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23/09/2021 | FRANCE | N°20PA01902

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 23 septembre 2021, 20PA01902


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... C..., M. G... A... C..., Mme I... A... C..., Mme F... A... C..., Mme H... A... C..., M. E... A... L... A... C..., M. K... A... C... et M. B... Pahe'e A... C... ont demandé au tribunal administratif de la Polynésie française de condamner le centre hospitalier de la Polynésie française à leur verser la somme globale de 13 581 250 F CFP en réparation des préjudices qu'ils imputent à une faute commise par cet établissement lors de la prise en charge de Mme J... A... C....

Par un jugement n

° 1900391 du 16 juin 2020, le tribunal administratif de la Polynésie française...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... C..., M. G... A... C..., Mme I... A... C..., Mme F... A... C..., Mme H... A... C..., M. E... A... L... A... C..., M. K... A... C... et M. B... Pahe'e A... C... ont demandé au tribunal administratif de la Polynésie française de condamner le centre hospitalier de la Polynésie française à leur verser la somme globale de 13 581 250 F CFP en réparation des préjudices qu'ils imputent à une faute commise par cet établissement lors de la prise en charge de Mme J... A... C....

Par un jugement n° 1900391 du 16 juin 2020, le tribunal administratif de la Polynésie française a :

- condamné le centre hospitalier de la Polynésie française à verser la somme de 1 600 000 F CFP solidairement à M. E... A... C..., M. G... A... C..., Mme I... A... C..., Mme F... A... C..., Mme H... A... C..., M. E... A... L... A... C..., M. K... A... C... et M. B... Pahe'e A... C... ;

- condamné le centre hospitalier de la Polynésie française à verser la somme de 14 478 669,50 F CFP à la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 3 décembre 2019 ;

- mis les frais d'expertise à la charge définitive du centre hospitalier de la Polynésie française ;

- mis à la charge du centre hospitalier de la Polynésie française la somme de

200 000 F CFP à verser solidairement à M. E... A... C..., M. G... A... C..., Mme I... A... C..., Mme F... A... C..., Mme H... A... C..., M. E... A... L... A... C..., M. K... A... C... et M. B... Pahe'e A... C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

- rejeté le surplus des conclusions de leur demande.

Procédure devant la Cour :

I°/ Par une requête, enregistrée le 27 juillet 2020 sous le n° 20PA01902 et régularisée le 29 juillet 2020, et par un mémoire complémentaire, enregistré le 19 juillet 2021, le centre hospitalier de la Polynésie française, représenté par Me Cariou, demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 1900391 du 16 juin 2020 du tribunal administratif de la Polynésie française en fixant le taux de perte de chance pour Mme A... C... d'échapper à l'aggravation des conséquences de l'extravasation dont elle a été victime à 30 % et en réduisant, par voie de conséquence, le montant des indemnités allouées aux demandeurs principaux ;

2°) de réformer ce jugement en tant qu'il l'a condamné à verser la somme de 14 478 669,50 F CFP à la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française et de ramener cette somme à 9 701, 70 F CFP ou, à titre subsidiaire, à la somme de

8 687 201, 70 F CFP ;

3°) de rejeter toute demande présentée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- s'il n'entend pas contester l'évaluation des préjudices subis par Mme A... C... par les premiers juges, en revanche, le taux de perte de chance d'échapper à l'aggravation des conséquences de l'extravasation dont la patiente a été victime aurait dû être fixé par le tribunal à 30 % ;

- le tribunal n'a pas justifié le taux de perte de chance de 50 % qu'il a retenu ;

- la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française ne justifie pas que les frais d'hospitalisation sont imputables aux seules conséquences de l'extravasation subie par la patiente et dès lors sa demande sur ce point devra être rejetée ; par ailleurs, un taux de perte de chance fixé à 30 % devra être appliqué sur les frais médicaux, de pharmacie et d'appareillages et de prothèses engagés par la caisse pour le compte de Mme A... C... ; la somme allouée par le tribunal au titre des débours doit ainsi être ramenée à la somme de 9 701,70 F CFP ;

- à titre subsidiaire, si la Cour estime que le montant de la créance de la caisse est justifié, la somme due à celle-ci, eu égard au taux de perte de chance de 30 %, ne saurait excéder 8 687 201,70 F CFP (72 615,15 euros).

