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10/12/2020 | FRANCE | N°19PA03841

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 10 décembre 2020, 19PA03841


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2007 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été mis à sa charge au titre de la période du 1er octobre 2006 au 30 septembre 2007, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1716318 du 2 octobre 2019, le tribunal administratif de Paris auquel le dossier avait été transmis pa

r une ordonnance du président du tribunal administratif de Nice prise sur le fondement...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2007 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été mis à sa charge au titre de la période du 1er octobre 2006 au 30 septembre 2007, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1716318 du 2 octobre 2019, le tribunal administratif de Paris auquel le dossier avait été transmis par une ordonnance du président du tribunal administratif de Nice prise sur le fondement de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, a rejeté la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 29 novembre 2019, le 1er juillet 2020 et le 19 octobre 2020, Mme A..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1716318 du 2 octobre 2019 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme A... soutient que :

- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré du changement de vérificateur sans qu'elle en ait été informée ;

- la vérification de comptabilité a excédé la durée autorisée par les dispositions de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales ;

- elle a été privée de débat oral et contradictoire ;

- elle n'a pas été prévenue du remplacement du vérificateur au cours de la procédure ;

- certaines remises de chèques retenues par le service ne constituent pas des recettes professionnelles mais correspondent à des prêts ;

- les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas fondées.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 28 avril 2020 et le 8 octobre 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Le ministre soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 ;

- les décrets n° 2020-1404 et n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- et les conclusions de Mme Lescaut, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., qui exerçait une activité de sous-traitance informatique, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, au cours de laquelle le service, après avoir constaté qu'elle poursuivait également l'activité d'expertise-comptable du cabinet de son époux, décédé au cours de l'année 2006, a, en l'absence de toute production de documents comptables, procédé à la reconstitution de ses recettes et de son chiffre d'affaires de l'année 2007 à partir des encaissements figurant sur les relevés des trois comptes bancaires professionnels déclarés par la contribuable, dont l'un était dédié aux opérations d'expertise comptable. Mme A... a ainsi été assujettie à une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2007 et à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er octobre 2006 au 30 septembre 2007, assortis des intérêts de retard et de pénalités pour manquement délibéré sur le fondement du a) de l'article 1729 du code général des impôts. Elle fait appel du jugement en date du 2 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et pénalités.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. En relevant qu'il résultait des mentions de la proposition de rectification que les opérations de contrôle avaient été menées par Mme F., le tribunal a implicitement mais nécessairement jugé que la vérification de comptabilité avait été effectuée par un seul vérificateur et ainsi écarté le moyen tiré de ce que Mme A... n'avait pas été informée de l'intervention d'un nouveau vérificateur avec lequel elle n'aurait pas pu avoir un débat oral et contradictoire. Les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de se prononcer sur tous les arguments présentés, ont ainsi suffisamment répondu à ce moyen.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " I. Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne : 1° Les entreprises industrielles et commerciales ou les contribuables se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes n'excède pas les limites prévues au I de l'article 302 septies A du code général des impôts (...) ".

5. Ces dispositions, qui ont notamment pour objet d'alléger les contraintes que fait peser le contrôle fiscal sur la gestion des petites et moyennes entreprises, définissent, au bénéfice des contribuables qu'elles mentionnent, une garantie qui s'oppose à ce que le vérificateur poursuive, au-delà de trois mois à compter du début du contrôle, la vérification des livres ou documents comptables au sein de l'entreprise vérifiée ou, lorsqu'ils ont été apportés par le contribuable ou ont été emportés par le vérificateur avec l'accord du contribuable, dans les locaux de l'administration.

