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08/10/2021 | FRANCE | N°19PA01373

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 08 octobre 2021, 19PA01373


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Bonna Sabla a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner solidairement la ville de Paris, le cabinet Rudy Ricciotti, la société Berim, la société Thermibel et la société Scene à lui verser la somme de 4 932 174,91 euros HT, correspondant aux surcoûts qu'elle estime avoir subis au titre des études et travaux indispensables effectués dans le cadre de l'opération de démolition partielle et de reconstruction du stade Jean Bouin (Paris 16ème).

Par un jugement no 1615164 du

21 février 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Bonna Sabla a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner solidairement la ville de Paris, le cabinet Rudy Ricciotti, la société Berim, la société Thermibel et la société Scene à lui verser la somme de 4 932 174,91 euros HT, correspondant aux surcoûts qu'elle estime avoir subis au titre des études et travaux indispensables effectués dans le cadre de l'opération de démolition partielle et de reconstruction du stade Jean Bouin (Paris 16ème).

Par un jugement no 1615164 du 21 février 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 19 avril 2019, la société Bonna Sabla, représentée par Me Alonso Garcia, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner solidairement la ville de Paris, le cabinet Rudy Ricciotti, la société Berim, la société Thermibel et la société Scene, ou à défaut la ville de Paris uniquement, à lui verser la somme de 4 932 174,91 euros HT, correspondant aux surcoûts qu'elle estime avoir subis au titre des études et travaux indispensables ci-dessus mentionnés ;

3°) de condamner solidairement la ville de Paris, le cabinet Rudy Ricciotti, la société Berim, la société Thermibel et la société Scene, ou à défaut la ville de Paris uniquement, à lui verser la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ne pouvaient estimer sa demande indemnitaire irrecevable dès lors que l'intervention du décompte général et définitif du marché passé entre la ville de Paris et la société Léon Grosse ne lui est pas opposable ; en effet, le principe d'intangibilité de ce décompte résulte de l'article 13 du cahier des clauses administratives générales (CCAG)-Travaux auquel ne renvoient ni le contrat de sous-traitance qu'elle a passé avec la société Léon Grosse ni l'acte spécial passé entre la société Léon Grosse et la ville de Paris ;

- en tout état de cause, d'une part, sa réclamation indemnitaire est antérieure à la date du protocole transactionnel du 24 mars 2017 valant décompte général et définitif et, d'autre part, il ne saurait lui être opposé ce protocole auquel elle est étrangère et dont elle n'a pas eu connaissance en temps utile ;

- les premiers juges ne pouvaient pas davantage estimer sa demande indemnitaire irrecevable au motif de l'absence de preuve de sa demande de paiement direct à la ville de Paris, la procédure de l'article 116 du code des marchés publics alors en vigueur n'ayant pas vocation à s'appliquer à des demandes relatives à des travaux supplémentaires ;

- la ville de Paris n'a jamais contesté avoir reçu sa demande de paiement relative aux études et travaux supplémentaires et, en tout état de cause, en avait connaissance acquise ;

- le refus d'indemnisation qui lui a été opposé est particulièrement inéquitable dès lors que le titulaire du marché et le maître d'œuvre ont été indemnisés au titre de prestations supplémentaires en lien avec la charpente du stade ;

- les premiers juges ont omis de statuer sur ses conclusions tendant à la condamnation de la ville de Paris et du groupement de maîtrise d'œuvre à l'indemniser des préjudices subis résultant des fautes commises par eux dans la conception et le suivi des travaux de l'opération de reconstruction du stade ;

- la ville de Paris, en signant un marché sur la base de documents contractuels erronés sans s'assurer de leur exactitude et de leur compatibilité avec les exigences du projet, et en commettant des erreurs dans la direction de l'opération de travaux, a commis des fautes qui engagent sa responsabilité à son égard ;

- la responsabilité du groupement de maîtrise d'œuvre, qui a commis des fautes de conception du projet et a sous-estimé ses difficultés techniques et ses exigences, est également engagée à son égard ;

- elle est bien fondée à demander à la ville de Paris l'indemnisation des études et travaux supplémentaires qui se sont avérés indispensables afin de permettre la reconstruction du stade dans les règles de l'art ; au demeurant, celle-ci a reconnu les insuffisances du dossier de consultation des entreprises (DCE) et a indemnisé à cet égard le cabinet Ricciotti et la société Léon Grosse au titre de travaux supplémentaires ;

