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29/12/2020 | FRANCE | N°19PA02983-19PA02984

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 29 décembre 2020, 19PA02983-19PA02984


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Ateliers Jean Nouvel a, par une première demande, sollicité du Tribunal administratif de Paris, à titre principal, l'annulation du décompte général définitif du marché de maitrise d'oeuvre relatif au projet de construction de la Philharmonie de Paris notifié le 21 avril 2017 et, à titre subsidiaire, la révision du montant de ce décompte général définitif.

La société Atelier Jean Nouvel a, par une seconde demande, sollicité du Tribunal administratif de Paris, à titre principal,

l'annulation de la décision du 19 décembre 2017 par laquelle le directeur général de la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Ateliers Jean Nouvel a, par une première demande, sollicité du Tribunal administratif de Paris, à titre principal, l'annulation du décompte général définitif du marché de maitrise d'oeuvre relatif au projet de construction de la Philharmonie de Paris notifié le 21 avril 2017 et, à titre subsidiaire, la révision du montant de ce décompte général définitif.

La société Atelier Jean Nouvel a, par une seconde demande, sollicité du Tribunal administratif de Paris, à titre principal, l'annulation de la décision du 19 décembre 2017 par laquelle le directeur général de la Philharmonie de Paris a rejeté son recours préalable contre le titre de recettes du 8 septembre 2017 mettant à sa charge une somme de 170 625 382,80 euros TTC au titre du solde du décompte général du même marché de maitrise d'oeuvre, ainsi que ce titre de recette et, à titre subsidiaire, d'en suspendre la force exécutoire.

Par deux ordonnances n° 1802951/4-1 et n° 1802952/4-1 du 21 août 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté les demandes de la société Atelier Jean Nouvel comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Procédure devant la cour :

I - Par une requête n° 19PA02983, enregistrée le 13 septembre 2019, la société Ateliers Jean Nouvel, représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1802951/4-1 du 21 août 2019 par laquelle le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ;

2°) à titre principal, d'annuler le décompte général du marché de la Philharmonie notifié le 21 avril 2017 ;

3°) à titre subsidiaire, de réviser le montant du décompte général définitif en prenant en compte les demandes formulées par le maître d'oeuvre dans son projet de décompte final rejeté par le maitre d'ouvrage ;

4°) de mettre à la charge de la Philharmonie de Paris une somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif a statué en méconnaissance du principe du contradictoire ; les questions soulevées par la requête étaient complexes et elle aurait dû être mise en mesure de répondre en temps utile au dernier mémoire en défense produit par la Philharmonie de Paris ;

- il n'a pas répondu à l'argumentation de la société, notamment en ce qui concerne le caractère transparent de l'association ;

- la juridiction administrative est compétente ; l'association est transparente et elle a agi comme mandataire de l'administration ;

- la notification du décompte général du marché ne portait pas la mention des voies et délais de recours ;

- la procédure prévue pour l'établissement du décompte général du marché n'a pas été respectée ;

- les sommes portées sur le décompte au titre de la réfaction des pénalités pour défaut d'ordre de service, des pénalités pour retard de visas, des pénalités pour non-respect du coût objectif, des sommes relatives au prétendu renforcement de moyens résultant des insuffisances de la maitrise d'oeuvre et des sommes correspondant aux ordres de service établis pour réparer de prétendues erreurs de la société AJN sont dépourvues de caractère certain, liquide et exigible ;

- des sommes correspondant à l'augmentation du coût et à l'allongement des travaux ont été omises dans le décompte général.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mars 2020, l'établissement public de la cité de la musique - Philharmonie de Paris, représenté par Me D..., conclut à titre principal au rejet de la requête comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître, et à titre subsidiaire à son rejet au fond, à ce que le solde du marché soit arrêté à la somme de 170 625 382,80 euros TTC en défaveur de la société requérante, sous réserve des sommes supplémentaires qui pourraient être mises à la charge de la société, à la condamnation de la société Ateliers Jean Nouvel à lui payer cette somme, assortie des intérêts légaux à compter de la notification du décompte général et de leur capitalisation, à ce que soit mis à la charge de la société Ateliers Jean Nouvel le règlement des frais d'expertise ainsi que le versement d'une somme de 30 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés et la société Ateliers Jean Nouvel est redevable de la somme qu'il lui réclame.

