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15/06/2020 | FRANCE | N°18PA01028

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 15 juin 2020, 18PA01028


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au Tribunal administratif de Melun de condamner l'Etat à lui verser la somme de 180 064 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait d'agissements fautifs de l'administration.

Par un jugement n° 1608483 du 6 février 2018, rectifié par une ordonnance du

16 mars 2018, le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser à Mme A... une somme de 3 000 euro

s avec intérêts au taux légal et capitalisation de ces intérêts et rejeté le surplus des ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au Tribunal administratif de Melun de condamner l'Etat à lui verser la somme de 180 064 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait d'agissements fautifs de l'administration.

Par un jugement n° 1608483 du 6 février 2018, rectifié par une ordonnance du

16 mars 2018, le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser à Mme A... une somme de 3 000 euros avec intérêts au taux légal et capitalisation de ces intérêts et rejeté le surplus des conclusions.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 mars 2018, Mme B... A..., représentée par Me F..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 6 février 2018 par lequel le Tribunal administratif de Melun a condamné l'Etat à verser à Mme A... une somme de 3 000 euros avec intérêts au taux légal et capitalisation de ces intérêts et rejeté le surplus des conclusions ;

2°) de porter le montant de la condamnation de l'Etat à la somme de 161 884 euros ;

3°) de porter le montant des frais non compris dans les dépens à la somme de 3 400 euros ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le défenseur des droits n'a pas été mis en cause alors qu'elle l'avait demandé ;

- l'inexécution du jugement n° 1302956 du 23 avril 2015 a mis en cause sa santé physique et psychique pendant trois ans et l'a conduite à demander sa mutation ; l'absence d'aménagement de son poste a entraîné un préjudice moral grave qui s'élève à 20 000 euros ainsi qu'un pretium doloris résultant d'un " état d'épuisement professionnel " s'élevant à 20 000 euros ;

- elle a été victime d'un harcèlement moral antérieur à 2012, pendant plus de six ans ; en effet, l'administration a refusé de lui accorder des congés maladie, l'a placée en disponibilité d'office, l'a privée d'un reliquat indemnitaire, l'a notée de façon injuste, lui a refusé la protection fonctionnelle, l'a obligée à rester dans son bureau pendant un exercice d'alerte incendie et l'a obligée à exécuter les missions de sa secrétaire ; elle a été mise à l'écart du service, elle a été évincée de ses responsabilités, elle n'a pas eu de contrat d'objectifs, elle ne recevait pas de réponse à ses courriers, a subi des humiliations du fait de sa qualité de personne handicapée, elle n'a pas été autorisée à participer à l'assemblée générale de son syndicat représentatif ; son véhicule personnel a été délibérément bloqué, ce qui a fait obstacle à ce qu'elle puisse se rendre à des soins médicaux pendant l'heure du déjeuner ; son bureau a été éloigné de l'ascenseur contrairement aux indications du médecin de prévention, son matériel a été supprimé et le matériel informatique qui lui a été fourni était incompatible avec son handicap ; sa fiche de poste comportait des réunions le soir contrairement aux prescriptions du médecin de prévention ;

- le préjudice résultant de la discrimination dont elle a été victime et indemnisé par le jugement du 23 avril 2015 est distinct de celui résultant du harcèlement moral dès lors que discrimination et harcèlement moral ont duré jusqu'à sa mutation, soit jusqu'au 31 mai 2016 et que le harcèlement moral a entraîné une atteinte à sa dignité. En outre, le harcèlement repose sur des faits différents que ceux relatifs à la discrimination ;

- les préjudices nés d'un harcèlement moral et d'une discrimination sont par nature différents ;

- le préjudice résultant du harcèlement moral depuis 2012 s'élève à 40 000 euros ;

- elle a été victime d'une discrimination raciste ;

- le préjudice résultant de la discrimination depuis avril 2015 s'élève à 20 000 euros ;

- sa demande de mutation est liée au harcèlement moral et à la discrimination dont elle a été victime, dès lors qu'elle a formulé cette demande pour s'extraire des agissements de l'administration qui ont perduré jusqu'à sa mutation ; cette mutation lui a donc causé un préjudice portant sur des frais supplémentaires d'un montant de 55 884 euros ;

- le courriel du 4 janvier 2012 accessible à tout agent et comportant des informations sur sa vie privée lui a causé un préjudice s'élevant à 6 000 euros ;

- elle démontre que le secret médical a été violé par l'administration dans un courrier du 20 mai 2015 ;

- elle n'a pas bénéficié de la visite obligatoire chez le médecin de prévention ;

