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11/02/2021 | FRANCE | N°18PA01145

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 11 février 2021, 18PA01145


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 25 août 2015 par lequel le garde des sceaux, ministre de la justice, l'a réintégré au centre pénitentiaire de Fresnes et d'enjoindre au ministre de réexaminer sa situation.

Par un jugement n° 1507564 du 6 février 2018, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 avril et 25 novembre 2020, M. B..., représenté par Me

E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1507564 du 6 février 2018 du Tribunal ad...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 25 août 2015 par lequel le garde des sceaux, ministre de la justice, l'a réintégré au centre pénitentiaire de Fresnes et d'enjoindre au ministre de réexaminer sa situation.

Par un jugement n° 1507564 du 6 février 2018, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 avril et 25 novembre 2020, M. B..., représenté par Me E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1507564 du 6 février 2018 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler l'arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice du 25 août 2015 ;

3°) d'annuler l'arrêté du 8 août 2018 par lequel le garde des sceaux, ministre de la justice a rapporté l'arrêté du 25 août 2015 et l'a affecté au centre pénitentiaire de Fresnes ;

4°) d'enjoindre au ministre de la justice de réexaminer sa situation, dans un délai de 15 jours, sur le fondement de l'article L. 911-2 du code de justice administrative ;

5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre du remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens de première instance ainsi que la somme de 2 100 euros sur le fondement du même article en cause d'appel.

Il soutient que :

- l'arrêté du 25 août 2015 est insuffisamment motivé ;

- il ne pouvait être pris sans consultation préalable de la commission administrative paritaire ;

- il ne pouvait pas le réintégrer au centre pénitentiaire de Fresnes, car il n'avait plus de lien avec cet établissement depuis le 1er juillet 2013 ;

- l'arrêté est entaché de détournement de procédure ;

- l'arrêté de mutation au centre pénitentiaire de Fresnes du 8 août 2018 a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière en l'absence de consultation de la commission administrative paritaire.

Par un mémoire en défense enregistré, le 21 septembre 2020, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, le 7 janvier 2021, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 août 2018 ont le caractère de conclusions nouvelles en appel et sont par suite irrecevables.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 ;

- le décret n° 82-451 du 28 mai 1982 ;

- le décret n° 85-86 du 16 septembre 1985 ;

- le décret n° 2006-441 du 14 avril 2006 ;

- les décrets n° 2020-1404 et n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- l'arrêté du 12 mars 2009 relatif à la déconcentration de la gestion de certains personnels relevant des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme Lescaut, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... détient, depuis 2003, le grade de lieutenant pénitentiaire qui relève du corps de commandement du personnel de surveillance de l'administration pénitentiaire. Alors qu'il était affecté au centre pénitentiaire de Fresnes, il a été nommé à la direction interrégionale des services pénitentiaires de Paris, puis mis à disposition de l'administration centrale pour une durée indéterminée, par un arrêté du 18 avril 2013, qui a pris effet à la date du 1er juillet 2013, pour exercer les fonctions de chef d'unité des métiers au sein du bureau des métiers, du recrutement et de la formation (RH7) de la sous-direction des ressources humaines et des relations sociales de la direction de l'administration pénitentiaire du ministère de la justice. Par un arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice du 25 août 2015, M. B... a été réintégré au centre pénitentiaire de Fresnes à compter du 7 septembre 2015. M. B... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler cet arrêté. Par un jugement du 6 février 2018, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par un arrêté du 8 août 2018, intervenu au cours de la présente instance, le garde des sceaux, ministre de la justice a rapporté l'arrêté du 25 août 2015 et muté M. B... au centre pénitentiaire de Fresnes à compter du 7 septembre 2015. M. B... fait appel du jugement du 6 février 2018 et demande à la Cour d'annuler les arrêtés du 25 août 2015 et du 8 août 2018.

Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du 8 août 2018 :

2. Lorsqu'une décision administrative faisant l'objet d'un recours contentieux est retirée en cours d'instance pour être remplacée par une décision ayant la même portée, le recours doit être regardé comme tendant à l'annulation de la nouvelle décision.