Des notes en délibéré ont été produites les 7 et 10 juillet 2020 pour l'établissement public de la cité de la musique - Philharmonie de Paris, qui conclut à l'incompétence de la juridiction administrative à la suite de l'intervention de la décision du Tribunal des conflits du 6 juillet 2020 dans une affaire similaire.

Une note en délibéré a été produite le 20 juillet 2020 pour la société des Ateliers Jean Nouvel qui maintient ses conclusions au motif que la décision du Tribunal des conflits, rendue dans une autre affaire, est intervenue sans que cette juridiction ait connaissance de certaines données qu'elle rappelle.

Par un mémoire récapitulatif, enregistré le 24 juillet 2020, la société Ateliers Jean Nouvel conclut à la compétence de la juridiction administrative et demande, à titre principal l'annulation du décompte général du marché de la Philharmonie notifié par le maitre d'ouvrage par courrier du 21 avril 2017 et, à titre subsidiaire, la révision du montant de ce décompte général définitif en prenant en compte les demandes formulées par le maitre d'oeuvre dans son projet de décompte final qui a fait l'objet d'un rejet par le maitre d'ouvrage, enfin qu'il soit mis à la charge de la Philharmonie de Paris une somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'association est transparente au regard de l'identité des personnes morales qui sont à l'origine de sa création, de ses conditions de financement, du fait que sa dissolution a donné lieu à la création d'un établissement public et du fait de l'émission d'un titre exécutoire, qui est une prérogative de puissance publique réservée à une personne morale de droit public ; le contrat a été exécuté de mauvaise foi par la Philharmonie de Paris ;

- le décompte général et définitif est illégal ; il ne comporte pas la mention des voies et délais de recours ; il n'a pas été établi conformément à la procédure prévue par le cahier des clauses administratives particulières et notamment ses articles 6.3 et 6.4.2 ; il n'a pas été signé par le maitre d'oeuvre ;

- les créances figurant dans le décompte général et définitif ne sont pas certaines, liquides et exigibles ;

- les préjudices subis par la société Ateliers Jean Nouvel n'ont pas été pris en compte dans l'élaboration du décompte général et définitif ;

- elle a subi un préjudice financier en raison de l'augmentation du coût du chantier et de l'allongement de la durée des travaux ;

- l'immixtion de la Philharmonie de Paris sur le chantier lui a causé un préjudice moral et a porté atteinte à son image.

Par un nouveau mémoire en défense, enregistré le 14 septembre 2020, l'établissement public de la cité de la musique - Philharmonie de Paris conclut à titre principal au rejet de la requête comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître, et à titre subsidiaire à son rejet au fond, à ce que le solde du marché soit arrêté à la somme de 170 625 382,80 euros TTC en défaveur de la société requérante, sous réserve des sommes supplémentaires qui pourraient être mises à la charge de la société, à la condamnation de la société Ateliers Jean Nouvel à lui payer cette somme, assortie des intérêts légaux à compter de la notification du décompte général et de leur capitalisation, à ce que soit mis à la charge de la société Ateliers Jean Nouvel le règlement des frais d'expertise ainsi que le versement d'une somme de 50 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés et que la société Ateliers Jean Nouvel est redevable de la somme qu'il lui réclame.

