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16/02/2022 | FRANCE | N°21PA00131

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 16 février 2022, 21PA00131


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société L'Etoile Telecom a demandé au Tribunal administratif de Paris :

1°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de l'année 2014, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2014, du rappel de la retenue à source auquel elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2014 ainsi que des amendes infligées en application du 2° du I de

l'article 1737 du code général des impôts et de l'article 1759 du même code ;

2°) de désigner...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société L'Etoile Telecom a demandé au Tribunal administratif de Paris :

1°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de l'année 2014, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2014, du rappel de la retenue à source auquel elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2014 ainsi que des amendes infligées en application du 2° du I de l'article 1737 du code général des impôts et de l'article 1759 du même code ;

2°) de désigner un expert afin qu'il se prononce sur la régularité et la sincérité de sa comptabilité et sur la réalité des opérations d'achat et de revente enregistrées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 013 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1900314/1-1 du 16 décembre 2020, le Tribunal administratif de Paris a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d'instance et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 12 janvier, 17 mars et 7 avril 2021, la société L'Etoile Telecom, représentée par Me Jacques Guillot, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1900314/1-1 du Tribunal administratif de Paris du

16 décembre 2020 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions, majorations et amendes en litige ;

3°) d'ordonner une expertise sur la régularité et la sincérité de sa comptabilité et sur la réalité de son activité ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 813 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les factures à Wild Falcon General Trading sont d'août 2014 et non 2016 ;

- il n'existe pas d'article L 761-1 du code général des impôts ;

- les premiers juges ont pris en compte des arguments figurant dans un mémoire qui ne lui a pas été communiqué ;

- le vérificateur s'est fait remettre des pièces par un tiers après l'achèvement de la vérification de comptabilité ;

- ces pièces, tant le contrat de distribution que les deux bordereaux de livraison, constituaient des pièces justificatives de sa comptabilité ;

- ces pièces n'ont pas fait l'objet d'un débat oral et contradictoire ;

- la vérification a duré plus de trois mois en raison des investigations menées auprès de la société Lycamobile ;

- en présence d'une facture, l'administration a la charge de la preuve de l'absence de déductibilité de la somme correspondante ;

- la comptabilité est sincère et probante ;

- le crédit de taxe de 1 608 euros provenant de l'année 2012 est justifié, aucun rehaussement n'ayant été effectué au titre de cette période ;

- les éléments produits par le ministre n'établissent pas l'inexistence de l'activité ;

- l'administration a reconnu, dans le cadre de la procédure d'expropriation dont elle a fait l'objet, l'existence et les conditions particulières de son activité de commerce en gros de cartes prépayées ;

- la retenue à la source sur l'année 2012 est prescrite ;

- au titre de l'année 2013, il convient de limiter le montant de la retenue à la source en application de l'article 10 de la convention franco-italienne ;

- l'administration n'a pas démontré qu'elle avait délivré de fausses factures ;

- l'amende pour distributions occultes a été appliquée à une somme supérieure au montant des redressements, contrairement aux dispositions du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts et aux prévisions de la doctrine administrative référencée BOI-RPPH-RCM-10-20-20-50 n° 190.

- elle a désigné les bénéficiaires des distributions.

Par des mémoires en défense enregistrés les 11 et 29 mars 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société L'Etoile Telecom ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 18 mars 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 9 avril 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention signée le 5 octobre 1989 entre la France et l'Italie en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Magnard,

- les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique,

- et les observations de Me Guilllot, représentant la société L'Etoile Télécom.

Considérant ce qui suit :

1. La société L'Etoile Telecom, qui exerce une activité d'achat et de vente en gros et en détail de cartes téléphoniques, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des années 2013 et 2014. A l'issue de cette procédure, un rappel de taxe sur la valeur ajoutée et une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés ont été mis à sa charge au titre de l'année 2014 ainsi qu'une retenue à la source pour les années 2013 et 2014. Ces impositions ont été assorties de pénalités, de l'amende pour factures fictives sur le fondement des dispositions du 2 de l'article 1737-I du code général des impôts et de l'amende pour distribution occulte prévue à l'article 1759 du même code. La société L'Etoile Telecom relève appel du jugement du

16 décembre 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d'instance et rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge de ces impositions et pénalités.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-2 à R. 611-6 / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ".

