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17/03/2021 | FRANCE | N°19PA00630

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 17 mars 2021, 19PA00630


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Eliez a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser la somme de 211 098,63 euros HT au titre des travaux supplémentaires relatifs au lot n° 11 du marché du 4 juin 2010 ayant pour objet la restructuration de la tour A de la base aérienne 117 à Paris 15ème, augmentée des intérêts de retard au taux de 7,15 % à compter du 30 octobre 2014 et d'une somme de 19 209,98 euros HT en application de la clause de variation des prix.

Par un jugement n° 1619180/3-3

du 5 décembre 2018, le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Eliez a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser la somme de 211 098,63 euros HT au titre des travaux supplémentaires relatifs au lot n° 11 du marché du 4 juin 2010 ayant pour objet la restructuration de la tour A de la base aérienne 117 à Paris 15ème, augmentée des intérêts de retard au taux de 7,15 % à compter du 30 octobre 2014 et d'une somme de 19 209,98 euros HT en application de la clause de variation des prix.

Par un jugement n° 1619180/3-3 du 5 décembre 2018, le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser à la société Eliez la somme de 108 718,60 euros HT, majorée des intérêts moratoires à compter du 23 juillet 2015, et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées le 6 février 2019, le 21 janvier 2021 et le 25 janvier 2021, la société Eliez, représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 5 décembre 2018 en tant que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Paris a limité à la somme de 108 718,60 euros HT, majorée des intérêts moratoires à compter du 23 juillet 2015, la condamnation de l'Etat au titre des travaux supplémentaires ci-dessus mentionnés ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 211 098,63 euros HT, majorée des intérêts de retard au taux de 7,15 % à compter du 30 octobre 2014 et la capitalisation de ces intérêts, ainsi que la somme de 19 209,98 euros HT en application de la clause de variation des prix, au titre des travaux supplémentaires ci-dessus mentionnés ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 700 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la prestation " troisième nettoyage général tous niveaux après levée des réserves et avant livraison ", d'un montant de 11 440 euros HT, constitue des travaux supplémentaires dès lors qu'elle a été effectuée après la réception de l'ouvrage ;

- les prestations " intervention sur marbre mural " et " reprise des sols suite aux infiltrations au niveau entresol et rez-de-chaussée ", dont la prise en charge a été partiellement acceptée par le maître d'ouvrage, doivent être indemnisées à hauteur des sommes respectives de 3 851,20 euros HT et de 3 098,83 euros HT ;

- la prestation de " joints acryliques rechampis en peinture entre ouvrages de nature différente ", indispensable à la réalisation de l'ouvrage selon les règles de l'art, doit être indemnisée à hauteur de la somme de 83 720 euros HT ;

- le jugement est entaché d'un défaut de motivation en tant que par celui-ci, les premiers juges ont statué sur la variation des prix en se bornant à affirmer que la clause de révision de prix ne peut s'appliquer aux travaux supplémentaires non similaires aux travaux déjà prévus au marché, alors que le cahier des clauses administratives générales n'impose nullement un tel critère ;

- la variation de prix, qui est applicable aux travaux supplémentaires alors même qu'ils ne seraient pas similaires à ceux prévus dans le marché, doit être indemnisée à hauteur de 19 209,98 euros HT.

Par un mémoire en défense et des pièces complémentaires, enregistrés le 8 novembre 2019 et le 27 janvier 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête en tant que les prétentions indemnitaires de la société Eliez excèdent le montant qui lui a été alloué en première instance, soit 108 718,60 euros HT, et demande à ce que soit mise à la charge de ladite société la somme de 2 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil,

- le code des marchés publics,

- le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux approuvé par le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,

- et les observations de Me Lemoullec, avocat de la société Eliez.

