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27/05/2021 | FRANCE | N°19PA02522

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 27 mai 2021, 19PA02522


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2010 et des majorations y afférentes.

Par un jugement n° 1706877 du 3 avril 2019, le tribunal administratif de Paris a déchargé M. A..., en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au tit

re de l'année 2010, en tant que ces impositions résultent de la réintégration de la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2010 et des majorations y afférentes.

Par un jugement n° 1706877 du 3 avril 2019, le tribunal administratif de Paris a déchargé M. A..., en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2010, en tant que ces impositions résultent de la réintégration de la somme de 70 000 euros dans son revenu imposable, et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 30 juillet 2019, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 1706877 du 3 avril 2019 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rétablir M. et Mme A... aux rôles des impositions déchargées à tort par le tribunal administratif de Paris.

Le ministre soutient que :

- le jugement est irrégulier, dès lors que l'audience s'est tenue avant expiration du délai imparti pour répondre au mémoire en réplique ;

- les documents produits par M. A... sont insuffisants pour établir que la trésorerie de la société Lickshot rendait impossible le prélèvement de la somme de 70 000 euros au cours de l'année 2010, qui a été effectué avant l'inscription en compte courant du crédit de même montant.

Par un mémoire en défense et d'appel incident enregistré le 23 octobre 2020, M. A..., représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête, à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2010 et des majorations y afférentes et à la mise à la charge de l'État de la somme de 2 400 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A... soutient que :

- la requête du ministre doit être rejetée, dès lors que les sommes prélevées sur le compte courant correspondent à des remboursements de frais et à la rémunération de gérant, que la situation de trésorerie de la société Lickshot présentait un solde négatif en 2010, rendant impossible un prélèvement et que la somme en litige ne devait pas lui être attribuée ;

- la majoration pour manquement délibérée n'est pas motivée et est mal fondée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 ;

- les décrets n° 2020-1404 et n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. E... ;

- et les conclusions de Mme Lescaut, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A... ont fait l'objet d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle, à l'issue duquel des propositions de rectification du 18 décembre 2012 relative à l'année 2009 et du 21 mai 2013 relative à l'année 2010 leur ont été adressées. Au terme de la procédure, ils ont notamment été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2010, assorties d'intérêts de retard et de la majoration pour manquement délibéré prévue au a) de l'article 1729 du code général des impôts, dans les catégories des revenus d'origine indéterminée, d'un montant de 24 400 euros, et des revenus de capitaux mobiliers, d'un montant de 118 641 euros. Le ministre fait appel de l'article 1er du jugement du 3 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris a déchargé M. A..., en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2010, en tant que ces impositions résultent de la réintégration de la somme de 70 000 euros dans son revenu imposable dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. Par appel incident, M. A... demande la décharge du surplus des impositions relatives à l'année 2010 maintenues à sa charge par l'article 2 de ce jugement.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'imposition de la somme de 70 000 euros :

2. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : (...) 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices (...) ".

3. Les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé d'une société soumise à l'impôt sur les sociétés sont, sauf preuve contraire, à la disposition de cet associé, alors même que l'inscription résulterait d'une erreur comptable involontaire, et ont donc, même dans une telle hypothèse, le caractère de revenus distribués, imposables entre les mains de cet associé dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en vertu du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. Pour que l'associé échappe à cette imposition, il lui incombe de démontrer, le cas échéant, qu'il n'a pas pu avoir la disposition de ces sommes ou que ces sommes ne correspondent pas à la mise à disposition d'un revenu.

4. Il résulte de l'instruction, notamment de la proposition de rectification du 21 mai 2013, que le vérificateur a constaté que le compte courant d'associé de M. A... dans la société Lickshot, dont il était également gérant, a été crédité de la somme de 70 000 euros le 31 décembre 2010 sous le libellé " avance Didier C... ", en contrepartie d'un débit de même montant du compte 467 libellé de la même façon. Si M. A... se prévaut des difficultés de trésorerie de la société Lickshot, en produisant une attestation d'un expert-comptable du 27 novembre 2014 indiquant que les positions comptables des comptes bancaires de la société montraient une dégradation de sa trésorerie s'établissant à - 33 256 euros au 31 décembre 2010, ainsi que des relevés bancaires d'un compte de la société Lickshot sur lesquels figure un solde créditeur d'un montant se limitant à 3 732,31 euros à cette même date, le ministre fait valoir, sans être d'ailleurs contredit, que le prélèvement de la somme de 70 000 euros a été en réalité opéré avant l'inscription de cette somme au crédit du compte courant d'associé. En effet, il résulte de l'annexe à la réponse aux observations du contribuable du 25 octobre 2013 retraçant les écritures du compte courant d'associé et des relevés bancaires de la société Lickshot produits par M. A... que le compte courant était débiteur à l'ouverture de l'exercice comptable et que le requérant a, au cours de l'année 2010, effectivement opéré des prélèvements sur ce compte, et de fait sur le compte bancaire de la société, conduisant à un solde débiteur de 210 198,48 euros au 23 décembre 2010, le compte étant soldé le 31 décembre 2010 pour un montant équivalent par trois écritures d'opérations diverses, se décomposant en des crédits de 38 300 euros et de 101 989,48 euros, qui apparaissent respectivement comme une rémunération de gérant et des frais de déplacement, et la somme en litige de 70 000 euros, présentée comme une avance à un tiers.

