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07/12/2022 | FRANCE | N°21PA06637

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 07 décembre 2022, 21PA06637


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels son foyer fiscal a été assujetti au titre des années 2008, 2009 et 2010.

Par un jugement n° 2003692/7 du 26 octobre 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 24 décembre 2021, M. et Mme C..., représentés par Me F

rédéric Naïm, demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 2003692/7 du 26 octobre 2021 du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels son foyer fiscal a été assujetti au titre des années 2008, 2009 et 2010.

Par un jugement n° 2003692/7 du 26 octobre 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 24 décembre 2021, M. et Mme C..., représentés par Me Frédéric Naïm, demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 2003692/7 du 26 octobre 2021 du Tribunal administratif de Montreuil ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la proposition de rectification, qui a été envoyée à une adresse erronée, n'a pas été régulièrement notifiée dans le délai de reprise dont dispose l'administration fiscale ;

- leur notaire a eu la charge de liquider les impositions résultant de la cession de leurs actifs immobiliers ;

- les impositions en cause ne sauraient leur être réclamées à nouveau ;

- leur situation de non résident n'a été ni appréciée ni retenue ;

- ils ne pouvaient être passibles de prélèvements sociaux dès lors qu'ils ne résidaient pas fiscalement en France.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 mars 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement accordé en cours d'instance et au rejet du surplus de la requête.

Il soutient que :

- la réclamation préalable est irrecevable ;

- les moyens soulevés par M. et Mme C... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 28 juin 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au

15 juillet 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de Mme Prévot, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'une vérification de comptabilité de l'activité professionnelle de masseurs-kinésithérapeutes exercée par M. et Mme C... au sein de la SCI Libeplus, imposable à l'impôt sur les sociétés, dont ils étaient associés à hauteur de 50 % chacun, les intéressés ont été assujettis, par proposition de rectification du 23 août 2011, à des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2008, 2009 et 2010.

M. et Mme C... relèvent appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande en décharge, en droits et pénalités, de ces suppléments d'imposition.

Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision du 15 avril 2022, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur général des finances publiques a prononcé le dégrèvement, au titre des années 2008 à 2010, de la fraction des prélèvements sociaux correspondant à la majoration d'assiette de 25 % prévue par le 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts. Par suite, les conclusions de la requête afférentes auxdites impositions sont devenues sans objet. Il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur le bien-fondé des impositions :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 de ce livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article ". Enfin, le premier alinéa de l'article L. 169 de même livre dispose : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due ".

4. Il résulte de l'instruction que M. et Mme C... ont déménagé au mois d'août 2008 aux Etats-Unis, et ont indiqué à l'administration fiscale une adresse de correspondance au 221 Aledo Avenue Coral Gables, A 33134 7202 Floride, prenant effet au 22 octobre 2009. L'avis de vérification adressé à cette adresse en janvier 2011 est revenu à l'administration fiscale avec la mention que les destinataires avaient déménagé sans laisser d'adresse. Cet avis a été envoyé à nouveau le 24 mars 2011 au 5825 Sunset Drive à Miami, adresse trouvée sur internet où M. C... aurait exercé son activité professionnelle, et a été retourné à l'administration fiscale avec la mention " refused ". C'est à cette adresse qu'a été envoyée la proposition de rectification interruptive de prescription du 23 août 2011. Il suit de là que M. et Mme C... ne résidaient plus à la dernière adresse portée la connaissance de l'administration, que leur courrier n'était, en 2011, plus réexpédié à partir de cette adresse et qu'ils n'avaient pas informé le service de leur nouvelle adresse. Si M. et Mme C... font état d'autres adresses à Miami auxquelles le courrier en cause aurait dû être adressé, il est constant que l'administration fiscale n'avait pas été informée de ces adresses, où les intéressés n'établissent d'ailleurs pas avoir effectivement résidé. L'administration fiscale, compte tenu du comportement des requérants, doit par suite être regardée comme ayant effectué les démarches suffisantes pour interrompre la prescription. En tout état de cause, il ressort des bordereaux de dépôt, des attestations postales et des copies écran du logiciel de traçabilité des services de la poste américaine que la proposition de rectification à la SCI Libeplus a été réceptionnée le 30 août 2011 et que la proposition de rectification adressée le 23 août 2011 à M. ou Mme C... au titre de l'impôt sur le revenu des années 2008 à 2010 a été réceptionnée le 7 septembre 2011. Les propositions de rectification en cause, et notamment la seconde, qui interrompt la prescription en matière d'impôt sur le revenu à l'encontre des requérants, ayant été réceptionnées, la prescription doit être regardée comme ayant été régulièrement interrompue, sans que les requérants puissent utilement faire valoir que l'adresse à laquelle elles ont été expédiées était erronée.

5. En deuxième lieu, si les requérants soutiennent que leur notaire a eu la charge de liquider les impositions résultant de la cession de leurs actifs immobiliers et que les impositions en cause ne sauraient leur être réclamées à nouveau, ils n'apportent à l'appui de leur moyen aucun document permettant d'en apprécier le bien-fondé et la portée. La circonstance que le notaire ait procédé au règlement des impositions dues par les requérants à l'occasion de la cession de leur bien immobilier en France ne saurait en tout état de cause révéler de double imposition au regard des impositions en litige, qui se rapportent d'une part aux rémunérations de gérance de M. et Mme C... et, d'autre part, aux revenus distribués par la SCI Libeplus consécutifs à la vérification de comptabilité de cette société, correspondant à une avance en compte courant au profit de M. C..., au rehaussement du résultat de la SCI et à une somme mise à la disposition de M. C... sans contrepartie.

