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14/01/2022 | FRANCE | N°21PA01272

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 14 janvier 2022, 21PA01272


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Elise a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos les 31 décembre 2009, 31 décembre 2010 et 31 décembre 2011 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) auxquels elle a été assujettie au titre des années 2009, 2010 et 2011, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1520918 du 7 juin 2017, le T

ribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

La SARL Elise a saisi la Cour d'une d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Elise a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos les 31 décembre 2009, 31 décembre 2010 et 31 décembre 2011 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) auxquels elle a été assujettie au titre des années 2009, 2010 et 2011, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1520918 du 7 juin 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

La SARL Elise a saisi la Cour d'une demande d'annulation du jugement du 7 juin 2017, ainsi que de la décharge des impositions supplémentaires et rappels de TVA au titre des exercices et années 2009, 2010 et 2011 et des pénalités correspondantes, y compris l'amende fiscale infligée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts.

Par arrêt n° 17PA02684 du 14 mars 2019, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté la requête de la société Elise.

La SARL Elise a saisi le Conseil d'Etat d'une requête dirigée contre l'arrêt de la Cour, en tant seulement que cet arrêt a statué sur l'amende prononcée en application de l'article 1759 du code général des impôts

Par arrêt du 8 mars 2021 n° 430739, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la Cour en tant qu'il a statué sur les conclusions tendant à la décharge de l'amende prononcée en vertu de l'article 1759 du code général des impôts et a renvoyé, dans cette mesure, l'affaire à la Cour.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 31 juillet 2017 et 22 février 2018, la SARL Elise, représentée par Me Lagarde, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1520918 du 7 juin 2017 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos les 31 décembre 2009, 31 décembre 2010 et 31 décembre 2011 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des années 2009, 2010 et 2011, des pénalités correspondantes ainsi que de la pénalité prévue par l'article 1759 du code général des impôts mise en œuvre au titre de l'année 2009 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité, faute pour les premiers juges d'avoir répondu de manière complète à l'ensemble des moyens dont elle s'est prévalue pour contester la régularité de la procédure de contrôle et le bien-fondé de la méthode utilisée par le service pour procéder à la reconstitution de son chiffre d'affaires ;

- les premiers juges ont méconnu les dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;

- ils ont méconnu les droits de la défense, l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 41 de la charte des droits fondamentaux ;

- l'administration fiscale a méconnu les dispositions de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales ; elle n'établit pas les graves irrégularités de sa comptabilité dont elle se prévaut pour justifier de la durée des opérations de contrôle ; le service n'établit pas l'avoir informée de cette prorogation des opérations de contrôle ;

- l'administration fiscale a méconnu les dispositions de l'instruction 13 L. 10-08 reprise au BOI-CF-PGR-20-30 n° 140 du 4 février 2015, faute de l'avoir informée de la prorogation de la durée des opérations de contrôle ;

- l'administration fiscale ne l'a pas informée de son intention de dresser un procès-verbal pour présentation de comptabilité irrégulière, ni des motifs de la mesure qu'elle envisageait de prendre, en méconnaissance du principe du contradictoire, de loyauté et des droits de la défense ;

- l'administration fiscale a procédé à une double vérification de comptabilité, en méconnaissance de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales ;

- l'administration fiscale a méconnu les dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ; les propositions de rectifications ainsi que les réponses aux observations du contribuable sont insuffisamment motivées ; le service n'a répondu à ses observations qu'après l'expiration du délai de soixante jours ;

- la composition de la commission départementale des impôts qui a examiné sa situation est irrégulière ;

- la procédure devant la commission départementale des impôts n'a pas respecté le principe du contradictoire ; la délibération n'a pas été effective ;

- c'est à tort que le Tribunal administratif n'a pas fait droit à sa demande tendant à la désignation d'un expert ;

- la transmission des copies des pièces dont la communication avait été sollicitée est intervenue le 21 juillet 2014, soit postérieurement à l'émission des avis de mise en recouvrement, entachant ainsi d'illégalité la procédure suivie par l'administration fiscale ; c'est à tort que le service n'a pas repris la procédure au stade de la proposition de rectification afin de lui permettre de renouveler sa demande de communication de pièces ; en outre, les dégrèvements prononcés par le service sont intervenus le 3 mars 2015 alors que les nouvelles impositions ont été mises en recouvrement le 15 avril 2015 ;

- les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de ce que la commission départementale des impôts s'est prononcée au vu d'éléments produits postérieurement à la séance au cours de laquelle sa situation a été examinée ;

- les opérations de contrôle des recettes doivent s'analyser comme une vérification de la comptabilité qui est intervenue en méconnaissance de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales, faute pour le service de lui avoir remis un avis de vérification de comptabilité le 30 août 2011 lors du contrôle des recettes qui a été effectué ;

- l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts n'est pas fondée ; elle a valablement répondu à la demande qui lui a été faite par le service ; ce dernier ne pouvait mettre en œuvre la procédure de désignation dès lors qu'il avait connaissance des bénéficiaires des sommes réputés distribuées ;

- les dispositions relatives au dialogue contradictoire ont été méconnues par le service ;

- les sanctions qui lui ont été infligées méconnaissent le principe de proportionnalité ainsi que la liberté d'entreprendre protégée par l'article 16 de la charte des droits fondamentaux et de l'article 1er du protocole n°1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles méconnaissent la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas justifiées.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 16 janvier et 28 mars 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Après la reprise de l'instance, sous le n° 21PA01272, les parties ont, à l'invitation de la Cour complété leurs écritures.