Par un mémoire, enregistré le 2 février 2021, la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française, représentée par la SCP Baraduc - Duhamel - Rameix, conclut au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 3 000 euros soit mis à la charge du centre hospitalier de la Polynésie française au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le centre hospitalier ne peut, sans se contredire, critiquer l'évaluation du taux de perte de chance retenu par le tribunal à l'égard de la seule caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française et accepter l'indemnisation des consorts A... C... dans son principe ; ainsi sa demande est irrecevable ;

- le tribunal n'est pas lié par les conclusions du rapport d'expertise ; en tout état de cause, l'expert n'a pas évalué à 30 % le taux de perte de chance par Mme A... C... d'échapper aux conséquences de l'extravasation mais a évalué ses chances d'échapper à l'extravasation elle-même et donc de subir une nécrose ; c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu un taux de perte de chance de 50 % ;

- ses débours sont justifiés et sont imputables au traitement de la nécrose due à l'extravasation subie par Mme A... C....

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er mars 2021, M. E... A... C..., M. G... A... C..., Mme I... A... C..., Mme F... A... C..., Mme H... A... C..., M. E... A... L... A... C..., M. K... A... C... et M. B... Pahe'e A... C..., représentés par Me Boumba, concluent au rejet de la requête du centre hospitalier de la Polynésie française et, par la voie de l'appel incident, demandent à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 1900391 du 16 juin 2020 du tribunal administratif de la Polynésie française en tant que ce jugement n'a pas fait droit à l'intégralité de leurs conclusions indemnitaires ;

2°) de condamner le centre hospitalier de la Polynésie française à leur verser la somme globale de 114 370 euros (13 647 250 F CFP) ;

3°) de condamner le centre hospitalier de la Polynésie française aux dépens ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de la Polynésie française la somme de 2 850 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les conséquences anormales d'actes de soins courants sont présumées résulter d'une faute du centre hospitalier ;

- la victime a subi un déficit fonctionnel temporaire au taux de 25 % pendant 93 jours et au taux de 75 % pendant 104 jours, ce qui justifie l'allocation de la somme de 4 242 euros (506 250 F CFP) ; pour l'évaluation de ce chef de préjudice, le préjudice d'agrément ne saurait être pris en compte ;

- les souffrances endurées par la victime, évaluées à 5/7, seront réparées par l'allocation de la somme de 35 000 euros (4 175 000 F CFP) ;

- l'indemnisation du préjudice esthétique, évalué à 6/7, sera évaluée à la somme de 50 000 euros (5 966 500 F CFP) ;

- le préjudice d'agrément de la victime sera indemnisé par l'allocation de la somme de 26 000 euros (3 000 000 F CFP).

II°/ Par une requête, enregistrée le 15 août 2020 sous le n° 20PA02301, M. E... A... C..., M. G... A... C..., Mme I... A... C..., Mme F... A... C..., Mme H... A... C..., M. E... A... L... A... C..., M. K... A... C... et M. B... Pahe'e A... C..., représentés par Me Boumba, demandent à la Cour :

1°) de réformer le jugement n°1900391 du 16 juin 2020 du tribunal administratif de la Polynésie française en tant que ce jugement n'a pas fait droit à l'intégralité de leurs conclusions indemnitaires ;

2°) de condamner le centre hospitalier de la Polynésie française à leur verser la somme totale de 114 370 euros (13 647 250 F CFP) ;

3°) de condamner le centre hospitalier de la Polynésie française aux dépens ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de la Polynésie française la somme de 2 850 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soulèvent les mêmes moyens que ceux soulevés dans leur mémoire enregistré le 1er mars 2021dans l'instance n° 20PA01902.

