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22/09/2020 | FRANCE | N°20PA01571

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 22 septembre 2020, 20PA01571


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 26 décembre 2013 par laquelle le maire de la commune de Champigny-sur-Marne a prononcé son licenciement et d'indemniser ses préjudices y afférents.

Par un jugement n° 1402136/9 du 16 décembre 2015, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés respectivement le

15 février 2016 et le 15 novembre 2

017, Mme D..., représentée par Me E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal ad...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 26 décembre 2013 par laquelle le maire de la commune de Champigny-sur-Marne a prononcé son licenciement et d'indemniser ses préjudices y afférents.

Par un jugement n° 1402136/9 du 16 décembre 2015, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés respectivement le

15 février 2016 et le 15 novembre 2017, Mme D..., représentée par Me E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Melun du 16 décembre 2015 ;

2°) d'annuler la décision du maire de la commune de Champigny-sur-Marne du

26 décembre 2013 prononçant son licenciement ;

3°) d'enjoindre au maire de la commune de Champigny-sur-Marne de la réintégrer à compter du 26 décembre 2013, en reconstituant sa carrière ;

4°) de condamner la commune de Champigny-sur-Marne à lui verser une somme de 1 600 euros par mois, depuis le 26 décembre 2013, en réparation du préjudice subi du fait de la privation de son traitement, et la somme de 10 000 euros au titre des dommages-intérêts, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de réception de sa première demande ;

5°) de mettre à la charge de la commune une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il a omis de statuer sur le moyen tiré de l'absence de mention des voies et délais de recours ouverts à l'encontre de la décision attaquée ;

- elle n'a pas eu connaissance de l'avis préalable de la commission administrative paritaire ;

- elle ne s'est pas vu proposer de poste dans un délai raisonnable ;

- elle n'a pas refusé trois offres de postes vacants dès lors que certaines propositions de postes lui ayant été faites avaient expiré à la date où elle en a eu connaissance ;

- elle n'a commis aucune faute disciplinaire de nature à justifier un licenciement ;

- elle a droit à la réparation du préjudice subi du fait de ce licenciement illégal.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 26 avril 2016 et le 19 mars 2018, la commune de Champigny-sur-Marne, représentée par la SELARL Gaia, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme D... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- Mme D... n'a pas soulevé, en première instance, de moyen tiré de l'absence de mention des voies et délais de recours ;

- aucune disposition légale ou règlementaire n'impose la communication de l'avis de la commission administrative paritaire ;

- plusieurs postes lui ont été proposés dans un délai raisonnable ;

- Mme D... n'était pas légitime à refuser un poste pour de simples raisons de mobilité géographique ;

- les dates de candidature des offres de postes du 5 avril 2013 étaient indicatives ;

- les offres de postes du 5 avril 2013 étaient fermes et précises ;

- le licenciement de Mme D... n'est pas fondé sur une faute de sa part, mais sur la circonstance qu'elle a refusé plus de trois propositions de postes ;

- les conclusions indemnitaires sont irrecevables dès lors qu'elles n'ont été précédées d'aucune demande préalable.

Par un arrêt 16PA00647 du 10 avril 2018, la Cour a rejeté la requête de

Mme D... et les conclusions de la commune de Champigny-sur-Marne présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme D... s'est pourvue en cassation contre cet arrêt.

Par une décision n° 421399 en date du 25 juin 2020, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé cet arrêt du 10 avril 2018 et a renvoyé l'affaire devant la Cour.

Par deux mémoires, enregistrés le 3 septembre 2020, Mme D... reprend les conclusions à fin d'annulation et à fin d'injonction présentées dans sa requête du

15 février 2016 et modifie ses conclusions indemnitaires en demandant la condamnation de la commune de Champigny-sur-Marne, d'une part, à lui verser une somme de 1666 euros par mois, depuis le 26 mars 2013, en réparation du préjudice subi du fait de la privation de son traitement, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de réception de sa première demande, soit le 7 mars 2014, avec capitalisation des intérêts, d'autre part, une somme de

5 000 euros en réparation du préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence ; elle porte enfin sa demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à la somme de 4 000 euros.