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis d'appel public à la concurrence du 13 août 2009, le ministère de la défense a engagé une procédure d'appel d'offres restreint ayant pour objet la restructuration de la tour A de la base aérienne 117 située à Paris 15ème. Par un acte d'engagement du 4 juin 2010, la société Eliez s'est vu attribuer le lot n° 11 " Peinture - revêtement de sols durs, sols souples ", pour un montant de 2 296 160,04 euros TTC qui a été porté, à la suite de deux avenants et d'une décision de poursuivre, à la somme de 2 538 788,06 euros TTC. La réception des travaux a été prononcée avec réserves le 21 janvier 2013, avec effet au 5 novembre 2012. Par une lettre du 15 juin 2015, reçue le 23 juin 2015 par la société Eliez, le ministre de la défense a notifié à cette dernière le décompte général du marché. Par une lettre du 31 juillet 2015, la société Eliez a adressé au maître d'ouvrage un mémoire en réclamation faisant état d'une demande de paiement de travaux supplémentaires au marché pour un montant de 211 098,63 euros HT. Par une lettre du 19 mai 2016, le ministre de la défense a partiellement fait droit à la demande de la société Eliez en lui proposant une indemnité de 108 718,60 euros HT pour solde de tout compte de cette réclamation. Le Tribunal administratif de Paris, par un jugement du 5 décembre 2018, a condamné l'Etat à verser à la société Eliez la somme de 108 718,60 euros HT, majorée des intérêts moratoires à compter du 23 juillet 2015, et a rejeté le surplus des conclusions de cette dernière. La société Eliez doit être regardée comme relevant appel de ce jugement en tant que le Tribunal administratif de Paris a limité à 108 718,60 euros HT, majorée des intérêts moratoires à compter du 23 juillet 2015, la condamnation de l'Etat.

Sur les conclusions de la société Eliez :

2. Si la société Eliez demande, comme en première instance, la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 211 098,63 euros HT, majorée des intérêts moratoires ainsi que la capitalisation de ces intérêts, elle ne demande toutefois l'infirmation du jugement attaqué que dans la mesure où, par son article 3, le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Par suite, la société Eliez doit être regardée comme demandant en réalité la condamnation de l'Etat à lui verser un surplus de 102 380,03 euros HT, majoré des intérêts moratoires au taux de 7,15 % à compter du 30 octobre 2014, ainsi que la capitalisation de ces intérêts et la somme de 19 209,98 euros HT en application de la clause de variation des prix, au titre des travaux supplémentaires mentionnés au point 1.

Sur les travaux supplémentaires :

3. Lorsqu'une entreprise demande le paiement de travaux supplémentaires réalisés dans le cadre d'un marché public de travaux à prix global et forfaitaire, il lui appartient tout d'abord d'établir que ces travaux n'étaient pas compris dans le prix de son marché. Le cas échéant, il lui appartient d'établir, soit que la réalisation de ces travaux lui a été demandée par ordre de service du maître d'oeuvre, soit, en l'absence d'ordre de service écrit ou même d'ordre verbal, que ceux-ci étaient indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art.

En ce qui concerne les prestations de nettoyages généraux complémentaires :

4. D'une part, aux termes de l'article 9.3.1. du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) : " (...) la procédure de réception se déroule simultanément pour tous les lots considérés, comme indiqué à l'article 41 du CCAG ". Aux termes du cahier des clauses administratives générales (CCAG), dans sa rédaction applicable : " 41.5. S'il apparaît que certaines prestations prévues au marché et devant encore donner lieu à règlement n'ont pas été exécutées, la personne responsable du marché peut décider de prononcer la réception, sous réserve que l'entrepreneur s'engage à exécuter ces prestations dans un délai qui n'excède pas trois mois (...) 41.6. Lorsque la réception est assortie de réserves, l'entrepreneur doit remédier aux imperfections et malfaçons correspondantes dans le délai fixé par la personne responsable du marché ou, en l'absence d'un tel délai, trois mois avant l'expiration du délai de garantie défini au 1 de l'article 44. / Au cas où ces travaux ne seraient pas faits dans le délai prescrit, la personne responsable du marché peut les faire exécuter aux frais et risques de l'entrepreneur. / (...) 44.1. Délai de garantie : Le délai de garantie est, sauf stipulation différente du marché et sauf prolongation décidée comme il est dit au 2 du présent article, d'un an à compter de la date d'effet de la réception, ou de six mois à compter de cette date si le marché ne concerne que des travaux d'entretien ou des terrassements. / Pendant le délai de garantie, indépendamment des obligations qui peuvent résulter pour lui de l'application du 4 de l'article 41, l'entrepreneur est tenu à une obligation dite "obligation de parfait achèvement" au titre de laquelle il doit : a) Exécuter les travaux et prestations éventuels de finition ou de reprise prévus aux 5 et 6 de l'article 41 (...) ".

