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20/10/2022 | FRANCE | N°21PA01793

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 20 octobre 2022, 21PA01793


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... E... D... a demandé au tribunal administratif de Paris la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles elle est assujettie au titre des années 2011 à 2014, ainsi que des pénalités afférentes.

Par un jugement n° 1912123 du 23 mars 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de Mme D....

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 8 avril 2021, Mme D..., représentée par Me Louis, avocat, demande à la Cour :r>
1°) d'annuler le jugement n° 1912123 du tribunal administratif de Paris en date du 23 mars 2021;

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... E... D... a demandé au tribunal administratif de Paris la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles elle est assujettie au titre des années 2011 à 2014, ainsi que des pénalités afférentes.

Par un jugement n° 1912123 du 23 mars 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de Mme D....

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 8 avril 2021, Mme D..., représentée par Me Louis, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1912123 du tribunal administratif de Paris en date du 23 mars 2021;

2°) de prononcer la décharge demandée.

Elle soutient que :

- les redressements sont irréguliers, les propositions de rectification ayant été envoyées à une adresse erronée ;

- compte tenu de l'autorité de chose jugée qui s'attache au jugement de relaxe dont elle a bénéficié, les redressements ne sont pas fondés ;

- la charge de la preuve ne peut résulter de l'absence de réponse aux propositions de redressements envoyées à une mauvaise adresse ;

- son activité d'agent commercial en 2014 ne peut être regardée comme occulte au sens de l'article 169 du livre des procédures fiscales ;

- les commissions versées en 2012 et 2013 ont seulement transité sur son compte ;

- il n'est pas établi que les revenus distribués par la société Franklin et la société Helrie n'ont pas été prélevés sur les bénéfices des sociétés dont elle était associée, ces sommes n'ayant que transiter sur le compte de la requérante et n'ayant pas été appréhendées ;

- les pénalités ne sont pas fondées en l'absence de caractère délibéré du manquement et d'absence de caractère occulte de l'activité d'agent commercial, compte tenu de la jurisprudence de la CAA de Bordeaux du 4 juin 2008, du caractère isolé de l'activité, ainsi que du paragraphe n° 73 DA de l'instruction 13 N-I-07 du 19 février 2007.

Par mémoire enregistré le 1er juin 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu l'ordonnance du 8 juillet 2022 portant clôture de l'instruction au 26 août 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B... ;

- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... demande à la Cour l'annulation du jugement du 23 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles elle est assujettie au titre des années 2011 à 2014, ainsi que des pénalités afférentes.

Sur la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification ". Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Les pièces de la procédure d'imposition doivent être envoyées à l'adresse que le contribuable a donnée à l'administration. Celui-ci n'est toutefois pas privé des garanties que lui assure la procédure d'imposition au seul motif que le pli contenant l'acte de procédure a été envoyé à une autre adresse si ce pli lui est effectivement parvenu.

3. Pour établir qu'elle n'a pas reçu les deux propositions de rectification du 1er juillet 2016 à son ancienne adresse, Mme D... soutient qu'elle avait changé de domicile depuis le 1er janvier 2016, et qu'elle n'a pas produit d'observation en réponse à ces propositions. Mais, d'une part, l'administration fait valoir sans être contredite que ce changement n'a été porté à sa connaissance qu'au mois de mai 2016. D'autre part, l'absence d'observations de la part de Mme D... ne révèle pas l'envoi à une adresse erronée des propositions en cause. En tout état de cause, l'administration a produit devant les premiers juges la copie des accusés de réception de ces deux propositions, signés par la contribuable, ainsi que l'attestation du service postal du 29 juillet2016. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du livre des procédures fiscales ne peut donc qu'être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions :

4. En premier lieu, l'autorité de chose jugée qui s'attache aux décisions des juges répressifs devenues définitives et qui s'impose aux juridictions administratives, ne concerne que la constatation matérielle des faits mentionnés dans le jugement et qui sont le support nécessaire du dispositif. La même autorité ne saurait, en revanche, s'attacher aux motifs d'un jugement de relaxe tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité.