II - Par une requête n° 19PA02984, enregistrée le 13 septembre 2019, la société Ateliers Jean Nouvel, représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1802952/4-1 du 21 août 2019 par laquelle le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ;

2°) d'annuler le décompte général du marché de la Philharmonie notifié par le maître d'ouvrage par courrier du 21 avril 2017 ;

3°) de réviser le montant du décompte général définitif en prenant en compte les demandes formulées par le maitre d'oeuvre dans son projet de décompte final rejeté par le maitre d'ouvrage ;

4°) de mettre à la charge de la Philharmonie de Paris une somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif a statué en méconnaissance du principe du contradictoire ; les questions soulevées par la requête étaient complexes et elle aurait dû être mise en mesure de répondre en temps utile au dernier mémoire en défense produit par la Philharmonie de Paris ;

- il n'a pas répondu à l'argumentation de la société, notamment en ce qui concerne le caractère transparent de l'association ;

- la juridiction administrative est compétente ; l'association est transparente et elle a agi comme mandataire de l'administration ;

- la notification du décompte général du marché ne portait pas la mention des voies et délais de recours ;

- la procédure prévue pour l'établissement du décompte général du marché n'a pas été respectée ;

- les sommes portées sur le décompte au titre de la réfaction des pénalités pour défaut d'ordre de service, des pénalités pour retard de visas, des pénalités pour non-respect du coût objectif, des sommes relatives au prétendu renforcement de moyens résultant des insuffisances de la maitrise d'oeuvre et des sommes correspondant aux ordres de service établis pour réparer de prétendues erreurs de la société AJN sont dépourvues de caractère certain, liquide et exigible ;

- des sommes correspondant à l'augmentation du coût et à l'allongement des travaux ont été omises dans le décompte général.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mars 2020, l'établissement public de la cité de la musique - Philharmonie de Paris, représenté par Me D..., conclut à titre principal au rejet de la requête comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître, à titre subsidiaire à son rejet au fond, à titre très subsidiaire à ce que le solde du marché soit arrêté à la somme de 170 625 382,80 euros TTC en défaveur de la société requérante, sous réserve des sommes supplémentaires qui pourraient être mises à la charge de la société, à la condamnation de la société Ateliers Jean Nouvel à lui payer cette somme, assortie des intérêts légaux à compter de la notification du décompte général et de leur capitalisation, à ce que soit mis à la charge de la société Ateliers Jean Nouvel le règlement des frais d'expertise ainsi que le versement d'une somme de 30 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés et que la société Ateliers Jean Nouvel est redevable de la somme qu'il lui réclame.

Des notes en délibéré ont été produites les 7 et 10 juillet 2020 pour l'établissement public de la cité de la musique - Philharmonie de Paris, qui conclut à l'incompétence de la juridiction administrative à la suite de l'intervention de la décision du Tribunal des conflits du 6 juillet 2020 dans une affaire similaire.

Une note en délibéré a été produite le 20 juillet 2020 pour la société des Ateliers Jean Nouvel qui maintient ses conclusions au motif que la décision du Tribunal des conflits, rendue dans une autre affaire, est intervenue sans que cette juridiction ait connaissance de certaines données qu'elle rappelle.

Par un mémoire récapitulatif, enregistré le 24 juillet 2020, la société Ateliers Jean Nouvel conclut à la compétence de la juridiction administrative et demande, à titre principal l'annulation du décompte général du marché de la Philharmonie notifié par le maitre d'ouvrage par courrier du 21 avril 2017 et, à titre subsidiaire, la révision du montant de ce décompte général définitif en prenant en compte les demandes formulées par le maitre d'oeuvre dans son projet de décompte final qui a fait l'objet d'un rejet par le maitre d'ouvrage, enfin qu'il soit mis à la charge de la Philharmonie de Paris une somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'association est transparente au regard de l'identité des personnes morales qui sont à l'origine de sa création, de ses conditions de financement, du fait que sa dissolution a donné lieu à la création d'un établissement public et du fait de l'émission d'un titre exécutoire, qui est une prérogative de puissance publique réservée à une personne morale de droit public ; le contrat a été exécuté de mauvaise foi par la Philharmonie de Paris ;

