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11/04/2022 | FRANCE | N°21PA02026

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 11 avril 2022, 21PA02026


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une ordonnance du 3 avril 2019, le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a transmis au Tribunal administratif de Paris la requête présentée par la société Marciano.

La société Marciano a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 14 novembre 2018 par laquelle la société SNCF Réseau a rejeté sa demande préalable d'indemnisation des préjudices subis du fait des travaux du chantier de construction de la nouvelle gare EOLE sur le rond-point de la place

de la Porte Maillot, de condamner les sociétés SNCF Réseau et SNCF Mobilités à lui ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une ordonnance du 3 avril 2019, le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a transmis au Tribunal administratif de Paris la requête présentée par la société Marciano.

La société Marciano a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 14 novembre 2018 par laquelle la société SNCF Réseau a rejeté sa demande préalable d'indemnisation des préjudices subis du fait des travaux du chantier de construction de la nouvelle gare EOLE sur le rond-point de la place de la Porte Maillot, de condamner les sociétés SNCF Réseau et SNCF Mobilités à lui verser solidairement, ou subsidiairement, chacune pour sa part ou, en tout cas, l'une à défaut de l'autre, une indemnité de 223 366 euros hors taxes, majorée de la taxe sur la valeur ajoutée et assortie des intérêts au taux légal à compter du 7 juin 2018, de mettre à la charge des sociétés SNCF Réseau et SNCF Mobilités une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par jugement n° 1906508/5-1 du 18 février 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et deux mémoires complémentaires enregistrés les 19 avril, 15 novembre 2021 et 14 mars 2022, la société Marciano, représentée par Me Salon, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1906508/5-1 du 18 février 2021 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du directeur du projet EOLE-NexTEO du 14 novembre 2018 ;

3°) de condamner la société SNCF Réseau à lui verser une indemnité de 223 366 euros hors taxes, majorée de la taxe sur la valeur ajoutée, soit 268 039 euros TTC, assortis des intérêts au taux légal à compter du 7 juin 2018, avec capitalisation des intérêts à cette date, ainsi qu'à chaque échéance annuelle ultérieure ;

4°) de mettre à la charge de la société SNCF Réseau la somme de 3500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué a été rendu en méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure juridictionnelle et du principe d'égalité des armes tels qu'ils résultent des stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que la société Marciano n'a pas eu communication du mémoire de la société SNCF Réseau enregistré le 27 janvier 2021, et n'a pas été mise en mesure d'y répondre et qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que ce mémoire ne comportait pas d'élément nouveau ;

- les premiers juges ont insuffisamment motivé leur jugement en considérant que le préjudice subi par la société Marciano de baisse de son chiffre d'affaires de 2 640 000 euros hors taxes pour 2016 à 2 164 841 euros hors taxes en 2017 soit une baisse de 18,4% n'était pas d'une gravité suffisante pour engager la responsabilité sans faute de la société SNCF Réseau et en ne répondant pas aux arguments de la société requérante selon lesquels cette baisse de chiffre d'affaires de 18,4% s'est traduite par un résultat déficitaire en 2017 de 160 982 euros et une baisse de résultat d'exploitation de 400 % par rapport au bénéfice réalisé en 2016 ;

- les premiers juges ont commis une erreur de droit et une erreur de qualification juridique des faits en considérant que la circonstance que les boutiques de la société Marciano sont restées ouvertes démontre que les travaux litigieux n'ont pas rendu impossible ou même excessivement difficile l'accès à la galerie commerciale et aux boutiques de la société Marciano sans rechercher si, tout en permettant de maintenir ces boutiques ouvertes, ils n'avaient pas eu pour effet de rendre leur accès suffisamment difficile et causer à la société Marciano un préjudice anormal et spécial ;

- la gravité du préjudice subi et son caractère spécial sont établis ;

- l'évaluation de son préjudice s'élève à la somme de 223 366 euros hors taxes correspondant au manque à gagner du fait de la réalisation des travaux de construction de la nouvelle gare EOLE.

Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire enregistrés les 11 octobre et le 29 novembre 2021, la société SNCF Réseau, représentée par Me Hansen, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Marciano au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par la société Marciano ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Ho Si Fat,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- et les observations de Me Salon, représentant la société Marciano et de Me Le Coutour Tancrède, représentant la société SNCF Réseau.

Une note en délibéré a été présentée par la société Marciano le 21 mars 2022.

Une note en délibéré a été présentée par la société SNCF Réseau le 24 mars 2022.

Considérant ce qui suit :

1. La société Marciano exploite deux magasins de vêtements sous les enseignes " Marciano " et " Harvard " au rez-de-chaussée de la galerie commerciale du Palais des congrès située Porte Maillot, à Paris. Le 7 juin 2018, elle a demandé à la commission d'indemnisation amiable mise en place par la société SNCF Réseau l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des travaux de construction de la nouvelle gare EOLE sur le rond-point de la place de la Porte Maillot. Par décision du 14 novembre 2018, la société SNCF Réseau a rejeté sa demande. La société Marciano a alors introduit devant le Tribunal administratif de Paris une demande tendant à l'annulation de cette décision et de condamnation de la société SNCF Réseau à la réparation des préjudices subis. Par jugement du 18 février 2021, le tribunal administratif a rejeté sa demande. La société Marciano relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, la société Marciano soutient que le jugement attaqué a été adopté en méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure et du principe d'égalité des armes tel que garanti par les stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle n'a pas eu communication du mémoire de la société SNCF Réseau enregistré le 27 janvier 2021 et qu'elle n'a pas été mise en mesure d'y répondre. Toutefois, il résulte de l'instruction que le second mémoire en défense de la société SNCF Réseau enregistré le 27 janvier 2021 se bornait à répondre aux arguments de la société Marciano, sans apporter d'éléments nouveaux. Dans ces conditions, le tribunal n'avait pas l'obligation, au sens de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, de communiquer ce second mémoire en défense à la société requérante. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire et du principe d'égalité des armes tel que garanti par les stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