- elle ne peut se voir opposer les clauses types insérées dans le cahier des charges du lot 2-3 de la société Léon Grosse dès lors que ces clauses sont en contradiction complète avec de nombreuses autres dispositions de ce document ;

- les différentes études et travaux supplémentaires qu'elle a dû mener pour pallier les insuffisances et incohérences du DCE et aboutir à des solutions techniques permettant la livraison du stade dans les règles de l'art s'élèvent à la somme globale de 4 932 174,91 euros HT, se décomposant de la façon suivante :

* 521 114,63 euros HT au titre de la mise au point de l'interface BFUP (Béton Fibré à Ultra-Haute Performance) - Verre ;

* 2 598 984,08 euros HT au titre de la consommation supplémentaire de béton ;

* 178 869,54 euros HT au titre des capotages en extrémité des panneaux de couverture ;

* 361 982,90 euros HT au titre des moules supplémentaires ;

* 147 211,20 euros HT au titre des baies-pompiers ;

* 320 665,65 euros HT au titre des brins de fermeture des résilles de façade ;

* 22 844,04 euros HT au titre du dispositif anti-jet ;

* 131 582,87 euros HT au titre de l'augmentation du temps d'ouverture de ses ateliers ;

* 633 920 euros HT au titre des calculs et des études réalisés par le bureau d'études Sica ;

* 15 000 euros HT au titre des frais d'établissement de son mémoire en réclamation.

Par un mémoire, enregistré le 26 juin 2019, la société Thermibel, représentée par Me Frenkian, conclut, à titre principal, au rejet de la requête en tant qu'elle est dirigée à son encontre et à sa mise hors de cause, à titre subsidiaire, à ce que le ca binet Rudy Ricciotti et la société Berim la garantissent intégralement de toute condamnation prononcée à son encontre et, en tout état de cause, à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Bonna Sabla au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la juridiction administrative est incompétente pour connaître de l'action en responsabilité de la société Bonna Sabla dirigée à son encontre ;

- la société Bonna Sabla ne peut utilement rechercher la responsabilité du groupement de maîtrise d'œuvre dans le cadre d'une action en paiement direct à l'encontre du maître d'ouvrage ;

- elle doit être mise hors de cause dès lors que sa mission est complètement étrangère à la définition du complexe de couverture au regard duquel elle n'a fait aucune prescription ; aucun des postes de réclamation de la société Bonna Sabla ne fait au demeurant référence à des travaux ou études indispensables en relation avec sa mission acoustique ;

- aucune solidarité ne saurait résulter de l'acte d'engagement conjoint du marché de maîtrise d'œuvre ;

- les moyens de la requête relatifs aux différents postes de préjudice invoqués par la société Bonna Sabla ne sont pas fondés.

Par des mémoires, enregistrés le 18 novembre 2019 et le 29 janvier 2021, le cabinet Rudy Ricciotti, représenté par Me Lallemand, conclut, à titre principal, à l'incompétence de la juridiction administrative pour connaître de la requête de la société Bonna Sabla en tant qu'elle est dirigée contre lui, à titre subsidiaire au rejet de la requête en tant qu'elle est dirigée à son encontre, à titre infiniment subsidiaire, à ce que la société Berim le garantisse intégralement de toute condamnation prononcée contre lui et, en tout état de cause, à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Bonna Sabla au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la société Bonna Sabla n'est pas recevable à demander la condamnation solidaire du groupement de maîtrise d'œuvre dans le cadre d'une action en paiement direct à l'encontre du maître d'ouvrage ;

- la juridiction administrative est incompétente pour connaître de l'action en responsabilité de la société Bonna Sabla dirigée à son encontre ;

- la demande de paiement direct de la société Bonna Sabla est irrecevable dès lors qu'elle n'a respecté ni l'article 29.2.2 du contrat de sous-traitance ni l'article 50.1.1. du CCAG relatifs à la présentation d'un mémoire de réclamation à l'entrepreneur principal ;

- la demande de la société Bonna Sabla est irrecevable au regard de l'article 50.31 du CCAG en tant qu'elle excède le montant demandé dans sa réclamation préalable formée en mars 2013 ;

