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23/03/2022 | FRANCE | N°21PA06585

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 23 mars 2022, 21PA06585


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision rejetant sa demande de versement des intérêts moratoires sur la somme de

178 498 euros et d'enjoindre à l'administration fiscale de réexaminer sa demande tendant au versement desdits intérêts moratoires dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 2009155-1/1 du 27 octobre 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistré

e le 22 décembre 2021, M. B..., représenté par Me Eric Planchat, demande à la Cour :

1°) d'annuler ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision rejetant sa demande de versement des intérêts moratoires sur la somme de

178 498 euros et d'enjoindre à l'administration fiscale de réexaminer sa demande tendant au versement desdits intérêts moratoires dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 2009155-1/1 du 27 octobre 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 22 décembre 2021, M. B..., représenté par Me Eric Planchat, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 27 octobre 2021 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision rejetant sa demande de versement des intérêts moratoires sur la somme de 178 498 euros et d'enjoindre à l'administration fiscale de réexaminer cette demande tendant au versement desdits intérêts dans un délai de trente jours ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les dispositions de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales obligent l'État à verser des intérêts lors du remboursement d'un impôt indûment payé ;

- par une décision en date du 22 juillet 2016, le Conseil constitutionnel a considéré que le deuxième alinéa du paragraphe IV de l'article 1736 du Code Général des Impôts était contraire à la Constitution ;

- les sommes versées en application de dispositions contraires à la Constitution n'étaient pas dues ;

- leur remboursement doit donner lieu à l'octroi des intérêts moratoires prévus par l'article L. 208 du livre des procédures fiscales.

La présente requête a été dispensée d'instruction en application des dispositions de l'article R. 611-8 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Magnard,

- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a souhaité bénéficier des termes de la circulaire n° 672 du 21 juin 2013 en régularisant auprès du Service de Traitement des Déclarations Rectificatives (STDR) de la Direction Nationale des Vérifications de Situations Fiscales (DNVSF), sa situation fiscale au regard d'avoirs détenus à l'étranger et non déclarés en contravention avec ses obligations fiscales. Le 30 juin 2016, M. B... a signé avec l'administration fiscale une transaction n° 4822-SD à l'issue de laquelle les impositions correspondantes ont été mises en recouvrement le 18 juillet 2016, et le redevable s'est acquitté, en deux versements intervenus les 20 mai 2014 et 29 juillet 2016, de l'intégralité des sommes laissées à sa charge après avoir bénéficié des remises transactionnelles consenties. Toutefois, le 27 décembre 2017, M. B... a contesté les amendes fiscales mises à sa charge sur le fondement du 2ème alinéa de l'article 1736- IV du code général des impôts, ainsi que le bien-fondé des impositions qui lui ont été assignées au titre des années 2006 à 2012 dans le cadre de la régularisation de ses avoirs détenus à l'étranger. Le 3 décembre 2019 la DNVSF a rendu des décisions d'admission partielle aux termes desquelles elle a admis de prendre en compte le caractère inconstitutionnel de l'amende proportionnelle prévue au 2ème alinéa du paragraphe IV de l'article 1736 du code général des impôts après l'intervention de la décision du Conseil constitutionnel du 22 juillet 2016 2016-654 QPC. Elle a, par suite, prononcé des dégrèvements d'office à due concurrence pour un excédent de versement de 576 288 euros, dont le montant a été remboursé au contribuable par virement bancaire le 10 février 2020. Par lettre du 28 février 2020, M. B... a sollicité, en invoquant l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, l'attribution d'intérêts moratoires calculés sur la base du montant de ce remboursement. Le 22 juin 2020, la responsable du pôle de recouvrement spécialisé de la DNVSF a procédé au versement en sa faveur d'une somme de 46 898,25 euros à titre d'intérêts moratoires relatifs aux impôts sur le revenu et aux prélèvements sociaux, en refusant, toutefois, le paiement d'intérêts moratoires sur la somme de 178 498 euros remboursée au titre de l'amende fiscale. Par la présente requête M. B... relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce refus et à ce qu'il soit enjoint à l'administration de réexaminer sa demande dans un délai de trente jours.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de rejet de la réclamation préalable :

2. La décision par laquelle l'administration statue sur la réclamation contentieuse du contribuable ne constitue pas un acte détachable de la procédure d'imposition. Elle ne peut, en conséquence, être déférée à la juridiction administrative par la voie du recours pour excès de pouvoir et ne peut faire l'objet d'un recours contentieux qu'au titre de la procédure fixée par les articles L. 190 et suivants du livre des procédures fiscales. Dès lors, les conclusions de

M. B... tendant à l'annulation de la décision rejetant sa réclamation préalable sont en tout état de cause irrecevables.

Sur les autres conclusions de la requête :

3. D'une part, aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : " Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts. Les intérêts courent du jour du paiement. Ils ne sont pas capitalisés ".

