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23/06/2020 | FRANCE | N°19PA01202

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 23 juin 2020, 19PA01202


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... F... a demandé au tribunal administratif de Melun d'ordonner une expertise médicale et de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme provisionnelle de 1 500 000 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait de sa vaccination contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite.

Par un jugem

ent n° 1701309 du 15 février 2019, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... F... a demandé au tribunal administratif de Melun d'ordonner une expertise médicale et de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme provisionnelle de 1 500 000 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait de sa vaccination contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite.

Par un jugement n° 1701309 du 15 février 2019, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires enregistrés les 1er avril 2019, 12 décembre 2019 et 14 février 2020, Mme F..., représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'ordonner une mesure d'expertise avant dire droit en vue de permettre l'évaluation des préjudices qu'elle a subis du fait de la vaccination et, subsidiairement, d'apporter les éléments permettant d'établir le lien de causalité entre celle dernière et sa pathologie ;

3°) de condamner l'ONIAM à lui verser, à titre provisionnel, la somme de 1 500 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 octobre 2015 et de la capitalisation des intérêts à compter du 21 octobre 2016 ;

4°) de mettre à la charge de l'ONIAM le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il existe un faisceau d'éléments de nature à établir le lien de causalité entre la vaccination qu'elle a subie et la pathologie dont elle a ensuite été atteinte ;

- il ne peut lui être reproché de ne pouvoir rapporter la preuve qu'elle ne s'est pas rendue au Maroc au cours des premiers mois de sa vie ; l'hypothèse d'une contamination par le virus causant la poliomyélite au cours d'un voyage précoce au Maroc est totalement improbable ;

- la double circonstance qu'aucune cause expliquant ses symptômes n'a été retrouvée et que ceux-ci sont survenus très peu de temps après la vaccination permet de faire regarder ce lien de causalité comme suffisamment probable ;

- une nouvelle expertise, ordonnée avant dire droit, permettrait d'apporter davantage d'éléments pour établir ce lien de causalité, dès lors que celle menée par le docteur Sindres ne présentait pas toutes les garanties d'indépendance requises ; une telle mesure est en outre nécessaire en vue de permettre l'évaluation des préjudices subis ;

- eu égard aux pièces qu'elle produit s'agissant de ses préjudices, l'ONIAM doit être condamné à lui verser la somme provisionnelle de 1 500 000 euros.

Par deux mémoires enregistrés les 26 novembre 2019 et 9 mars 2020, l'ONIAM, représenté par Me G..., conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction est intervenue le 1er juin 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant Mme F....

Considérant ce qui suit :

1. Mme F..., née le 27 août 1987, a été vaccinée le 11 janvier 1988, à l'âge de quatre mois et demi, contre la diphtérie, le tétanos, la coqueluche et la poliomyélite. Du 19 au 23 janvier 1988, elle est hospitalisée en raison de l'apparition d'une infection et d'un abcès au niveau du point d'injection vaccinal, traités par antibiothérapie. Le 29 janvier 1988, elle est à nouveau hospitalisée en raison d'une hypotonie du membre inférieur droit. Opérée à plusieurs reprises au cours de sa croissance, Mme F... reste atteinte d'un déficit moteur de la jambe droite, la sensibilité étant conservée. Elle estime que cette pathologie résulte de la vaccination subie le 11 janvier 1988, et a donc demandé à l'ONIAM de l'indemniser, sur le fondement des dispositions de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique. Après avoir diligenté une expertise, l'office a rejeté sa demande par courrier du 21 décembre 2016, les séquelles présentées par Mme F... ne pouvant selon lui être reliées à la vaccination et étant plus vraisemblablement la conséquence d'une poliomyélite contractée au Maroc avant la vaccination. La requérante a demandé au tribunal administratif de Melun d'ordonner une expertise médicale et de condamner l'ONIAM à lui verser la somme provisionnelle de 1 500 000 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait de sa vaccination contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite. Par un jugement du 15 février 2019 dont elle relève appel, le tribunal a rejeté ses demandes.

