La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/03/2022 | FRANCE | N°20PA02172

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 17 mars 2022, 20PA02172


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à sa charge au titre des années 2014 et 2015, ainsi que les pénalités correspondantes, suite au refus de l'administration de lui accorder le bénéfice d'un crédit d'impôt égal au montant de l'impôt français correspondant, en application de l'article 23-1. a) i) de la convention fiscale franco-japonaise visant à neutraliser la doub

le imposition des revenus et, d'autre part, au titre de l'année 2016, de lui a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à sa charge au titre des années 2014 et 2015, ainsi que les pénalités correspondantes, suite au refus de l'administration de lui accorder le bénéfice d'un crédit d'impôt égal au montant de l'impôt français correspondant, en application de l'article 23-1. a) i) de la convention fiscale franco-japonaise visant à neutraliser la double imposition des revenus et, d'autre part, au titre de l'année 2016, de lui accorder le bénéfice d'un crédit d'impôt égal au montant de l'impôt français en application des mêmes dispositions de cette convention.

Par un jugement n°s 1901735, 1820691 du 12 février 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 7 août 2020, Mme B..., représentée par Me Lamarre, doit être regardée comme demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 1901735, 1820691 du 12 février 2020 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de lui accorder le bénéfice des crédits d'impôt sollicités au titre des années 2014 à 2016 et, en conséquence, de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités correspondantes au titre des années 2014 et 2015.

Elle soutient que :

- elle est salariée de la société D... B... International, le lien de subordination étant avéré ; les revenus qu'elle a déclarés ne peuvent donc être imposés que dans la catégorie des salaires et traitements et non pas dans celles des revenus du patrimoine, ainsi que le soutient l'administration fiscale ;

- alors qu'elle a déjà été imposée sur ces salaires au Japon, elle a droit au crédit d'impôt prévu par les dispositions de l'article 23-1. a) i) de la convention fiscale franco-japonaise, aux fins de faire obstacle à la double imposition de ses salaires.

Par un mémoire en défense, enregistrés le 27 novembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par Mme B... n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention fiscale franco-japonaise du 3 mars 1995 visant à éviter les doubles impositions ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle portant sur les années 2014 et 2015, Mme B... a reçu une proposition de rectification aux termes de laquelle les sommes versées par la société D... B... International, qu'elle avait déclarées dans la catégorie des traitements et salaires et comme ouvrant droit à un crédit d'impôt égal à l'impôt français, en application du i) de l'article 23-1. a) de la convention fiscale franco-japonaise, étaient en réalité des revenus qu'elle avait perçus en qualité de membre du conseil d'administration de cette société, imposables en France dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en application de l'article 117 bis du code général des impôts, lui ouvrant seulement droit à un crédit d'impôt égal au montant de l'impôt japonais en application du ii) de ces mêmes stipulations. L'administration a ainsi ramené à 25 309 euros au titre de l'année 2014, et à 28 043 euros au titre de l'année 2015, le montant du crédit d'impôt octroyé à Mme B..., et l'a en conséquence assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de ces deux années. Au titre de l'année 2016, Mme B... a également mentionné dans sa déclaration des salaires de source japonaise, et demandé le bénéfice d'un crédit d'impôt égal à l'impôt français. L'administration fiscale a rejeté sa demande le 12 septembre 2018, en lui indiquant qu'une proposition de rectification lui serait adressée ultérieurement. Mme B... relève appel du jugement du 12 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant, d'une part, au titre des années 2014 et 2015, à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie, ainsi que des pénalités correspondantes et, d'autre part, au titre de l'année 2016, à l'octroi du bénéfice du crédit d'impôt sollicité.

2. Si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition. Par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification. Il lui appartient toutefois ensuite, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer, en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office, si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale.