5. A cet égard, Mme D... se prévaut du jugement du tribunal correctionnel de Paris qui l'a relaxée des poursuites du chef de recel d'abus de confiance. A cette fin, le juge pénal a estimé non établie l'intention de la requérante de participer à un recel des fonds provenant d'un abus de confiance. Pour autant, le jugement ne remet pas en cause la matérialité des faits. Il est dès lors sans incidence sur les redressements litigieux.

6. En deuxième lieu, la circonstance que l'administration ait procédé à un dégrèvement à titre gracieux de certaines impositions mises à la charge de Mme D... est sans incidence sur le bien-fondé des redressements maintenus.

7. En troisième lieu, en vertu des dispositions de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, lorsqu'un contribuable s'est abstenu de présenter dans le délai légal des observations au cours d'une procédure contradictoire de rectification, il ne peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition qu'en démontrant le caractère exagéré des impositions mises à sa charge. Par suite, Mme D... s'étant, comme il a été dit, abstenue de présenter des observations exprimant son désaccord avec les propositions de rectification mentionnées plus haut qui lui ont été régulièrement adressées, elle doit être regardée comme ayant implicitement accepté les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux en litige. Il lui incombe donc, en application des dispositions de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, d'établir leur caractère exagéré.

En ce qui concerne les revenus taxés en qualité d'activité occulte d'agent commercial :

8. Aux termes de l'article 92 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus (...) ". Aux termes de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable : " Peuvent être évalués d'office : / (...) 2° Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus non commerciaux ou des revenus assimilés lorsque la déclaration annuelle prévue à l'article 97 du code général des impôts n'a pas été déposée dans le délai légal ; / (...) Les dispositions de l'article L. 68 sont applicables dans les cas d'évaluation d'office prévus aux 1° et 2° " . Et aux termes de l'article L. 68 du même livre, dans sa rédaction alors applicable : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure. / Toutefois, il n'y a pas lieu de procéder à cette mise en demeure : / (...) 3° Si le contribuable ne s'est pas fait connaître d'un centre de formalités des entreprises ou du greffe du Tribunal de commerce ou s'il s'est livré à une activité illicite ".

9. D'une part, s'agissant de la commission de 116 000 euros que Mme D... a reconnu avoir retirée de la vente d'un immeuble, l'administration n'a fait que prendre en compte la perception du revenu équivalent. Toute source de profit, autre que celle due essentiellement au hasard, fût-elle ponctuelle et isolée, est, sur le fondement de l'article 92 du code général des impôts, assimilée à un revenu tiré d'une activité. Si Mme D... était alors salariée de sa mère, elle a déclaré lors de l'enquête dans le PV du 22 juillet 2015, qu'elle était seule auteur de cette transaction et qu'elle n'est apparue en qualité de salarié que faute d'une carte professionnelle de marchand de bien. Ainsi, la subordination dans laquelle la requérante était alors par rapport à Mme C..., ne saurait entacher d'une inexacte qualification fiscale cette commission. Au surplus, afin de prévenir tout risque de double taxation, l'administration a déchargé les impositions résultant des salaires déclarés par la requérante en 2014. Par suite, le moyen tiré de l'inexacte qualification fiscale de cette commission dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ne peut qu'être écarté.

10. D'autre part, il est constant que des sommes de 47 000 et 60 000 euros provenant du dépôt de garantie d'acquéreurs de biens immobiliers et détournées frauduleusement par la mère de Mme D..., ont été déposées sur son compte bancaire, et qu'elle a pu en disposer, même si elles ont par la suite été reversées par l'intéressée sur le compte de sa mère. A l'encontre de la réintégration dans son revenu imposable de l'année 2012 dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, la requérante soutient que ces opérations présentent un caractère isolé, et qu'elle possédait alors la qualité de salariée, et non de commerçant. Ces circonstance ne sauraient cependant faire obstacle à la qualification des fonds détournés en activité occulte susceptible de taxation dans la catégorie des bénéfices non commerciaux.

