La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/02/2020 | FRANCE | N°18PA01640

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 25 février 2020, 18PA01640


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010, 2011 et 2012 ainsi que des majorations qui lui sont réclamées en application des articles 1729, 1730 et 1758 A du code général des impôts au titre des mêmes années et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 7 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice admin

istrative.

Par un jugement n° 1607061/2-2 du 15 mars 2018, le Tribunal admi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010, 2011 et 2012 ainsi que des majorations qui lui sont réclamées en application des articles 1729, 1730 et 1758 A du code général des impôts au titre des mêmes années et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 7 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1607061/2-2 du 15 mars 2018, le Tribunal administratif de Paris a prononcé, à due concurrence de la suppression de la majoration de 25 % de leur assiette, la réduction des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles Mme B... a été assujettie au titre des années 2010, 2011 et 2012 et rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 14 mai 2018, Mme B..., représentée par Me A..., avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1607061/2-2 du 15 mars 2018 en ce qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;

2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative le remboursement d'une somme dont le montant sera chiffré à l'issue de l'instruction.

Elle soutient que :

- les redressements notifiés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers au titre des années 2010, 2011 et 2012 ne sont pas régulièrement motivés dès lors qu'en l'absence de références suffisamment précises quant à la procédure suivie avec la SARL Beyris, il ne peut être établi avec certitude que les documents annexés aux propositions de rectification qui lui ont été adressées, et sur le fondement desquels les chefs de redressement en litige ont été exclusivement motivés, étaient bien afférents à la procédure de vérification de comptabilité de la SARL Beyris ;

- le service a adressé en 2013 une proposition de rectification irrégulièrement motivée sur la procédure suivie avec la SARL Beyris dès lors que les conclusions de cette procédure n'existaient pas au jour de l'envoi de ce document et que cette procédure n'était pas encore interruptive de prescription à l'encontre de la SARL Beyris ;

- compte tenu de l'importance des modifications apportées par l'administration aux rectifications proposées en matière de revenus distribués au titre des années 2010 et 2011, elle a nécessairement modifié les motifs justifiant l'application des pénalités pour manquement délibéré qui était justifiée par l'importance des redressements des seuls revenus distribués au regard des revenus spontanément déclarés et que par suite elle a méconnu tant l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales que l'article L. 80 E du même livre ;

- le service n'ayant pas procédé à une nouvelle notification de la majoration prévue à l'article 1758 A du code général des impôts qui a été appliquée aux redressements en matière de traitements et salaires et de revenus fonciers, ladite pénalité n'a pas été maintenue, ni motivée ;

- le service a appliqué la pénalité de 10 % prévue par l'article 1730 du code général des impôts et des intérêts moratoires en considération d'un retard dont le service est seul responsable et alors que celui-ci s'était engagé à leur remise totale dans le cadre de la transaction qu'elle a acceptée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 février 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant Mme B....

1. A l'issue de la vérification de comptabilité de la SARL Beyris, dont elle est gérante et associée majoritaire, Mme B... s'est vue notifier, par deux propositions de rectification du 24 avril 2013 et du 22 avril 2014, selon la procédure contradictoire, des impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu respectivement au titre des années 2010, 2011 et de l'année 2012, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, des traitements et salaires et des revenus fonciers, assorties de majorations pour manquement délibéré, retard de paiement et de souscription de déclaration. Mme B... relève appel du jugement n° 1607061/2-2 du 15 mars 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris, après avoir prononcé, à due concurrence de la suppression de la majoration de 25 % de leur assiette, la réduction des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010, 2011 et 2012, a rejeté le surplus de sa demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des mêmes années ainsi que des majorations réclamées en application des articles 1729, 1730 et 1758 A du code général des impôts.

Sur la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...). / Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée. ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article ".

3. Mme B... soutient que les redressements notifiés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers au titre des années 2010, 2011 et 2012 ne sont pas régulièrement motivés, étant toutefois précisé que les redressements opérés en 2011 ne relèvent pas de ce chef de rectification. La requérante fait valoir qu'en l'absence de références suffisamment précises quant à la procédure suivie avec la SARL Beyris, il ne peut être établi avec certitude que les documents annexés aux propositions de rectification qui lui ont été adressées, et sur le fondement desquels les chefs de redressement en litige ont été exclusivement motivés, étaient bien afférents à la procédure de vérification de comptabilité de la SARL Beyris.

