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24/06/2021 | FRANCE | N°20PA00656

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 24 juin 2021, 20PA00656


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française de condamner la Polynésie française à lui verser la somme globale de 12 022 685 F CFP en réparation des préjudices qu'il a subis du fait d'une infection nosocomiale contractée à l'hôpital d'Uturoa à Raiatea.

Par un jugement n° 1900115 du 19 novembre 2019, le tribunal administratif de la Polynésie française :

- a condamné la Polynésie française à verser à M. D... la somme de 3 005 848 F CFP ;

- a co

ndamné la Polynésie française à verser à la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française de condamner la Polynésie française à lui verser la somme globale de 12 022 685 F CFP en réparation des préjudices qu'il a subis du fait d'une infection nosocomiale contractée à l'hôpital d'Uturoa à Raiatea.

Par un jugement n° 1900115 du 19 novembre 2019, le tribunal administratif de la Polynésie française :

- a condamné la Polynésie française à verser à M. D... la somme de 3 005 848 F CFP ;

- a condamné la Polynésie française à verser à la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française la somme de 6 928 775 F CFP au titre de ses débours, assortie des intérêts au taux légal à compter du 4 mai 2019 ;

- a mis à la charge de la Polynésie française les frais de l'expertise, liquidés et taxés à la somme de 200 000 F CFP ;

- a mis à la charge de la Polynésie française la somme de 150 000 F CFP à verser à M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

- a rejeté le surplus des conclusions de la requête et le surplus des conclusions présentées par la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 février et 31 décembre 2020, M. D..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 1900115 du 19 novembre 2019 du tribunal administratif de la Polynésie française en tant qu'il n'a pas entièrement fait droit à ses conclusions indemnitaires ;

2°) de condamner la Polynésie française à lui verser la somme totale de 80 765, 89 euros (9 522 685 F CFP) en réparation des préjudices qu'il a subis du fait d'une infection nosocomiale contractée à l'hôpital d'Uturoa à Raiatea ;

3°) à titre subsidiaire, si la Cour devait considérer que l'indemnité au titre de l'achat d'un véhicule adapté à son handicap est limitée à la somme de 1 696,28 euros (200 000 F CFP), de condamner la Polynésie française à lui verser la somme totale de 60 495,29 euros (7 132 685 F CFP) en réparation de ses préjudices ;

4°) à titre infiniment subsidiaire, de condamner la Polynésie française à lui verser la somme totale de 38 006,02 euros (4 481 092 F CFP) en réparation de ses préjudices ;

5°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 2 120,25 euros (250 000 F CFP) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il a souffert d'un déficit fonctionnel temporaire total du 21 juin 2016 au 31 décembre 2016 et en prenant pour base le montant du SMIG applicable en Polynésie française, l'indemnisation de ce chef de préjudice doit être fixée à 8 334, 10 euros (982 631 F CFP) ;

- il a présenté un déficit fonctionnel temporaire partiel du 1er janvier 2017 au 25 août 2017 qui doit être indemnisé à hauteur de 5 079, 63 euros (598 913 F CFP) ;

- les souffrances endurées du fait de l'infection nosocomiale, évaluées à 3/7 par l'expert, doivent être indemnisées à hauteur de 6 106, 62 euros (720 000 F CFP) ;

- il a subi un préjudice esthétique temporaire du fait de l'infection nosocomiale qui a rendu nécessaire une greffe de peau qui a conféré un caractère inesthétique à la plaie ; l'indemnisation de ce chef de préjudice doit être évaluée à 2 247,57 euros (265 000 F CFP) ;

- son état de santé a nécessité une assistance par une tierce personne de deux heures par jour pendant la période allant du 21 juin 2016 au 15 novembre 2016 et en se fondant sur le SMIG applicable en Polynésie française, ce chef de préjudice doit être évalué à la somme de 2 240,85 euros (264 207 F CFP) qui n'a pas été contestée par la Polynésie française en première instance ;