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

3. Aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. (...) ". Aux termes de l'article 4 B du même code : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : / a. les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; (...) ". Aux termes de l'article 12 du même code : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année ". Aux termes de l'article 79 du même code : " Les traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères concourent à la formation du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu. " Et aux termes de l'article 117 bis du même code : " Les rémunérations allouées aux membres du conseil d'administration ou du conseil de surveillance des sociétés anonymes, à quelque titre que ce soit, à l'exclusion des salaires et des redevances de propriété industrielle, donnent lieu à la retenue à la source visée à l'article 119 bis. / Toutefois, demeurent assujettis au régime d'imposition des salaires, les émoluments qui sont attribués aux administrateurs ou aux membres du conseil de surveillance exerçant un emploi salarié pour les rétribuer de cet emploi. "

4. Mme B..., dont il est constant qu'elle avait en France son domicile fiscal, au sens de l'article 4B du code général des impôts, au cours des années 2014, 2015 et 2016, soutient que les sommes qui lui ont été versées par la société D... B... International au titre de ces trois années correspondent à des salaires. Pour contester cette qualification et décider de taxer les sommes en cause dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, l'administration fiscale relève qu'en réponse à la demande du service de fournir une copie intégrale de son contrat de travail et de ses bulletins de salaires, l'intéressée s'est initialement bornée à produire une note de l'administrateur, directeur général, indiquant le montant de sa rémunération en qualité d'administrateur, et n'a produit un contrat de travail qu'en réponse à la proposition de rectification du 31 janvier 2018, sans assortir cette production de bulletins de salaires. La traduction d'un contrat de travail daté du 27 août 2010, versée au dossier de l'instance par la requérante, n'est pas assortie de la copie d'un original comportant une signature et, contrairement à la traduction du procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire du même jour comportant la mention " signé (apposition de leur sceau )", ou à celle du registre des actionnaires établi le 15 décembre 2010 comportant la mention " sceau ", ne comporte aucune précision quant à l'éventuelle signature de ce contrat. De plus, ce document mentionne de façon très générale que Mme B... doit créer deux collections par an, collaborer avec les licenciés et les assister auprès des médias, fixe le montant de sa rémunération et le lieu de travail et inclut une clause de non-concurrence, sans prévoir aucune stipulation relative à l'encadrement de ses fonctions, au contrôle de leur exécution et à la soumission au pouvoir hiérarchique de l'employeur. Si Mme B... soutient qu'elle est actionnaire minoritaire et qu'elle ne peut dès lors pas s'opposer à une décision de la société la concernant, l'administration fiscale fait valoir, sans être contestée, que Mme B..., qui est la créatrice de la société SA D... B... International, détenait en 2010, selon l'attestation qu'elle a elle-même produite, 395 actions sur 1000, que son époux M. A..., décédé en 2011, en détenait 400 et que selon la loi japonaise, elle a hérité d'au moins un quart de ses parts en qualité d'héritière réservataire, ce qui lui permet de s'opposer à toute décision de la société à son égard. Et la requérante n'a pas produit au dossier de l'instance d'attestation plus récente qui tendrait à établir le caractère minoritaire de sa participation, comme elle le soutient, pour les trois années en cause.

5. Il résulte ainsi de l'instruction que Mme B... doit être regardée comme ayant accompli, au titre de la période en litige, un travail de styliste et de commercialisation de ses créations exercé en toute indépendance et sans être soumise à un lien de subordination caractérisant le statut de salarié. Elle n'est par suite pas fondée à soutenir que les sommes en cause, qui ont été à juste titre regardées par l'administration fiscale comme la rémunération de ses fonctions d'administrateur de la société, imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, auraient dû être imposées dans la catégorie des traitements et salaires.

En ce qui concerne l'application de la convention franco-japonaise :

