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17/03/2021 | FRANCE | N°19PA02630

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 17 mars 2021, 19PA02630


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2011 à 2013.

Par un jugement n° 1708745/2-1 du 11 juin 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 7 août 2019, M. D..., représenté par Me B... A..., demande à la Cour :

1°) d'annule

r ce jugement du 11 juin 2019 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge sollici...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2011 à 2013.

Par un jugement n° 1708745/2-1 du 11 juin 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 7 août 2019, M. D..., représenté par Me B... A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 11 juin 2019 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée devant le tribunal ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'administration a accepté le 20 octobre 2009 une répartition à 50/50 de l'utilisation professionnelle et privative de l'appartement loué par la société au titre des exercices antérieurs ; une telle prise de position est invocable sur le fondement des dispositions des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales et a été reconnue comme telle par la doctrine administrative ; de même, en 2017, à la suite d'un contrôle des exercices 2014 et 2015, le vérificateur a validé le taux d'utilisation professionnelle de 50 % ; or la situation de la société n'a pas été modifiée entre ces deux périodes ;

- il convient de respecter le principe de sécurité juridique, de confiance légitime et la relation de confiance ayant inspiré la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 ;

- les premiers juges n'ont pas suffisamment motivé leur jugement en ne faisant pas état des résultats de la vérification de comptabilité intervenue en 2017 ;

- la réponse aux observations du contribuable est insuffisamment motivée ;

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée au regard des proratas retenus, en ce qui concerne les frais de déplacement, les immobilisations, et l'appréhension des sommes correspondants aux factures Paris Bat et d'Agoty ;

- il n'a pas été démontré qu'il était maître de l'affaire s'agissant des sociétés Paris Bat et d'Agoty et qu'il a ainsi appréhendé les sommes correspondant aux factures considérées comme fictives ;

- l'administration ne dispose d'aucun motif pour limiter le prorata d'utilisation professionnelle à 30 % jusqu'au 1er janvier 2013 ;

- à compter du 1er janvier 2013, la clause de non-concurrence signée avec la société CA Animation ne fait pas obstacle à la poursuite d'une activité professionnelle impliquant des charges et au versement d'un loyer en exécution du bail ;

- le local est utilisé à des fins professionnelles ;

- le loyer n'est pas exagéré ;

- les prestations réalisées par les sociétés Paris Bat et D'Agoty sont réelles sur la base de devis préalables et concernaient des locaux professionnels ;

- le prorata de déduction de 5 % n'a aucun sens s'agissant des charges afférentes à l'appartement ;

- les frais de déplacement ont un caractère professionnel, la société Urco gérant la ferme située à Villuis, et les frais de voyages à Moscou sont justifiés par une recherche d'investissement.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 janvier 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 27 janvier 2020, la clôture d'instruction a été fixée au

11 février 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Urco, dont M. D... est associé majoritaire et gérant, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité de son activité de conseil et de marketing publicitaire et de marchand de biens au titre de la période du 1er novembre 2010 au 31 octobre 2013, avec extension jusqu'au 30 avril 2014 en matière de taxe sur la valeur ajoutée. A l'issue de cette vérification, la société a été assujettie à des suppléments d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013 ainsi qu'à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre des années 2011 à 2013. L'administration a considéré que les bénéfices rectifiés de la société au titre des exercices en cause constituaient des revenus distribués, qu'elle a intégrés dans le revenu imposable des années 2011 à 2013 de M. D... et imposés à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. Par la présente requête, M. D... relève appel du jugement du 11 juin 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions ainsi que des pénalités correspondantes.

Sur la régularité du jugement :

2. Il résulte de l'examen du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments soulevés par le requérant à l'appui de ses moyens, ont statué sur le moyen qu'il leur était soumis, tiré de ce que le courrier du 20 octobre 2009 constituait une prise de position formelle sur une situation de fait invocable sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales. S'ils n'ont pas, à cet égard, évoqué les résultats de la vérification effectuée au titre des années 2014 et 2015, il résulte de l'examen des écritures de première instance que le requérant ne se prévalait pas explicitement, sur le fondement dudit article, du courrier rédigé par le service à l'issue de cette vérification, et ne l'évoquait qu'à titre d'argument supplémentaire. Ce courrier n'était d'ailleurs pas, eu égard à sa date, invocable sur le fondement de cet article. Les premiers juges n'ont, par suite, entaché leur jugement d'aucune irrégularité en n'en faisant pas mention.

