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21/09/2021 | FRANCE | N°19PA02749

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 21 septembre 2021, 19PA02749


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Sodexo Justice Services a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui rembourser la somme de 36 682,61 euros correspondant à la pénalité qui lui a été infligée et au coût du remplacement des canons de serrures.

Par un jugement n° 1717314/3-1 du 18 juin 2019, le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à lui verser la somme de 36 682,61 euros.

Procédure devant la Cour :

Par un recours, enregistré le 19 août 2019, le garde des sceaux,

ministre de la justice, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Sodexo Justice Services a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui rembourser la somme de 36 682,61 euros correspondant à la pénalité qui lui a été infligée et au coût du remplacement des canons de serrures.

Par un jugement n° 1717314/3-1 du 18 juin 2019, le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à lui verser la somme de 36 682,61 euros.

Procédure devant la Cour :

Par un recours, enregistré le 19 août 2019, le garde des sceaux, ministre de la justice, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 18 juin 2019 ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société Sodexo Justice Services devant le tribunal administratif.

Il soutient que :

- le défaut constitué par le dysfonctionnement, l'indisponibilité ou la non-conformité des équipements de sureté passive dont la maintenance incombait à la société Sodexo Justice Services, au nombre desquels les canons de serrure manquants ou endommagés et les canons de serrure provisoires qu'il lui revenait de remplacer, est établi par les pièces du dossier ;

- il se réfère à ses écritures de première instance.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 13 novembre 2019 et le 11 janvier 2021, la société Sodexo Justice Services, représentée par Me Cabanes, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le garde des sceaux ne sont pas fondés.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 30 décembre 2020, le garde des sceaux conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens.

Par une ordonnance du 18 mai 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au

31 mai 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'arrêté du 19 janvier 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Niollet,

- les conclusions de Mme Mach, rapporteure publique,

- et les observations de Me Pezin pour la société Sodexo Justice Services.

1. Par un acte d'engagement du 5 octobre 2015, le garde des sceaux, ministre de la justice, a confié à la société Sodexo Justice Services le marché public MGD - 2015 A (" marché public multiservice multitechnique, assurant le fonctionnement courant des établissements pénitentiaires "). Dans le cadre de l'exécution du lot A3, l'administration pénitentiaire a appliqué à la société Sodexo Justice Services une pénalité de 35 100 euros relative au remplacement de treize canons de serrure. La société a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui rembourser la somme de 36 682,61 euros, correspondant au montant de cette pénalité, augmenté du coût du remplacement de ces canons de serrures. Le garde des sceaux fait appel du jugement du 18 juin 2019 par lequel le tribunal administratif a accueilli cette demande.

Sur le recours du garde des sceaux :