- le décompte général et définitif est illégal ; il ne comporte pas la mention des voies et délais de recours ; il n'a pas été établi conformément à la procédure prévue par le cahier des clauses administratives particulières et notamment ses articles 6.3 et 6.4.2 ; il n'a pas été signé par le maitre d'oeuvre ;

- les créances figurant dans le décompte général et définitif ne sont pas certaines, liquides et exigibles ;

- les préjudices subis par la société Ateliers Jean Nouvel n'ont pas été pris en compte dans l'élaboration du décompte général et définitif ;

- elle a subi un préjudice financier en raison de l'augmentation du coût du chantier et de l'allongement de la durée des travaux ;

- l'immixtion de la Philharmonie de Paris sur le chantier lui a causé un préjudice moral et a porté atteinte à son image.

Par un nouveau mémoire en défense, enregistré le 14 septembre 2020, l'établissement public de la cité de la musique - Philharmonie de Paris conclut à titre principal au rejet de la requête comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître, et à titre subsidiaire à son rejet au fond, à ce que le solde du marché soit arrêté à la somme de 170 625 382,80 euros TTC en défaveur de la société requérante, sous réserve des sommes supplémentaires qui pourraient être mises à la charge de la société, à la condamnation de la société Ateliers Jean Nouvel à lui payer cette somme, assortie des intérêts légaux à compter de la notification du décompte général et de leur capitalisation, à ce que soit mis à la charge de la société Ateliers Jean Nouvel le règlement des frais d'expertise ainsi que le versement d'une somme de 50 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés et que la société Ateliers Jean Nouvel est redevable de la somme qu'il lui réclame

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le décret n° 2015-233 du 27 février 2015

- le décret n° 2020-1404 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,

- les observations de Me C..., pour la société Ateliers Jean Nouvel,

- et les observations de Me D..., pour l'établissement public de la Cité de la musique - Philharmonie de Paris.

Considérant ce qui suit :

1. L'association Philharmonie de Paris, association régie par la loi du 1er juillet 1901, a été créée le 10 novembre 2006 entre l'Etat, la ville de Paris et des personnes physiques pour assurer la maitrise d'ouvrage de la construction de la Philharmonie sur le site du parc de la Villette à Paris, et assurer l'exploitation de l'ouvrage. Elle a signé, le 17 avril 2007, avec la société Ateliers Jean Nouvel, un marché de maitrise d'oeuvre pour la construction, la maintenance et l'entretien de cet équipement musical. Ce marché, au prix global et forfaitaire de 16 330 000 euros HT, a été porté à la somme finale de 20 824 374,26 euros HT par deux avenants du 11 janvier 2011 et du 7 octobre 2013. Par un courrier du 17 février 2017, la société Ateliers Jean Nouvel a adressé à la Philharmonie de Paris son projet de décompte final d'un montant de 81 161 822 euros HT. Par un courrier du 21 avril 2017, la Philharmonie de Paris a notifié à la société Ateliers Jean Nouvel le décompte général du marché, faisant apparaître un solde de 142 187 819 euros HT à la charge de la société. Par un courrier du 6 juin 2017, la société requérante a refusé de signer le décompte général et présenté une réclamation préalable, rejetée le 26 juillet 2017. A la suite de l'échec d'une procédure de conciliation, la Philharmonie de Paris a notifié, le 8 septembre 2017, un titre de recettes correspondant au solde du marché de maîtrise d'oeuvre, d'un montant de 170 625 382,80 euros TTC. Le 2 novembre 2017, la société Ateliers Jean Nouvel, contestant le montant mis à sa charge par ce titre exécutoire, formait un recours préalable auprès de la Philharmonie de Paris, qui a été rejeté le 19 décembre 2017. La société Ateliers Jean Nouvel a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler le décompte général définitif du marché, d'annuler le titre exécutoire ainsi que la décision du 19 décembre 2017 rejetant son recours administratif préalable. Par deux ordonnances du 21 août 2019, dont la société Ateliers Jean Nouvel relève appel, le président de la 4ème section du Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes, en application du 2° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, estimant qu'elles ne relevaient manifestement pas de la compétence de la juridiction administrative.

