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12/05/2022 | FRANCE | N°21PA02198

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 12 mai 2022, 21PA02198


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Les sociétés Axa France et Sogeidi ont demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à verser à la société Axa France la somme de 45 175,79 euros et la somme de 1 049,25 euros à la société Sogeidi, augmentées des intérêts au taux légal à compter du 10 juillet 2019 et de la capitalisation de ces intérêts, en réparation des préjudices que la société Sogeidi estime avoir subis du fait des dommages occasionnés par des manifestants le 1er décembre 2018.

Par un jugement n°1

923654/3-2 le tribunal administratif de Paris a partiellement fait droit à leur demande en c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Les sociétés Axa France et Sogeidi ont demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à verser à la société Axa France la somme de 45 175,79 euros et la somme de 1 049,25 euros à la société Sogeidi, augmentées des intérêts au taux légal à compter du 10 juillet 2019 et de la capitalisation de ces intérêts, en réparation des préjudices que la société Sogeidi estime avoir subis du fait des dommages occasionnés par des manifestants le 1er décembre 2018.

Par un jugement n°1923654/3-2 le tribunal administratif de Paris a partiellement fait droit à leur demande en condamnant l'Etat au paiement de la somme de 42 550 euros à verser à la société Axa France.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 22 avril 2021, le préfet de police demande à la Cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par la société Axa France devant le tribunal administratif.

Il soutient que :

- les dégradations ne peuvent être rattachées à la manifestation du 1er décembre 2018 eu égard à la localisation du local dégradé et à l'heure tardive à laquelle elles ont eu lieu ;

- les auteurs de ces dégradations étaient animés par une intention délictuelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 avril 2022, les sociétés Axa France et Sogeidi, représentées par Me Phelip, concluent au rejet de la requête et demandent à la Cour :

1°) de condamner l'Etat à verser la somme de 48 919,79 euros à la société Axa France et à la société Sogeidi la somme de 1 049,25 euros, sommes assorties des intérêts au taux légal à compter du 10 juillet 2019 et de la capitalisation de ces intérêts ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- les dommages subis sont la conséquence directe et certaine des dégradations commises qui constituent des délits ;

- les dégradations ont été commises à l'occasion de la manifestation du 1er décembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de sécurité intérieure ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. A l'occasion de la manifestation des " Gilets Jaunes " qui s'est tenue le 1er décembre 2018, le local exploité par la société Sogeidi en tant que commerce d'alimentation, situé sis

22, avenue Hoche à Paris (75008) et assuré auprès de la société Axa France, a subi plusieurs dégradations matérielles. Par un jugement du 10 mars 2021, dont le préfet de police et les sociétés Axa France et Sogeidi relèvent chacun appel, le tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de la société Axa France, agissant en qualité de subrogée dans les droits de son assurée, tendant à ce que l'Etat soit condamné à réparer les dommages occasionnés aux locaux de la société Sogeidi lors de la manifestation du 1er décembre 2018.

Sur l'appel principal et la responsabilité de l'Etat :

2. Aux termes de l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure : " L'Etat est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens. (...) ".

3. En l'espèce, il ressort du procès-verbal de dépôt de plainte que les locaux de la société Sogeidi ont été dégradés aux alentours de 19 heures. Il résulte de l'instruction que la manifestation des " Gilets Jaunes " qui s'est tenue le 1er décembre 2018 à Paris a revêtu un caractère particulièrement violent, de nombreux heurts ayant été constatés dès la matinée avec notamment la constitution de barricades. Si ce rassemblement s'est notamment constitué sur le plateau de l'étoile, tous les axes rejoignant l'arc de triomphe ont été concernés et notamment l'avenue Hoche où, dès

13 heures 30, " la situation s'est dégradée " tel qu'il ressort du procès-verbal d'ambiance. A cet égard, la seule circonstance que les locaux de la société Sogeidi soient situés à proximité d'une zone qui était frappée d'une interdiction de manifester ne permet pas d'exclure le rattachement des dégradations commises à la manifestation. Par ailleurs, si le préfet de police soutient que l'heure tardive à laquelle ces dégradations ont été commises révèle l'intention purement délictuelle de leurs auteurs, il résulte toutefois de l'instruction que la manifestation était encore en cours à 19 heures, le procès-verbal d'ambiance faisant notamment état d'interventions des forces de l'ordre pour repousser les manifestants. Enfin, le fait que les individus encore présents en fin de journée aient refusé de se soumettre aux sommations des policiers ne saurait, en lui-même, caractériser leur intention purement délictuelle, alors que la commission d'un délit constitue l'une des conditions de mise en œuvre du régime prévu par les dispositions susvisées du code de la sécurité intérieure. Dans ces conditions, eu égard aux nombreuses exactions commises par les manifestants au cours du rassemblement du 1er décembre 2018, et en l'absence d'éléments de nature à exclure le rattachement des dégâts commis sur les locaux de la société Sogeidi à cet évènement, il y a lieu de retenir l'engagement de la responsabilité sans faute de l'Etat.

4. Il résulte de ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser la somme de 42 550, euros à la société Axa France.

Sur l'appel incident et l'évaluation des préjudices :

En ce qui concerne les préjudices de la société Axa :

5. La société Axa, subrogée dans les droits de la société Sogeidi, sollicite à nouveau en appel une indemnité d'un montant de 45 175,79 euros au titre de l'indemnisation du préjudice matériel subi par la société Sogeidi. En l'absence de tout élément nouveau, il y a lieu de retenir, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, que la société Axa France est seulement fondée à demander le versement d'une indemnité de 42 550 euros.

En ce qui concerne les préjudices de la société Sogeidi :

6. La société Sogeidi reprend en appel, sans apporter d'éléments nouveaux, sa demande tendant au remboursement des sommes de 314 euros et de 735,25 euros représentant respectivement la franchise prévue au contrat d'assurance et le règlement de la vétusté. Il y a lieu, par suite, de rejeter sa demande, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

En ce qui concerne les frais d'expertise :

7. Les sociétés Axa France et Sogeidi se bornent à solliciter à nouveau en appel le remboursement de frais d'expertise qu'elles évaluent à 3 744 euros, sans apporter d'éléments nouveaux de nature à justifier de ce montant dès lors que la source du document mentionnant " virement mensuel " n'est pas indiquée, ce qui fait obstacle à la reconnaissance du caractère probant de ce document. Il y a lieu, par suite, de rejeter leur demande par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

8. Il résulte de ce qui précède que les sociétés Axa France et Sogeidi ne sont pas fondées à solliciter la réformation du jugement attaqué.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à la société Axa France en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à la société Axa France la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête des sociétés Axa France et Sogeidi est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié aux sociétés Axa France et Sogeidi et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 22 avril 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente,

- Mme Briançon, présidente assesseure,

- Mme Portes, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 mai 2022.

La présidente-rapporteure,

M. A...La présidente-assesseure,

C. BRIANÇON

La greffière,

V. BREME

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA02198


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA02198
Date de la décision : 12/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Mireille HEERS
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : SELARL PHELIP et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 24/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-05-12;21pa02198 ?
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