La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/05/2022 | FRANCE | N°20PA01993

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 10 mai 2022, 20PA01993


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner Île-de-France Mobilités (IDFM) à lui payer la somme de 36 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 novembre 2018, et de la capitalisation des intérêts.

Par un jugement n° 1822964/4-2 du 13 juillet 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 30 juillet 2020, M. B..., représenté par Me Boisseau, demande à la C

our :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 13 juillet 2020 ;

2°) de c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner Île-de-France Mobilités (IDFM) à lui payer la somme de 36 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 novembre 2018, et de la capitalisation des intérêts.

Par un jugement n° 1822964/4-2 du 13 juillet 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 30 juillet 2020, M. B..., représenté par Me Boisseau, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 13 juillet 2020 ;

2°) de condamner IDFM à lui payer la somme de 60 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 novembre 2018, et de la capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de Île-de-France Mobilités une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur la circonstance que son site " kivahoo.com " aurait proposé des prix librement fixés, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 3132-1 du code des transports ;

- il incombait au tribunal administratif de s'assurer de la réalité de ce motif de rejet de sa première demande de référencement ;

- ce motif ne pouvait, en tout état de cause, justifier le rejet de sa première demande de référencement ;

- il n'est pas établi que IDFM ait effectué des tests de validation avant de rejeter sa seconde demande de référencement ;

- l'interface de programmation de son site " nocar.fr " respectait les prescriptions techniques exigées;

- le tribunal administratif a méconnu les règles de preuve, outrepassé son pouvoir d'instruction et violé le principe de la contradiction, en estimant qu'il n'établissait pas que ce second site était éligible au référencement ;

- en refusant de référencer son site " nocar.fr " sur la plateforme " Vianavigo ", IDFM a méconnu le principe d'égalité et commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;

- le refus de référencer ses sites sur la plateforme " Vianavigo " lui a causé un préjudice qui doit être réparé à hauteur de 60 000 euros, dont 12 000 euros à raison du temps consacré à son application " nocar.fr ", 28 000 euros à raison de la perte de chiffre d'affaires, et 20 000 euros à raison de la perte de renommée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 octobre 2021, IDFM, représenté par Me Sery, conclut au rejet de la requête, et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les conclusions indemnitaires de M. B... sont irrecevables en ce qu'elles excèdent le montant de 36 000 euros, demandé en première instance ;

- les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 11 février 2022, M. B... conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens. Il demande en outre à la Cour d'enjoindre à IDFM d'intégrer son site " nocar.fr " sur la plateforme " Vianavigo ", dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, et de référencer dans le même délai et sous la même astreinte ce site sur la page " https://www.iledefrance-mobilites.fr/le-reseau/services-de-mobilite/covoiturage/les-entreprises-de-covoiturage ".

Il soutient en outre que :

- il est recevable à actualiser le montant de son préjudice ;

- " le covoiturage concourt à la protection de l'environnement et constitue une mesure facile à mettre en œuvre (et gratuite pour les pouvoirs publics) permettant de contenir les émissions de gaz à effet de serre " ; il est donc fondé à demander à demander à la Cour de prononcer les injonctions mentionnées ci-dessus.

Par une ordonnance du 23 mars 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 8 avril 2022.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la Cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions à fin d'injonction du mémoire en réplique présenté par M. B... le 11 février 2022, ces conclusions étant nouvelles en appel.

Par un mémoire, enregistré le 6 avril 2022, M. B... conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens.

Par un mémoire, enregistré le 7 avril 2022, IDFM conclut aux mêmes fins que dans son précédent mémoire en défense, par les mêmes moyens. IDFM soutient en outre que les conclusions à fin d'injonction de M. B... sont nouvelles en appel et, donc, irrecevables.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des transports ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de Mme Mach, rapporteure publique,