En ce qui concerne les revenus distribués :

11. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : (...) / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices ". L'administration a regardé comme des revenus distribués entre les mains de la requérante, d'une part, les sommes de 40 000 euros au titre de l'année 2011 et 64 200 euros au titre de l'année 2012 versées par la SARL Franklin et, d'autre part, les sommes de 87 864 euros au titre de l'année 2011 et 185 600 euros au titre de l'année 2012 versées par la société Helrie. Mme D..., qui était associée de ces sociétés, à hauteur de 34 % et 50 % n'apporte pas la preuve que ces sommes lui auraient été distribuées par ces sociétés à la suite d'une délibération de l'assemblée générale des porteurs de parts sociales. Si elle prétend que ces sommes n'auraient fait que transiter sur son compte bancaire et qu'elle aurait rétrocédé la somme de 254 212 euros aux sociétés, elle se prévaut en vain à cet effet d'un tableau peu clair, non assorti de justificatifs bancaires et sans date certaine. Ainsi, elle ne combat pas efficement l'imposition de ces sommes entre ses mains dans la catégorie des revenus distribués au sens des dispositions précitées du 2° de l'article 109 du code général des impôts.

Sur les majorations :

12. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ".

13. Pour appliquer la majoration de 40 % sur le redressement opéré en matière de revenus distribués, l'administration a retenu, à bon droit, que Mme D... ne pouvait ignorer l'origine des revenus compte tenu de sa qualité d'associée et de la mention figurant sur ses relevés de comptes bancaires personnels.

14. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : (..) ; c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte ". Et aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " L'activité occulte est réputée exercé lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal la déclaration qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité au centre de formalité des entreprises et au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite ".

15. L'administration a appliqué la pénalité d'activité occulte aux sommes détournées par la mère de la requérante, versées sur le compte bancaire personnel de Mme D.... Celle-ci a reconnu, au cours de ses auditions, avoir elle-même rempli les formules d'encaissement des chèques et modifié leur ordre de Maître Marie à Mme A... D.... La circonstance que le tribunal correctionnel a estimé qu'il n'était pas suffisamment établi qu'elle avait conscience que les sommes encaissées provenaient de détournement de fonds, ce qui ne constitue pas une constatation matérielle, ne fait pas obstacle à ce que ces fonds soient regardés comme provenant d'une activité illicite, ce dont l'intéressée, qui ne pouvait percevoir de commission d'agent immobilier, ne pouvait pas ne pas avoir conscience.

16. Pour remettre en cause la pénalité d'activité occulte appliquée sur les commissions commerciales mentionnées au point 9 du présent arrêt, l'administration a relevé que, malgré le caractère ponctuel de ces commissions, Mme D... a exercé une activité d'agent commercial grâce à la carte de transaction de sa mère, ce qui constitue une activité illicite. Elle a également relevé que ces sommes n'avaient pas été déclarées, la déclaration de 50 000 euros de salaires, qui ne correspond pas à l'encaissement de commission commerciale ne pouvant être regardée comme répondant à cette exigence. Mme D... n'entre pas davantage, dans les prévisions du paragraphe 73 l'instruction référencée 13 N-1-07 du 19 février 2007 les sommes déclarées au titre de salaires étant hors de proportion avec les commissions omises.

17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par jugement du 23 mars 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des impositions litigieuses.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... E... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscale d'Île-de-France.

Délibéré après l'audience du 21 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Soyez, président,

- M. Simon, premier conseiller,

- Mme Boizot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 octobre 2022.

Le rapporteur,

C. B...Le président,

J.-E. SOYEZ

La greffière,

E. LUCE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA01793


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA01793
Date de la décision : 20/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. SOYEZ
Rapporteur ?: M. Claude SIMON
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : LOUIS

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-10-20;21pa01793 ?
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