- les postes de préjudice relatifs à la mise au point de l'interface BFUP-Verre, aux moules supplémentaires, à la demande au titre des calculs et des études réalisés par le bureau d'études Sica et à la demande au titre des frais d'établissement du mémoire en réclamation de la société Bonna Sabla ne sont pas recevables ;

- les moyens de la requête relatifs aux différents postes de préjudice invoqués par la société Bonna Sabla ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 27 novembre 2020, la ville de Paris, représentée par Me Gaspar, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Bonna Sabla de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande indemnitaire de la société Bonna Sabla est irrecevable dès lors qu'elle ne lui a pas été transmise dans le cadre d'une demande de paiement direct avant la notification du décompte général et définitif du marché au titulaire ;

- le caractère définitif du décompte général issu du protocole transactionnel passé avec la société Léon Grosse, qui a écarté l'indemnisation demandée au titre des surcoûts de la société Bonna Sabla, fait obstacle à toute réclamation ultérieure de cette dernière ;

- aucun droit de créance au bénéfice de la société Bonna Sabla n'est né avant la notification du décompte général et définitif dès lors que la société Léon Grosse a accepté de renoncer, dans le cadre du protocole transactionnel, à l'indemnisation demandée au titre des surcoûts invoqués par le sous-traitant ;

- le Conseil d'Etat, par son arrêt n° 396174 du 19 avril 2017, a dit pour droit que la procédure prévue par les dispositions de l'article 116 du code des marchés publics, notamment en ce qu'elle impose la transmission, par le sous-traitant, de sa demande de paiement au maître d'ouvrage, est impérative, sous peine d'irrecevabilité de cette demande ;

- les circonstances selon lesquelles, d'une part, l'acte spécial de sous-traitance limiterait expressément le droit au paiement direct du sous-traitant et, d'autre part, elle aurait eu connaissance de la réclamation indemnitaire de la société Bonna Sabla sont sans incidence sur le respect de la procédure prévue par l'article 116 du code des marchés publics, repris au I de l'article 136 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics ;

- le jugement attaqué n'est entaché d'aucune omission à statuer sur les conclusions de la société Bonna Sabla tendant à rechercher la responsabilité quasi-délictuelle de la ville de Paris et du groupement de maîtrise d'œuvre ;

- aucune faute ne peut lui être reprochée, tant dans la conception et le suivi des travaux de l'opération de reconstruction du stade qu'au regard de la prétendue insuffisance ou inexactitude du DCE ;

- les moyens de la requête relatifs aux différents postes de préjudice invoqués par la société Bonna Sabla ne sont pas fondés.

Par une lettre du 24 août 2021, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible de soulever d'office un moyen d'ordre public, sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, tiré de l'irrecevabilité des conclusions de la société Bonna Sabla tendant au versement de la somme de 4 932 174,91 euros HT, fondées sur les fautes commises par la ville de Paris, le cabinet Rudy Ricciotti, le bureau d'études Berim, la société Thermibel et la société Scène, du fait de l'absence de demande préalable.

Des réponses à ce moyen d'ordre public présentées pour la société Bonna Sabla, la société Thermibel et le cabinet Rudy Ricciotti ont été enregistrées respectivement le 10 septembre 2021, le 16 septembre 2021 et le 18 septembre 2021.

Un mémoire a été produit le 24 septembre 2021, soit après clôture de l'instruction, pour la société Berim, par Me Aberlen.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics en vigueur avant le 1er avril 2016 ;

- la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 ;

- le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 ;

- le code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mantz,

- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,

- les observations de Me Guarino pour la société Bonna Sabla,

- les observations de Me Bardoux pour la ville de Paris,

- les observations de Me Gabory pour la société Berim,

- et les observations de Me Frenkian pour la société Thermibel.