5. D'autre part, aux termes du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) du lot n° 11-1 "Peinture" : " 2.2.1. "Contenu des prix". Les travaux du présent lot comprennent : (...) les nettoyages en cours et en fin de chantier. / 3.14. "Nettoyages - Protections" (...) En fin de travaux, l'entrepreneur aura à sa charge un nettoyage final de l'ensemble des locaux de l'opération (...) ". Aux termes du CCTP du lot n° 11-2 "Revêtement de sols souples" : " 2.2. "Consistance des travaux" (...) Contenu des prix : Outre les stipulations du CCTP, les prix forfaitaires comprennent : (...) Le nettoyage du chantier (...) ". Et aux termes du CCTP du lot n° 11-3 "Revêtement de sols durs" : " 2.2.1. "Contenu des prix". Outre les stipulations du CCTP, les prix forfaitaires comprennent : (...) Le nettoyage du chantier (...) ".

6. La société Eliez demande le paiement d'une prestation de nettoyage général du chantier qu'elle a intitulée, par son devis n° EH/D1302128 du 28 mars 2013, " 3ème nettoyage général tous niveaux après levée des réserves TCE (tous corps d'état), avant livraison ". Le montant de cette prestation, fixé à 22 880 euros HT par le devis précité, a été validé par le maître d'oeuvre à hauteur de 50 %, soit la somme de 11 440 euros HT, par une mention portée manuellement sur ce devis le 24 avril 2013. Les travaux correspondant à cette prestation ont été effectués par la société Eliez du 20 janvier 2013 au 16 février 2013, ainsi qu'il résulte du même devis. La réception des travaux du lot n° 11 a été prononcée, ainsi qu'il a été dit au point 1, le 21 janvier 2013 à effet du 5 novembre 2012, et avec des réserves qui devaient être levées avant le 14 janvier 2013. La ministre des armées soutient toutefois, sans être contredite, qu'à la date du 29 octobre 2013, les réserves dont la liste était annexée au procès-verbal des opérations préalables à la réception n'étaient pas levées et produit à cet égard la décision n° 6 du pouvoir adjudicateur de ce même 29 octobre 2013, mettant la société Eliez en demeure de lever l'intégralité des réserves au 15 novembre 2013 au plus tard. Les réserves ont finalement été levées à la date du 25 mars 2014. Par suite, dès lors que les travaux litigieux ont été effectués avant la levée des réserves de son lot, la société Eliez ne saurait être fondée à soutenir que du fait que ces travaux ont été achevés postérieurement à la date de réception, ils devraient être regardés comme des travaux supplémentaires au marché. En tout état de cause, à supposer même que les réserves formulées lors des opérations préalables à la réception du lot n° 11 n'aient pas porté sur la prestation de nettoyage litigieuse, il résulte des stipulations précitées des différents CCTP des sous-lots n° 11-1, 11-2 et 11-3 dont la société Eliez était titulaire, que la prestation consistant dans un nettoyage général du chantier, à la fin de ce dernier et avant la livraison de l'ouvrage, était prévue au marché. Dès lors, la société Eliez restait tenue, au titre de la garantie dite "obligation de parfait achèvement" prévue à l'article 44.1 du CCAP, d'exécuter les travaux et prestations éventuels de finition ou de reprise prévus par les dispositions susvisées des articles 41.5 et 41.6. du même CCAP, à savoir les prestations prévues au marché et non encore exécutées. Il s'ensuit que la demande de paiement de la société Eliez doit être rejetée.

En ce qui concerne les prestations " intervention sur marbre mural " et " reprise des sols suite aux infiltrations au niveau entresol et rez-de-chaussée " :

7. Aux termes de l'article 8.6 du CCAP commun à tous les lots du marché : " Dépenses d'intérêt commun, compte des dépenses communes, convention interentreprises : a) Les dépenses d'intérêt commun sont celles qui, effectuées par un ou plusieurs des entrepreneurs concourant à la réalisation de l'opération, ont pour but ou pour effet d'assurer, en vue de la bonne marche du chantier, la préparation et l'organisation du chantier, l'hygiène et la sécurité des personnes, la coordination et l'exécution des travaux. / Les dépenses d'intérêt commun incombent aux entrepreneurs participant au chantier. Elles ne sont pas à la charge du maître de l'ouvrage (...) ".