Sur la procédure d'imposition :

3. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. /(...)/Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée ".

4. En premier lieu, contrairement à ce que soutient le requérant, la proposition de rectification qui lui a été adressée le 4 décembre 2014 comporte l'énoncé des motifs ayant conduit le service à considérer que l'appartement situé 49 rue Vineuse à Paris constituant son domicile personnel n'était utilisé à des fins professionnelles par la société Urco qu'à hauteur de 30 % jusqu'au 31 décembre 2012 et n'avait plus d'usage professionnel à compter de cette date et jusqu'à la clôture de l'exercice 2013. Contrairement à ce qui est également soutenu, la proposition de rectification, en indiquant que la prise en charge par la société de frais de déplacement et de dépenses afférentes audit appartement devait être regardée comme constituant des revenus appréhendés par M. D..., qui était le bénéficiaire unique de ces dépenses, a suffisamment motivé l'appréhension par l'intéressé des sommes dont il s'agit. Le moyen tiré du défaut de motivation de la proposition de rectification litigieuse doit ainsi être écarté, sans que le contribuable puisse utilement critiquer à l'appui de ce moyen le bien-fondé des motifs retenus par le service.

5. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que l'administration a répondu le 12 février 2015 aux observations qu'avaient présentées le requérant, en faisant référence à la réponse aux observations du contribuable adressée à la société Urco et en joignant cette réponse. Ladite réponse précisait qu'un accord obtenu préalablement dans le cadre d'un recours hiérarchique ne permettait pas de présumer de l'utilisation professionnelle de l'appartement. Le moyen tiré de ce que la réponse aux observations du contribuable ne répondrait pas à l'argument fondé sur l'existence d'une prise de position antérieure ne peut dès lors qu'être écarté.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

6. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ". Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109 les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés. (...) ". Aux termes de l'article 39 de ce code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'oeuvre, le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire. (...) ".

S'agissant du caractère déductible des charges supportées par la société Urco :

7. En premier lieu, la société Urco a comptabilisé comme charges déductibles, au titre des trois exercices vérifiés, une quote-part de 50 % du loyer du domicile personnel de son gérant, M. D..., situé 46 rue Vineuse à Paris (75016), et du montant des charges y afférentes. Si

M. D... soutient que c'est à tort que le vérificateur a réduit à 30 % cette quote-part au titre de la période du 1er novembre 2010 au 31 décembre 2012, et à 0 % pour la période du 1er janvier 2013 au 31 octobre 2013, il n'a apporté, alors qu'il est seul en mesure de le faire, à l'exception d'une pièce établissant l'usage de l'appartement comme showroom pendant une semaine en 2012, d'ailleurs non produite devant la Cour, aucun élément de nature à justifier de l'affectation des locaux en cause à un usage professionnel sur la période concernée, alors notamment qu'il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que le contrat de location desdits locaux ne mentionne pas une telle affectation, que l'assurance souscrite par M. D... pour ces locaux concerne un bien à usage exclusif d'habitation et que la société dispose en outre de bureaux sur un autre site, situé 15 avenue de l'Opéra à Paris (75001). La circonstance qu'à compter du

1er janvier 2013, la clause de non-concurrence signée avec la société CA Animation ne ferait pas obstacle à la poursuite d'une activité professionnelle impliquant des charges et au versement d'un loyer en exécution du bail, ne saurait être valablement invoquée, en l'absence de tout élément permettant d'identifier un usage professionnel effectif des lieux. Il en est de même, et pour le même motif, du moyen tiré de ce que le loyer ne serait pas excessif. Si M. D... se prévaut d'erreurs de calcul dans le taux d'utilisation professionnel finalement retenu, aucun élément du dossier, faute de précisions supplémentaires sur l'utilisation professionnelle des locaux, ne permet de considérer que les sommes admises en déduction du résultat de la société Urco seraient sous-évaluées. Il suit de là que M. D... n'est pas fondé à soutenir que les charges réintégrées dans le résultat de la société Urco au titre du loyer de l'appartement et des autres charges afférentes à cet appartement étaient déductibles.

8. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que la " facture d'acompte " relative à des travaux de peinture d'un montant de 15 548 euros TTC émise par la société Paris Bat le

25 mai 2011 ne comportait aucun détail des prestations réalisées. Il en est de même s'agissant de deux factures relatives à des travaux de mise en peinture et des prestations de fourniture de matériel électrique pour des montants respectifs de 24 458 euros TTC et 26 312 euros TTC, émises par la société d'Agoty. Ces factures ne permettent pas de s'assurer de l'affectation professionnelle des travaux en cause. A l'appui de sa requête, M. D... se borne à affirmer que les prestations réalisées par les sociétés Paris Bat et d'Agoty sont réelles sur la base de devis préalables et concernaient des locaux professionnels, mais ne conteste pas que le devis produit devant le service était dépourvu de cachet et de signature et n'a en tout état de cause produit, tant devant la Cour que devant les premiers juges, aucun élément pour justifier de la nature exacte des prestations en cause et pour attester de leur utilité pour les activités de la société Urco.

9. En troisième lieu, si M. D... conteste le refus du service d'admettre comme charges déductibles ses frais de déplacement entre Paris et Villuis au titre des exercices clos en 2011 et 2012, il n'a été fourni aucun document pour justifier de la réalité de tels frais. Par ailleurs la seule production d'un document en langue russe non accompagné d'une traduction n'apporte à la Cour aucun élément pour étayer le moyen tiré de ce que les frais de voyage à Moscou au titre de l'exercice clos en 2013 seraient dus à des recherches d'investissement qui concerneraient la société Urco.

S'agissant de l'appréhension par M. D... des sommes réintégrées dans le résultat de la société Urco :

10. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale n'a pas contesté la réalité des travaux effectués dans l'appartement de M. D... mais s'est bornée à constater l'irrégularité ou l'imprécision des documents produits et l'impossibilité qui en résultait d'apprécier l'utilité de ces travaux dans le cadre de l'activité professionnelle de la société Urco. Ni la société Urco, ni M. D... ne se sont d'ailleurs prévalus du caractère fictif des travaux réalisés. Ces travaux doivent par suite être regardés comme ayant bénéficié à M. D..., sans que ce dernier puisse utilement se prévaloir de ce que les sommes versées aux sociétés Paris Bat et d'Agoty n'ont pu être appréhendées par lui, dès lors qu'il n'est pas maître de l'affaire de ces deux sociétés.

En ce qui concerne l'interprétation de la loi fiscale :

11. Aux termes de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ; elle se prononce dans un délai de trois mois lorsqu'elle est saisie d'une demande écrite, précise et complète par un redevable de bonne foi. (...) ".

12. Si M. D... fait valoir que l'administration, à l'occasion d'une précédente vérification de comptabilité de la société Urco, qui a porté sur les exercices clos en 2005, 2006 et 2007, a accepté, par décision du 20 octobre 2009, de retenir un usage professionnel de l'appartement en litige à hauteur de 50 %, une telle décision, qui précisait qu'elle était prise " à titre tout à fait exceptionnel et dans un souci de conciliation ", ne constituait pas, alors même qu'elle admettait également le taux de 50 % pour l'année 2008 et pour l'exercice clos en 2009 en cours, une prise de position formelle de l'administration sur l'appréciation de la situation de fait de la société au regard du texte fiscal. Le requérant, qui ne peut ainsi, en tout état de cause, se prévaloir des dispositions précitées de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, n'est pas davantage fondé à soutenir que les impositions litigieuses, compte tenu de la position ainsi exprimée par l'administration au titre d'exercices antérieurs, auraient été établies en méconnaissance du principe de sécurité juridique ou de confiance légitime. Par ailleurs, le courrier du 9 mars 2017 n'est pas, en raison de sa date, invocable sur le fondement de ces dispositions, et le requérant ne saurait en tout état de cause invoquer utilement à cet égard les dispositions de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018, entrées en vigueur le 12 août 2018, et qui sont inapplicables à l'espèce. La doctrine administrative citée par le requérant et relative à l'application de la doctrine n'est en tout état de cause pas invocable sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 3 mars 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. C..., premier conseiller,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mars 2021.

Le rapporteur,

F. C...Le président,

I. BROTONS

Le greffier,

I. BEDR

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 19PA02630


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA02630
Date de la décision : 17/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : SCP BERSAGOL, PIRO et PERROT

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-03-17;19pa02630 ?
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