3. Il résulte de l'examen du jugement attaqué que les premiers juges se sont notamment fondés, pour écarter les conclusions qui leur étaient soumises, sur la circonstance que la société Wild Falcon General Trading avait déménagé trois fois en six ans. Cet élément de fait, qui était avancé par l'administration fiscale dans un mémoire enregistré au greffe du tribunal le 2 octobre 2020 et non communiqué à la société requérante, ne figurait dans aucun autre document porté à la connaissance de cette dernière. Il suit de là que les premiers juges ont méconnu les dispositions précitées ainsi que le caractère contradictoire de la procédure contentieuse. Il y a lieu en conséquence d'annuler l'article 2 du jugement attaqué, par lequel le tribunal a rejeté le surplus des conclusions de la demande, et de statuer par la voie de l'évocation sur les conclusions correspondantes présentées par la société L'Etoile Telecom devant le Tribunal administratif de Paris.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

4. En premier lieu, si, eu égard aux garanties dont le livre des procédures fiscales entoure la mise en œuvre d'une vérification de comptabilité, l'administration est tenue, lorsque, faisant usage de son droit de communication, elle consulte au cours d'une vérification tout ou partie de la comptabilité tenue par l'entreprise vérifiée mais se trouvant chez un tiers, de soumettre l'examen des pièces obtenues à un débat oral et contradictoire avec le contribuable, il n'en est pas de même lorsque lui sont communiqués des documents ne présentant pas le caractère de pièces comptables de l'entreprise vérifiée. Par ailleurs, aucune disposition législative ou réglementaire n'interdit à l'administration, après l'achèvement de la vérification de comptabilité, de faire usage de son droit de communication pour obtenir auprès de partenaires de l'entreprise vérifiée des pièces nécessaires à l'achèvement des opérations de contrôle. Toutefois, lorsqu'après la fin des opérations de contrôle sur place, le vérificateur obtient des pièces nouvelles, celles-ci sont présumées ne pas avoir fait l'objet d'un débat oral et contradictoire, sauf preuve contraire rapportée par l'administration. L'absence de débat, dans une telle hypothèse, n'est en principe pas de nature à affecter la régularité de la procédure d'imposition, sauf s'il apparaît que les pièces recueillies après la fin des opérations de vérification, en raison de leur teneur, de leur portée et de l'usage qui en a été fait par l'administration, impliquaient la réouverture du débat oral et contradictoire sur la comptabilité de l'entreprise.

5. Il résulte de l'instruction qu'après l'achèvement du contrôle sur place de la société L'Etoile Telecom, le vérificateur a obtenu de l'un des fournisseurs de la société requérante, la société Lycamobile, un contrat de distribution daté du 27 août 2014 et deux bordereaux de livraison. Ces pièces, régulièrement obtenues par le vérificateur par l'exercice de son droit de communication et qui ne sauraient, en conséquence, contrairement à ce qui est soutenu, être écartées du dossier, ne constituent pas des pièces comptables de la société requérante mais, en tant qu'elles étaient détenues par un fournisseur, des pièces justificatives des écritures comptables de ce dernier. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que ces pièces, en raison de leur teneur, de leur portée et de l'usage qui en a été fait par l'administration, impliquaient la réouverture du débat oral et contradictoire sur la comptabilité de l'entreprise. La circonstance qu'elles n'aient pas été soumises à un tel débat est par suite sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition.

6. En second lieu, aux termes de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales :

" I.- Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois (...) II.- Par dérogation au I, l'expiration du délai de trois mois n'est pas opposable à l'administration : (...) 4° En cas de graves irrégularités privant de valeur probante la comptabilité. Dans ce cas, la vérification sur place ne peut s'étendre sur une durée supérieure à six mois. (...) ".

7. La société soutient que la vérification, engagée le 7 octobre 2015, est irrégulière au motif qu'elle a excédé la durée de trois mois prévue par les dispositions du I de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, l'administration ayant opéré une visite auprès d'un de ses fournisseurs le 27 février 2016. Toutefois, l'administration, en exerçant à cette date son droit de communication auprès du fournisseur de la société requérante, lequel lui a communiqué des documents qui ne constituaient pas des pièces comptables de cette dernière, ne peut être regardée comme ayant poursuivi au-delà du 5 janvier 2016 la vérification de comptabilité. En outre, il résulte de l'instruction, ainsi qu'exposé ci-dessous, que la comptabilité de la société était entachée de graves irrégularités et que par suite, en vertu des dispositions énoncées ci-dessus, la durée de la vérification pouvait s'étendre jusqu'à six mois. Dans ces conditions, le moyen doit être écarté comme non fondé.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne le caractère probant de la comptabilité et la charge de la preuve :

8. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'un redressement, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou le redressement est soumis au juge ".