- l'atteinte à l'intégrité physique et psychique (AIPP) imputable à l'infection nosocomiale a été évaluée à 12,5 % et compte tenu de son âge, l'indemnisation de ce chef de préjudice doit être fixée à 21 203,55 euros (2 500 000 F CFP) alors que le tribunal lui a alloué la somme de 15 266,55 euros (1 800 000 F CFP) sans motiver son jugement sur ce point ;

- il a subi un préjudice d'agrément évalué à 2/7 qui doit être indemnisé à hauteur de 3 392,56 euros (400 000 F CFP) ; la Polynésie française n'a pas contesté ce montant en première instance ;

- le préjudice esthétique permanent évalué à 0,5/7 doit être indemnisé à hauteur de 1 123,78 euros (132 500 F CFP) ;

- il a dû s'acquitter de loyers pour un logement situé sur l'île de Tahiti où il devait résider pour son suivi médical et ses séances de rééducation ; le montant total des loyers acquittés s'élève à 8 271,65 euros pour la période comprise entre septembre 2016 et août 2017 ;

- il a droit au remboursement des frais médicaux et des frais pharmaceutiques restés à sa charge d'un montant de 724,60 euros (85 434 F CFP) ;

- il doit acquérir un véhicule adapté à son handicap pourvu d'une boîte de vitesse automatique pour la somme de 21 966,87 euros (2 590 000 FC FP) ; à titre subsidiaire, le montant alloué ne doit pas être inférieur à la moitié du surcoût occasionné par l'équipement d'une boîte de vitesse automatique par rapport à une boîte de vitesse manuelle, soit à la somme de 3 392,56 euros (400 000 F CFP).

Par des mémoires en défense, enregistrés les 13 novembre 2020 et 27 janvier 2021, la Polynésie française, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 2 000 euros soit mis à la charge de M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- si elle n'a pas contesté sa responsabilité devant le tribunal, elle a toutefois contesté le montant des indemnités sollicitées par M. D... et a fixé le montant maximum des indemnités à allouer à la somme totale de 38 006,02 euros (4 481 092 F CF P) ;

- le déficit fonctionnel temporaire total est imputable à l'infection nosocomiale à compter du 22 juillet 2016 et doit être indemnisé sur la base d'un demi-SMIG ; l'indemnité allouée ne peut pas être supérieure à 1 759,89 euros (207 500 F CFP) ;

- le déficit fonctionnel temporaire partiel doit être indemnisé sur la base de 25 % du SMIC ; en outre, il n'est dû que pour moitié à l'infection nosocomiale ; l'indemnité allouée ne peut pas être supérieure à 1 269,90 euros (149 728 F CFP) ;

- les premiers juges ont fait une juste évaluation des souffrances endurées du fait de la seule infection nosocomiale en allouant la somme de 3 053, 31 euros (360 000 F CFP) ;

- s'agissant du préjudice esthétique, la demande indemnitaire de M. D... devra être rejetée conformément au jugement attaqué ; à titre subsidiaire, le montant de l'indemnité ne saurait excéder la somme de 424,07 euros (50 000 F CFP) pour le préjudice esthétique temporaire et de 508,88 euros (60 000 F CFP) pour le préjudice esthétique permanent ;

- l'assistance d'une tierce personne est imputable à la fracture initiale du poignet gauche et la demande indemnitaire de M. D... devra être rejetée ; à titre subsidiaire, le montant de l'indemnité ne saurait excéder la somme de 1 765, 40 euros (208 150 F CFP) pour la période du 22 juillet 2016 au 15 novembre 2016 ;

- les premiers juges ont fait une juste évaluation de l'atteinte à l'intégrité physique et psychique de M. D... ;

- M. D... ne justifie pas avoir subi un préjudice d'agrément ; en tout état de cause, un tel préjudice serait la conséquence directe du traumatisme initial subi par l'intéressé ;