Sur le lien de causalité :

2. Aux termes de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique : " Sans préjudice des actions qui pourraient être exercées conformément au droit commun, la réparation intégrale des préjudices directement imputables à une vaccination obligatoire pratiquée dans les conditions mentionnées au présent chapitre, est assurée par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales institué à l'article L. 1142-22, au titre de la solidarité nationale. / L'office diligente une expertise et procède à toute investigation sans que puisse lui être opposé le secret professionnel. / L'offre d'indemnisation adressée à la victime ou, en cas de décès, à ses ayants droit est présentée par le directeur de l'office. (...) ".

3. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du docteur Sindres, neurologue et psychiatre désigné par l'ONIAM, dont la partialité alléguée n'est établie ni par les pièces du dossier ni par les termes de son rapport, ainsi que des documents médicaux produits par Mme F..., que malgré de nombreuses explorations médicales, aucune cause n'a été retrouvée permettant d'expliquer de manière certaine les troubles fonctionnels dont est atteinte la requérante.

4. Si, d'une part, un diagnostic de névrite imputable à la vaccination du 11 janvier 1988 a été évoqué, l'injection en cause a été réalisée au niveau de la fosse sous-épineuse gauche de l'enfant, comme l'indique un compte-rendu d'hospitalisation à l'hôpital Delafontaine de Saint-Denis du 29 janvier 1988 au 8 février 1988 ; or, aucun nerf dont une lésion serait susceptible d'entraîner des troubles du membre inférieur droit ne peut être atteint à ce niveau. Sur ce point, les déclarations de la mère de Mme F..., selon laquelle sa fille aurait été vaccinée à la fesse, ne sont corroborées par aucune pièce au dossier. Il en résulte que l'hypothèse d'une lésion nerveuse occasionnée par la vaccination du 11 janvier 1988 ne peut être regardée comme étant à l'origine des troubles du membre inférieur droit présentés par l'intéressée, lesquels sont en outre apparus de manière franche, non régressive, et sans perte de sensibilité, alors que la littérature scientifique relève que les complications neurologiques liées aux injections vaccinales se manifestent généralement de manière discrète, avec des signes sensitifs, et sont transitoires.

5. D'autre part, s'agissant de l'hypothèse de survenue d'une poliomyélite consécutive à la vaccination, les études scientifiques produites au dossier n'établissent la possibilité de tels syndromes qu'en lien avec l'administration de vaccins contenant le virus non inactivé, délivré par voie orale, contrairement à celui qu'a reçu Mme F..., qui contenait les sérotypes inactivés du poliovirus. La seule production d'un article considérant comme seulement " plausible " une réactivation virale après vaccination avec le virus inactivé ne suffit pas à permettre de regarder comme établi, en l'espèce, le lien de causalité entre l'injection reçue par Mme F... et la pathologie qu'elle a développée. Enfin, la circonstance qu'un certificat médical du 23 juin 2010 évoque une complication " post-vaccinale " ne saurait impliquer un tel lien de causalité, ce document se bornant à souligner l'enchaînement chronologique des faits. Dans ces conditions, et alors même que Mme F... serait fondée à soutenir qu'il n'est pas démontré qu'un voyage au Maroc, antérieur à la vaccination, serait à l'origine d'une contamination par le poliovirus comme l'ont envisagé l'expert et les premiers juges, le lien de causalité entre l'injection reçue le 11 janvier 1988 et la survenue d'une pathologie du membre inférieur droit ne peut être regardé comme suffisamment probable pour que l'ONIAM soit condamné, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique, à réparer les préjudices subis par la requérante.

6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit utile en l'espèce d'ordonner une mesure d'expertise, que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté ses demandes.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'ONIAM, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme au titre des frais exposés par Mme F... et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... F..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris et à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 9 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- M. D..., premier vice-président,

- Mme Jayer, premier conseiller,

- Mme C..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 23 juin 2020.

Le rapporteur,

G. C...Le président,

M. D...

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA01202


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01202
Date de la décision : 23/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-005-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité sans faute. Actes médicaux.


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : CHAUSSONNIERE / RIBEIRO

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-06-23;19pa01202 ?
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