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01/06/2022 | FRANCE | N°21PA01232

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 01 juin 2022, 21PA01232


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de la majoration de 80 % qui lui a été assignée au titre de l'année 2012 en application des dispositions de l'article 1728-1° c du code général des impôts ainsi que de la majoration de 100 % mise à sa charge au titre des années 2013 et 2014 en application des dispositions de l'article 1732 du code général des impôts, et d'écarter l'application des pénalités prononcées à titre subsidiaire par l'administration.


Par un jugement n° 1905275/1-1 du 10 février 2021, le Tribunal administratif de Pari...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de la majoration de 80 % qui lui a été assignée au titre de l'année 2012 en application des dispositions de l'article 1728-1° c du code général des impôts ainsi que de la majoration de 100 % mise à sa charge au titre des années 2013 et 2014 en application des dispositions de l'article 1732 du code général des impôts, et d'écarter l'application des pénalités prononcées à titre subsidiaire par l'administration.

Par un jugement n° 1905275/1-1 du 10 février 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 10 mars 2021, Mme C..., représentée par Me Pierre Pradié, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 10 février 2021 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée devant le tribunal et d'écarter l'application des pénalités motivées à titre subsidiaire par l'administration ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

En ce qui concerne l'année 2012 :

- selon la doctrine administrative référencée BOI-TVA-DECLA-20-10-10-20 n° 40, lorsqu'un contribuable exerce une profession libérale, les centres de formalités des entreprises créés par l'URSSAF et les caisses générales de sécurité sociale sont destinés à recevoir les dossiers d'immatriculation ;

- elle était immatriculée en Belgique :

- les formalités d'immatriculation ont été effectuées conformément à l'article 371 AJ de l'annexe II au code général des impôts auprès d'une caisse générale de sécurité sociale faisant office de centre de formalités des entreprises ;

- les premiers juges n'ont pas répondu à ce moyen ;

- la pénalité de 80 % visée à l'article 1728-1°, c du code général des impôts appliquée au titre de l'année 2012 est par suite dépourvue de fondement ;

- les contribuables ayant omis de déclarer l'existence d'un établissement stable en France peuvent échapper à la majoration pour activité occulte prévue par l'article 1728 du code général des impôts en justifiant avoir commis une erreur ;

- la pénalité de 40 % visée à l'article 1728, 1-b du code général des impôts motivée à titre subsidiaire par l'administration n'est pas applicable dès lors qu'elle pensait de bonne foi être imposable exclusivement en Belgique et n'être tenue de déposer aucune déclaration en France ;

En ce qui concerne les années 2013 et 2014 :

- la pénalité de 100 % visée à l'article 1732 du code général des impôts n'est pas applicable dès lors que le débat oral et contradictoire sur l'existence d'une base fixe en France devait avoir lieu avant que le service ne lui impose de produire une comptabilité au titre de son activité en France ;

- dès lors qu'elle était convaincue que son activité de médecin anesthésiste-réanimateur était imposable en Belgique, où elle avait constitué une société d'exercice libéral, aucune comptabilité n'était susceptible d'être présentée en France ; par suite, l'opposition à contrôle fiscal ne peut être regardée comme ayant été constituée ;

- la pénalité de 80 % visée à l'article 1728, 1°-c du code général des impôts motivée à titre subsidiaire par l'administration n'est pas applicable dès lors qu'elle a commis une simple erreur en ne déposant pas de déclaration en France ;

- la pénalité de 40 % visée à l'article 1728, 1-b du code général des impôts motivée à titre subsidiaire par l'administration n'est pas applicable dès lors qu'elle pensait de bonne foi être imposable exclusivement en Belgique.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 juin 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 1er septembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au