5. Dans ces conditions, l'écriture en cause du 31 décembre 2010, indépendamment des problèmes de trésorerie de la société Lickshot à cette date, correspond à une opération de solde comptable sans que la société ne soit débitrice d'aucune somme au profit de M. A..., les sommes d'un montant global équivalent, inscrites au crédit du compte courant ayant été mises à disposition et effectivement encaissées par l'intéressé antérieurement au 31 décembre 2010. Par suite, M. A..., qui n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations selon lesquelles les sommes prélevées, à hauteur du montant en litige, correspondraient à des remboursements de frais ou à une rémunération de gérant, ne démontre pas qu'il n'a pas pu avoir la disposition de la somme de 70 000 euros ou que cette somme ne correspond pas à la mise à disposition d'un revenu, preuve qui ne résulte pas de la dégradation de la situation de trésorerie de la société en 2011 et 2012, de la mise à la charge de la société de frais bancaires en 2010 et de l'absence de poursuites pénales. A cet égard, si M. A... soutient que la somme de 70 000 euros devait être attribuée à M. C..., cette circonstance est sans incidence sur la mise à disposition, l'erreur comptable ainsi alléguée ne faisant pas obstacle à l'imposition. Ainsi, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal a déchargé M. A..., en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2010, en tant que ces impositions résultent de la réintégration de la somme de 70 000 euros dans son revenu imposable dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, du fait de la situation de trésorerie de la société Lickshot.

En ce qui concerne l'appel incident :

6. M. A... ne présente aucun moyen relatif aux cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2010, en tant que ces impositions résultent des sommes autres que la réintégration de la somme de 70 000 euros précitée. Son appel incident, dirigé contre l'article 2 du jugement, doit ainsi être rejeté.

Sur les pénalités :

7. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration ".

8. Pour justifier l'application de la majoration pour manquement délibéré, le service a mentionné dans la proposition de rectification que, s'agissant des revenus de capitaux mobiliers, M. A... a encaissé au cours de l'année 2010 des sommes réglées par chèques provenant de la société Lickshot, créditées sur le compte courant d'associé et dont il n'est pas établi qu'elles correspondaient à des remboursements de frais, d'un montant correspondant à près de trois fois les salaires déclarés et qu'il ne pouvait ainsi ignorer qu'elles constituaient un revenu imposable. S'agissant des revenus d'origine indéterminée d'un montant de 24 400 euros, en provenance des sociétés dont M. A... était le gérant, le service a relevé qu'aucun justificatif n'avait été fourni et qu'en qualité de gérant, l'intéressé ne pouvait ignorer leur nature. Dans ces conditions, l'administration, qui a suffisamment motivé l'application de la pénalité, établit l'intention délibérée de M. A... d'éluder l'impôt dont il était redevable, et, par suite, le bien-fondé des pénalités pour manquement délibéré qu'elle a infligées à l'intéressé sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, sans qu'il soit besoin d'examiner sa régularité, le tribunal administratif de Paris a déchargé M. A..., en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2010, en tant que ces impositions résultent de la réintégration de la somme de 70 000 euros dans son revenu imposable. L'article 1er du jugement doit ainsi être annulé et les impositions correspondantes remises à la charge du contribuable. En revanche, M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du même jugement, le tribunal a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Son appel incident doit ainsi être rejeté.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... demande au titre des frais qu'il a exposés.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1706877 du 3 avril 2019 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : Les impositions auxquelles M. et Mme A... ont été assujettis en matière d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2010, à raison de la réintégration de la somme de 70 000 euros dans leur revenu imposable dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sont remises à leur charge, en droits et majorations.

Article 3 : Les conclusions d'appel de M. et Mme A... sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à M. et Mme D... A....

Copie en sera adressée au directeur général des finances publiques (service juridique de la fiscalité).

Délibéré après l'audience du 6 mai 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- M. E..., président assesseur,

- Mme Marion, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 mai 2021.

Le rapporteur,

F. E...Le président,

S.-L. FORMERY

La greffière,

F. DUBUY-THIAM

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N° 19PA02522


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA02522
Date de la décision : 27/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : SELARL GUIDET ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-05-27;19pa02522 ?
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