2. Les requêtes n° 19PA02983 et 19PA02984 présentant à juger les mêmes questions et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

3. Pour estimer que la juridiction administrative n'était pas compétente pour connaître de ce litige, le Tribunal administratif de Paris a relevé, d'une part, que l'association Philharmonie de Paris n'agissait pas comme mandataire de l'Etat ou de la ville de Paris en vue de la passation de contrats nécessaires à l'exécution de ses missions et, d'autre part, que l'association, quoi que créée à l'initiative de l'Etat et de la ville de Paris, ne pouvait être regardée comme transparente, faute pour l'Etat ou la ville de Paris de détenir seul la majorité des voix à son conseil d'administration ou à son assemblée générale et de fournir une part majoritaire de ses ressources. Il en a déduit que le marché signé entre l'association Philharmonie de Paris et la société Ateliers Jean Nouvel était un contrat de droit privé et que les litiges nés de l'exécution de ce marché relevaient de la compétence de la juridiction judiciaire.

4. La société Ateliers Jean Nouvel soutient que le contrôle conjoint des deux collectivités publiques sur l'organisation et le fonctionnement de l'association ainsi que leur financement conjoint étaient de nature à caractériser le caractère transparent de l'association. L'établissement public Cité de la musique - Philharmonie de Paris, venu aux droits et obligations de l'association Philharmonie de Paris, soutient à l'inverse que ne doit être qualifiée de transparente qu'une association qui est contrôlée par une seule personne publique et que l'application de la théorie de la transparence est exclue lorsque le contrôle est exercé par plusieurs personnes publiques prises indifféremment.

5. Si l'association Philharmonie de Paris, créée à l'initiative de l'Etat et de la ville de Paris pour assurer la maitrise d'ouvrage de la construction d'un équipement culturel et son exploitation, a exercé une mission de service public, elle était une association régie par la loi du 1er juillet 1901 dont aucune des personnes publiques qui en étaient membres ne contrôlait, seule ou conjointement avec l'autre, l'organisation et le fonctionnement, ni ne lui procurait l'essentiel de ses ressources. Par ailleurs, elle n'a pas agi au nom et pour le compte de ces dernières mais en son nom propre et pour son compte.

6. Le marché signé entre l'association Philharmonie de Paris et la société Ateliers Jean Nouvel est dès lors un contrat de droit privé et la demande de la société Atelier Jean Nouvel relève de la compétence de la juridiction judiciaire.

7. Il résulte de ce qui précède que la société Ateliers Jean Nouvel n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par les ordonnances attaquées, le président de la 4ème section du Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Sur les frais de justice :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'établissement public Cité de la musique - Philharmonie de Paris, qui n'est pas la partie perdante dans les instances présentes, le versement de la somme que la société Ateliers Jean Nouvel demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société Ateliers Jean Nouvel le versement d'une somme globale de 3 000 euros au titre des frais exposés par l'établissement public Cité de la musique - Philharmonie de Paris et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de la société Ateliers Jean Nouvel sont rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Article 2 : La société Ateliers Jean Nouvel versera à l'établissement public Cité de la musique - Philharmonie de Paris une somme globale de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié la société Atelier Jean Nouvel et à l'établissement public Cité de la musique - Philharmonie de Paris.

Délibéré après l'audience du 11 décembre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme A..., président de chambre,

- M. Mantz, premier conseiller,

- Mme Portes, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 décembre 2020.

Le président-rapporteur,

M. A...L'assesseur le plus ancien,

P. MANTZLe greffier,

A. BENZERGUA

La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Nos 19PA02983...


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA02983-19PA02984
Date de la décision : 29/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

17-03-02-03-01 Compétence. Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction. Compétence déterminée par un critère jurisprudentiel. Contrats. Contrats de droit privé.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Celine PORTES
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : BOURDON

Origine de la décision
Date de l'import : 16/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-12-29;19pa02983.19pa02984 ?
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