8. La société Eliez demande le paiement, d'une part, d'une prestation de traitement du marbre mural, dont le devis du 7 décembre 2012, s'élevant à 13 452,77 euros HT, a été ramené à 7 702,40 euros HT par le maître d'oeuvre et, d'autre part, d'une prestation de reprise des sols suite à des infiltrations au niveau entresol et rez-de-chaussée, initialement fixée à 47 778,90 euros HT par devis du 21 mars 2013 et ramenée à 8 961,90 euros HT par le maître d'oeuvre. Elle soutient à cet égard que lors d'un comité d'arbitrage en date du 10 juin 2013, le représentant du pouvoir adjudicateur aurait accepté la prise en charge de ces deux postes, à hauteur de 50 % du montant validé par le maître d'oeuvre pour la première prestation, soit 3 851,20 euros HT, et de 34,5 % du montant validé de la deuxième prestation, soit 3 098,83 euros HT. Toutefois, il résulte de l'instruction, notamment du compte-rendu de la réunion précitée du 10 juin 2013 ainsi que de la lettre de la société Quadri Fiore Architecture, maître d'oeuvre, adressée en réponse au mémoire en réclamation de la société Eliez et reçue par cette dernière le 18 septembre 2015, que les deux postes dont la requérante demande le remboursement relèvent du " compte inter-entreprises " ou compte des dépenses communes au sens des dispositions susvisées de l'article 8.6 du CCAP. Or, d'une part, il résulte de ces dispositions que les prestations invoquées constituent des dépenses d'intérêt commun qui ne sont pas à la charge du maître d'ouvrage, ainsi que le soutient à bon droit ce dernier dans son mémoire en défense. D'autre part, ni le compte-rendu de la réunion du 10 juin 2013 ni la lettre précitée du maître d'oeuvre, qui fait référence au compte inter-entreprises " en attente de régularisation ", ne sauraient, contrairement à ce que soutient la requérante, attester du consentement du maître d'ouvrage à la prise en charge des montants précités. Il s'ensuit que les travaux litigieux ne peuvent être regardés comme des travaux supplémentaires. La société Eliez ne peut dès lors utilement soutenir que ces travaux auraient été indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art. Il s'ensuit que la demande de paiement doit être rejetée.

En ce qui concerne la prestation " joints acryliques rechampis en peinture entre ouvrages de nature différente " :

9. Aux termes du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) du lot n° 11-1 "Peinture" : " 2.2.1. "Contenu des prix". Les travaux du présent lot comprennent : (...) la qualité et l'aspect de finition, le degré de brillant, les coloris et les rechampissages nécessaires aux travaux de peinturage, enduits colorés et dorures (...) / 3.2.2. Définition des trois qualités de finition communes à tous les subjectiles. Les qualités de finition sont classées comme suit : Pour l'ensemble des subjectiles : Notes importantes : L'exécution des peintures de qualité définie ci-après devra être parfaite. 3.2.2.1. Soignée (code A) / Pour les

subjectiles : (...) La ligne de rechampissage ne présentera pas d'irrégularités (...) 3.2.2.2. Courant (code B) (...) La ligne de rechampissage est sans irrégularité (...) 3.2.2.3. Elémentaire (code C) (...) Prescriptions particulières : (...) La ligne de rechampissage peut présenter quelques irrégularités (...). / 3.14. "Nettoyages - Protections" (...) 3.14.3. Nettoyage général et complet du chantier en fin de travaux (...) Il devra protéger également les joints d'étanchéité afin qu'ils ne soient pas détériorés par la peinture, vapeur d'acide ou autre, il devra rechampir soigneusement au droit de ces joints (...) ".

