient été rendues sur la base d'une destination ou d'un itinéraire préétablis et n'auraient pas été facturées de manière forfaitaire en fonction de leur durée, indépendamment de la distance parcourue. Les tableaux produits en annexe du mémoire du 17 avril 2019 présenté par la société requérante ne permettent aucun recoupement avec le montant des rappels contestés dans ledit mémoire. Ils ne sont en tout état de cause pas assortis des pièces justificatives permettant de considérer que les prestations concernées par les rectifications litigieuses avaient été effectivement facturées en fonction de la distance parcourue. Si la société requérante fait valoir que des prestations de transfert, des prestations de transport en bus, des frais de débours et des montants toutes taxes comprises ont été taxés à tort, elle n'apporte à l'appui de ces moyens aucune précision chiffrée et ne produit aucun document permettant à la Cour d'en apprécier le bien-fondé et la portée. L'administration fiscale a ainsi pu à bon droit considérer que les prestations litigieuses ne répondaient pas aux conditions auxquelles est subordonnée l'application du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée.

20. En quatrième lieu, si la société requérante fait valoir que les redressements ont été calculés en ne prenant pas en compte le montant de taxe sur la valeur ajoutée effectivement versé, et que l'administration a comparé la taxe calculée au taux de 19,6 % sur la base calculée sur le montant toutes taxes comprises déclaré non pas au montant déjà versé par la société mais à une taxe théorique déterminée en appliquant le taux de 5,5% à sa propre base hors taxe, il résulte de l'examen de la proposition de rectification du 19 décembre 2012 que le montant de la taxe due a été régulièrement calculé sur une somme égale au prix stipulé diminué du montant de ladite taxe et comparé au montant versé par la société requérante. Il suit de là que le moyen manque en fait.

21. En cinquième lieu, et contrairement à ce qui soutenu, la réponse aux observations du contribuable du 28 septembre 2007 se borne à abandonner le rehaussement relatif à l'application du taux normal aux indemnités versées au chauffeur au motif que ces indemnités étaient accessoires aux prestations de transport soumises au taux réduit et ne saurait en conséquence être regardée comme une prise de position du service relative à l'applicabilité du taux réduit à l'intégralité des prestations de transport réalisées par la société requérante. La société Biribin Limousines ne saurait par suite valablement s'en prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, pour faire obstacle aux rectifications qui lui ont été notifiées au titre d'années ultérieures.

22. Enfin, les passages cités du rescrit du 24 juin 2008 ne font pas de la loi fiscale une interprétation différente de ce qui précède et ne sont par suite pas invocables sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

23. Il résulte de tout ce qui précède que la société Biribin Limousines n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, les premiers juges ayant statué sur l'ensemble des moyens qui leur était soumis, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Biribin Limousines est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Biribin Limousines et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal d'Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 15 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Appèche, président assesseur,

- M. A..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 29 janvier 2020.

Le rapporteur,

F. A...Le président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

2

N° 19PA00053


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA00053
Date de la décision : 29/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : MICHELOT ; MICHELOT ; MICHELOT

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-01-29;19pa00053 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award