- les observations de Me Boisseau, pour M. B...,

- et les observations de Me Condamine, substituant Me Sery, pour l'établissement public Île-de-France Mobilités.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., auto-entrepreneur ayant développé le site Internet de covoiturage " kivahoo.com " a, le 18 septembre 2017, demandé au syndicat mixte des transports d'Île-de-France, devenu l'établissement public Île-de-France Mobilités (IDFM), de référencer son site sur la plateforme " Vianavigo ", mise en place par cet établissement. Le 12 octobre 2017, IDFM a rejeté sa demande. Ayant développé un nouveau site Internet sous l'appellation " nocar.fr ", M. B... a, par un courrier électronique du 1er décembre 2017 et par un courrier du 5 décembre suivant, de nouveau sollicité un référencement sur cette plateforme. IDFM, après lui avoir rappelé, par un courrier du 13 février 2018, que l'intégration de son site au service " Vianavigo " supposait la réalisation de l'interface technique imposée à tous les opérateurs, a, par un courrier électronique du 20 mars 2018, annoncé engager une phase de test du site en vue de son intégration. Estimant que le site n'avait pas été développé dans les conditions demandées, IDFM a finalement, le 17 mai 2018, refusé de conclure une convention de partenariat avec M. B.... Par un courrier du 19 septembre 2018, M. B... a saisi le président d'IDFM d'une demande préalable en vue de l'indemnisation du préjudice qu'il estimait avoir subi en raison du refus de référencer ses applications " kivahoo.fr " et " nocar.fr ". Le président d'IDFM ayant implicitement rejeté cette demande, M. B... a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner IDFM à indemniser ce préjudice. Il fait appel du jugement du 13 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, contrairement à ce que soutient M. B..., il n'appartenait pas au tribunal administratif de s'assurer de ce que, ainsi que IDFM l'avait relevé dans son courrier électronique du 12 octobre 2017, son site " kivahoo.com " proposait des prix librement fixés, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 3132-1 du code des transports, ce qu'il n'avait pas contesté dans ses écritures. C'est donc sans entacher son jugement d'irrégularité que le tribunal a estimé que IDFM avait pu, pour ce seul motif, rejeter sa première demande de référencement.

3. En second lieu, en estimant que les services de IDFM ont bien effectué des tests de validation du site " nocar.fr ", et qu'il n'est pas établi que l'interface de programmation de ce site respectait les prescriptions techniques exigées, le tribunal administratif n'a méconnu ni les règles de preuve, ni les limites de son pouvoir d'instruction, ni le principe du contradictoire. Le bienfondé de son jugement est sans incidence sur sa régularité.

Sur le bienfondé du jugement attaqué :

4. Aux termes de l'article L. 1231-8 du code des transports : " Les autorités organisatrices de la mobilité dont les ressorts territoriaux sont inclus dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants (...) instaurent un service d'information, consacré à l'ensemble des modes de transports et à leur combinaison, à l'intention des usagers, en concertation avec l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements et les entreprises publiques ou privées de transports ". Aux termes de l'article L. 1241-1 du même code, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Le Syndicat des transports d'Ile-de-France est l'autorité organisatrice des services de transports publics réguliers de personnes dans la région Ile-de-France, (...). / Le syndicat peut y organiser des services de transports à la demande. / Le syndicat assure les missions et y développe les services mentionnés à l'article L. 1231-8. / (...) / Le syndicat peut, seul ou conjointement avec des collectivités territoriales ou des groupements de collectivités intéressés, en cas d'inexistence, d'insuffisance ou d'inadaptation de l'offre privée, mettre à la disposition du public des plateformes dématérialisées facilitant la rencontre des offres et des demandes de covoiturage. Il peut créer un signe distinctif des véhicules utilisés dans le cadre d'un covoiturage. Dans ce cas, il définit au préalable les conditions d'attribution du signe distinctif ". Aux termes de l'article L. 3132-1 de ce code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le covoiturage se définit comme l'utilisation en commun d'un véhicule terrestre à moteur par un conducteur et un ou plusieurs passagers, effectuée à titre non onéreux, excepté le partage des frais, dans le cadre d'un déplacement que le conducteur effectue pour son propre compte. Leur mise en relation, à cette fin, peut être effectuée à titre onéreux et n'entre pas dans le champ des professions définies à l'article L. 1411-1 ".

5. Par une délibération du 1er juin 2016, le conseil du syndicat des transports d'Ile-de-France a approuvé le développement d'un service de référence d'information au voyageur, au moyen de l'application mobile " Vianavigo " et du site " vianavigo.com ", proposant notamment, pour la période 2017-2019, de " couvrir les modes partagés (autopartage principalement) ainsi que les services proposés par des opérateurs privés ", et de " fournir une fonction de recherche des solutions de covoiturage en lien avec les opérateurs et les plateformes existants ". Par une délibération du 30 mai 2017, le conseil syndical a approuvé le plan d'actions en faveur des nouvelles gares d'Ile-de-France, comprenant notamment une " feuille de route pour le covoiturage ", consistant en des expérimentations pour inciter au covoiturage par des avantages pratiques ou une prime financière, et une " feuille de route numérique ", visant à " développer l'ensemble des modes de transport dans Vianavigo afin d'en faire un moteur de recherche multimodal intégrant l'ensemble des mobilités ".