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 251 du livre des procédures fiscales :

" Lorsqu'une transaction est devenue définitive après accomplissement des obligations qu'elle prévoit et approbation de l'autorité compétente, aucune procédure contentieuse ne peut plus être engagée ou reprise pour remettre en cause les pénalités qui ont fait l'objet de la transaction ou les droits eux-mêmes ".

5. Enfin, aux termes du IV de l'article 1736 du même code, dans sa version alors en vigueur : " Les infractions aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 1649 A et de l'article 1649 A bis sont passibles d'une amende de 1 500 € par compte ou avance non déclaré. Toutefois, pour l'infraction aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 1649 A, ce montant est porté à 10 000 € par compte non déclaré lorsque l'obligation déclarative concerne un Etat ou un territoire qui n'a pas conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales permettant l'accès aux renseignements bancaires. / Si le total des soldes créditeurs du ou des comptes à l'étranger non déclarés est égal ou supérieur à 50 000 € au 31 décembre de l'année au titre de laquelle la déclaration devait être faite, l'amende par compte non déclaré est égale à 5 % du solde créditeur de ce même compte (...) ".

6. Il résulte de l'instruction que, conformément aux termes du contrat de transaction du 30 juin 2016, M. B... s'est acquitté de l'intégralité de la dette laissée à sa charge, après prise en compte des remises transactionnelles qui lui ont été accordées. La transaction elle-même rappelait les dispositions, citées au point 4., de l'article L. 251 du livre des procédures fiscales s'opposant à toute reprise d'action contentieuse. Les obligations prévues par la transaction, laquelle avait été régulièrement approuvée par l'autorité administrative compétente, ayant été entièrement exécutées, elles s'opposaient à la remise en cause, par la voie contentieuse, des droits et des pénalités objet de la transaction. Il en résulte que la réclamation contentieuse introduite par le requérant était irrecevable. La circonstance que ce dernier a bénéficié d'un dégrèvement des amendes mises à sa charge sur le fondement du 2ème alinéa de l'article 1736- IV du code général des impôts ne saurait par suite ouvrir droit au versement d'intérêts moratoires. Au surplus, il résulte des dispositions précitées de l'article 1736 du code général des impôts que le législateur a institué une sanction destinée à lutter contre la fraude fiscale en incitant les contribuables qu'elle vise à respecter leurs obligations déclaratives prévues par les dispositions de l'article 1649 A du code général des impôts. Cette sanction, qui est régie par des dispositions particulières, ne peut ainsi être assimilée à un impôt au sens de l'article L. 208 précité du livre des procédures fiscales. Ainsi, le requérant, à supposer que ses conclusions puissent être considérées comme tendant à l'octroi des intérêts moratoires dont l'administration lui a refusé le versement, n'est pas fondé à réclamer le versement desdits intérêts moratoires à raison du dégrèvement de l'amende prononcée en application du IV de l'article 1736 du code général des impôts.

7. Par elle-même, la non-application des dispositions particulières de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales au remboursement de sommes n'ayant pas le caractère d'un impôt ne saurait être regardée comme méconnaissant les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, aux termes duquel : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ", dès lors qu'elle ne fait pas obstacle, s'agissant du remboursement de ces sommes, à l'octroi des intérêts de droit commun. Au surplus, et en tout état de cause, M. B... ne saurait utilement se prévaloir de la méconnaissance de ces stipulations dès lors que le dégrèvement dont il a bénéficié a été accordé d'office en réponse à une réclamation irrecevable.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que le requérant demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B....

Copie en sera adressée au ministre de l'économie, des finances et de la relance et au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 9 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. Platillero, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mars 2022.

Le rapporteur,

F. MAGNARDLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

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N° 21PA06585


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA06585
Date de la décision : 23/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : CABINET NATAF et PLANCHAT

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-03-23;21pa06585 ?
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