16 septembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'une vérification de comptabilité ayant porté sur les années 2012, 2013 et 2014 de l'activité de Mme C..., médecin-anesthésiste de nationalité belge, l'administration fiscale lui a notifié, par deux propositions de rectification des 15 décembre 2015 et 18 juillet 2016, des rehaussements de bénéfices commerciaux selon la procédure d'évaluation d'office prévue par les dispositions de l'article 73 du livre des procédures fiscales au titre de l'année 2012 et dans le cadre de la procédure d'opposition à contrôle fiscal, prévue par les dispositions de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales, au titre des années 2013 et 2014. L'administration fiscale a également procédé au rehaussement du revenu imposable de Mme C... en conséquence d'un examen de situation fiscale personnelle qui a conduit à la taxation d'office, en son nom propre au titre de chacune des trois années, en application du 1° de l'article L. 66 et de l'article L. 67 du livre des procédures fiscales pour non-dépôt de déclarations de revenus malgré l'envoi d'une mise en demeure, notamment des bénéfices non commerciaux résultant de la vérification de comptabilité de son activité. Ces rehaussements ont été assortis des intérêts de retard ainsi que, au titre de l'année 2012, de la majoration de 80 % pour exercice d'une activité occulte en application des dispositions de l'article 1728-1° c du code général des impôts et, s'agissant des années 2013 et 2014, de la majoration de 100 % pour opposition à contrôle fiscal en application des dispositions de l'article 1732 du code général des impôts. Mme C... relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces majorations.

Sur la régularité du jugement :

2. Les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments présentés par la requérante à l'appui de ses moyens, ont statué sur le moyen tiré de ce qu'elle n'exerçait pas une activité occulte et sur ses arguments tirés de son inscription au régime social des indépendants belge et de son immatriculation à la Caisse primaire d'assurance maladie. La requérante n'est par suite pas fondée à soutenir que le jugement serait insuffisamment motivé à cet égard.

Sur les pénalités appliquées au titre de l'année 2012 :

3. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : / (...) c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte ". Il résulte de ces dispositions que, dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du Tribunal de commerce, son activité est réputée occulte s'il n'est pas en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ses obligations déclaratives. S'agissant d'un contribuable qui fait valoir qu'il a satisfait à l'ensemble de ses obligations fiscales dans un Etat autre que la France, la justification de l'erreur commise doit être appréciée en tenant compte de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment du niveau d'imposition dans cet autre Etat et des modalités d'échange d'informations entre les administrations fiscales des deux Etats.

4. Aux termes de l'article 371 AJ de l'annexe II au code général des impôts : " Les organismes chargés de la création et de la gestion des centres de formalités des entreprises ainsi que la répartition des compétences entre les centres sont définis conformément aux articles R. 123-3 et R. 123-4 du code de commerce ". L'article R. 123-3 du code de commerce désigne à cet égard les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) ou les caisses générales de sécurité sociale, qui créent et gèrent les centres compétents pour les personnes exerçant, à titre de profession habituelle, une activité indépendante réglementée ou non autre que commerciale, artisanale ou agricole.

5. Il résulte de l'instruction que Mme C..., qui avait déclaré avoir cessé son activité en France en 2006, a exercé sur le territoire français au cours de l'année 2012 une activité de médecin-anesthésiste réanimateur et y a perçu des honoraires, au cours de ladite année, pour un montant de 692 532 euros, au titre de consultations pré-opératoires, d'interventions et de suivi post-opératoire. Il est constant qu'elle n'a déposé à ce titre aucune déclaration. En outre ni son inscription auprès du régime social des indépendants en Belgique, où elle exerçait également, ni son immatriculation à la caisse primaire d'assurance maladie ou son référencement sur le site Internet d'une clinique ne permettent de la regarder comme ayant fait connaitre son activité auprès d'un centre de formalités des entreprises au sens des dispositions précitées. Ces éléments ne sont en outre pas de nature à établir que l'intéressée aurait commis une erreur en ne déclarant pas son activité en France, Mme C... n'établissant ni d'ailleurs ne soutenant que les honoraires perçus en France auraient été soumis à l'impôt en Belgique. La doctrine administrative référencée BOI-TVA-DECLA-20-10-10-20 n° 40 ne fait pas de la loi fiscale une interprétation différente de ce qui précède et n'est par suite pas invocable sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

6. Dès lors qu'en conséquence de ce qui précède l'administration était fondée à appliquer, au titre de l'année 2012, la majoration prévue par le c. de l'article 1728 du code général des impôts, le moyen tiré de ce que celle prévue par le b. du même article, retenue par l'administration à titre subsidiaire, ne serait pas applicable, est inopérant.

