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27/10/2020 | FRANCE | N°18PA03030

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 27 octobre 2020, 18PA03030


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 30 août 2016 par laquelle le directeur départemental de la protection des populations de Paris a prononcé à son encontre une amende administrative d'un montant total de 15 000 euros.

Par un jugement n°1619040/2 du 10 juillet 2018, le tribunal administratif de Paris a annulé cette décision et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 30 août 2016 par laquelle le directeur départemental de la protection des populations de Paris a prononcé à son encontre une amende administrative d'un montant total de 15 000 euros.

Par un jugement n°1619040/2 du 10 juillet 2018, le tribunal administratif de Paris a annulé cette décision et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 10 septembre 2018 et le 28 mai 2019, le ministre de l'économie et des finances demande à la Cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 10 juillet 2018 et de rejeter la demande de Mme A....

Il soutient que :

- les dispositions de l'article L. 131-5 du code de la consommation permettent de prononcer une sanction administrative à l'encontre d'une personne physique ou d'une personne morale ;

- les dispositions de l'article L. 227-1 du code de commerce ne font pas obstacle à ce qu'une amende administrative soit prononcée à l'encontre d'une personne physique qui dirige et contrôle une société, dès lors qu'il est établi qu'elle a elle-même commis les manquements constatés ;

- Mme A..., en sa qualité d'unique associée de la société Entreprise André est l'auteur des manquements, commis à son profit vis-à-vis, à la réglementation relative à l'information précontractuelle et à l'affichage des prix.

La clôture de l'instruction est intervenue le 29 janvier 2020.

La Cour a pris connaissance du mémoire présenté pour Mme A... par la SCP Chouraqui-Quatremain, enregistré le 6 octobre 2020, reçu après la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'arrêté du 2 mars 1990 relatif à la publicité des prix des prestations de dépannage, de réparation et d'entretien dans le secteur du bâtiment et de l'équipement de la maison,

- le code de commerce,

- le code de la consommation,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de Mme Péna, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... est présidente et associée unique de la société par actions simplifiée unipersonnelle " Entreprise André ", ayant pour activité le dépannage à domicile en plomberie, serrurerie, vitrerie et électricité. Par un procès-verbal du 3 février 2016 les agents de la direction départementale de la protection des populations de Paris, ont relevé plusieurs manquements aux dispositions de l'article L.113-3 du code de la consommation alors en vigueur ainsi qu'à l'arrêté du 2 mars 1990 relatif à la publicité des prix des prestations de dépannage, de réparation et d'entretien dans le secteur du bâtiment et de l'équipement de la maison sur les cartons publicitaires distribués chez les particuliers. Au terme de la procédure contradictoire prévue par les articles L. 522-1 et suivants du code de la consommation relatifs à la procédure de sanction administrative, le directeur départemental de la protection des populations de Paris, par décision du 30 août 2016, a infligé à Mme A... une amende administrative d'un montant total de

15 000 euros pour les manquements à l'article 4 de l'arrêté du 2 mars 1990. Par un jugement du

10 juillet 2018, le tribunal a annulé cette décision. Le ministre de l'économie et des finances relève appel de ce jugement et conclut au rejet des demandes de Mme A....

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif de Paris :

2. Aux termes de l'article liminaire du code de la consommation : " Pour l'application du présent code, on entend par : (...) / - professionnel : toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu'elle agit au nom ou pour le compte d'un autre professionnel ".

3. Aux termes de l'article L. 112-1 du code de la consommation : " Tout vendeur de produit ou tout prestataire de services informe le consommateur, par voie de marquage, d'étiquetage, d'affichage ou par tout autre procédé approprié, sur les prix et les conditions particulières de la vente et de l'exécution des services, selon des modalités fixées par arrêtés du ministre chargé de l'économie, après consultation du Conseil national de la consommation ". L'article 4 de l'arrêté du 2 mars 1990 relatif à la publicité des prix des prestations de dépannage, de réparation et d'entretien dans le secteur du bâtiment et de l'équipement de la maison pris pour l'application de l'article L. 112-1 du code de la consommation prévoit notamment que toute publicité écrite, permettant une commande à distance doit comporter notamment les mentions du nom, de la raison sociale et de l'adresse de l'entreprise, les frais de déplacement, lorsque les entreprises se rendent au domicile du consommateur, le caractère payant ou non du devis et le cas échéant, toute autre condition de rémunération. L'article L. 131-5 du code de la consommation prévoit que : " Tout manquement aux dispositions de l'article L. 112-1 définissant les modalités d'information sur le prix et les conditions de vente ainsi qu'aux dispositions des arrêtés pris pour son application est passible d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale ".

4. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 112-3 du code de la consommation : " Lorsque le prix ne peut être raisonnablement calculé à l'avance du fait de la nature du bien ou du service, le professionnel fournit le mode de calcul du prix et, s'il y a lieu, tous les frais supplémentaires de transport, de livraison ou d'affranchissement et tous les autres frais éventuels. / Lorsque les frais supplémentaires ne peuvent raisonnablement être calculés à l'avance, le professionnel mentionne qu'ils peuvent être exigibles ". L'article L. 131-6 du code de la consommation prévoit que : " Tout manquement aux dispositions des articles L. 112-3 et L. 112-4 relatifs aux modalités de calcul du prix est passible d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder

3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale ".

5. Enfin aux termes de l'article L. 522-1 du code de la consommation : " L'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation est l'autorité compétente pour prononcer les amendes administratives sanctionnant les manquements aux dispositions mentionnées aux articles L. 511-5, L. 511-6 et L. 511-7 et l'inexécution des mesures d'injonction relatives à des manquements constatés avec les pouvoirs mentionnés aux mêmes articles ".

6. Ces dispositions permettent à l'autorité administrative d'infliger une amende à tout professionnel, vendeur de produit ou prestataire de services, qui aurait commis un manquement aux dispositions du code de la consommation et de l'arrêté du 2 mars 1990, citées aux points précédents. Elles laissent à l'autorité administrative le choix d'infliger la sanction soit à la personne morale au nom et pour le compte de laquelle a agi l'auteur du manquement, soit à la personne physique, qu'il s'agisse du gérant de la personne morale ou même l'un de ses préposés, qui a effectivement commis ce manquement dès lors que cette personne physique a la qualité de professionnel au sens des dispositions précitées, qu'elle a agi dans le cadre de ses fonctions au sein de la personne morale et qu'elle n'a pas fait valoir, notamment au cours de la procédure contradictoire préalable, de circonstances particulières de nature à l'exonérer de sa responsabilité. Cette possibilité laissée à l'autorité administrative ne contrevient pas aux principes de la légalité et de la personnalité des peines consacrés par les articles 8 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

7. Il en résulte que c'est à tort que, pour annuler les sanctions prises sur le fondement du code de la consommation et de l'arrêté du 2 mars 1990, le tribunal administratif de Paris a estimé que dès lors que les manquements avaient été commis pour le compte de la société par actions simplifiée unipersonnelle, dotée d'une personnalité morale distincte de celle de son associé, et que cette société constituait seule un professionnel au sens du code de la consommation, son gérant, personne physique, ne pouvait pas faire l'objet de l'amende qui lui a été infligée.

8. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par Mme A... devant le tribunal administratif de Paris.

9. En premier lieu, l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 a modifié la numérotation des articles du code de la consommation. La circonstance que cette ordonnance du 14 mars 2016 n'était pas en vigueur à la date à laquelle les manquements ont été commis est sans influence sur la légalité de la sanction. Les dispositions de l'article L. 522-1 du code de la consommation, issues de la nouvelle codification du code de la consommation entrée en vigueur le

1er juillet 2016, correspondant à l'ancien article L.141-1-2, qui ne définissent pas l'infraction sanctionnée mais déterminent l'autorité compétente pour prononcer la sanction, sont bien au nombre de celles qu'il convenait d'appliquer à la date de la décision attaquée, le 30 août 2016, et ce, nonobstant la circonstance que celle-ci a pour objet de sanctionner des manquements commis antérieurement au 1er juillet 2016. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier et notamment de la lettre du 19 juillet 2016 par laquelle la direction départementale de la protection des populations a engagé la procédure contradictoire que la sanction contestée a été prononcée au titre d'un manquement à l'article 4 de l'arrêté du 2 mars 1990 réprimé par l'article 113-3-2 du code de la consommation devenu le 1er juillet 2016 l'article L. 131-5. Ces dispositions trouvaient à s'appliquer aux faits de l'espèce tant à la date à laquelle les manquements ont été constatés qu'à la date à laquelle la sanction a été prononcée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines doit être écarté.