- les frais de logement à Tahiti ne doivent être pris en compte que pour une durée de deux mois, M. D... pouvant retourner sur l'île de Huahine pour effectuer des séances de rééducation ;

- il n'est pas établi que les frais médicaux et les frais pharmaceutiques restés à la charge de M. D... seraient imputables à l'infection nosocomiale ;

- la nécessité d'un véhicule équipé d'une boîte de vitesse automatique est imputable à la facture initiale du poignet de M. D... et non à l'infection nosocomiale ; en tout état de cause, M. D..., qui a bénéficié d'une aide de la Polynésie française et d'une remise du concessionnaire, a pu acquérir un tel véhicule au prix d'un véhicule équipé d'une boîte de vitesse manuelle.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 3 novembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F...,

- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le 21 juin 2016, M. D..., âgé de 69 ans, a été victime d'une chute en montagne. Il a été transporté à l'hôpital d'Uturoa (île de Raiatea) où une fracture plurifragmentaire du poignet gauche a été diagnostiquée. Le lendemain, une ostéosynthèse par brochage intra-focal selon la technique de Kapandji a été réalisée et le poignet a été immobilisé dans une attelle plâtrée pour une durée d'un mois. Le 18 juillet 2016, le chirurgien orthopédiste de l'hôpital d'Uruoa a procédé au retrait de l'attelle plâtrée et du pansement de M. D..., a constaté une extériorisation d'une broche latérale et a préconisé un pansement par algoplaque à renouveler et le port d'une attelle d'immobilisation. Le 21 juillet 2016, lors du changement du pansement de M. D..., l'infirmière à domicile a suspecté une infection et le lendemain, après consultation de son médecin généraliste, M. D... a été transporté au service des urgences de l'hôpital du Taaone où dès son arrivée, l'ablation d'une partie des broches a été réalisée. Un prélèvement à visée bactériologique a été effectué dont les résultats ont mis en évidence une infection par staphylocoque doré. Le 23 juillet 2016, M. D... a dû subir une nouvelle intervention chirurgicale consistant en l'ablation du matériel d'ostéosynthèse restant, un lavage, une réduction à ciel ouvert et une nouvelle ostéosynthèse. Une antibiothérapie a également été prescrite. Deux autres interventions chirurgicales ont été réalisées les 11 et 29 août 2016 pour une nécrose cutanée dorsale du poignet nécessitant une greffe de peau. Le 3 octobre 2016, M. D... a subi une dernière intervention pour une pseudarthrose du radius consistant en l'ablation du fixateur externe, le prélèvement d'un greffon osseux iliaque et la mise en place d'une plaque vissée par voie antérieure.

2. Le 7 avril 2017, M. D... a saisi le juge des référés du tribunal administratif de la Polynésie française qui a ordonné une expertise. Le rapport d'expertise a été déposé au greffe du tribunal le 27 novembre 2017. Le 3 avril 2019, M. D... a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française de condamner la Polynésie française à lui verser la somme de 12 022 685 F CFP (101 969,44 euros) en réparation des préjudices subis du fait de l'infection nosocomiale qu'il estime avoir contractée lors de sa prise en charge à l'hôpital d'Uturoa. Par un jugement du 19 novembre 2019, le tribunal administratif de la Polynésie française a condamné la Polynésie française à verser, d'une part, à M. D..., la somme de 3 005 848 F CFP (25 493,85 euros) et, d'autre part, à la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française, la somme de 6 928 775 F CFP (58 765,85 euros) au titre de ses débours, assortie des intérêts au taux légal à compter du 4 mai 2019, et a mis à la charge de la Polynésie française les frais de l'expertise liquidés et taxés à la somme de 200 000 F CFP (1 696,284 euros). M. D... demande à la Cour de réformer ce jugement en tant qu'il n'a pas entièrement fait droit à ses conclusions indemnitaires.