9. L'administration fiscale a estimé que la société requérante, qui n'exerçait pas d'activité économique réelle au cours des années vérifiées, avait comptabilisé des factures d'achat et de vente fictives. Elle a ainsi relevé, au soutien de ce constat, que la société, dont l'adresse était celle d'une société de domiciliation, ne disposait pas de moyens matériels et humains lui permettant d'avoir une réelle activité économique, ni de locaux commerciaux, ni de salariés ou d'assurance professionnelle. Le vérificateur a relevé l'absence de stocks et d'inventaires des marchandises, l'absence de contrats conclus avec les fournisseurs comme avec les clients. L'administration s'est également fondée sur le fait que les achats et les ventes étaient payés de manière concomitante et que les clients de la société requérante étaient des sociétés éphémères ou déménageant dès leur première année d'activité, ne disposant pas même d'un abonnement téléphonique et étant inconnues de l'administration fiscale. Le vérificateur a ainsi estimé que l'activité de la société L'Etoile Telecom se résume à des flux financiers transitant sur les comptes bancaires alors que son gérant est salarié d'une autre société de téléphonie à Paris, et que, si la société soutenait qu'elle avait procédé à des ventes de cartes téléphoniques prépayées à deux clients, la société GSB, pour un montant de 137 557,09 euros et la société Wild Falcon General Trading pour des montants de 4 984,80 euros et de 7 997,30 euros, elle n'était toutefois pas en mesure de produire les bordereaux de livraisons de marchandises ou tout autre élément permettant de justifier les flux physiques de marchandises à destination de ces sociétés qui ont connu des changements d'adresse, et qui sont défaillantes dans leurs obligations fiscales. La société GSB a par ailleurs changé d'objet social en dehors du secteur de la téléphonie mobile au cours des opérations litigieuses. Le vérificateur a également constaté que la société requérante, qui indique ne pas disposer de lieu de stockage de la marchandise, s'est bornée à répondre, le 26 novembre 2015, que les clients " venaient chercher la marchandise au siège de la société sans bon de livraison " et a précisé, lors des opérations de contrôle, que l'un de ses deux associés " allait chez les fournisseurs enlever la marchandise ". La réalité des transferts de marchandises en provenance des fournisseurs a été également remise en cause à défaut notamment de contrats, de justificatifs de commande ou de livraison de marchandises et compte tenu des anomalies, erreurs d'adresse, règlement plusieurs mois avant la facture, affectant les factures émises par ces entités. Dans ces conditions, le vérificateur a considéré que la réalité des achats de cartes prépayées et de recharges effectués auprès de six prétendus fournisseurs et correspondant à dix factures pour un montant total de 136 052 euros au titre de l'année 2014 n'était pas établie.

10. Face à ce faisceau d'indices, qui permet effectivement de douter de la réalité des flux physiques de marchandises, la société requérante se borne à évoquer les flux financiers intervenus, à faire valoir qu'elle a contrôlé l'existence de la société GSB et à produire la preuve d'un envoi de paquet par " Colissimo " en août 2014 à destination de cette entreprise, et plus généralement à affirmer la réalité des livraisons et à contester la portée des changements d'adresse des clients. S'agissant des fournisseurs, la société se prévaut, à l'exception d'un accord de distribution non signé par les deux parties et de deux documents émanant d'un seul de ses prétendus fournisseurs portant la mention " Delivery Information ", d'attestations dépourvues de valeurs probantes et de mentions portées sur certaines factures. Elle produit également une facture du 5 août 2014, ainsi que des extraits des comptes clients des fournisseurs. Ces éléments ne permettent pas, dans les circonstances rappelées au point précédent, de justifier de la réalité physique des opérations comptabilisées. La seule circonstance que les technologies nouvelles modifieraient les modalités des relations commerciales ne saurait priver l'administration de la possibilité d'apprécier la réalité des flux physiques impliqués par des livraisons de biens. L'administration était par suite fondée à écarter la comptabilité comme dépourvue de valeur probante. Contrairement à ce qui est soutenu, la charge de la preuve en matière d'impôt sur les sociétés incombe à la société requérante, l'administration ayant suivi l'avis émis le 11 octobre 2017 par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires.