4. Il résulte des articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales (LPF) que l'administration doit indiquer au contribuable, dans la proposition de rectification, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées de manière à permettre à l'intéressé de formuler ses observations de façon utile. En cas de motivation par référence, l'administration doit, en principe, annexer les documents auxquels elle se réfère dans la proposition de rectification ou en reprendre la teneur.

5. Il résulte de l'instruction que les propositions de rectification du 24 avril 2013 et du 22 avril 2014 précisent le montant en base des rectifications envisagées, l'année d'imposition, la nature des rectifications opérées, les motifs de fait et de droit ainsi que leurs conséquences financières. Elles comportent en annexe les extraits de la proposition de rectification adressée à la SARL Beyris précisant le déroulement des opérations de vérification, indiquant les motifs en droit et en fait des redressements apportés aux résultats sociaux et établissant que les sommes regardées comme distribuées ont été mises à la disposition de Mme B.... Dans ces conditions, ces mentions étaient suffisantes pour permettre à Mme B... de formuler, comme cela a été le cas, ses observations. Dès lors, l'administration fiscale qui n'était pas tenue de produire l'intégralité de la proposition de rectification adressée à la SARL Beyris, ni de préciser sa date d'envoi, sa nature, son destinataire, le nom de son signataire ou encore les références du service, a suffisamment motivé les propositions de rectification en litige. La circonstance que le service, dans sa proposition du 24 avril 2013, dont le pli a été présenté à Mme B... le 25 avril suivant et distribué le 10 mai 2013, fonde les rectifications sur des éléments tirés de la proposition de rectification de la SARL Beyris en date du 23 avril 2013, dont le pli n'a été présenté et distribué que le 25 avril suivant est sans influence sur la régularité de la motivation de ces rectifications. La circonstance alléguée que l'envoi, le 24 avril 2013, de la proposition de rectification à la SARL Beyris n'aurait pas été interruptif de prescription à la date à laquelle le pli contenant la proposition de rectification du 24 avril 2013 a lui-même été adressé à

Mme B... est sans incidence sur la régularité de la procédure.

Sur les pénalités :

6. Aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable. / Les sanctions fiscales ne peuvent être prononcées avant l'expiration d'un délai de trente jours à compter de la notification du document par lequel l'administration a fait connaître au contribuable ou redevable concerné la sanction qu'elle se propose d'appliquer, les motifs de celle-ci et la possibilité dont dispose l'intéressé de présenter dans ce délai ses observations ". Par ailleurs, l'article L. 80 E du même livre dans sa rédaction applicable au présent litige dispose que " La décision d'appliquer les majorations et amendes prévues aux articles 1729, 1732 et 1735 ter du code général des impôts est prise par un agent de catégorie A détenant au moins un grade fixé par décret qui vise à cet effet le document comportant la motivation des pénalités ". L'administration est tenue de renouveler cette formalité si, pour quelque motif que ce soit, elle modifie, avant leur mise en recouvrement, la base légale, la qualification ou les motifs des pénalités qu'elle se propose d'appliquer au contribuable.

En ce qui concerne la majoration en cas de manquement délibéré :

7. L'article 1729 du code général des impôts dispose que les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraînent l'application d'une majoration de 40 % en cas de manquement délibéré. C'est à l'administration qu'incombe, en vertu de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales, en cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable, la preuve de la mauvaise foi. S'agissant de la pénalité pour manquement délibéré, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt.

8. Mme B... soutient que compte tenu de l'importance des modifications apportées par le service, par son courrier du 22 avril 2014, aux rectifications proposées en matière de revenus distribués afin de tenir compte des conséquences du recours hiérarchique intervenu dans le cadre de la vérification de comptabilité de la SARL Beyris, l'administration fiscale a nécessairement modifié les motifs justifiant l'application des pénalités pour manquement délibéré tirés de l'importance des redressements des seuls revenus distribués au regard des revenus spontanément déclarés et que par suite elle a méconnu tant l'article L. 80 D précité du livre des procédures fiscales que l'article L. 80 E du même livre.