Considérant ce qui suit :

1. Par un marché notifié le 21 mai 2010, la ville de Paris a confié à la société Léon Grosse le lot n° 2 " Gros œuvre-Charpente-Couverture " de l'opération de travaux portant sur la démolition partielle et la reconstruction du stade Jean Bouin (Paris 16ème), pour un montant final de 60 266 448,36 euros HT. La maîtrise d'œuvre de l'opération a été confiée à un groupement solidaire constitué du cabinet d'architecture Rudy Ricciotti, mandataire de ce groupement, ainsi que du bureau d'études d'ingénierie tous corps d'état Berim, de la société Thermibel, spécialisée en acoustique, et de la société Scene, spécialisée en scénographie, co-traitants. Par un contrat du 3 novembre 2010, la société Léon Grosse a sous-traité à la société Bonna Sabla les travaux consistant dans la fourniture de panneaux de couvertures et de façades en Béton Fibré à Ultra haute Performance (BFUP), pour un montant de 8 100 000 euros HT. La société Bonna Sabla a été acceptée comme sous-traitant et ses conditions de paiement agréées par un acte spécial en date du 25 novembre 2010 passé entre la société Léon Grosse et la ville de Paris. La réception des travaux a été prononcée le 24 octobre 2013, avec des réserves qui ont été levées le

16 avril 2015. Les deux mémoires en réclamation de la société Léon Grosse en date des

6 décembre 2013 et 16 décembre 2015, présentés dans le cadre de l'établissement du décompte général et incluant notamment une demande d'indemnisation des surcoûts de la société Bonna Sabla pour un montant de 4 350 327 euros HT, ont été rejetés par la ville de Paris. Après que la société Léon Grosse a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une requête indemnitaire au titre du solde du marché, elle a conclu avec la ville de Paris un protocole transactionnel, transmis au contrôle de légalité le 21 mars 2017, sur la base duquel la société Léon Grosse a accepté, le

24 mars 2017, le décompte général du marché arrêté à la somme de 67 382 238,73 euros HT, excluant l'indemnisation sollicitée au profit de la société Bonna Sabla. Cette dernière relève appel du jugement du 21 février 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de la ville de Paris, du cabinet Rudy Ricciotti ainsi que des sociétés Berim, Thermibel et Scene à lui verser la somme de 4 932 174,91 euros HT au titre des études et travaux supplémentaires qu'elle estime avoir réalisés dans le cadre de l'opération de travaux ci-dessus mentionnée.

Sur l'exception d'incompétence opposée par le cabinet Rudy Ricciotti et la société Thermibel :

2. Le litige né de l'exécution d'un marché de travaux publics et opposant des participants à l'exécution de ces travaux relève de la compétence de la juridiction administrative, sauf si les parties en cause sont unies par un contrat de droit privé. Les conclusions de la société Bonna Sabla, sous-traitant, à l'encontre du cabinet Rudy Ricciotti et de la société Thermibel, tous deux membres du groupement de maîtrise d'œuvre, sont relatives à l'exécution d'un marché de travaux publics. Ni le cabinet Rudy Ricciotti ni la société Thermibel ne sont en outre liées à la société Bonna Sabla par un contrat de droit privé. Par suite, l'exception d'incompétence doit être écartée.

Sur la régularité du jugement attaqué :

En ce qui concerne le moyen tiré de l'omission à statuer :

3. Il résulte des points 9 et 10 du jugement que les premiers juges ont répondu aux conclusions indemnitaires de la société Bonna Sabla fondées sur les fautes qu'auraient commises tant la ville de Paris que le groupement de maîtrise d'œuvre dans la conception de l'opération de reconstruction du stade et dans sa mise en œuvre. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'omission à statuer sur ces conclusions doit être écarté.

En ce qui concerne la recevabilité de la demande en tant qu'elle est fondée sur le paiement direct du sous-traitant :

4. Aux termes de l'article 6 de la loi visée ci-dessus du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance : " Le sous-traitant direct du titulaire du marché qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage, est payé directement par lui pour la part du marché dont il assure l'exécution. / (...) ". Aux termes de l'article 8 de la même loi : " L'entrepreneur principal dispose d'un délai de quinze jours, comptés à partir de la réception des pièces justificatives servant de base au paiement direct, pour les revêtir de son acceptation ou pour signifier au sous-traitant son refus motivé d'acceptation. / Passé ce délai, l'entrepreneur principal est réputé avoir accepté celles des pièces justificatives ou des parties de pièces justificatives qu'il n'a pas expressément acceptées ou refusées. / Les notifications prévues à l'alinéa 1er sont adressées par lettre recommandée avec accusé de réception. ".