- la condamnation sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 septembre 2016 et de la capitalisation de ces intérêts ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 octobre 2019, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le préjudice invoqué par Mme A... au titre de l'inexécution du jugement du 23 avril 2015 est disproportionné au regard de la faute commise par l'administration dès lors que le tribunal n'a retenu qu'une inexécution partielle et que l'absence prolongée de l'intéressée qui n'a repris le travail qu'à compter du 1er avril 2016 a pu gêner la bonne mise en oeuvre des mesures d'aménagement de son poste ; cette demande ne concerne, en outre, que deux mois d'activité ;

- Mme A... n'apporte pas de précisions quant aux préjudices nés des visites tardives chez le médecin de prévention à la suite des deux accidents de service survenus en 2010 et en 2011 ;

- Mme A... n'apporte pas la preuve d'un harcèlement moral antérieur à l'année 2012 ; elle a obtenu réparation de ses préjudices y compris entre le 23 avril 2015 et la date de son départ de la direction départementale de la cohésion sociale de Seine-et-Marne par le jugement n°1302956 du 6 février 2018 qui lui accorde une indemnisation de 13 000 euros ; le jugement attaqué lui accorde également la somme de 1 000 euros pour la même période en réparation de son préjudice moral ;

- la discrimination et le harcèlement moral n'ont pas entraîné de préjudices distincts ; ils ne peuvent donc pas être indemnisés deux fois ;

- la demande de mutation de Mme A... a été initiée par cette dernière en connaissance de cause ; l'administration n'a pas donc pas à en supporter les frais ;

- la preuve de la diffusion d'un courriel contenant des informations relatives à la vie privée de Mme A... n'est pas rapportée ; en outre, le courrier adressé au médecin traitant de Mme A... émanait de la commission de réforme afin d'obtenir les informations nécessaires à l'étude de son dossier ;

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience en application des dispositions de l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... a été recrutée le 2 janvier 2008 par la direction départementale de la jeunesse et des sports de Seine-et-Marne en qualité de conseiller d'éducation populaire et de jeunesse, sous le statut de travailleur handicapé. Elle a été titularisée en septembre 2009. Elle a été mutée, le 1er juin 2016, à la direction départementale de la cohésion sociale de l'Essonne. Par réclamation préalable reçue le 14 septembre 2016, Mme A... a demandé la réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'inexécution du jugement du 23 avril 2015, du harcèlement moral dont elle a été victime depuis 2010, des atteintes à sa vie privée, de la discrimination qu'elle a subie depuis 2015, des pertes de traitement en raison de mises en disponibilité d'office injustifiées et des frais supplémentaires résultant de sa mutation. Par jugement du 6 février 2018, dont Mme A... relève appel, le Tribunal administratif de Melun a condamné l'Etat à verser à Mme A... la somme de 3 000 euros en réparation de ses préjudices.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 33 de la loi organique du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits : " (...) Les juridictions civiles, administratives et pénales peuvent, d'office ou à la demande des parties, l'inviter à présenter des observations écrites ou orales. Le Défenseur des droits peut lui-même demander à présenter des observations écrites ou à être entendu par ces juridictions ; dans ce cas, son audition est de droit. (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartenait aux juges de première instance d'apprécier l'opportunité d'inviter le défenseur des droits à présenter des observations alors même que Mme A... aurait sollicité son intervention. Par suite, l'absence de mise en cause du défenseur n'est pas de nature à entacher le jugement attaqué d'irrégularité. En tout état de cause, la décision du 19 décembre 2013 par laquelle le Défenseur des droits a présenté des observations écrites sur la situation de Mme A... ayant été produite dans l'instance, la juridiction disposait des éléments suffisants pour se prononcer sur la demande de Mme A....

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'inexécution du jugement n°1302956 du 23 avril 2015 :

4. Par jugement du 23 avril 2015, le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision implicite de la préfète de Seine-et-Marne en tant qu'elle refuse d'aménager le poste de travail de Mme A..., de mettre à sa disposition un véhicule de service adapté et d'organiser les modalités de télétravail. Il a enjoint au préfet de Seine-et-Marne de prendre ces mesures dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement. Le préfet de Seine-et-Marne, dans son mémoire du 19 octobre 2015, a reconnu qu'il n'avait pas mis en place les modalités de télétravail en faveur de Mme A... et par un courriel du 6 avril 2016, que les mesures préconisées par le médecin de prévention pour l'aménagement du poste de l'intéressée ne seraient prises que lorsque la juridiction administrative se serait prononcée. Aucune de ces mesures n'a été exécutée avant la mutation de Mme A.... Par suite, l'inexécution partielle du jugement du 23 avril 2015 du Tribunal administratif de Melun est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat.