10. La société Eliez demande le paiement de la prestation ci-dessus mentionnée, évaluée par elle à la somme globale de 83 720 euros HT dans son devis n° EH/D1302850 du 29 avril 2013, consistant d'une part, dans la mise en oeuvre d'un joint acrylique entre des supports de nature différente, à hauteur d'un montant de 32 240 euros HT et, d'autre part, dans l'application de deux couches de peinture en rechampi sur ce joint, à hauteur d'un montant de 51 480 euros HT. La société Eliez invoque, s'agissant de la première partie relative à la mise en oeuvre du joint acrylique, le rapport de la maîtrise d'oeuvre n° 21 qui indique notamment que cette prestation lui a été demandée par le maître d'oeuvre et qu'elle constitue une " modification s'imposant au maître d'ouvrage ". Ce rapport, alors même qu'il n'est pas signé par le maître d'oeuvre et comporte la date manifestement erronée du 15 mars 2013, dès lors qu'il constitue une réponse au mémoire en réclamation de la société Eliez du 31 juillet 2015 et fait référence à un document joint du 18 avril 2013, n'est toutefois pas contesté par le maître d'ouvrage au regard de sa régularité formelle et se présente au demeurant de manière identique à l'ensemble des rapports de maîtrise d'oeuvre du marché produits dans le cadre de l'instruction. Il doit dès lors être regardé comme établissant, à tout le moins, un ordre verbal du maître d'oeuvre de réaliser la première partie de la prestation dont l'indemnisation est demandée. Par suite, la société Eliez est fondée à demander le paiement de la somme de 32 240 euros HT correspondant à cette première partie. S'agissant de la deuxième partie relative au rechampissage du joint, le maître d'ouvrage soutient qu'il résulte des dispositions susvisées du CCTP du lot n° 11-1 que les prestations de rechampissage des différents types de subjectiles étaient prévues au marché. Toutefois, il résulte du rapport précité du maître d'oeuvre que la mise en oeuvre du joint acrylique a été demandée à la société Eliez afin de permettre d'obtenir une finition satisfaisante et esthétique de la jonction et de la finition des différents supports. Par suite, la demande verbale du maître d'oeuvre doit être regardée comme ayant porté sur l'ensemble de la prestation, incluant celle de rechampissage qui est indissociable, au regard de sa finalité esthétique, de celle de mise en oeuvre du joint acrylique. Dans ces conditions, la prestation de rechampissage, qui ne pouvait relever des obligations contractuelles de la société dès lors qu'elle était le complément indispensable de la prestation de mise en oeuvre du joint, doit être regardée comme également indemnisable au titre des travaux supplémentaires au marché. Il s'ensuit que la société Eliez est fondée à demander le paiement de la somme de 83 720 euros HT au titre de la prestation " joints acryliques rechampis en peinture entre ouvrages de nature différente ".

Sur la clause de variation des prix :

11. Aux termes du cahier des clauses administratives générales (CCAG), dans sa rédaction applicable : " 10.4. "Variation dans les prix" : Les prix sont réputés fermes sauf si le marché prévoit qu'ils sont révisables. / (...) Article 14. "Règlement du prix des ouvrages ou travaux non prévus". 14.1. Le présent article concerne les ouvrages ou travaux dont la réalisation ou la modification est décidée par ordre de service et pour lesquels le marché ne prévoit pas de prix. / (...) 14.3. L'ordre de service mentionné au 1 du présent article, ou un autre ordre de service intervenant au plus tard quinze jours après, notifie à l'entrepreneur des prix provisoires pour le règlement des travaux nouveaux ou modificatifs. / Ces prix provisoires sont arrêtés par le maître d'oeuvre après consultation de l'entrepreneur (...). / 14.4. L'entrepreneur est réputé avoir accepté les prix provisoires si, dans le délai d'un mois suivant l'ordre de service qui lui a notifié ces prix, il n'a pas présenté d'observation au maître d'oeuvre en indiquant, avec toutes justifications utiles, les prix qu'il propose. / 14.5. Lorsque la personne responsable du marché et l'entrepreneur sont d'accord pour arrêter les prix définitifs, ceux-ci font l'objet, s'ils ne sont pas incorporés dans un avenant, d'un état supplémentaire de prix forfaitaires ou d'un bordereau supplémentaire de prix unitaires, signé des deux parties ". Et aux termes du CCAP commun à tous les lots du marché : " Article 2 - Pièces constitutives du marché. (...) Les pièces constitutives de chaque marché de travaux sont indiquées ci-après. Ces pièces prévalent dans l'ordre où elles sont énumérées en cas de contradiction ou de différence entre elles. a) Pièces particulières : (...) le présent cahier des clauses administratives particulières (CCAP)(...) b) Pièces générales : (...) cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux (CCAG Travaux) en vigueur à la date d'envoi à la publication de l'avis d'appel public à la concurrence, soit le 13/08/2009 (...) / 3.4. "Variation dans les prix". Les répercussions sur les prix du marché des variations des éléments du coût des travaux sont réputées réglées par les stipulations ci-après : (...) 3.4.4. Modalités de révision des prix. Le coefficient de révision Cn applicable pour le calcul de l'acompte du mois n est donné par la formule : Cn = 0,15 +0,85 (ln/lo) dans laquelle : Io et In sont les valeurs prises par l'index de référence I respectivement au mois zéro et au mois n d'exécution des prestations ".