6. Il résulte de l'instruction que le syndicat des transports d'Ile-de-France, devenu l'établissement public IDFM, a rédigé une convention-type de partenariat pour la " publication d'offres de covoiturage (...) sur le service d'information multimodal francilien Vianavigo " ayant pour objet de définir les conditions et les modalités de partenariat avec les entreprises proposant une plateforme de mise en relation de covoiturage, tel que défini par les dispositions citées ci-dessus de l'article L. 3132-1 du code des transports, afin de diffuser sur la plateforme " Vianavigo " les données des offres de trajets en covoiturage via une interface informatique. En vertu de l'article 4 de cette convention, les entreprises s'engagent à mettre à disposition une interface de programmation (" application programming interface " - API) respectant la documentation technique figurant à l'annexe 4. Il résulte également de l'instruction que, dans le cadre de l'expérimentation d'une prime de covoiturage, le syndicat a ensuite rédigé une convention-type de financement ayant pour objet de définir les conditions et modalités du soutien financier qu'il est susceptible d'accorder aux opérateurs de covoiturage participant à l'opération " Tous ensemble pour le covoiturage ", éligible pour la période du 1er janvier 2018 au 31 octobre 2018, et aux opérations " perturbations dans les transports " et " pics de pollution ", éligibles sur la période du 21 mars 2018 au 30 juin 2019, et consistant en une bonification de 2 à 4 euros par trajet selon le type d'opération.

7. En premier lieu, en se référant à la politique tarifaire telle qu'elle était, selon lui, exposée sur le site " kivahoo.com ", selon lequel " Le but du covoiturage est de réduire les frais et non de faire des bénéfices ", sans établir que ces informations figuraient sur le site à jour au mois d'octobre 2017, M. B... ne démontre pas que le courrier électronique du 12 octobre 2017 par lequel IDFM a refusé de référencer ce site sur la plateforme " Vianavigo ", serait erroné en ce qu'il a retenu qu'il proposait des prix librement fixés. Il ne saurait davantage contester ce motif du rejet de sa demande de référencement en se référant aux conditions générales d'utilisation du site " nocar.fr " dans sa version à jour en janvier 2018, et aux informations consultables sur le site dans sa version à jour en septembre 2018. De plus, contrairement à ce qu'il soutient, la circonstance que le site " kivahoo.com " proposait des prix librement fixés, était, compte tenu des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 3132-1 du code des transports, de nature à justifier le rejet de sa demande de référencement. Il n'est donc pas fondé à contester la légalité du rejet de sa première demande, et à faire état d'une faute commise en conséquence par IDFM.

8. En second lieu, en se référant aux courriers qu'il leur a adressés, M. B... ne démontre pas que les services de IDFM n'auraient pas effectué les tests de validation mentionnés dans leur courrier du 17 mai 2018 refusant de conclure avec lui une convention de partenariat concernant le site " nocar.fr ", au motif qu'il n'avait pas réalisé " une API respectant la documentation technique ". En produisant un script de simulation au format " JavaScript Object Notation " (JSON), réalisé le 19 juillet 2019, comportant notamment la mention requise " status : 200 ", attestant que le serveur fonctionnait à cette date, ainsi qu'une pièce intitulée " Fichier Json rendu sur requête carpooljourneys au 13/06/2018 ", il n'établit pas que l'interface de programmation respectait les prescriptions de la documentation technique figurant à l'annexe 4 de la convention-type de partenariat, à la date du 17 mai 2018. N'établissant pas que son site aurait, à l'instar des sites des autres opérateurs de covoiturage référencés, été éligible au référencement, il n'est pas fondé à soutenir qu'IDFM aurait méconnu le principe d'égalité en refusant de conclure une convention de partenariat avec lui, et aurait ainsi commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

9. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par IDFM, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Les conclusions à fin d'injonction du mémoire en réplique présenté par M. B... le 11 février 2022, ne peuvent, compte tenu de qui vient d'être dit, qu'être rejetées.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de IDFM, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de M. B... une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par IDFM et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : M. B... versera à IDFM une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à Île-de-France Mobilités.

Délibéré après l'audience du 19 avril 2022, à laquelle siégeaient :

M. Célérier, président de chambre,

M. Niollet, président-assesseur,

Mme Labetoulle, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 mai 2022.

Le rapporteur,

J-C. C...Le président,

T. CELERIER

La greffière,

K. PETIT

La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA01993


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA01993
Date de la décision : 10/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: Mme MACH
Avocat(s) : SCHROEDER ET BOISSEAU ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-05-10;20pa01993 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award