2. L'article 1er du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché définit le " défaut " comme la " non obtention de la performance telle qu'elle est définie par le Marché et pouvant donner lieu à pénalité. Le Défaut est constitué notamment par une mauvaise exécution des Prestations par le Titulaire, la survenance d'une Dégradation relevant ou non de la responsabilité de l'Etat, au dysfonctionnement ou la panne d'un Equipement ". Aux termes de l'article 24.1 de ce cahier : " Par dérogation à l'article 14 du CCAG-FCS, tout Défaut est pénalisé dans les conditions définies au Marché. / La pénalité est applicable faute de résolution effective du Défaut dans le Délai Résolution Maximum (DRM) défini pour chaque service dans le cadre du CCTP. Lorsque le Délai de Résolution Maximal est inexistant, la pénalité est applicable automatiquement sur simple constat du Défaut. / Les pénalités s'appliquent automatiquement, sans mise en demeure préalable du Titulaire. / Les pénalités sont calculées mensuellement par Etablissement, par le système d'information (ISIS) mis à disposition du Titulaire par l'Etat. / La pénalisation se traduit par une réduction du prix du Marché (...) ". Aux termes de l'article 8.1 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) du marché : " Pour chaque Prestation dont le Titulaire a la charge, l'Etat impose l'engagement de résultat en le traduisant en un ou plusieurs objectifs de performance que le Titulaire doit atteindre. Le niveau de la réalisation de cet objectif est caractérisé par un Indicateur de Performance apprécié par une valeur chiffrée. / Cet Indicateur est défini, dans le présent CCTP pour chaque Prestation ou Service. La comparaison de la valeur de cet Indicateur avec l'objectif de performance, représentée par une valeur de référence définie par l'Etat, permet de statuer sur la bonne réalisation de la Prestation et l'atteinte du résultat attendu au titre du Marché. ". Aux termes de l'article 9.1.1 du CCTP, relatif au service ESS 1 (solidité et état de fonctionnement des éléments passifs de sûreté pénitentiaire) : " Ce Service consiste en l'obtention à tout moment de l'ensemble des fonctionnalités et dispositions passives de sûreté exigées pour chaque Equipement de sûreté passif, conformes à sa destination et à son utilisation dans le cadre de l'Exploitation Pénitentiaire, et décrites dans les programmes fonctionnels et les programmes techniques de réalisation de l'Etablissement s'ils existent. / Parmi les exigences requises, on relèvera en particulier celles liées au bon fonctionnement des dispositifs suivants : (...) l'état et fonctionnalité des grilles, portes, et portails et serrurerie manuelle (y compris portes de cellules) (...) ". Aux termes de l'article 9.1.2 de ce cahier, les " équipements de serrurerie mobiles et serrures manuelles de sécurité (dont les canons des serrures manuelles) " relèvent de ce service. Aux termes de l'article 9.1.3 du même cahier : " L'Indicateur est le nombre de Défauts " Courants " constatés par Equipement. Le Défaut courant est caractérisé par un dysfonctionnement, une indisponibilité ou non-conformité d'un équipement de sûreté passive par rapport à ses caractéristiques physiques et performantielles nominales. Est qualifié de courant tout Défaut ne nécessitant ni renfort de personnels pénitentiaires ni interdiction d'accès au Local ou à la Zone pour les Personnes détenues (...) ".

3. Pour faire droit aux conclusions de la société Sodexo Justice Services tendant à la condamnation de l'Etat à lui rembourser la somme de 36 682,61 euros correspondant à la pénalité qui lui a été infligée et au coût du remplacement des canons de serrures, le tribunal administratif a estimé que le signalement, saisi sur l'application ISIS le 15 mai 2017, se borne à mentionner l'absence de remplacement de treize serrures de sûreté dans le délai prévu par le contrat et ne fait état d'aucun dysfonctionnement de ces équipements, et d'aucun défaut constaté par l'administration pénitentiaire.

4. Si le bon de commande passé pour neuf canons de serrures, daté du 17 février 2016, dont le garde des sceaux se prévaut devant la Cour comporte la mention " serrures endommagées ", et si le compte rendu de la réunion de travail du 8 juin 2017 et ses annexes confirment cette indication s'agissant du canon de la serrure de la salle à manger de l'UG6, il ressort de ce compte rendu et de ses annexes que le remplacement de huit autres canons a été demandé par l'administration à la société Sodexo Justice Services au motif qu'il s'agissait de canons " européens posés à titre provisoire ". Or, le garde des sceaux qui, dans le dernier état de ses écritures, ne conteste pas ce point, n'assortit son argumentation d'aucune précision de nature à démontrer que ces équipements de sureté passive se seraient trouvés en état de dysfonctionnement, d'indisponibilité ou de non-conformité par rapport à leurs caractéristiques physiques et à leurs performances nominales. De même, il ne fait état d'aucun défaut affectant les quatre canons de serrure dont le remplacement a donné lieu à un second bon de commande daté du même jour portant seulement la mention " suivi stock oui ". Le garde des sceaux est donc seulement fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur les motifs rappelés ci-dessus pour faire droit aux conclusions de la société Sodexo Justice Services à hauteur du coût du remplacement du canon de la serrure de la salle à manger de l'UG6 et de la pénalité correspondante.

5. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Sodexo Justice Services devant le Tribunal administratif de Paris et en appel.