Sur la responsabilité de la Polynésie française :

3. L'introduction accidentelle d'un germe microbien dans l'organisme d'un patient lors d'une hospitalisation dans un établissement ou un service de santé en Polynésie française révèle une faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service hospitalier et engage la responsabilité de celui-ci. Il en va toutefois autrement lorsqu'il est certain que l'infection, si elle s'est déclarée à la suite d'une intervention chirurgicale, a été causée par des germes déjà présents dans l'organisme du patient avant l'hospitalisation, ou encore lorsque la preuve d'une cause étrangère est rapportée par l'établissement de santé.

4. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expertise diligentée par le tribunal, que M. D... a été victime d'une infection due à un staphylocoque doré contractée lors de sa prise en charge à l'hôpital d'Uturoa à compter du 22 juin 2016. Il résulte également de l'instruction que ce germe n'était pas présent dans l'organisme du patient avant son hospitalisation. En outre, la Polynésie française n'établit ni même n'allègue l'existence d'aucune cause étrangère. Dans ces conditions, l'infection nosocomiale dont été victime M. D... révèle une faute de nature à engager la responsabilité de la Polynésie française en sa qualité de gestionnaire de l'hôpital d'Uturoa.

Sur l'évaluation des préjudices :

En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :

S'agissant des dépenses de santé :

5. M. D... soutient que des frais médicaux et des frais pharmaceutiques d'un montant total de 724,60 euros (85 434 F CFP) sont restés à sa charge et que le tribunal ayant retenu à tort que ces frais étaient justifiés à hauteur de seulement 625,06 euros (73 698 F CFP), le reliquat de 99, 54 euros doit être mis à la charge de la Polynésie française. Toutefois, en produisant en appel les mêmes pièces qu'en première instance et alors qu'il ressort de ces pièces qu'une même dépense de santé peut être justifiée par plusieurs pièces (déclaration de recette, commandement de payer et lettre de rappel portant sur le même titre de recette) et qu'il convient de déduire les frais de recouvrement, M. D... n'établit pas que des dépenses de santé d'un montant supérieur à celui retenu par le tribunal seraient restées à sa charge. Par suite, sa demande tendant à ce que la Polynésie française soit condamnée à lui verser au titre des dépenses de santé le reliquat de 99, 54 euros doit être rejetée.

S'agissant des frais liés au handicap :

6. Il résulte de l'instruction que l'expert a fixé le point de départ de la période pendant laquelle l'état de santé de M. D..., qui est gaucher, a nécessité l'assistance d'une tierce personne à raison de deux heures par jour au 22 juin 2016, date de son hospitalisation à l'hôpital d'Uturoa. Toutefois, comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, l'infection nosocomiale a été diagnostiquée et a nécessité des soins particuliers à compter du 22 juillet 2016. C'est donc à compter de cette date et jusqu'au 15 novembre 2016, date à laquelle a débuté la kinésithérapie, que l'assistance d'une tierce personne à raison de deux heures quotidiennes est imputable à l'infection nosocomiale contractée par M. D.... Dans ces conditions, et compte tenu du taux horaire d'indemnisation retenu par M. D... lui-même, ce dernier n'est pas fondé à soutenir que les premiers juges ont fait une appréciation insuffisante de l'indemnisation due au titre de l'assistance d'une tierce personne en lui allouant la somme de 1 765,40 euros (208 150 F CFP) pour la période du 22 juillet 2016 au 15 novembre 2016.

7. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que depuis la dernière intervention chirurgicale du 3 octobre 2016 et malgré les séances de rééducation, M. D... a conservé une raideur du poignet et de la main gauche avec des répercussions au niveau du coude et de l'épaule. L'expert a évalué à 25 % l'atteinte permanente à l'intégrité physique et psychique de l'intéressé du fait de ces séquelles résultant, à parts égales, de la fracture plurifragmentaire et articulaire et de l'infection nosocomiale et a retenu la nécessité pour M. D... d'avoir recours à un " véhicule adapté ". Au vu de ces éléments, le requérant est fondé à demander une indemnité couvrant la différence entre le coût d'un véhicule doté d'une boîte de vitesse automatique et celui d'un véhicule de même catégorie ne disposant pas d'un tel équipement à hauteur de 50 %. Il ne saurait en revanche solliciter le versement d'une somme correspondant à l'achat d'un véhicule neuf doté d'une boîte de vitesse automatique. Il ressort du bon de commande d'un véhicule Citroën C3 avec une boîte de vitesse automatique du 25 octobre 2016 ainsi que des fiches descriptives du même véhicule que la différence de coût entre ce type de véhicule doté d'une boîte de vitesse automatique et celui comprenant une boîte de vitesse manuelle est de 3 392,56 euros. Ainsi, et sans qu'il y ait lieu de déduire la remise du concessionnaire et l'aide financière de la Polynésie française, dépourvues de lien avec l'infection nosocomiale dont a bénéficié M. D... pour l'achat du véhicule, la Polynésie française doit être condamnée à lui verser la somme de 1 696,28 euros, correspondant à hauteur de 50 % du prix d'une boîte de vitesse automatique pour le type de véhicule acheté par M. D....

S'agissant des autres frais :

8. Il résulte de l'instruction que M. D..., domicilié sur l'île de Huahine, a dû résider à Tahiti pour le suivi post-opératoire pendant les mois de septembre et octobre 2016. En revanche, pour la période comprise entre novembre 2016 et août 2017, M. D... ne justifie pas avoir été dans l'obligation de demeurer sur l'île de Tahiti alors qu'à compter du 21 octobre 2016, seules des séances de kinésithérapie à hauteur de deux heures par jour lui ont été prescrites. Or, il n'est pas sérieusement contesté par M. D..., qui n'apporte aucun élément nouveau en appel, que l'île de Huahine où il réside compte deux kinésithérapeutes qui pouvaient prendre en charge sa rééducation. Par suite, c'est à juste titre que les premiers juges ont condamné la Polynésie française à lui verser la somme de 1 390,95 euros (164 000 F CFP), correspondant au montant du loyer dont M. D... s'est acquitté pour les seuls mois de septembre et octobre 2016.

En ce qui concerne les préjudices personnels :

S'agissant des préjudices personnels temporaires :

Quant au déficit fonctionnel temporaire :

9. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que M. D... a subi un déficit fonctionnel temporaire total durant la période allant du 21 juin 2016 au 31 décembre 2016. Toutefois, ce déficit fonctionnel temporaire total ne peut être regardé comme imputable à l'infection nosocomiale contractée par M. D... qu'à compter du 22 juillet 2016, date à laquelle comme il a été déjà été dit l'infection nosocomiale a été diagnostiquée et a impliqué des soins particuliers. Il résulte en outre de l'instruction que M. D... a subi, du fait de cette infection nosocomiale, un déficit fonctionnel temporaire partiel pendant la période comprise entre le 1er janvier 2017 et le 25 août 2017, date de la consolidation de son état de santé. Dans les circonstances de l'espèce, les premiers juges ont fait une juste appréciation de l'indemnisation due à ce titre en l'évaluant à la somme de 3 392,56 euros (400 000 F CFP).

Quant aux souffrances endurées :

10. Si l'expert a évalué les souffrances endurées par M. D... à 3 sur une échelle de 7, il n'a cependant pas distingué la part des souffrances endurées imputables au traumatisme initial et celle dues à l'infection nosocomiale. Il résulte de l'instruction que M. D... a subi au moins quatre interventions chirurgicales imputables à l'infection nosocomiale contractée à l'hôpital d'Uruoa, et que les souffrances qu'il a endurées doivent être qualifiées de modérées. Il s'ensuit qu'en fixant à 3 053,31 euros (360 000 F CFP) l'indemnité due en réparation des souffrances endurées par M. D..., les premiers juges ont fait une juste évaluation du préjudice subi.