5. Par ailleurs, aux termes de l'article 116 du code des marchés publics, dans sa rédaction en vigueur à la date de signature de l'acte spécial de sous-traitance passé entre la ville de Paris et la société Léon Grosse : " Le sous-traitant adresse sa demande de paiement libellée au nom du pouvoir adjudicateur au titulaire du marché, sous pli recommandé avec accusé de réception, ou la dépose auprès du titulaire contre récépissé. / Le titulaire dispose d'un délai de quinze jours à compter de la signature de l'accusé de réception ou du récépissé pour donner son accord ou notifier un refus, d'une part, au sous-traitant et, d'autre part, au pouvoir adjudicateur ou à la personne désignée par lui dans le marché. / Le sous-traitant adresse également sa demande de paiement au pouvoir adjudicateur ou à la personne désignée dans le marché par le pouvoir adjudicateur, accompagnée des factures et de l'accusé de réception ou du récépissé attestant que le titulaire a bien reçu la demande ou de l'avis postal attestant que le pli a été refusé ou n'a pas été réclamé. / Le pouvoir adjudicateur ou la personne désignée par lui dans le marché adresse sans délai au titulaire une copie des factures produites par le sous-traitant. / Le pouvoir adjudicateur procède au paiement du sous-traitant dans le délai prévu par l'article 98. Ce délai court à compter de la réception par le pouvoir adjudicateur de l'accord, total ou partiel, du titulaire sur le paiement demandé, ou de l'expiration du délai mentionné au deuxième alinéa si, pendant ce délai, le titulaire n'a notifié aucun accord ni aucun refus, ou encore de la réception par le pouvoir adjudicateur de l'avis postal mentionné au troisième alinéa. / Le pouvoir adjudicateur informe le titulaire des paiements qu'il effectue au sous-traitant. ".

6. D'une part, il résulte de la combinaison de ces dispositions que, pour obtenir le paiement direct par le maître d'ouvrage de tout ou partie des prestations qu'il a exécutées dans le cadre de son contrat de sous-traitance, le sous-traitant régulièrement agréé doit adresser en temps utile sa demande de paiement direct à l'entrepreneur principal, titulaire du marché, et, en vertu du troisième alinéa de l'article 116 du code des marchés publics, repris à compter du

28 mars 2016 au troisième alinéa du I de l'article 136 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, au maître d'ouvrage. Une demande adressée après la notification du décompte général du marché au titulaire de celui-ci ne peut être regardée comme ayant été adressée en temps utile.

7. D'autre part, le sous-traitant bénéficiant du paiement direct des prestations sous-traitées a également droit à ce paiement direct pour les travaux supplémentaires qu'il a exécutés et qui ont été indispensables à la réalisation de l'ouvrage, ainsi que pour les dépenses résultant pour lui de sujétions imprévues qui ont bouleversé l'économie générale du marché, dans les mêmes conditions que pour les travaux dont la sous-traitance a été expressément mentionnée dans le marché ou dans l'acte spécial signé par l'entrepreneur principal et par le maître de l'ouvrage.

8. Il résulte de l'instruction que la société Bonna Sabla n'a pas présenté de demande de paiement direct au maître d'ouvrage avant que le décompte général modificatif du marché, établi le 13 mars 2017 conformément au protocole d'accord transactionnel mentionné au point 1, ait été accepté, le 24 mars 2017, par la société Léon Grosse. Si la société requérante soutient que l'acte spécial de sous-traitance conclu entre la société Léon Grosse et la ville de Paris ferait obstacle à la mise en œuvre de la procédure de paiement direct concernant des travaux supplémentaires, aucune disposition de cet acte n'exclut le paiement direct du sous-traitant au regard de travaux supplémentaires qu'il aurait exécutés et se seraient révélés indispensables à la réalisation de l'ouvrage, conformément au demeurant au principe énoncé au point 7. La circonstance que la société Bonna Sabla n'a pas été partie au protocole d'accord transactionnel précité et n'en a pas reçu notification est en outre sans incidence sur la mise en œuvre de la procédure de paiement direct décrite au point 6. La société n'est dès lors pas fondée à soutenir que ce décompte général ne lui serait pas opposable, alors au surplus que par l'article 2.2 de ce protocole, la ville de Paris a refusé l'indemnisation des surcoûts invoqués par la société Bonna Sabla au titre des conditions d'exécution du BFUP. Enfin, la société requérante ne peut utilement invoquer la connaissance acquise de sa demande de paiement par le maître d'ouvrage. Par suite, les conclusions de la société Bonna Sabla tendant à l'indemnisation des études et travaux supplémentaires qu'elle aurait réalisés devaient être rejetées, ainsi que l'ont fait les premiers juges, comme irrecevables au titre de la procédure de paiement direct du sous-traitant.