9. Il résulte toutefois de l'instruction que, pour établir le caractère intentionnel du manquement de Mme B... à son obligation déclarative, l'administration, si elle a relevé l'importance des redressements des revenus distribués au regard des revenus spontanément déclarés, s'est fondée, dans la proposition de rectification du 24 avril 2013, sur la circonstance que l'intéressée, gérante et associée majoritaire de la société Beyris, ne pouvait ignorer les minorations de recettes et leur appréhension à titre personnel. Dans ces conditions, le caractère délibéré du manquement commis par Mme B... doit être regardé comme ayant été régulièrement motivé, notamment dans la proposition de rectification, en application de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales. Par ailleurs, dès lors que par son courrier du 22 avril 2014 l'administration s'est bornée à tirer les conséquences de la réduction des redressements en matière de revenus distribués en mentionnant les nouveaux droits mis à la charge de Mme B... sans modifier la base légale, la qualification ou les motifs de la pénalité pour manquement délibéré, elle n'était pas tenue de procéder à une nouvelle motivation de cette pénalité, ni d'informer le contribuable de l'ouverture d'un nouveau délai de trente jours pour faire parvenir ses observations. Par suite, elle n'a pas non plus méconnu l'article L. 80 E du livre des procédures fiscales en ne soumettant pas ce courrier au visa d'un agent ayant au moins le grade d'inspecteur principal.

En ce qui concerne la majoration de 10 % prévue à l'article 1758 A du code général des impôts :

10. Mme B... fait valoir que le service n'a pas procédé, par le courrier susmentionné du 22 avril 2014, à une nouvelle notification de la majoration prévue à l'article 1758 A du code général des impôts qui a été appliquée aux redressements en matière de traitements et salaires et de revenus fonciers et que, par suite, cette pénalité n'a pas été maintenue, ni motivée.

11. Il résulte de l'instruction que la majoration de 10 % prévue par l'article 1758 A du code général des impôts a été appliquée exclusivement aux rehaussements en matière de traitements et salaires et revenus fonciers au titre des années 2010 et 2011, tels que proposés en dernier lieu dans la réponse aux observations du contribuable du 30 juillet 2013, et que par le courrier précité du 22 avril 2014 le service a expressément maintenu les rehaussements en question. Dès lors que ce courrier n'a emporté aucune conséquence en matière de traitements et salaires et revenus fonciers au titre des années 2010 et 2011, l'administration fiscale a nécessairement maintenu les rehaussements en la matière ainsi que les pénalités correspondantes,

sans être tenue de procéder à une nouvelle motivation de ces pénalités dans les conditions prévues à l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne la majoration de 10 % pour retard de paiement et les intérêts moratoires :

12. Mme B... soutient que le service a appliqué la pénalité de 10 % prévue par l'article 1730 du code général des impôts ainsi que des intérêts moratoires, qui doivent être requalifiés d'intérêts de retard tels que prévus à l'article 1727 du code général des impôts, en considération d'un retard dont le service est seul responsable et alors que celui-ci s'était engagé à leur remise totale dans le cadre de la transaction qu'elle a acceptée.

13. Toutefois il n'est pas contesté que si un projet de transaction a été adressé à Mme B... en juin 2015, aucune transaction n'a été signée entre le service et l'intéressée, laquelle avait encore présenté des observations en juillet 2015, de sorte que le paiement des créances n'a pas été suspendu et que la majoration de 10 % prévue par l'article 1730 du code général des impôts restait due. De surcroît le projet de transaction produit par la requérante stipule explicitement le paiement de la majoration de 10 % pour paiement tardif ainsi que des intérêts de retard complémentaires. Il suit de là que Mme B... n'est pas fondée à demander la décharge de la majoration pour retard de paiement, ni des intérêts de retard.

14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des impositions litigieuses et des pénalités dont elles ont été assorties. Par suite, les conclusions présentées par Mme B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au demeurant non chiffrées, ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Île-de-France et du département de Paris (Pôle fiscal parisien 1 - service du contentieux d'appel déconcentré).

Délibéré après l'audience du 11 février 2020, à laquelle siégeaient :

M. Jardin, président de chambre,

Mme Hamon, président assesseur,

Mme D..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 25 février 2020.

Le rapporteur,

A. D...Le président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA01640


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA01640
Date de la décision : 25/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Anne MIELNIK-MEDDAH
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : BES

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-02-25;18pa01640 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award