Quant au préjudice esthétique :

11. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que l'expert a évalué le préjudice esthétique temporaire de M. D... à 1 sur une échelle de 7 du fait des cicatrices opératoires. Si certaines cicatrices sont imputables à l'intervention chirurgicale consistant à traiter la fracture initiale du poignet de l'intéressé, celui-ci a toutefois subi quatre autres interventions chirurgicales imputables à l'infection nosocomiale dont une nouvelle ostéosynthèse et une greffe de peau qui ont nécessairement retardé la cicatrisation et induit de nouvelles cicatrices. Dans ces conditions, il y a lieu d'allouer à M. D... la somme de 500 euros en réparation de ce préjudice.

S'agissant des préjudices personnels permanents :

Quant au déficit fonctionnel permanent :

12. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que M. D..., âgé de 70 ans à la date de consolidation de son état de santé fixée au 25 août 2017, a conservé une raideur du poignet et de la main gauche avec des répercussions au niveau du coude et de l'épaule et que, comme il a déjà été dit, l'expert a évalué à 25 % l'atteinte permanente à l'intégrité physique et psychique de l'intéressé du fait de ces séquelles résultant, à parts égales, de la fracture plurifragmentaire et articulaire et de l'infection nosocomiale. Compte tenu ainsi de l'atteinte permanente à l'intégrité physique et psychique de l'intéressé du fait de la seule infection nosocomiale qui est limitée à 12,5 % et de l'âge de M. D..., les premiers juges, qui ont suffisamment motivé leur jugement sur ce point, n'ont pas fait une évaluation insuffisante de l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent imputable à l'infection nosocomiale dont M. D... est atteint en lui allouant la somme de 15 266,55 euros (1 800 000 F CFP).

Quant au préjudice esthétique :

13. Eu égard aux cicatrices résultant des interventions chirurgicales imputables à l'infection nosocomiale, il y a lieu de condamner la Polynésie française a versé à M. D... la somme de 500 euros au titre du préjudice esthétique permanent.

Quant au préjudice d'agrément :

14. Il résulte de l'instruction que l'expert a évalué le préjudice d'agrément de M. D... à 2 sur une échelle de 7 " compte-tenu de ses activités " et sans au demeurant distinguer la part imputable à la seule infection nosocomiale. Toutefois, M. D..., qui ne produit aucun justificatif, n'établit pas avoir pratiqué régulièrement une activé sportive ou de loisir avant de contracter l'infection nosocomiale en juillet 2016. Dans ces conditions, le préjudice d'agrément de M. D... n'étant pas établi, celui-ci n'est pas fondé à demander la condamnation de la Polynésie française à lui verser à ce titre la somme de 3 392,56 euros (400 000 F CFP).

15. Il résulte de tout ce qui précède que la somme de 25 493,85 euros (3 005 848 F CFP), que le jugement attaqué a condamné la Polynésie française à verser à M. D..., doit être portée à 28 190,13 euros.

Sur les frais liés à l'instance :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. D..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la Polynésie française demande au titre des frais liés à l'instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Polynésie française le versement à M. D... de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 25 493,85 euros (3 005 848 F CFP), que la Polynésie française a été condamnée à verser à M. D... par le jugement n° 1900115 du 19 novembre 2019 du tribunal administratif de la Polynésie française, est portée à la somme de 28 190,13 euros.

Article 2 : L'article 1er du jugement n° 1900115 du 19 novembre 2019 du tribunal administratif de la Polynésie française est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La Polynésie française versera à M. D... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., à la Polynésie française et à la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française.

Délibéré après l'audience du 3 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- Mme A..., première conseillère,

- Mme F..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 juin 2021.

La rapporteure,

V. F...

La présidente,

H. VINOT

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA00656


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA00656
Date de la décision : 24/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux. Existence d'une faute médicale de nature à engager la responsabilité du service public.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : MESTRE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-06-24;20pa00656 ?
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