En ce qui concerne la recevabilité de la demande en tant qu'elle est fondée sur la responsabilité quasi-délictuelle :

9. L'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché de travaux est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors de l'établissement du décompte général et définitif détermine les droits et obligations définitifs des parties. L'ensemble des conséquences financières de l'exécution du marché sont retracées dans ce décompte même lorsqu'elles ne correspondent pas aux prévisions initiales.

10. Il résulte de l'instruction que le décompte général modificatif du marché, arrêté le 13 mars 2017, en conséquence du protocole d'accord précité, à la somme de 80 589 157,52 euros TTC, a été accepté, le 24 mars 2017, par la société Léon Grosse et est devenu, à cette dernière date, définitif. L'intervention de ce décompte général et définitif s'opposait à ce que la société Bonna Sabla demande au tribunal de condamner solidairement la ville de Paris, le cabinet Rudy Ricciotti, la société Berim, la société Thermibel et la société Scene à lui verser la somme de 4 932 174,91 euros HT, à raison des fautes prétendument commises par ceux-ci dans la conception et la mise en œuvre de l'opération de reconstruction du stade Jean Bouin. Par suite, les conclusions indemnitaires de la société requérante en tant qu'elles sont fondées sur la responsabilité quasi-délictuelle du maître d'ouvrage et des membres du groupement de maîtrise d'œuvre doivent également être rejetées.

11. Il résulte de l'ensemble de ce qui a été dit aux points 4 à 10 que la société Bonna Sabla n'est pas fondée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres fins de non-recevoir invoquées, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande comme irrecevable.

Sur les conclusions présentées par la société Thermibel tendant à sa mise hors de cause :

12. Il résulte de l'instruction que la société Thermibel a fait l'objet, tant en première instance qu'en appel, de conclusions la mettant en cause. Elle n'est, dès lors, pas fondée à demander sa mise hors de cause.

Sur les appels en garantie de la société Thermibel et du cabinet Rudy Ricciotti :

13. En l'absence de toute condamnation prononcée à l'encontre de la société Thermibel et du cabinet Rudy Ricciotti au titre des études et travaux indispensables que la société Bonna Sabla estime avoir effectués dans le cadre de l'opération de démolition partielle et de reconstruction du stade Jean Bouin, leurs conclusions d'appel en garantie sont sans objet.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la ville de Paris, du cabinet Rudy Ricciotti et des sociétés Berim, Thermibel et Scene, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que la société Bonna Sabla demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société Bonna Sabla la somme de 1 000 euros à verser, respectivement, à la ville de Paris, au cabinet Rudy Ricciotti et à la société Thermibel, sur le fondement des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Bonna Sabla est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société Thermibel tendant à sa mise hors de cause sont rejetées.

Article 3 : Il n'y a pas de lieu de statuer sur les conclusions d'appel en garantie de la société Thermibel et du cabinet Rudy Ricciotti.

Article 4 : La société Bonna Sabla versera à la ville de Paris, au cabinet Rudy Ricciotti et à la société Thermibel, une somme de 1 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Bonna Sabla, à la ville de Paris, au cabinet Rudy Ricciotti, à la société Berim, à la société Thermibel et à la société Scene.

Délibéré après l'audience du 24 septembre 2021 à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente,

- Mme Briançon, présidente assesseure,

- M. Mantz, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 octobre 2021

Le rapporteur,

P. MANTZ

La présidente,

M. HEERS La greffière,

S. GASPAR

La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA01373


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01373
Date de la décision : 08/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Exécution technique du contrat - Conditions d'exécution des engagements contractuels en l'absence d'aléas - Marchés - Sous-traitance.

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat - Règlement des marchés - Décompte général et définitif - Effets du caractère définitif.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: M. Pascal MANTZ
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : CABINET ALMA AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-10-08;19pa01373 ?
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