Sur les autres moyens de la société Sodexo Justice Services :

6. En premier lieu, aux termes de l'article 9.3.1.2 du CCTP du marché en litige : " Le Titulaire prendra les locaux en l'état. / Il est expressément convenu que tout équipement, matériel, ou aménagement nécessaire à l'exécution des prestations, dont la fourniture initiale ne serait pas assurée par l'Administration pénitentiaire, sera à la charge exclusive du Titulaire. Le paiement de ces matériels, équipements et le cas échéant des travaux d'installation correspondants sont réputés être compris dans le montant du Marché (...) / A cet égard, il est convenu que le Titulaire fait son affaire de la fourniture, de l'entretien et du renouvellement des équipements et installations nécessaires à l'exécution des Prestations objet du Marché. En cas de renouvellement d'équipements le Titulaire assure après autorisation de l'Administration, leur évacuation de l'Etablissement dans les conditions prévues en matière de gestion des Déchets. / L'absence, l'insuffisance ou l'obsolescence des Equipements, installations ou aménagements nécessaires à la complète satisfaction des exigences du CCTP ne sauraient justifier une exonération des pénalités en cas de Défaut (...) ". Compte tenu de ces stipulations, la société Sodexo Justice Services ne saurait utilement faire valoir que l'état du canon de la serrure de la salle à manger de l'UG6 était connu à la fin du marché précédent, pour soutenir que son remplacement ne pouvait lui incomber dans le cadre du marché en litige dont l'exécution a débuté le 1er janvier 2016.

7. En deuxième lieu, si la société Sodexo Justice Services invoque les stipulations de l'article 24.6 du CCAP écartant l'application des pénalités dans le cas où le défaut constaté est directement imputable à une décision non concertée de l'Etat, elle n'établit pas que l'absence de remplacement ou de réparation du canon de la serrure de la salle à manger de l'UG6 serait imputable à une telle décision, prise au cours de l'exécution du marché précédent.

8. En troisième lieu, si la société Sodexo Justice Services invoque les stipulations de l'annexe 4 au CCTP aux termes desquelles : " Le titulaire est tenu de procéder à des réparations avant tout remplacement ", elle n'établit pas, en tout état de cause, avoir tenté de réparer le canon de la serrure de la salle à manger de l'UG6.

9. En quatrième lieu, la société Sodexo Justice Services ne saurait utilement faire état de sa bonne foi, de la nécessité d'obtenir l'accord de l'administration avant le remplacement des canons de serrure, de la nécessité de passer commande auprès du fournisseur, du délai de livraison et de la circonstance qu'elle a monté les nouveaux canons le jour même de la livraison.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le garde des sceaux est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a fait droit aux conclusions de la société Sodexo Justice Services à hauteur du coût du remplacement du canon de la serrure de la salle à manger de l'UG6 et de la pénalité correspondante.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, qui est pour l'essentiel la partie perdante, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Sodexo Justice Services sur le fondement de ces dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La condamnation prononcée à l'article 1er du jugement n° 1717314/3-1 du Tribunal administratif de Paris du 18 juin 2019 est diminuée du montant correspondant à la somme de la pénalité appliquée à raison du remplacement du canon de la serrure de la salle à manger de l'UG6 et du coût du remplacement de ce canon de serrure.

Article 2 : Le jugement n° 1717314/3-1 du Tribunal administratif de Paris du 18 juin 2019 est réformé comme il a été dit à l'article 1er.

Article 3 : Les conclusions de la société Sodexo Justice Services, présentées devant le Tribunal administratif de Paris, tendant à la condamnation de l'Etat à lui rembourser la pénalité appliquée à raison du remplacement du canon de la serrure de la salle à manger de l'UG6 et le coût du remplacement de ce canon de serrure, sont rejetées.

Article 4 : L'Etat versera à la société Sodexo Justice Services une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au garde des sceaux, ministre de la justice, et à la société Sodexo Justice Services.

Délibéré après l'audience du 7 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme Labetoulle, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 septembre 2021.

Le rapporteur,

J-C. NIOLLETLe président,

T. CELERIER

La greffière,

K. PETIT

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

3

N° 19PA02749


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA02749
Date de la décision : 21/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: Mme MACH
Avocat(s) : SELARL CABANES-NEVEU et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-09-21;19pa02749 ?
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