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :

11. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que l'administration établit que la société n'avait pas d'activité réelle en 2014 et que les factures d'achat comptabilisées pour un montant de 136 052 euros au titre de cet exercice étaient destinées à donner l'illusion d'une activité économique sans qu'aucun mouvement physique de marchandises ne viennent les justifier. Compte tenu des indices apportés par l'administration, il appartient à la société requérante de justifier que les factures établies au nom de ses six fournisseurs correspondaient cependant à des prestations réellement effectuées. En se bornant à soutenir que l'administration aurait reconnu, dans le cadre de la procédure d'expropriation dont elle a fait l'objet, la réalité et les conditions particulières de son activité de commerce en gros de cartes prépayées, et en invoquant la disparition progressive de cette activité, la société L'Etoile Telecom ne combat pas efficacement les éléments probants retenus par le service vérificateur et n'est, dès lors, pas fondée à demander la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2014.

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :

12. En se bornant à faire valoir qu'aucun rappel de taxe sur la valeur ajoutée n'a été notifié au titre de la période courant du 1er janvier 2010 au 30 juin 2013 à l'issue d'un précédent contrôle, la société requérante n'établit pas la réalité et le bien-fondé du crédit de taxe sur la valeur ajoutée dont elle se prévaut au 31 décembre 2012, l'absence de rectification lors d'un précédent contrôle à ce titre ne pouvant être regardée comme une prise de position formelle sur la situation de fait du contribuable au regard de la loi fiscale au sens de l'article L. 80 B du Livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors en vigueur.

Sur la retenue à la source :

13. En premier lieu, aux termes du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts : " Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France (...) ". Aux termes de l'article 48 de l'annexe II au même code : " 1. La retenue à la source mentionnée au 2 de l'article 119 bis du code général des impôts est liquidée sur le montant brut des revenus mis en paiement ". Enfin, aux termes de l'article L. 169 A du livre des procédures fiscales : " Le délai de reprise prévu au premier alinéa de l'article L. 169 s'applique également :1° A la retenue à la source sur les revenus de capitaux mobiliers prévue à l'article 119 bis du code général des impôts ; ".

14. Si la société requérante soutient que la somme de 48 969 euros a été portée au compte courant d'associé de M. A..., son actionnaire principal, en 2012 et qu'elle " était prescrite ", il résulte de l'instruction que l'intéressée a procédé à des versements de dividendes au bénéfice de M. A... par des paiements effectués les 15 février 2013, 11 juillet 2013 et 5 septembre 2013 pour des montants respectifs de 32 242 euros, 36 727 euros et de 24 997 euros. Aucune pièce ne vient établir que les sommes en cause auraient été portées en compte courant d'associé au cours de l'année 2012, la société n'ayant pas produit les livres légaux d'assemblée régulièrement cotés et paraphés permettant de justifier de la date de la décision de la distribution et se bornant à produire les écritures de passif de bilan issues d'une comptabilité, qui, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, est dépourvue de valeur probante. Par suite, l'administration était fondée à appliquer la retenue à la source sur la somme de 93 967 euros au titre de l'année 2013.

15. En deuxième lieu, en vertu du paragraphe 2 b de l'article 10 de la convention franco-italienne, la retenue à la source est plafonnée au taux de 15 % du montant brut des dividendes.

16. La société L'Etoile Telecom, qui soutient que M. A... était résident fiscal italien, se borne à produire un document en langue italienne concernant un revenu versé par une société italienne à M. A... et qui ne mentionne pas l'adresse de l'intéressé. Dans ces conditions, la résidence fiscale en Italie de l'intéressé ne peut être regardée comme établie et la requérante n'est, par suite, pas fondée à soutenir que l'administration fiscale devait faire application du taux de 15 % prévu par les stipulations précitées de la convention fiscale conclue entre la France et l'Italie.

Sur l'amende infligée sur le fondement de l'article 1737 du code général des impôts :

17. Aux termes de l'article 1737 du code général des impôts : " I.- Entraîne l'application d'une amende égale à 50 % du montant : / (...) 2. De la facture, le fait de délivrer une facture ne correspondant pas à une livraison ou à une prestation de service réelle (...) ".