10. En deuxième lieu, aux termes du II de l'article L. 141-1 du code de la consommation dans sa version applicable au litige : " Sont recherchés et constatés, dans les mêmes conditions qu'au I, à l'exception des pouvoirs d'enquête de l'article L. 450-4 du code de commerce, les infractions ou manquements aux dispositions suivantes du présent code : (...) 5° Les chapitres Ier, III, IV, VI et VIII du titre III du livre Ier (...) VII. Les agents habilités à constater les infractions ou les manquements aux dispositions mentionnées aux I à III peuvent, après une procédure contradictoire, enjoindre à tout professionnel, en lui impartissant un délai raisonnable, de se conformer à ces dispositions, de cesser tout agissement illicite ou de supprimer toute clause illicite ou interdite. "

11. Contrairement à ce que soutient Mme A..., ces dispositions ne font pas obligation aux agents de la direction départementale de la protection des populations de Paris d'enjoindre aux professionnels de se conformer à la réglementation en vigueur. En outre, la circonstance que cette injonction n'ait pas été prononcée préalablement à la sanction administrative n'est pas de nature à révéler un manquement au principe de proportionnalité des peines. Dès lors, le moyen tiré de leur méconnaissance doit être écarté.

12. En dernier lieu, en se bornant à indiquer que sa société était inscrite au registre du commerce et des sociétés et auprès de la chambre du commerce et que son changement de forme sociale en 2015 a entraîné des dysfonctionnements sur son site internet, Mme A... ne conteste pas sérieusement que les manquements relevés par les agents de la direction départementale de la protection des populations de Paris étaient avérés. Il ressort par ailleurs du procès-verbal du

3 février 2016 que les manquements relevés consistaient en l'absence des mentions obligatoires sur le site internet de la société " Entreprise André ", notamment la raison sociale, le numéro d'inscription au registre du commerce et des sociétés, les taux horaires de main-d'oeuvre toutes taxes comprises, les frais de déplacement, ainsi que le caractère payant ou non du devis. Les captures d'écran du site internet produites par Mme A..., dont la date n'est au demeurant pas établie, ne sont pas de nature à contredire ces constats. Enfin, Mme A... n'apporte aucun élément dont il ressortirait qu'elle serait étrangère aux manquements relevés. Dès lors, le moyen tiré de ce que la sanction prononcée à son encontre par le directeur départemental de la protection des populations de Paris n'était pas justifiée doit être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie et des finances est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 10 juillet 2016 par laquelle le directeur départemental de la protection des populations de Paris a prononcé une amende administrative d'un montant de 15 000 euros à l'encontre de Mme A... et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le jugement du tribunal administratif de Paris doit être en conséquence annulé et la demande présentée par Mme A... doit être rejetée.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1619040/2 du 10 juillet 2018 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Rouen est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie et des finances et à Mme E... A.... Copie en sera adressée au directeur départemental de la protection des populations de Paris (préfecture de police).

Délibéré après l'audience du 6 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. C..., premier vice-président,

- M. B..., président assesseur,

- Mme Mornet, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 27 octobre 2020.

Le rapporteur,

Ch. B...Le président,

M. C...

Le greffier,

A. DUCHER

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 10PA03855

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N° 18PA03030


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA03030
Date de la décision : 27/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Commerce - industrie - intervention économique de la puissance publique - Réglementation des activités économiques - Activités soumises à réglementation - Réglementation de la protection et de l'information des consommateurs.

Répression - Domaine de la répression administrative Régime de la sanction administrative.


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: M. Christian BERNIER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : CABINET CHOURAQUI-QUATREMAIN

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-10-27;18pa03030 ?
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