3. En second lieu, la société Marciano soutient que les premiers juges ont insuffisamment motivé le jugement attaqué en ne répondant pas à l'intégralité des arguments développés, notamment ceux relatifs au fait que la baisse de son chiffre d'affaires de 18,4 % s'est traduite par un résultat déficitaire en 2017 et une baisse de résultat d'exploitation de 400 % par rapport au bénéfice réalisé en 2016. Toutefois, il ressort des termes mêmes du jugement attaqué que les premiers juges, ont écarté de manière précise et détaillée aux points 5 à 7 dudit jugement les demandes indemnitaires de la société requérante aux motifs, d'une part, que les travaux litigieux n'ont pas rendu impossible ou même excessivement difficile l'accès aux boutiques de la société requérante qui sont restées ouvertes durant toute la période et, d'autre part, qu'il n'est pas établi que la fermeture d'une station-service et d'un garage automobile ainsi que de plusieurs boutiques auraient réduit fortement la fréquentation de la galerie commerciale et causé à la société requérante un préjudice anormal. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation du jugement attaqué doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. La responsabilité du maître de l'ouvrage est engagée, même sans faute, à raison des dommages que l'ouvrage public dont il a la garde peut causer aux tiers. Il appartient toutefois au riverain d'une voie publique qui entend obtenir réparation des dommages qu'il estime avoir subis à l'occasion d'une opération de travaux publics à l'égard de laquelle il a la qualité de tiers d'établir, d'une part, le lien de causalité entre cette opération et les dommages invoqués, et, d'autre part, le caractère anormal et spécial de son préjudice, les riverains des voies publiques étant tenus de supporter sans contrepartie les sujétions normales qui leur sont imposées dans un but d'intérêt général.

5. En premier lieu, la société Marciano soutient que les premiers juges, en se fondant sur la circonstance que les boutiques qu'elle exploite sont restées ouvertes pendant toute l'année 2017, ont estimé à tort que l'accès à ces magasins n'a pas été rendu excessivement difficile et qu'ils ont commis une erreur de droit en jugeant que ladite société n'a pas subi un préjudice anormal.

6. Si les travaux de construction de la gare EOLE sur le rond-point de la porte Maillot ont pu occasionner une gêne pour l'activité commerciale des boutiques se situant au sein du Palais des congrès, en raison notamment des conditions rendues plus difficiles de la circulation automobile et piétonne, des nuisances sonores, et de la fermeture temporaire d'une des entrées du parking souterrain réduisant le nombre de places de stationnement disponibles, il résulte toutefois de l'instruction que les boutiques de la société Marciano sont restées ouvertes tout au long de la période litigieuse et que l'accès à la galerie commerciale et par conséquent à ces boutiques, ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, n'a pas été rendu impossible ou même excessivement difficile du fait de ces travaux. En outre, il résulte également de l'instruction que si la fermeture d'une station-service et d'un garage automobile au parking de la galerie a pu gêner la clientèle, il n'est pas établi que cette fermeture aurait entraîné une forte baisse de la fréquentation de la galerie commerciale et causé à la société requérante un préjudice anormal.

7. En second lieu, la société Marciano soutient que les premiers juges ont commis une erreur de qualification juridique des faits en jugeant que la baisse de son chiffre d'affaires de 2 640 899 euros hors taxes pour l'exercice 2016 à 2 164 841 euros hors taxes en 2017, soit une baisse de 18,4 % sur un an n'était pas d'une gravité telle que le préjudice subi puisse être regardé comme présentant un caractère anormal et spécial.

8. Il résulte toutefois de l'instruction que le chiffre d'affaires de la société requérante était déjà en baisse avant le début des travaux, étant passé de 2 668 478 euros hors taxes en 2015 à 2 640 899 euros hors taxes en 2016, qu'elle exerce son activité dans le secteur concurrentiel de la mode qui ne compte pas moins d'une vingtaine de boutiques au sein de la galerie commerciale et que la clientèle du Palais des Congrès est principalement une clientèle congressiste et internationale. En outre, si la société Marciano fait valoir que la fermeture de plusieurs boutiques au sein de la galerie commerciale a réduit son attractivité et par suite sa fréquentation, il ne résulte pas de l'instruction que ces fermetures ont un lien direct avec les travaux litigieux. Par suite, la société Marciano n'établit pas que le préjudice subi aurait un caractère anormal et spécial et que les inconvénients qui ont résulté pour elle de l'opération de travaux publics litigieuse auraient excédé les sujétions que doivent normalement supporter les riverains des voies publiques faisant l'objet de travaux réalisés dans un but d'intérêt général.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Marciano n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.

Sur les frais liés à l'instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société SNCF Réseau, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la société Marciano au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la société SNCF Réseau présentées sur le même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Marciano est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société SNCF Réseau présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Marciano et à SNCF Réseau.

Copie en sera adressé à la société SNCF Voyageurs.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Le Goff, président,

- M. Ho Si Fat, président-assesseur,

- Mme Collet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2022.

Le rapporteur,

F. HO SI FAT Le président,

R. LE GOFF

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA02026


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA02026
Date de la décision : 11/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LE GOFF
Rapporteur ?: M. Frank HO SI FAT
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SCP UGGC ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-04-11;21pa02026 ?
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