En ce qui concerne la régularité du jugement :

12. Si la société Eliez soutient que le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce que les premiers juges se seraient bornés à affirmer que la clause de révision de prix ne peut s'appliquer aux travaux supplémentaires qui ne seraient pas similaires aux travaux déjà prévus au marché pour lesquels le devis établi se réfère à la décomposition du prix global et forfaitaire du marché, alors que le CCAG n'impose nullement un tel critère, une telle motivation doit être regardée comme suffisante.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :

13. Ainsi qu'il a été dit au point 10, la société Eliez est fondée à demander le paiement de la somme de 83 720 euros HT au titre de travaux supplémentaires. Par suite, sa demande d'indemnisation au titre de la variation des prix doit être regardée comme portant tant sur cette prestation indemnisée à hauteur de 83 720 euros HT que sur les prestations déjà indemnisées en première instance, pour un montant global de 108 718,60 euros HT.

14. Au soutien de sa demande de mise en oeuvre de la clause de variation des prix, la société Eliez invoque les dispositions susvisées de l'article 3.4.4. du CCAP qui prévoient l'application d'un coefficient de révision des prix. Toutefois, il résulte des dispositions également susvisées de l'article 10.4 du CCAG, applicables dès lors qu'elles ne comportent ni contradiction ni différence avec les dispositions du CCAP qui concernent la variation des prix, notamment celles précitées, que les prix sont réputés fermes sauf si le marché prévoit qu'ils sont révisables. Or il ne résulte d'aucun document contractuel qu'une clause de variation des prix serait applicable aux prestations indemnisées au titre de travaux supplémentaires au marché. Par suite, la société Eliez n'est pas fondée à demander l'application de la clause de variation des prix au titre des travaux supplémentaires indemnisés. Il résulte toutefois des dispositions de l'article 14.1 du CCAG que, s'agissant des seules prestations dont la réalisation ou la modification est décidée par ordre de service et pour lesquels le marché ne prévoit pas de prix, des prix définitifs peuvent se substituer aux prix provisoires arrêtés par le maître d'oeuvre après consultation de l'entrepreneur, dès lors que ce dernier aurait présenté des observations au maître d'oeuvre dans les conditions et le délai prévus à l'article 14.4 du CCAG et que, suite à ces observations, le maître d'ouvrage et l'entrepreneur seraient tombés d'accord pour arrêter les prix définitifs.

15. Il résulte de l'instruction que, s'agissant de la réalisation des prestations de ragréage du local CPCU-P4, de nettoyage des paumelles et de nettoyages généraux complémentaires, respectivement indemnisées en première instance à hauteur de 2 476,18 euros HT, 7 875 euros HT et 34 320 euros HT, celle-ci n'a pas été décidée par un ordre de service. En outre et ainsi qu'il a été dit au point 10, la prestation de joints acryliques rechampis en peinture entre ouvrages de nature différente ne peut davantage être regardée comme ayant fait l'objet d'un ordre de service. Il s'ensuit que le prix de ces prestations ne peut en tout état de cause pas être modifié en conséquence de la mise en oeuvre, le cas échéant, de la procédure décrite par les articles 14.3 à 14.5 du CCAG. S'agissant de la réalisation des prestations de peinture sols et murs sous-sol, de nouvelle configuration base pompier, de fourniture d'un arrêt de chape, de reprise de supports muraux et chape ainsi que d'application de deux couches de vernis sur les cadres des occulus et les chants des blocs portes, respectivement indemnisées en première instance à hauteur de 30 307,50 euros HT, 1 927,94 euros HT, 1 154,60 euros HT, 3 094,20 euros HT et de 27 563,18 euros HT, la société Eliez ne soutient ni même n'allègue que le marché n'aurait pas prévu de prix en ce qui les concerne. En outre, à supposer même que, pour tout ou partie de ces prestations, les prix n'aient pas été prévus au marché, la société n'établit en tout état de cause pas avoir présenté des observations au maître d'oeuvre dans les conditions et le délai prévus à l'article 14.4 du CCAG. Par suite, le prix de ces prestations ne peut davantage être modifié en conséquence de la mise en oeuvre, le cas échéant, de la procédure décrite par les articles 14.3 à 14.5 du CCAG.

Sur les intérêts moratoires :

16. Aux termes de l'article 13.431 du cahier des clauses administratives générales : " Le mandatement du solde intervient dans le délai fixé par le marché et courant à compter de la notification du décompte général. Ce délai (...) ne peut dépasser soixante jours si la durée d'exécution contractuelle du marché est supérieure à six mois. ". L'article 3.3.4 du cahier des clauses administratives particulières du marché en cause prévoit que le délai de paiement des acomptes et du solde est de trente jours.