Par un mémoire, enregistré le 2 février 2021, la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française, représentée par la SCP Baraduc - Duhamel - Rameix, s'en remet à la Cour s'agissant de la requête des consorts A... C....

Elle soutient que la requête des consorts A... C... ne concerne pas l'article 2 du jugement attaqué qui a condamné le centre hospitalier de la Polynésie française à lui verser la somme de 14 478 669,50 F CFP, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 3 décembre 2019.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juillet 2021, le centre hospitalier de la Polynésie française, représenté par Me Cariou, conclut au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 1 500 euros soit mis à la charge des consorts A... C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que s'il ne conteste pas l'évaluation des préjudices subis par Mme A... C... par les premiers juges, le taux de perte de chance d'échapper à l'aggravation des conséquences de l'extravasation dont la patiente a été victime doit être évalué à 30 %.

Par une lettre en date du 17 août 2020, la Cour a demandé sur le fondement de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, à ce que soit désigné un mandataire unique. En l'absence de désignation d'un tel mandataire, la notification sera faite au premier dénommé, conformément aux dispositions de cet article.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- la loi n° 2004-193 du 27 février 2004 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Larsonnier,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- et les observations de Me Ronez, substituant Mme Cariou, avocat du centre hospitalier de la Polynésie française et de Me Hattat, avocat de la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... C..., née en 1958, qui présentait un adénocarcinome du sein avancé, diagnostiqué en mai 2014, a reçu le 27 mai 2014 au centre hospitalier de la Polynésie française une première cure de chimiothérapie palliative pendant laquelle elle a été victime d'une extravasation. La toxicité du produit injecté lui a causé des douleurs et une nécrose des tissus affectés dont le traitement a nécessité notamment douze interventions chirurgicales dont une greffe de peau. Mme A... C... est décédée le 16 janvier 2015 des suites du cancer. Le 4 mai 2016, M. E... A... C..., son mari, a saisi le juge des référés du tribunal administratif de la Polynésie française qui a ordonné une expertise. Le rapport d'expertise a été déposé au greffe du tribunal le 15 mai 2016. Par un jugement du

16 juin 2020, le tribunal administratif de la Polynésie française a condamné le centre hospitalier de la Polynésie française à verser, d'une part, la somme de 1 600 000 F CFP (13 408 euros) solidairement à M. E... A... C... et aux enfants de D... A... C..., d'autre part, la somme de 14 478 669,50 F CFP (121 331 euros) à la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française au titre de ses débours, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 3 décembre 2019, et a mis à la charge du centre hospitalier de la Polynésie française les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 250 000 F CFP (2 095 euros). Par une requête, enregistrée sous le n° 20PA01902, le centre hospitalier de la Polynésie française demande à la Cour de réformer ce jugement en fixant le taux de perte de chance pour Mme A... C... d'échapper à l'aggravation des conséquences de l'extravasation dont elle a été victime à 30 % et de ramener le montant des débours de la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française à la somme à 9 701,70 F CFP ou, à titre subsidiaire, à la somme de 8 687 201,70 F CFP. Par une requête enregistrée sous le

n° 20PA02301, les consorts A... C... demandent à la Cour de réformer ce même jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de leurs conclusions indemnitaires.

2. Les requêtes du centre hospitalier de la Polynésie française et des consorts A... C..., respectivement enregistrées sous les numéros 20PA01902 et 20PA02301, sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a ainsi lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la responsabilité du centre hospitalier de la Polynésie française :

3. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que la cure de chimiothérapie prescrite à Mme A... C... était adaptée à sa maladie, que la mise en place du site implantable et la pose du cathéter la veille de la première cure de chimiothérapie le 26 mai 2014 ainsi que les vérifications préalables à l'injection des produits le lendemain ont été réalisées dans le respect des règles de l'art. Ainsi, lorsque la cure de chimiothérapie a débuté à 14h15, le dispositif était bien en position intra-cavitaire et était perméable. Cependant, il résulte également de l'instruction, alors qu'une première cure de chimiothérapie est la plus délicate avec un risque important d'allergie et nécessite une surveillance particulière, que Mme A... C... n'a pas bénéficié d'une surveillance appropriée pendant l'injection des produits de chimiothérapie qui lui ont été administrés, ce qui a conduit à ce qu'un délai de trente minutes s'écoule entre le début de l'injection de l'épirubicine à 15 heures et le diagnostic d'extravasation effectué par une infirmière à son arrivée au chevet de la patiente, après avoir été alertée par son mari qui venait de la rejoindre. En outre, la perfusion n'a pas été arrêtée par l'infirmière, comme elle aurait dû l'être, immédiatement après le diagnostic d'extravasation, un délai de 15 minutes s'étant encore écoulé entre ce diagnostic et l'arrêt de l'injection. L'infirmière n'a pas tenté non plus de retirer le maximum de produits résiduels de la chambre du dispositif intraveineux, ni effectué une injection par une seringue de 5 à 10 ml de chlorure de sodium isotonique pour diluer les produits toxiques. Or, ces actions immédiates auraient permis d'atténuer la toxicité des produits en tentant d'en retirer le maximum ou de les diluer dans les tissus alentours. Il ressort également du rapport d'expertise qu'au moment des faits, il n'existait aucune procédure particulière relative à la prise en charge d'une extravasation au sein du centre hospitalier de la Polynésie française, alors que l'injection d'un produit de chimiothérapie par la voie d'un cathéter nécessite, comme il a été dit, une surveillance médicale spécifique avant et pendant le traitement, que le risque d'extravasation est la toxicité aigüe la plus redoutée survenant dans 3 % des cas et qu'il convient, si une extravasation se produit, d'agir immédiatement pour limiter la gravité des lésions de nécrose cutanée. Par suite, et quand bien même la prise en charge de Mme A... C... après l'arrêt de l'injection a été conforme aux règles de l'art, ces manquements dans le diagnostic et la prise en charge immédiate de l'extravasation dont a été victime la patiente sont constitutifs d'une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier de la Polynésie française.

Sur l'étendue des préjudices réparables :

4. Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu. La réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue.

5. Il ressort du rapport d'expertise qu'en se basant sur la quantité et la durée de l'injection des différents produits composant la cure de chimiothérapie de Mme A... C... initialement prévues et mentionnées dans son dossier médical, l'expert a conclu qu'à 15h30, au moment où l'infirmière a constaté l'extravasation, il restait 50 mg d'épirubicine à perfuser, soit un tiers de la dose totale initialement prévue, ce qui constitue une dose suffisante pour aggraver les lésions et que, par suite, la perfusion n'ayant pas été immédiatement arrêtée, le centre hospitalier de la Polynésie française peut être regardé comme étant responsable à hauteur de 30 % de la nécrose tissulaire subie par la patiente. Cependant, il ressort également du rapport d'expertise, comme il a déjà été dit, que la première cure de chimiothérapie étant toujours la plus risquée pour les patients, ces derniers doivent faire l'objet d'une vigilance accrue et que cela n'a pas été le cas en l'espèce puisque ce n'est qu'après avoir été alertée à 15h30 par le mari de Mme A... C... que l'infirmière a constaté l'extravasation qui avait déjà provoqué selon l'expert " une diffusion intense à la base du cou " de la patiente. Or, s'il n'est certes pas possible d'établir l'heure à laquelle est survenue l'extravasation, il ressort toutefois du rapport d'expertise que si

Mme A... C... avait fait l'objet d'une surveillance particulière pendant l'injection des produits toxiques de chimiothérapie, l'infirmière aurait pu se rendre compte plus tôt de l'extravasation, arrêter immédiatement la perfusion et limiter ainsi la gravité des lésions cutanées et le risque de nécrose. Au vu de l'ensemble de ces éléments et alors qu'ils n'étaient pas tenus en tout état de cause par les conclusions de l'expert judiciaire, c'est à juste titre que les premiers juges ont fixé à 50 % le taux de perte de chance pour Mme A... C... d'échapper à l'aggravation des conséquences de l'extravasation dont elle a été victime le

27 mai 2014.