6. Aux termes de l'article 15 de la convention franco-japonaise : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 16, 18, 19, 20 et 21, les salaires, traitements et

autres rémunérations similaires qu'un résident d'un Etat contractant reçoit au titre d'un emploi salarié ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'emploi ne soit exercé dans l'autre Etat contractant. Si l'emploi y est exercé, les rémunérations reçues à ce titre sont imposables dans cet autre Etat. ". Aux termes de l'article 16 de la même convention: " Les jetons de présence et autres rétributions similaires qu'un résident d'un Etat contractant reçoit en sa qualité de membre du conseil d'administration ou de surveillance d'une société qui est un résident de l'autre contractant sont imposables dans cet autre Etat ". Aux termes de l'article 23 de la convention : " 1. a) En ce qui concerne la France, les doubles impositions sont éliminées de la manière suivante. Les revenus qui proviennent du Japon, et qui sont imposables ou ne sont imposables qu'au Japon conformément aux dispositions de la présente Convention, sont pris en compte pour le calcul de l'impôt français lorsque leur bénéficiaire est un résident de France et qu'ils ne sont pas exemptés de l'impôt sur les sociétés en application de la législation interne française. Dans ce cas, l'impôt japonais n'est pas déductible de ces revenus, mais le bénéficiaire a droit à un crédit d'impôt imputable sur l'impôt français. Ce crédit d'impôt est égal : i) Pour les revenus non mentionnés au ii, au montant de l'impôt français correspondant à ces revenus ;/ ii) pour les revenus visés aux articles 10, 11, aux paragraphes 1, 2 et 3 de l'article 13, au paragraphe 3 de l'article 15, et aux articles 16 et 17, au montant de l'impôt payé au Japon conformément aux dispositions de la présente Convention ; toutefois, ce crédit d'impôt ne peut excéder le montant de l'impôt français correspondant à ces revenus. (...). Ces stipulations doivent être comprises conformément au principe d'interprétation posé au 2 de l'article 3 de la convention, aux termes duquel : " Pour l'application de la Convention à un moment donné par un Etat contractant, tout terme ou expression qui n'y est pas défini a, sauf si le contexte exige une interprétation différente, le sens que lui attribue, à ce moment, le droit de cet Etat contractant concernant les impôts auxquels s'applique la Convention, le sens attribué à ce terme ou expression par le droit fiscal de cet Etat contractant prévalant sur le sens que lui attribuent les autres branches du droit de cet Etat contractant".

7. Dès lors qu'en application de la loi fiscale française, les rémunérations en cause relèvent, pour leur soumission à l'impôt sur le revenu, de la catégorie des capitaux mobiliers, perçus par Mme B... en sa qualité de membre du conseil d'administration de la société D... B... International, il découle de la règle énoncée par les stipulations précitées du 2 de l'article 3 de la convention franco-japonaise, et alors que le contexte n'exige pas une interprétation différente, que ces rémunérations doivent, pour l'application des clauses de la convention répartissant le pouvoir d'imposer entre les deux Etat, être regardées comme reçues au titre des jetons de présence et rétributions similaires au sens des stipulations de l'article 16 de la même convention, imposables à ce titre au Japon.

8. Par suite, et alors qu'il est constant que Mme B... était un " résident de France " au sens de l'article 4 et des dispositions précitées de l'article 23 de la convention, les revenus en cause, qui étaient imposables au Japon, pouvaient être pris en compte pour le calcul de l'impôt français, la contribuable pouvant bénéficier d'un crédit d'impôt égal au montant de l'impôt japonais en application du ii) de l'article 23-1. a) de la convention.

9. En revanche, pour les motifs énoncés au point 7, et alors même que les sommes en litige auraient fait l'objet d'une retenue à la source au Japon, Mme B... ne pouvait pas bénéficier, comme elle le soutient, du crédit d'impôt égal à l'impôt français en application des stipulations du i) de ce même article. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration fiscale a, pour les trois années en litige, rejeté sa demande tendant au bénéfice d'un crédit d'impôt égal à l'impôt français.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction régional des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris.

Délibéré après l'audience du 17 février 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, président de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, président assesseur,

- M. Aggiouri, premier conseiller.

Rendu public par mise à dispositions au greffe, le 17 mars 2022.

La rapporteure,

C. VRIGNON-VILLALBALa présidente,

H. VINOT

La greffière,

F. DUBUY-THIAM

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20PA02172 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA02172
Date de la décision : 17/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Textes fiscaux - Conventions internationales.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: Mme Cécile VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : SCP DESFILIS et MC GOWAN

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-03-17;20pa02172 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award