Sur les pénalités appliquées au titre de l'année 2013 et 2014 :

7. Aux termes de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales : " Les bases d'imposition sont évaluées d'office lorsque le contrôle fiscal ne peut avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers (...) ". Aux termes de l'article 1732 du code général des impôts : " La mise en œuvre de la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales entraîne : / a. L'application d'une majoration de 100 % aux droits rappelés ou aux créances de nature fiscale qui doivent être restituées à l'Etat (...) ".

8. Il résulte de l'instruction qu'un avis de vérification a été adressé à Mme C... le 3 août 2015 à l'adresse déclarée par cette dernière à l'ordre des médecins du département de Paris comme étant le lieu d'exercice de son activité professionnelle. La requérante a accusé réception, le 5 août suivant, de cet avis de vérification qui prévoyait une première intervention le 8 septembre 2015 à l'adresse indiquée. Le 9 septembre, le conseil de l'intéressée a adressé un courrier indiquant que sa cliente était résidente fiscale belge, qu'elle ne disposait pas de siège de son activité en France et qu'elle ne pouvait être présente à la date prévue en raison d'un emploi du temps chargé. De nouvelles dates ont été proposées à Mme C... et deux interventions ont eu lieu dans les locaux de l'administration les 2 octobre et 10 novembre 2015 en présence de son avocat, mais ce dernier n'a présenté aucune comptabilité ni pièces justificatives relatives à l'activité exercée par sa cliente sur le territoire français, se retranchant derrière des considérations générales sur la qualité de résidente fiscale belge de sa cliente. La requérante a refusé l'organisation d'une nouvelle intervention prévue pour le 4 décembre, au motif que cette date était " prématurée ". Une première mise en garde comportant une nouvelle proposition d'intervention et précisant les risques juridiques encourus en cas d'opposition à contrôle fiscal lui a été notifiée le 8 février 2016. Une deuxième mise en garde, comportant une proposition d'intervention, lui a été adressée le 21 avril 2016, le pli ayant été retourné à l'administration avec la mention " non réclamé ". L'administration fiscale a alors adressé à Mme C..., par un courrier daté du 1er juillet 2016, un procès-verbal pour opposition à contrôle fiscal. Dans un souci " d'information et de dialogue " une réunion de synthèse a eu lieu le 8 juillet 2016 au cours de laquelle l'administration a présenté au mandataire de la requérante les rectifications envisagées à la suite de la vérification de la comptabilité de son activité professionnelle. Dans ces conditions, Mme C..., qui a manifestement, et pendant plusieurs mois, cherché à éluder les rendez-vous qui lui ont été proposés par l'administration fiscale, doit être regardée comme ayant agi de manière dilatoire et, partant de là, comme s'étant opposée au contrôle fiscal litigieux. La circonstance que le contribuable aurait droit à un débat oral et contradictoire sur le principe de son imposition en France et que ce débat est nécessairement préalable à celui portant sur la comptabilité, ne peut en l'espèce être valablement invoqué, dès lors, et en tout état de cause, qu'il ne résulte pas de l'instruction que le vérificateur se serait refusé à tout débat sur ce point et que l'attitude de Mme C..., qui a fait obstacle à tout forme d'échange contradictoire sur les pièces permettant d'apprécier les modalités de son activité en France, est à l'origine de l'absence d'un tel débat. En se bornant à affirmer qu'elle se croyait imposable en Belgique, et en l'absence de tout élément de nature à justifier qu'elle aurait pu légitimement considérer que son activité libérale exercée sur le territoire français n'était pas imposable en France, Mme C... ne conteste pas valablement la régularité de la procédure pour opposition à contrôle fiscal suivie à son encontre. C'est dès lors à bon droit que le service lui a infligé la majoration contestée.

9. En conséquence de ce qui précède, l'administration fiscale n'ayant retenu l'application des majorations prévues aux b. et c. de l'article 1728 qu'à titre subsidiaire, les moyens développés par la requérante, tirés de ce que ces majorations ne seraient pas applicables, sont inopérants.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 18 mai 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. Magnard, premier conseiller,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er juin 2022.

Le rapporteur,

F. A...Le président,

I. BROTONS

Le greffier,

J. CHAMPESME

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 21PA01232


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA01232
Date de la décision : 01/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : PRADIE

Origine de la décision
Date de l'import : 07/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-06-01;21pa01232 ?
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