Sur l'évaluation des préjudices :

En ce qui concerne les dépenses de santé :

6. Il ne résulte pas de l'instruction, et les consorts A... C... ne présentent aucune demande à ce titre, que des dépenses de santé seraient restées à la charge de

Mme A... C....

7. Le centre hospitalier de la Polynésie française soutient que la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française ne justifie pas que les frais d'hospitalisation dont elle sollicite le remboursement sont imputables aux conséquences de l'extravasation dont a été victime Mme A... C... le 27 mai 2014. Toutefois, il ressort de l'état des débours et de l'attestation de prise en charge du 19 novembre 2019, de l'attestation du médecin-conseil de la caisse du 26 novembre 2019 et des états de prestations santé versés au dossier que les frais d'hospitalisation engagés pour le compte de Mme A... C... concernent les périodes comprises entre le 31 mai 2014 et le 2 juin 2014, le 14 octobre 2014 et le 25 octobre 2014 et le 28 octobre 2014 et le 18 décembre 2014, ce qui correspond aux périodes pendant lesquelles, comme l'a relevé l'expert, la patiente a dû subir des soins médicaux ainsi que douze interventions chirurgicales du fait des lésions cutanées et de la nécrose tissulaire provoquées par l'extravasation. La circonstance que l'état de santé de la patiente se soit brutalement dégradé le 6 décembre 2014 pendant son hospitalisation du fait de ses lésions cutanées et de la nécrose tissulaire n'est pas de nature à remettre en cause l'imputabilité des frais d'hospitalisation postérieurs au 6 décembre 2014 aux conséquences de l'extravasation. Ainsi, la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française justifie que les frais d'hospitalisation d'un montant total de 28 925 000 F CFP sont imputables aux conséquences de l'extravasation. En outre, si le centre hospitalier de la Polynésie française entend également contester l'imputabilité aux conséquences de l'extravasation des frais intitulés d'appareillages et de prothèse et correspondant à l'achat de pansements et de compresses les 11, 12 et 19 septembre 2014 d'un montant total de 20 059 F CFP, des frais médicaux relatifs aux consultations spécialisées des 6 et 20 juin 2014 et à une consultation de médecine générale du 14 octobre 2014 d'un montant total de 11 510 F CFP et enfin des frais de pharmacie du 11 septembre 2014 correspondant à l'achat de chlorure de sodium pour 770 F CFP, il résulte de l'instruction, notamment des documents susmentionnés versés au dossier par la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française, que l'ensemble de ces frais sont imputables aux lésions et à la nécrose cutanées provoquées par l'extravasation du 27 mai 2014. Par suite, c'est à juste titre que les premiers juges, après application du taux de perte de chance de 50 %, ont condamné le centre hospitalier de la Polynésie française à verser à la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française la somme de 14 478 669,50 F CFP, soit 121 331 euros.

En ce qui concerne les préjudices de Mme A... C... entrés dans son patrimoine avant son décès :

8. Le droit à la réparation d'un dommage, quelle que soit sa nature, s'ouvre à la date à laquelle se produit le fait qui en est directement la cause. Si la victime du dommage décède avant d'avoir elle-même introduit une action en réparation, son droit, entré dans son patrimoine avant son décès, est transmis à ses héritiers.