18. Ainsi qu'il a été exposé aux points 8. à 10., l'administration démontre que la société L'Etoile Telecom a délivré des fausses factures de ventes de cartes de téléphones pour un montant de 145 054,39 euros aux sociétés GSB et Wild Falcon General Trading. Dans ces conditions, elle était fondée à lui infliger l'amende prévue par les dispositions précitées du code général des impôts.

Sur l'amende pour distributions occultes :

19. Aux termes de l'article 117 du code général des impôts : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. / En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759 ". Aux termes de l'article 1759 du même code : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées (...) ". Il résulte de ces dispositions que les indications fournies par une personne morale en réponse à l'invitation qui lui a été adressée par l'administration doivent présenter un degré suffisant de précision et de vraisemblance pour permettre à celle-ci de comprendre, le cas échéant, les sommes distribuées dans les bases d'imposition du contribuable désigné comme bénéficiaire de l'excédent de distribution.

20. L'administration fiscale a estimé que les charges, d'un montant total de 136 052 euros, correspondaient à des achats fictifs et devaient être considérées comme des revenus distribués au sens des dispositions du 1° de l'article 109-1 du code général des impôts. En application des dispositions précitées de l'article 117 dudit code, elle a demandé à la société requérante, par proposition de rectification du 29 février 2016, de désigner les bénéficiaires de cette distribution et l'a informée qu'en cas de réponse insuffisante ou de défaut de réponse dans un délai de trente jours, l'amende de 100 % prévue à l'article 1759 du même code serait appliquée. Par courrier du 25 avril 2016, la société s'est bornée à désigner comme bénéficiaires des revenus regardés comme distribués : " les bénéficiaires des paiements des factures ". Or, il résulte de ce qui a été dit au point 8. à 11. que cette désignation, qui s'inscrit dans un contexte frauduleux en l'absence de toute activité économique effective exercée par la société L'Etoile Telecom, ne peut être regardée comme présentant un degré suffisant de vraisemblance. C'est donc à bon droit que l'administration lui a infligé l'amende prévue par l'article 1759 du même code, égale à 100 % des sommes distribuées.

21. L'administration fiscale a interrogé la société requérante sur les bénéficiaires des distributions imposables au sens du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, aux termes duquel sont considérés comme revenus distribués tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital. L'article 110 du même code précise que pour l'application du 1° du 1 de l'article 109 précité, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés. Or il résulte de l'instruction que les bénéfices retenus à l'impôt sur les sociétés s'élèvent à 131 220 euros et non à 136 052 euros, ce dernier montant correspondant aux factures d'achats fictives. Il y a par suite lieu, sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen tiré de la doctrine administrative, de limiter la base de l'amende établie sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts à la somme de 131 220 euros.

22. Il résulte de ce qui précède que la société L'Etoile Telecom est seulement fondée à soutenir que la base de l'amende établie sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts doit être fixée à la somme de 131 220 euros et à obtenir la décharge en résultant. Pour le surplus, et sans qu'il soit besoin de faire droit à la demande d'expertise, elle n'est pas fondée à demander la décharge, en droits et pénalités, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de l'année 2014, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2014, du rappel de la retenue à la source auquel elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2014 ainsi que des amendes infligées en application du 2° du I de l'article 1737 du code général des impôts et de l'article 1759 du même code. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande présentée par la société L'Etoile Telecom sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement n° 1900314/1-1 du 16 décembre 2020 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La base de l'amende mise à la charge de la société L'Etoile Telecom sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts est fixée à la somme de 131 220 euros.

Article 3 : La société L'Etoile Telecom est déchargée de la différence entre l'amende mise à sa charge sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts et celle qui résulte de l'article précédent.

Article 4 : Le surplus de la demande de la société L'Etoile Telecom devant le Tribunal administratif de Paris et de ses conclusions d'appel est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société L'Etoile Telecom et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 2 février 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Platillero, président,

- M. Magnard, premier conseiller,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 février.

Le rapporteur,

F. MAGNARDLe président assesseur,

En application de l'article R. 222-26 du code

de justice administrative

F. PLATILLERO

Le greffier,

I. BEDR

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

2

N° 21PA00131


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA00131
Date de la décision : 16/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. PLATILLERO
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : GUILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-02-16;21pa00131 ?
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