5. D'une part, il résulte de l'instruction que Mme A... était en congé de maladie puis placée en disponibilité d'office à la date de la notification du jugement du 23 avril 2015 et jusqu'au 1er avril 2016, date de son retour à son poste. Elle a été mutée le 1er juin 2016. Par suite, au vu de la courte durée pendant laquelle Mme A... a été à nouveau exposée au refus de mise en oeuvre des préconisations du médecin de prévention, cette dernière n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Melun a fixé son préjudice moral à la somme de 2 000 euros.

6. D'autre part, elle ne justifie pas de souffrances physiques résultant de l'inexécution partielle du jugement du 23 avril 2015 alors même que par jugement n°1302956 du

6 février 2018, devenu définitif, elle a été indemnisée de ses souffrances physiques et psychiques résultant de l'absence d'aménagement de son poste de travail et de la discrimination consécutive. Par suite, sa demande indemnitaire relative à ce chef de préjudice ne peut qu'être écartée.

En ce qui concerne le harcèlement moral :

7. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : /1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. (...) ".

8. D'une part, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. D'autre part, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé.

9. Il résulte de l'instruction que le préfet de Seine-et-Marne a refusé de prendre les mesures préconisées par le médecin de prévention et n'a exécuté que partiellement le jugement du 23 avril 2015 du Tribunal administratif de Melun. Mme A... n'a pas bénéficié d'un contrat d'objectif malgré ses demandées répétées. Ses missions, notamment d'encadrement alors qu'elle fait partie d'un corps de catégorie A, ont été réduites de façon significative. Mme A... produit un certificat médical faisant état d'une dépression consécutive à un burn-out professionnel. Elle a été placée en disponibilité d'office par des décisions qui ont été annulées par le Tribunal administratif de Melun et s'est vu refuser le bénéfice d'un congé de maladie. Mme A... fait valoir qu'à son retour de disponibilité, la mention " chef de bureau " avait été supprimée de l'organigramme et que sa fiche de poste mentionnait que des réunions pouvaient se tenir le soir alors que le médecin de prévention avait contre-indiqué la conduite de nuit. A la suite de ces agissements, Mme A... a sollicité sa mutation. L'ensemble de ces faits sont susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Le ministre n'a pas contesté ces faits. Mme A... est donc fondée à soutenir qu'elle a été victime d'un harcèlement moral constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité, indépendamment de la condamnation prononcée par le tribunal administratif de Melun pour discrimination.

10. Il sera fait une juste appréciation de son préjudice résultant de l'atteinte à sa dignité et à son état de santé en le fixant à 3 000 euros.

En ce qui concerne la discrimination depuis 2015 :

11. Aux termes du deuxième alinéa de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison [...] de leur handicap ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à [...] une race. ". Aux termes du premier alinéa de l'article 4 de la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations : " Toute personne qui s'estime victime d'une discrimination directe ou indirecte présente devant la juridiction compétente les faits qui permettent d'en présumer l'existence. Au vu de ces éléments, il appartient à la partie défenderesse de prouver que la mesure en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. ".

12. De manière générale, il appartient au juge administratif, dans la conduite de la procédure inquisitoire, de demander aux parties de lui fournir tous les éléments d'appréciation de nature à établir sa conviction. Cette responsabilité doit, dès lors qu'il est soutenu qu'une mesure a pu être empreinte de discrimination, s'exercer en tenant compte des difficultés propres à l'administration de la preuve en ce domaine et des exigences qui s'attachent aux principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense et de l'égalité de traitement des personnes. S'il appartient au requérant qui s'estime lésé par une telle mesure de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte à ce dernier principe, il incombe au défendeur de produire tous ceux permettant d'établir que la mesure en cause repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si la mesure contestée devant lui a été ou non prise pour des motifs entachés de discrimination, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

13. Ainsi qu'il a été dit précédemment Mme A... n'a pas pu bénéficier de l'ensemble des mesures préconisées par le médecin de prévention à son retour de disponibilité. Elle n'a pas pu bénéficier de congé de maladie et elle a été placée illégalement en disponibilité d'office ainsi que l'a jugé le Tribunal administratif de Melun dans un jugement du 6 février 2018. Mme A... produit donc des éléments susceptibles de faire présumer que les mesures prises à son encontre sont entachées d'une atteinte au principe d'égalité de traitement des personnes. Le ministre ne conteste pas sérieusement ces faits et n'apporte pas d'éléments de nature à établir que les mesures en cause reposent sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Mme A... est fondée à soutenir qu'elle a été victime d'une discrimination en raison de son handicap et à en demander réparation. En revanche, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Melun a fixé le montant du préjudice en résultant à la somme de 1 000 euros.