S'agissant du déficit fonctionnel temporaire et du préjudice d'agrément :

9. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de l'extravasation dont elle a été victime, Mme A... C... a subi un déficit fonctionnel temporaire au taux de 25 % pendant 93 jours et au taux de 75 % pendant 104 jours. Les premiers juges ont alloué la somme globale de 400 000 F CFP en réparation de ce chef de préjudice et du préjudice d'agrément de Mme A... C.... Les consorts A... C... soutiennent que cette indemnité est insuffisante au titre du déficit fonctionnel temporaire et que le préjudice d'agrément aurait dû être évalué de manière distincte. Cependant, il ne résulte pas de l'instruction que Mme A... C... exerçait des activités sportives ou de loisirs spécifiques avant l'extravasation et que, par suite, le préjudice d'agrément invoqué serait établi. Dans ces conditions, et alors que le centre hospitalier de la Polynésie française ne conteste pas le montant de l'indemnité allouée par les premiers juges au titre du déficit fonctionnel temporaire subi par Mme A... C... et de son préjudice d'agrément, il y a lieu de confirmer le montant de 400 000 F CFP, soit 3 352 euros, retenu par les premiers juges.

S'agissant des souffrances endurées :

10. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de l'extravasation dont elle a été victime, Mme A... C... a dû subir, entre le 17 octobre 2014 et le 13 décembre 2014, de nombreux soins infirmiers ainsi que douze interventions chirurgicales dont une greffe de peau du fait notamment de la nécrose cutanée diagnostiquée le 11 septembre 2014. L'expert judiciaire a évalué les souffrances endurées par la patiente à 5 sur une échelle de 7. Les premiers juges ont procédé à une juste évaluation du préjudice subi par Mme A... C... en retenant la somme de 1 800 000 F CFP, soit 15 084 euros, somme non contestée par le centre hospitalier de la Polynésie française.

S'agissant du préjudice esthétique :

11. Il résulte également de l'instruction que les conséquences de l'extravasation dont Mme A... C... a été victime ont entraîné un préjudice esthétique important qui a été fixé par l'expert judiciaire à 6 sur une échelle de 7. Les premiers juges ont procédé à une juste évaluation de ce préjudice, subi par la victime jusqu'à la date de son décès, le

16 janvier 2015, en retenant la somme de 1 000 000 F CFP (8 380 euros).

12. Ainsi, compte tenu de ce qui a été dit aux points 9 à 11 du présent arrêt et du pourcentage de 50 % de perte de chance défini ci-dessus, c'est à juste titre que le tribunal a condamné le centre hospitalier de la Polynésie française à verser aux consorts A... C..., en leur qualité d'ayants droit de Mme A... C... la somme totale de

1 600 000 F CFP, soit 13 408 euros.

Sur les frais d'expertise :

13. Si les consorts A... C... demandent à la Cour de condamner le centre hospitalier de la Polynésie française aux entiers dépens, il ressort du point 13 du jugement, qui n'est pas contesté sur ce point, que le tribunal a mis les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 250 000 F CFP à la charge définitive du centre hospitalier de la Polynésie française. Par suite, il n'y a pas lieu de se prononcer de nouveau sur ce point.

Sur les frais liés à l'instance :

14. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des consorts A... C... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

15. Il y a lieu, dans le cadre de l'instance n° 20PA01902, de mettre à la charge du centre hospitalier de la Polynésie française le versement de la somme de 2 000 euros à la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française au titre de ses frais liés à l'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : Les conclusions présentées par le centre hospitalier de la Polynésie française et les consorts A... C... tendant à la réformation du jugement n° 1900391 du 16 juin 2020 du tribunal administratif de la Polynésie française sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions présentées par les consorts A... C... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le centre hospitalier de la Polynésie française versera la somme de 2 000 euros à la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de la Polynésie française, à

M. E... A... C..., premier requérant dénommé, pour l'ensemble des requérants et à la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française.

Délibéré après l'audience du 2 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Le Goff, président de chambre,

- Mme Collet, première conseillère,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 septembre 2021.

La rapporteure,

V. LARSONNIER

Le président,

R. LE GOFF

La greffière,

C. POVSELa République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

NOS 20PA01902, 20PA02301


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA01902
Date de la décision : 23/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. - Service public de santé. - Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. LE GOFF
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SCP NORMAND et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-09-23;20pa01902 ?
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