Elle reprend les moyens soulevés dans sa requête du 15 février 2016 et dans son mémoire complémentaire du 15 novembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-68 du 13 janvier 1986;

- le décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,

- les observations de Me E..., pour Mme D...,

- et les observations de Me B..., pour la commune de Champigny-sur-Marne.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., qui a intégré la fonction publique territoriale en 2001, a été recrutée en qualité d'adjoint administratif territorial par la commune de Champigny-sur-Marne en 2004, et a été reclassée, en 2007, au grade d'adjoint administratif de 2ème classe. Elle a demandé, le 31 mars 2011, à être placée en disponibilité pour convenance personnelle, pendant une durée d'un an, à compter du 11 juillet 2011. Elle a sollicité sa réintégration anticipée le 9 novembre 2011. Faute de poste disponible, le maire de cette commune l'a, par une décision du 15 décembre 2011, placée en position de disponibilité d'office. Par un arrêté du 26 décembre 2013, le maire de Champigny-sur-Marne a, après avoir recueilli l'avis de la commission administrative paritaire, prononcé son licenciement. L'intéressée relève appel du jugement du 16 décembre 2015 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision et à l'indemnisation de ses préjudices.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 26 décembre 2013 et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

2. Aux termes de la seconde phrase du deuxième alinéa de l'article 72 de la loi du

26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Le fonctionnaire mis en disponibilité qui refuse successivement trois postes qui lui sont proposés dans le ressort territorial de son cadre d'emploi, emploi ou corps en vue de la réintégration peut être licencié après avis de la commission administrative paritaire ". Aux termes du III de l'article 97 de la même loi: " Après trois refus d'offre d'emploi correspondant à son grade, à temps complet ou à temps non complet selon la nature de l'emploi d'origine, transmise par une collectivité ou un établissement au Centre national de la fonction publique territoriale ou au centre de gestion, le fonctionnaire est licencié ou, lorsqu'il peut bénéficier de la jouissance immédiate de ses droits à pension, admis à faire valoir ses droits à la retraite ; (...) / L'offre d'emploi doit être ferme et précise, prenant la forme d'une proposition d'embauche comportant les éléments relatifs à la nature de l'emploi et à la rémunération. Le poste proposé doit correspondre aux fonctions précédemment exercées ou à celles définies dans le statut particulier du cadre d'emplois de l'agent (...) ". Aux termes du troisième alinéa de l'article 26 du décret du 13 janvier 1986 relatif aux positions de détachement, hors cadres, de disponibilité, de congé parental des fonctionnaires territoriaux et à l'intégration : " Le fonctionnaire qui a formulé avant l'expiration de la période de mise en disponibilité une demande de réintégration est maintenu en disponibilité jusqu'à ce qu'un poste lui soit proposé dans les conditions prévues à l'article 97 de la loi du 26 janvier 1984 précitée ".

3. Il résulte de ces dispositions que le fonctionnaire territorial bénéficiant d'une disponibilité pour convenances personnelles qui sollicite sa réintégration mais refuse successivement trois offres d'emploi fermes et précises peut être licencié après avis de la commission administrative paritaire. Chacune de ces offres d'emploi prend la forme d'une proposition d'embauche comportant les éléments relatifs à la nature de l'emploi et à la rémunération.

4. Il ressort des pièces du dossier que la commune de Champigny-sur-Marne a adressé à Mme D..., le 7 février 2012, un courrier l'informant de la vacance de trois postes correspondant à son statut. Ce courrier, auquel étaient jointes trois fiches de poste diffusées au personnel communal et datées des 17 et 24 janvier et 6 février 2012, l'invitait à adresser à la commune un curriculum vitae et une lettre de motivation afin de " faciliter l'examen de votre candidature au regard des aptitudes requises pour ces postes par les chefs de service concernés " et précisait " qu'un entretien avec chacun d'eux sera alors organisé pour apprécier l'adéquation entre votre profil de compétences et les exigences des postes à pourvoir, ainsi que votre motivation pour ces postes ". Dans ces conditions, alors que le courrier du 7 février 2012 subordonnait le recrutement de l'intéressée à la réalisation de différentes conditions soumises à l'appréciation de la commune et ne constituait donc pas une proposition d'embauche, les offres d'emploi contenues dans ce courrier du 7 février 2012 ne pouvaient être regardées comme des offres d'emploi fermes et précises au sens des dispositions citées au point 2. Il en est de même des cinq offres d'emploi contenues dans le courrier du 5 avril 2013 qui invitait l'intéressée à s'y porter candidate et à adresser à la commune un curriculum vitae et une lettre de motivation afin de faciliter l'examen de sa candidature au regard des aptitudes requises, ce courrier précisant dans les mêmes termes que celui du 7 février 2012 " qu'un entretien avec chacun d'eux sera alors organisé pour apprécier l'adéquation entre votre profil de compétences et les exigences des postes à pourvoir, ainsi que votre motivation pour ces postes ". Dès lors, Mme D... ne s'étant vue proposer qu'un seul poste d'agent de gestion administratif le 20 novembre 2012, qu'elle a refusé le