En ce qui concerne la discrimination raciste :

14. Il résulte de l'instruction que dans un compte-rendu d'entretien rédigé par un représentant syndical, le directeur départemental de la cohésion sociale de Seine-et-Marne aurait qualifié le corps des conseillers d'éducation populaire et de jeunesse de " race " puis de " gaulois/gauloises ". Ces propos, pour regrettables qu'ils soient, ne peuvent être regardés comme constituant une discrimination en raison de l'appartenance à une race au sens de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Par suite, sa demande indemnitaire présentée sur ce fondement ne peut qu'être rejetée.

En ce qui concerne la mutation de Mme A... à la direction départementale de la cohésion sociale de l'Essonne :

15. Si Mme A... a sollicité sa mutation en raison des agissements de son employeur, elle n'établit pas que les frais dont elle demande la réparation aurait un lien direct et suffisant avec les agissements en cause dès lors qu'elle ne démontre pas que seule une affectation dans le département de l'Essonne, et donc loin de son domicile, était possible. En outre, elle n'établit pas l'étendue de son préjudice.

En ce qui concerne l'atteinte à sa vie privée :

16. Mme A... ne démontre pas que le courriel du 4 janvier 2012, comportant des éléments relatifs à son handicap, aurait été diffusé sur le réseau Intranet de la préfecture de Seine-et-Marne et aurait, de ce fait, été accessible aux autres agents. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que les services de la préfecture auraient commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat.

En ce qui concerne la violation du secret médical :

17. Mme A... fait valoir que le courrier du 26 mai 2015 émanant des services de la préfecture de Seine-et-Marne et sollicitant de son médecin traitant des informations médicales a porté atteinte au respect du secret médical. Cependant, il résulte de l'instruction que ce courrier a été établi par le comité médical chargé de se prononcer sur le dossier de Mme A... et que le certificat médical qu'il sollicite doit être envoyé à un médecin de ce comité. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que les services de la préfecture auraient commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat.

En ce qui concerne l'absence de visite médicale obligatoire :

18. Mme A... fait valoir qu'elle n'a pas bénéficié d'une visite médicale obligatoire dans le délai de huit jours suivant son retour de congé de maladie. Cependant, elle ne précise ni la nature ni l'étendue du préjudice qu'elle estime avoir subi en conséquence. Par suite, la demande indemnitaire présentée à ce titre doit être rejetée.

19. Il résulte de ce qui a été dit au point 10 que la somme que l'Etat a été condamné à verser à Mme A... par le jugement n° 1608483 en date du 6 février 2018 du Tribunal administratif de Melun doit être portée à 6 000 euros.

Sur les intérêts et leur capitalisation :

20. Il y a lieu d'assortir la somme de 6 000 euros que l'Etat vient d'être condamné à verser à Mme A... des intérêts au taux légal à compter du 14 septembre 2016, date à laquelle la demande indemnitaire préalable de cette dernière a été reçue par l'administration, et de prononcer leur capitalisation à la date du 14 septembre 2017, date à laquelle était due une année d'intérêts, ainsi qu'à échéance annuelle à compter de cette date.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

21. D'une part, il ressort des pièces du dossier qu'en mettant à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, les premiers juges ont fait une exacte évaluation du montant des frais exposés en première instance par Mme A.... Il n'y pas lieu, par suite, de les porter à la somme de 3 400 euros sollicitée par la requérante.

22. D'autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 800 euros au titre des frais exposés par Mme A... dans la présente instance et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : L'Etat est condamné à verser à Mme A... la somme de 6 000 euros. Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 septembre 2016, capitalisés le 14 septembre 2017, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 2 : Le jugement n° 1608483 en date du 6 février 2018 du Tribunal administratif de Melun est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 800 euros à Mme A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à Mme B... A... et au ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré après l'audience du 29 mai 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme D..., présidente,

- M. Mantz, premier conseiller,

- Mme C..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 juin 2020.

La présidente,

M. D...

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA01028


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA01028
Date de la décision : 15/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-07 Fonctionnaires et agents publics. Statuts, droits, obligations et garanties.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Celine PORTES
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : SELARL ACACCIA

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-06-15;18pa01028 ?
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