Par un mémoire, enregistré le 12 mai 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance fait valoir que l'amende est fondée compte tenu du caractère incomplet de la réponse de la société et que les moyens de celles-ci ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 27 mai 2021, la SARL Elise soutient que :

- la décision d'infliger l'amende au titre de l'année 2009 n'était pas suffisamment motivée ;

- l'amende est dépourvue de fondement, dès lors qu'elle a bien répondu à ses obligations en communiquant les noms, prénoms, dates de naissance et adresses des bénéficiaires de l'excédent de distribution ;

- la demande n'était pas nécessaire, l'administration ayant imposé le maître de l'affaire pour les années 2010 et 2011, sur la base d'éléments connus lors de la demande.

Par ordonnance du 27 septembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 27 octobre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Simon ;

- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Elise, qui exerce une activité de restauration rapide, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les années 2009 à 2011. Après avoir écarté sa comptabilité comme irrégulière et non probante, le service a procédé à la reconstitution de son chiffre d'affaires, laquelle a donné lieu, selon la procédure de rectification contradictoire, à des cotisations d'impôt sur les sociétés, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités, incluant, au titre de l'année 2009, l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts pour défaut de réponse à la demande de désignation des bénéficiaires présumés qui lui avait été faite le 20 décembre 2012. Par une requête, enregistrée sous le numéro 1702684, la SARL Elise a relevé appel du jugement du 7 juin 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices 2009 à 2011, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011, des intérêts de retard et des pénalités pour manquement délibéré et de l'amende correspondants. Par arrêt du 14 mars 2019, la Cour a rejeté les conclusions de la SARL Elise, ainsi que ses demandes de décharge, y compris celle relative à l'amende de l'article 1759 du code général des impôts. Par arrêt du 8 mars 2021, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt, en tant qu'il a statué sur l'amende de 438 612 euros infligée au titre de l'année 2009 en vertu de l'article 1759 du code général des impôts, au motif que la Cour a irrégulièrement regardé les conclusions dirigées contre cette amende comme soulevées pour la première fois en appel et les a ainsi rejetées comme irrecevables. Par son arrêt du 8 mars 2021, n° 430739, le Conseil d'Etat a renvoyé dans cette mesure l'affaire à juger à la Cour.

2. Aux termes de l'article 117 du code général des impôts : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution.//En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759. ". Aux termes de l'article 1759 du même code : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées. Lorsque l'entreprise a spontanément fait figurer dans sa déclaration de résultat le montant des sommes en cause, le taux de l'amende est ramené à 75 %. ".

3. La proposition de redressement à l'impôt sur les sociétés et la TVA, portant sur l'année 2009, adressée à la SARL Elise le 20 décembre 2012, à la suite de la reconstitution de son chiffre d'affaires, invitait la société requérante à faire connaître l'identité et l'adresse des bénéficiaires des recettes distribuées en indiquant pour chacun d'eux la date d'appréhension et le montant perçu. En réponse à cette demande, la SARL Elise a, par lettre du 25 février 2013, communiqué le nom de trois des quatre associés, ainsi que leurs dates de naissance et adresses. Si la société n'a pas précisé le montant des sommes distribuées pour chacun d'eux, ni les dates d'appréhension des sommes en cause, les informations fournies, après concertation entre les associés, présentaient un caractère de vraisemblance suffisant pour permettre à l'administration, qui connaissait les fonctions exercées par les associés et leur part dans la détention du capital social, de rechercher si ces derniers avaient effectivement bénéficié de cette distribution. Dans ces conditions, la réponse de la SARL Elise ne pouvant être assimilée à un défaut de réponse à la demande de désignation qui lui avait été faite, la société requérante est fondée à soutenir que l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts est dépourvue de fondement.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la SARL Elise est fondée à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Paris n° 1520918 du 7 juin 2017, en tant qu'il a statué sur l'amende de l'article 1759 du code général des impôts, et à demander la décharge de l'amende en cause.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SARL Elise en lien avec la présente instance et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris n° 1520918 du 7 juin 2017 est annulé en tant qu'il a statué sur l'amende de l'article 1759 du code général des impôts.

Article 2 : La société à responsabilité limitée (SARL) Elise est déchargée de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts au titre de l'année 2009.

Article 3 : L'Etat versera à la SARL Elise la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la requête de la SARL Elise sont rejetées pour le surplus.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Elise et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Île-de-France et de Paris (service du contentieux d'appel déconcentré - SCAD).

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président de chambre,

- M. Simon, premier conseiller,

-Mme Boizot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 14 janvier 2022.

Le rapporteur,

C. SIMONLe président,

S. CARRERE

La greffière,

E. LUCE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA01272


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA01272
Date de la décision : 14/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-03-01-01-01 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. - Revenus distribués. - Notion de revenus distribués. - Imposition de la personne morale distributrice.


Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: M. Claude SIMON
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : CABINET BERNARD LAGARDE

Origine de la décision
Date de l'import : 25/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-01-14;21pa01272 ?
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