6. Il résulte de l'instruction que la vérification de comptabilité en litige a commencé le 5 octobre 2010, date du premier entretien de Mme A... avec le vérificateur dans ses locaux d'activité, qu'elle s'est poursuivie les 28 octobre et 8 décembre suivant chez son conseil et s'est achevée le 21 décembre 2010, date de la réunion de synthèse qui s'est déroulée par téléphone, ainsi qu'il est précisé dans la proposition de rectification du 23 décembre 2010, dont les mentions qui font foi jusqu'à preuve contraire ne sont pas utilement contredites par la seule circonstance que des documents bancaires et des justificatifs de charges auraient été remis lors de la réunion du 8 décembre 2010. Ainsi, cette vérification de comptabilité, qui a duré moins de trois mois, n'a en tout état de cause pas excédé la durée prévue par les dispositions de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

7. En second lieu, dans le cas où la vérification de la comptabilité d'une entreprise a été effectuée, soit, comme il est de règle, dans ses propres locaux, soit, si son dirigeant ou représentant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable dans lesquels sont déposés les documents comptables, c'est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat.

8. Mme A... ne justifie pas qu'elle n'aurait pas bénéficié avec le vérificateur, qu'elle ou son conseil ont rencontré physiquement à trois reprises, d'un débat oral et contradictoire, et que celui-ci se serait soustrait à toute discussion sur la reconstitution de ses recettes, notamment sur les encaissements effectués sur les comptes bancaires professionnels dont elle avait remis les relevés au service lors de la réunion qui s'est tenue le 8 décembre 2010, relevés qui, ainsi que l'indique la requérante, étaient les mêmes que ceux antérieurement obtenus par l'administration dans le cadre d'un droit de communication. Le moyen tiré du défaut de débat oral et contradictoire doit ainsi être écarté.

9. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que les opérations de vérification ont été menées par un seul et même vérificateur. Par suite, le moyen tiré de l'absence d'information de l'intervention, au cours de cette vérification, d'un nouveau vérificateur avec lequel Mme A... n'aurait pas pu avoir de débat oral et contradictoire doit être écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

10. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " (...) la charge de la preuve (...) incombe (...) au contribuable à défaut de comptabilité ou de pièces en tenant lieu (...) ".

11. Il résulte de l'instruction que l'administration a procédé à la reconstitution des recettes de Mme A... à partir des encaissements constatés sur ses comptes bancaires professionnels, dont elle a retranché les virements de compte à compte. La requérante fait valoir que certains encaissements ne peuvent cependant être regardés comme des recettes issues de son activité dès lors qu'ils correspondent à des avances consenties par un tiers.

12. Toutefois, elle n'établit pas la réalité de ses allégations en se bornant à produire un extrait de la proposition de rectification que le service lui a adressée pour ses revenus des années 2008 et 2009 qui fait état d'avances consenties au titre de ces deux années, un tableau des encaissements constatés et des montants déclarés qu'elle a réalisé elle-même et un relevé de compte du tiers qui aurait consenti les avances, qui ne justifie pas de la concordance des sommes mentionnées avec les crédits qui sont énumérés dans la requête. Dans ces conditions, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le service a reconstitué le montant des recettes en tenant compte des encaissements constatés sur ses comptes professionnels.

En ce qui concerne les pénalités :

13. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration ".

14. En relevant que Mme A..., compte tenu de ses compétences et de son expérience en matière de comptabilité, ne pouvait ignorer que les sommes encaissées sur ses comptes bancaires professionnels correspondaient à des recettes imposables qu'elle devait déclarer, l'administration apporte la preuve qui lui incombe de l'intention de l'intéressée de minorer les impositions dont elle était redevable et, par suite, du caractère délibéré des manquements reprochés. Par suite, c'est à bon droit qu'elle a infligé la majoration pour manquement délibéré prévue par les dispositions du a) de l'article 1729 du code général des impôts.

15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par suite, sa requête, y compris ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'État n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, doit être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au directeur national des vérifications de situations fiscales (DNVSF).

Délibéré après l'audience du 12 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- M. D..., président assesseur,

- Mme Marion, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 décembre 2020.

Le rapporteur,

F. D...Le président,

S.-L. FORMERYLa greffière,

F. DUBUY-THIAM

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA03841
Date de la décision : 10/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Détermination du revenu imposable.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Personnes et activités imposables.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : PIOZIN

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-12-10;19pa03841 ?
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