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14/01/2022 | FRANCE | N°20PA01923

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 14 janvier 2022, 20PA01923


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Socca a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2010 et 2011, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2010 au 30 octobre 2012.

Par un jugement n° 1818294 du 28 mai 2020, le tribunal administratif de Paris a prononcé un non-

lieu à statuer à concurrence du dégrèvement d'un montant de 2 072 euros, prononcé en c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Socca a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2010 et 2011, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2010 au 30 octobre 2012.

Par un jugement n° 1818294 du 28 mai 2020, le tribunal administratif de Paris a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement d'un montant de 2 072 euros, prononcé en cours d'instance par l'administration, mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 27 juillet 2020 et 1er février 2021, la SAS Socca, représentée par Me Adda et Me Nicolas, avocats, doit être regardée comme demandant à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1818294 du 28 mai 2020 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il lui est défavorable ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2010 et 2011, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2010 au 30 octobre 2012 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SAS Socca soutient que :

- la procédure relative à l'impôt sur les sociétés est irrégulière dès lors que les conditions de la taxation d'office n'étaient pas réunies ;

- elle ne peut apporter une preuve négative de l'absence de versement des redevances de location gérance au titre de la période de février 2012 à octobre 2012 réintégrées dans la base taxable à la taxe sur la valeur ajoutée et elle justifie, en tout état de cause, d'un faisceau d'indices permettant d'établir cette absence de versement ;

- en réintégrant à son bénéfice imposable de l'exercice clos en 2010 un passif injustifié figurant au bilan d'ouverture de cet exercice, alors qu'elle avait déjà remis en cause le report des déficits constatés au cours d'exercices antérieurs, l'administration a procédé deux fois au même rehaussement ;

- en se bornant à relever l'inscription de dettes injustifiées au bilan d'ouverture de l'exercice 2010, l'administration fiscale n'a pas démontré l'existence d'une minoration d'actif net au titre de cet exercice et, en tout état de cause, elle a fait une inexacte application de la théorie de la correction symétrique des bilans.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 décembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Le ministre fait valoir que les moyens invoqués par la SAS Socca ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Fullana ;

- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public ;

- et les observations de Me Dalmasso, substituant Me Adda et Me Nicolas ;

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiées (SAS) Socca, qui exerce une activité de mise en location d'un fonds de commerce, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2020 au 30 octobre 2012, à l'issue de laquelle des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices 2010 et 2011, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2010 au 30 octobre 2012 ont été mis en recouvrement. La société relève appel du jugement du 28 mai 2020 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il lui y est défavorable.

Sur la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office : (...) 2° à l'impôt sur les sociétés, les personnes morales passibles de cet impôt qui n'ont pas déposé dans le délai légal leur déclaration, sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l'article L. 68 (...) ". Aux termes de l'article L. 68 du même livre : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure. (...) ".

3. Il est constant que la SAS Socca n'a pas déclaré son résultat imposable au titre des exercices 2010 et 2011 dans le délai légal. Il résulte en outre de l'instruction qu'une mise en demeure de régulariser sa situation lui a été notifiée le 28 décembre 2012 et qu'elle n'y a pas déféré dans le délai de trente jours prévu par les dispositions précitées de l'article L. 68 du livre des procédures fiscales, la société s'étant bornée à produire, auprès du vérificateur en début de contrôle, des déclarations non signées et remises après l'expiration de ce délai, soit le 14 février 2013. Enfin, il ne résulte ni des échanges intervenus pendant le délai de la mise en demeure dans le cadre de la procédure de vérification de comptabilité, ni d'aucun autre document, que l'administration fiscale aurait accordé une prolongation de délai. Par suite, le moyen tiré de ce que la procédure de taxation d'office pour les cotisations d'impôt sur les sociétés serait irrégulière ne peut qu'être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

4. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. ". Les impositions en litige ayant été établies d'office, la preuve du caractère exagéré de ces impositions incombe à la SAS Socca.

En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

5. Aux termes de l'article 269 du code général des impôts : " 2. La taxe est exigible : (...) c) Pour les prestations de services, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération... ". En l'absence de déclaration de chiffre d'affaires de la SAS Socca pour la période de février à octobre 2012, l'administration a déterminé le montant des opérations imposables à la taxe sur la valeur ajoutée en fonction du montant des redevances prévues par le contrat de location-gérance du fonds de commerce dont elle est propriétaire. Si la requérante soutient que ces redevances ne lui ont jamais été versées, en se bornant à faire valoir que la société locataire rencontrait des difficultés financières, elle n'en apporte pas la preuve, laquelle n'est pas, contrairement à ce qu'elle allègue, impossible à apporter. Par suite, le moyen tiré de ce que la taxe afférente à ces redevances n'était pas exigible ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne les cotisations d'impôt sur les sociétés :

6. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " (...) 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. (...) 4 bis. Pour l'application des dispositions du 2, pour le calcul de la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de l'exercice, l'actif net d'ouverture du premier exercice non prescrit déterminé, sauf dispositions particulières, conformément aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales ne peut être corrigé des omissions ou erreurs entraînant une sous-estimation ou surestimation de celui-ci./ Les dispositions du premier alinéa ne s'appliquent pas lorsque l'entreprise apporte la preuve que ces omissions ou erreurs sont intervenues plus de sept ans avant l'ouverture du premier exercice non prescrit. / Elles ne sont pas non plus applicables aux omissions ou erreurs qui résultent de dotations aux amortissements excessives au regard des usages mentionnés au 2° du 1 de l'article 39 déduites sur des exercices prescrits ou de la déduction au cours d'exercices prescrits de charges qui auraient dû venir en augmentation de l'actif immobilisé. ".

7. En premier lieu, si la SAS Socca soutient que le passif injustifié inscrit au bilan d'ouverture de l'exercice 2010 n'a pas été constaté au bilan de clôture du même exercice de sorte qu'aucune minoration injustifiée de l'actif net ne peut donner lieu à un rehaussement au titre de l'année 2010, il résulte de l'instruction que l'administration lui a opposé, au titre du premier exercice non prescrit, soit l'exercice 2010, la règle de l'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit sur le fondement des dispositions précitées du premier alinéa du 4 bis de l'article 38 du code général des impôts. La société requérante n'établit pas, pour ce seul motif, avoir fait l'objet d'un rehaussement injustifié au titre de cet exercice.

8. En deuxième lieu, la SAS Socca soutient qu'en réintégrant à son bénéfice imposable de l'exercice clos en 2010 un passif, dont elle ne conteste pas le caractère injustifié, figurant au bilan d'ouverture de cet exercice, alors qu'elle avait déjà remis en cause le report des déficits constatés au cours d'exercices antérieurs, l'administration a procédé deux fois au même rehaussement. Toutefois, la société n'apporte pas d'éléments de nature à établir des correspondances entre les charges que l'administration n'a pas admises au titre des déficits antérieurs et la dette injustifiée alors que ces chefs de rehaussement ne se confondent pas nécessairement.

9. En dernier lieu, il résulte des dispositions citées au point 6 que le principe d'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit, tel que défini au premier alinéa du 4 bis de l'article 38 précité, est applicable pour le calcul du bénéfice imposable, sauf si le contribuable est en droit de se prévaloir de l'une des exceptions prévues par les deuxième et troisième alinéas. Dans ce cas, il est possible de rectifier l'actif net du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit et de rattacher l'erreur ou l'omission commise à son exercice d'origine.

10. Il résulte de l'instruction que le service, se fondant sur le principe de l'intangibilité du bilan d'ouverture de l'exercice 2010, premier exercice non prescrit, a réintégré dans les bénéfices imposables de cet exercice le montant des " à nouveaux " créditeurs au 1er janvier 2010, soit 184 524 euros, en tant que passif injustifié au sens et pour l'application du 2 de l'article 38 du code général des impôts. Pour faire obstacle à l'application du principe de l'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit et bénéficier d'une correction symétrique des bilans, la société soutient que des corrections peuvent être opérées sur des exercices prescrits pour des déficits reportables. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit au point 8 que la société appelante ne démontre pas que le passif injustifié en litige correspond à des déficits antérieurs. En outre, la société, en faisant état de ce que ce passif injustifié se rattache à l'exercice 2003, ne saurait être regardée comme démontrant ni, d'ailleurs, alléguant, que l'écriture en cause trouverait son origine dans des erreurs ou omissions intervenues plus de sept ans avant le 1er janvier 2010, soit avant le 1er janvier 2003, au sens des dispositions du 4 bis de l'article 38 du code général des impôts. Par suite, la SAS Socca n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a réintégré ce passif injustifié au résultat de l'exercice clos en 2010.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Socca n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de ses demandes. Sa requête doit dès lors être rejetée, y compris ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société par actions simplifiée (SAS) Socca est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée (SAS) Socca et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président de chambre,

- M. Simon, premier conseiller,

- Mme Fullana, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 14 janvier 2022.

La rapporteure,

M. FULLANA Le président,

S. CARRERELa greffière,

E. LUCE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

N° 20PA01923


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA01923
Date de la décision : 14/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Évaluation de l'actif - Théorie du bilan.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Fait générateur.


Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Maguy FULLANA
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : ADDA

Origine de la décision
Date de l'import : 25/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-01-14;20pa01923 ?
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