3. Une décision de réintégration d'un fonctionnaire, prise à l'issue de sa mise à disposition auprès d'une autre administration que son administration d'origine, et une décision de mutation de ce même fonctionnaire prise postérieurement à sa réintégration dans son administration d'origine constituent des décisions de nature distinctes. L'arrêté contesté du 25 août 2015, qui comporte à la fois une décision mettant fin à la mise à disposition de M. B... auprès de l'administration centrale et une décision d'affectation de l'intéressé au centre pénitentiaire de Fresnes et l'arrêté du 8 août 2018, qui a pour effet de muter M. B... de la direction interrégionale des services pénitentiaires de Paris au centre pénitentiaire de Fresnes n'ont ainsi pas la même portée juridique. Dans ces conditions, les conclusions présentées par M. B... contre l'arrêté du 8 août 2018, présentées pour la première fois dans la présente instance par un mémoire enregistré par le greffe de la Cour le 25 novembre 2020, constituent une demande nouvelle en appel et ne sont, dès lors, pas recevables.

Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du 25 août 2015 :

S'agissant de la décision de fin de mise à disposition de M. B... :

4. En premier lieu, aux termes, d'une part, de l'article 25 du décret du 28 mai 1982 relatif aux commissions administratives paritaires : " Les commissions administratives paritaires connaissent, en matière de recrutement, des propositions de titularisation ou de refus de titularisation. Elles connaissent des questions d'ordre individuel résultant de l'application de l'article 24, premier alinéa (2°) et second alinéa, de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ainsi que des articles 45. 48. 51. 52. 55. 58. 60. 67. 70 et 72 de la loi du 11 janvier 1984 précitée ". D'autre part, l'article 41 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État dispose que " La mise à disposition est la situation du fonctionnaire qui demeure dans son corps d'origine, est réputé occuper son emploi, continue à percevoir la rémunération correspondante, mais qui effectue son service dans une autre administration que la sienne ".

5. Ces dispositions ont pour effet de limiter l'application des obligations de consulter les commissions administratives paritaires sur des questions d'ordre individuel prévues par les dispositions générales de l'article 25 du décret du 28 mai 1982 aux seuls cas qu'elles énoncent. Or, il ne résulte d'aucune disposition légale ou règlementaire que la mise à disposition d'un agent doive être précédée de la saisine pour avis de la commission administrative paritaire. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision par laquelle il est mis fin à la mise à disposition de M. B... ne pouvait être décidée sans consultation préalable de la commission administrative paritaire doit être écarté.

6. En deuxième lieu, le ministre fait valoir que la décision mettant fin à la mise à disposition de M. B... à compter du 1er septembre 2015 a été prise en raison de l'incompatibilité de la décharge syndicale que l'intéressé demandait en qualité de délégué national adjoint FO et ses fonctions de chef d'unité des métiers, à son opposition à la réorganisation de la direction de l'administration pénitentiaire impliquant sa réaffectation sur un autre poste que celui de chef d'unité des métiers et à ses difficultés relationnelles avec sa hiérarchie. Si M. B... soutient que la décision attaquée constituerait en réalité une sanction disciplinaire déguisée, il n'apporte aucun élément probant à l'appui de ses allégations en se prévalant seulement de ses mauvaises relations avec sa supérieure hiérarchique directe et de ce que l'administration a initié le 19 juin 2015 une procédure disciplinaire à son encontre pour des faits constatés dans l'exercice de ses fonctions le 7 mai 2015. Il est constant que la réorganisation de la direction de l'administration pénitentiaire devant intervenir à partir du 7 septembre 2015 avait pour effet immédiat de faire disparaitre le poste de chef d'unité des métiers occupé depuis le 1er juillet 2013 par M. B.... Enfin, les mauvaises relations entretenues par M. B... avec sa supérieure hiérarchique directe justifiaient que le ministre mette fin à sa mise à disposition dans l'intérêt du service sans pour autant nécessiter préalablement la mise en oeuvre d'une procédure disciplinaire. Dans ces conditions, la décision mettant fin à la mise à disposition auprès de l'administration centrale de M. B... ne saurait être regardée comme ayant été prise pour des motifs disciplinaires. Ainsi, le requérant n'est pas fondé à soutenir que cette décision est constitutive d'une sanction déguisée et est entachée d'un détournement de procédure.

7. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent . / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; / 2° Infligent une sanction ; / 3° Subordonnent l'octroi d'une autorisation à des conditions restrictives ou imposent des sujétions ; / 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; / 5° Opposent une prescription, une forclusion ou une déchéance ; / 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; / 7° Refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions du a au f du 2° de l'article L. 311-5 ; / 8° Rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou règlementaire. "

8. La décision par laquelle une administration met fin à la mise à disposition d'un fonctionnaire auprès d'une autre administration ne retire pas une décision créatrice de droits. Par ailleurs, ainsi qu'il a été exposé au point 6, la décision attaquée n'a pas le caractère d'une sanction disciplinaire. Dès lors, dans ces conditions, la décision attaquée n'est pas au nombre des décisions soumises à obligation de motivation en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Le moyen tiré de ce que la décision serait insuffisamment motivée est donc inopérant.

S'agissant de la décision d'affectation de M. B... au centre pénitentiaire de Fresnes :

9. Il ressort des termes de l'arrêté du 25 août 2015 qu'à l'issue de sa mise à disposition auprès de l'administration centrale, M. B... a été réintégré à la direction interrégionale des services pénitentiaires de Paris et affecté au centre pénitentiaire de Fresnes à compter du 7 septembre 2015. Si, par un arrêté du 8 août 2018, le ministre de la justice a rapporté l'arrêté du 25 août 2015 affectant M. B... dans ce même centre à compter du 7 septembre 2015, la décision de retrait du 8 août 2018 - dont M. B... est réputé avoir eu connaissance au plus tôt à la date d'enregistrement de son mémoire du 25 novembre 2020 - ne présente pas de caractère définitif. M. B... est donc toujours recevable à demander l'annulation de la décision du 25 août 2015 qui l'affecte au centre pénitentiaire de Fresnes à partir du 7 septembre 2015. Ainsi que le soutient le requérant et comme en atteste la " régularisation " opérée par le ministre de la justice par l'arrêté du 8 août 2018, cette décision d'affectation s'analyse comme étant en réalité une décision de mutation. Or il résulte des points 4 et 5 du présent arrêt que les décisions de mutation doivent être précédées de la consultation de la commission administrative paritaire. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, il y a lieu d'annuler l'arrêté du 25 août 2015 en tant que le ministre prononce la mutation à compter du 7 septembre 2015 de M. B... au centre pénitentiaire de Fresnes.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 25 août 2015 en tant que cet arrêté l'affecte au centre pénitentiaire de Fresnes à compter du 7 septembre 2015. Ce jugement doit dès lors être réformé dans cette mesure et le surplus des conclusions en annulation de la requête doit être rejeté.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

11. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. / La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision ".

12. Le garde des sceaux, ministre de la justice, ayant pris le 8 août 2018 un nouvel arrêté de mutation de M. B... au centre pénitentiaire de Fresnes, l'exécution du présent arrêt n'implique pas que la situation de M. B... soit réexaminée alors qu'il appartient au requérant, s'il est encore recevable à le faire, d'exercer un recours en excès de pouvoir à l'encontre de l'arrêté du 8 août 2018. Il n'y a pas lieu, en conséquence, d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice de procéder à un tel réexamen de la situation administrative de M. B....

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : L'arrêté du 25 août 2015 est annulé en tant qu'il affecte M. B... au centre pénitentiaire de Fresnes à compter du 7 septembre 2015.

Article 2 : Le jugement n° 1507564 du 6 février 2018 du Tribunal administratif de Melun est réformé en ce qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'État versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 14 janvier 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- M. Platillero, président assesseur,

- Mme C..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 février 2021.

Le rapporteur,

I. C...Le président,

S.L. FORMERY

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA01145


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA01145
Date de la décision : 11/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-10-06-01 Fonctionnaires et agents publics. Cessation de fonctions. Licenciement. Stagiaires.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: Mme Isabelle MARION
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : ATHON-PEREZ

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-02-11;18pa01145 ?
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