17. Le défaut de mandatement du solde d'un marché dans les délais qu'il prévoit fait courir de plein droit et sans autre formalité, au bénéfice du titulaire ou du sous-traitant, des intérêts moratoires.

18. Il résulte de l'instruction que le décompte général du marché a été notifié par le ministre de la défense à la société Eliez par une lettre du 15 juin 2015 qu'elle a réceptionnée le 23 juin 2015. En application du délai prévu par l'article 3.3.4 du CCAP, les intérêts de retard auxquels a droit la société Eliez ont commencé à courir à compter du 23 juillet 2015. Par suite, il y a lieu de condamner l'Etat à assortir la somme de 83 720 euros HT précitée, due à la société Eliez au titre du présent arrêt, des intérêts moratoires courant à partir de cette date, au taux indiqué par les stipulations de l'article 3.3.4 du CCAP.

Sur la capitalisation des intérêts :

19. Aux termes de l'article 1343-2 du code civil : " Les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise. ". Pour l'application de ces dispositions, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond. Cette demande prend toutefois effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée et pourvu qu'à cette date il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière. Le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande.

20. Il résulte de l'article 1er du jugement attaqué, non contesté en appel, que l'Etat a été condamné à verser à la société Eliez la somme de 108 718,60 euros HT, majorée des intérêts moratoires à compter du 23 juillet 2015. La société Eliez demande, pour la première fois en appel, la capitalisation de ces intérêts moratoires ainsi que celle des intérêts moratoires dus au titre de la somme de 83 720 euros HT qui lui est allouée par le présent arrêt. A la date de sa requête introductive d'instance, soit le 6 février 2019, les intérêts étaient dus pour au moins une année entière. Conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande à compter de cette dernière date, ainsi qu'à chaque échéance annuelle ultérieure à compter de celle-ci.

21. Il résulte de tout ce qui précède que la société Eliez est seulement fondée, d'une part, à soutenir que la somme au versement de laquelle le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat doit être portée de 108 718,60 euros HT à 192 438,60 euros HT et, d'autre part, à demander le versement des intérêts moratoires à compter du 23 juillet 2015 sur la somme de 83 720 euros HT ainsi que la capitalisation des intérêts moratoires qui lui ont été alloués par l'article 1er du jugement attaqué ainsi que par le présent arrêt à compter du 6 février 2019, ainsi qu'à chaque échéance annuelle ultérieure à compter de cette date.

Sur les frais liés au litige :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Eliez, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'Etat demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à la société Eliez sur le fondement des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La somme de 108 718,60 euros HT que l'Etat a été condamné à verser à la société Eliez par le jugement n° 1619180/3-3 du 5 décembre 2018 du Tribunal administratif de Paris est portée à 192 438,60 euros HT. Le surplus à verser par l'Etat est de 83 720 euros HT, assorti des intérêts moratoires à compter du 23 juillet 2015 au taux indiqué par les stipulations de l'article 3.3.4 du CCAP jusqu'au paiement des sommes dues. Les intérêts échus à la date du 6 février 2019 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Les intérêts moratoires que l'Etat a été condamné à verser à la société Eliez à compter du 23 juillet 2015 sur la somme de 108 718,60 euros HT, par l'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1619180/3-3 du 5 décembre 2018, seront capitalisés à compter du 6 février 2019 ainsi qu'à chaque échéance annuelle ultérieure à compter de cette date pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1619180/3-3 du 5 décembre 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à la société Eliez une somme de 1 500 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Eliez est rejeté.

Article 6 : Les conclusions de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la société Eliez et à la ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 26 février 2021 à laquelle siégeaient :

- Mme A..., président de chambre,

- M. B..., premier conseiller,

- Mme Portes, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 mars 2021.

Le rapporteur,

P. B...

Le président,

M. A... Le greffier,

S. GASPAR

La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

10

N° 19PA00630


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA00630
Date de la décision : 17/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-03-01-02-02 Marchés et contrats administratifs. Exécution technique du contrat. Conditions d'exécution des engagements contractuels en l'absence d'aléas. Marchés. Retards d'exécution.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: M. Pascal MANTZ
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : SCP VAILLANT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-03-17;19pa00630 ?
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