17 décembre 2012, elle est fondée à soutenir que le maire de Champigny-sur-Marne ne pouvait prononcer son licenciement sans méconnaître l'article 97 III cité au point 2 de la loi du 26 janvier 1984.

5. Il résulte de ce qui précède que Mme D... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 26 décembre 2013.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Le présent arrêt implique nécessairement que Mme D... soit réintégrée dans les effectifs de la commune de Champigny-sur-Marne à la date de son éviction, le

26 décembre 2013, et que sa carrière soit reconstituée. Il y a lieu, dès lors, en vertu de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au maire de Champigny-sur-Marne de réintégrer Mme D... dans les effectifs de la commune à compter du 26 décembre 2013 et de reconstituer sa carrière, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

7. En premier lieu, la commune de Champigny-sur-Marne soutient que les conclusions indemnitaires de Mme D... sont irrecevables dès lors qu'elles n'ont été précédées d'aucune demande préalable. Toutefois, alors que la demande indemnitaire de

Mme D... était antérieure à l'entrée en vigueur le 1er janvier 2017 du décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016, la défense au fond en première instance de la commune sans opposer à titre principal d'irrecevabilité faute de réclamation préalable, a lié le contentieux. Cette fin de non-recevoir doit donc être écartée.

8. En deuxième lieu, si Mme D... demande l'indemnisation de la perte des revenus qu'elle aurait dû percevoir si elle n'avait pas été licenciée, il est constant qu'à la date de son licenciement, Mme D... était placée en position de disponibilité d'office, position dans laquelle elle ne percevait aucun traitement. Dans ces conditions, les conclusions de

Mme D... tendant à l'indemnisation d'un préjudice financier ne peuvent qu'être rejetées.

9. En dernier lieu, eu égard aux conditions dans lesquelles est intervenu le licenciement illégal de Mme D..., cette dernière est fondée à demander la condamnation de la commune à lui verser une somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence, somme portant intérêts au taux légal à compter du 7 mars 2014, date d'introduction de sa demande de première instance.

Sur les conclusions des parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. D'une part, les dispositions mentionnées ci-dessus font obstacle à ce que

Mme D..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse une somme à la commune de Champigny-sur-Marne au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. D'autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme D... et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1402136/9 du 16 décembre 2015 du Tribunal administratif de Melun et l'arrêté du maire de Champigny-sur-Marne du 26 décembre 2013 prononçant le licenciement de Mme D... sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au maire de Champigny-sur-Marne de réintégrer

Mme D... dans les effectifs de la commune à compter du 26 décembre 2013 et de reconstituer sa carrière, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : La commune de Champigny-sur-Marne est condamnée à verser la somme de 2 000 euros à Mme D... en réparation de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence, somme portant intérêts au taux légal à compter du 7 mars 2014.

Article 4 : La commune de Champigny-sur-Marne versera la somme de 1 500 euros à Mme D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de Mme D... est rejeté.

Article 6 : Les conclusions de la commune de Champigny-sur-Marne présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... et à la commune de Champigny sur Marne.

Délibéré après l'audience du 8 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- M. A..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 septembre 2020.

Le rapporteur,

D. PAGES Le président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au préfet du Val-de-Marne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20PA01571 7


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA01571
Date de la décision : 22/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-10 Fonctionnaires et agents publics. Cessation de fonctions.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : HEMITOUCHE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-09-22;20pa01571 ?
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