6. En troisième lieu, s'agissant en l'espèce de revenus de sources françaises, le moyen tiré de ce que leur situation de non-résidents n'a été ni appréciée ni retenue n'est pas assortie des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé et la portée. Il résulte en outre de l'instruction que si les requérants font valoir qu'ils étaient résidents aux Etats-Unis, la Cour ne dispose d'aucun document permettant d'apprécier leur date de départ à l'étranger. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus aucun élément ne permet de constater qu'ils résidaient effectivement à l'adresse qu'ils ont communiquée au 221 Aledo avenue Coral Gables A 33134 7202 Floride, le pli envoyé à cette adresse ayant été retourné à l'administration fiscale. Plus généralement, M. et Mme C... ne produisent aucun élément ni ne développent aucune argumentation permettant de les regarder comme résidents étrangers au regard des critères prévus par la loi française et par la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, signée le 31 août 1994. Le moyen ne peut par suite qu'être écarté.

7. Enfin, aux termes du 1 de l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites ". Aux termes du 1 de l'article 64 de ce traité : " L'article 63 ne porte pas atteinte à l'application, aux pays tiers, des restrictions existant le 31 décembre 1993 en vertu du droit national ou du droit de l'Union en ce qui concerne les mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers lorsqu'ils impliquent des investissements directs, y compris les investissements immobiliers, l'établissement, la prestation de services financiers ou l'admission de titres sur les marchés des capitaux (...) ". Aux termes du 1 de l'article 65 du même traité : " L'article 63 ne porte pas atteinte au droit qu'ont les États membres : / a) d'appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis (...) ".

8. Par l'arrêt du 18 janvier 2018, Frédéric Jahin contre Ministre de l'économie et des finances, Ministre des affaires sociales et de la santé, C-45/17, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé qu'une législation telle que la législation française relative à la contribution sociale généralisée sur les revenus du patrimoine, au prélèvement social sur les revenus du patrimoine et à la contribution additionnelle à ce prélèvement, qui réserve un traitement plus favorable aux ressortissants de l'Union qui sont affiliés à un régime de sécurité sociale d'un autre Etat membre, d'un Etat membre de l'Espace économique européen ou de la Suisse qu'à ceux qui sont affiliés à un régime de sécurité sociale d'un Etat tiers, constitue une restriction à la libre circulation des capitaux entre un Etat membre et un Etat tiers, qui est, en principe, interdite par l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

9. Elle a cependant jugé qu'une telle restriction à la libre circulation des capitaux entre un Etat membre et un Etat tiers était susceptible d'être justifiée, au regard des stipulations précitées de l'article 65, paragraphe 1, a), du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, par la différence de situation objective qui existe entre une personne physique, ressortissant d'un Etat membre, mais résidant dans un Etat tiers à l'Union européenne autre qu'un Etat membre de l'Espace économique européen ou la Suisse et qui y est affiliée à un régime de sécurité sociale, et un ressortissant de l'Union résidant et affilié à un régime de sécurité sociale dans un autre Etat membre.

10. Elle en a déduit que les articles 63 et 65 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne doivent être interprétés en ce sens qu'ils ne s'opposent pas à la législation d'un Etat membre, telle que la législation française, en vertu de laquelle un ressortissant de cet Etat membre, qui réside dans un Etat tiers autre qu'un Etat membre de l'Espace économique européen ou la Suisse, et qui y est affilié à un régime de sécurité sociale, est soumis, dans cet Etat membre, à des prélèvements sur les revenus du capital au titre d'une cotisation au régime de sécurité sociale instauré par celui-ci, alors qu'un ressortissant de l'Union relevant d'un régime de sécurité sociale d'un autre Etat membre en est exonéré en raison du principe de l'unicité de la législation applicable en matière de sécurité sociale en vertu de l'article 11 du règlement (CE)

n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale. Contrairement à ce qui est soutenu, cet arrêt statue sur la conformité au droit communautaire des règles applicables aux résidents des Etats tiers qui ne peuvent bénéficier des règlements européens instituant un principe d'unicité d'affiliation à un régime de sécurité sociale.

11. Il s'ensuit que la circonstance qu'une personne affiliée à un régime de sécurité sociale d'un Etat tiers à l'Union européenne, autre que les Etats membres de l'Espace économique européen ou la Suisse soit soumise, comme les personnes affiliées à la sécurité sociale en France, aux prélèvements sur les revenus du capital prévus par la législation française entrant dans le champ du règlement du 29 avril 2004, alors qu'une personne relevant d'un régime de sécurité sociale d'un Etat membre autre que la France ne peut, compte tenu des dispositions de ce règlement, y être soumise, ne constitue pas une restriction aux mouvements de capitaux en provenance ou à destination des pays tiers, au sens de l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Les requérants, à supposer même qu'ils puissent être regardés comme résidents américains, ce qui n'est pas le cas ainsi qu'il a été dit au point 6., ne sont, par suite, pas fondés à soutenir pour ce motif que les contributions en litige ont été mises à leur charge en méconnaissance du principe de libre circulation des capitaux énoncé à cet article.

12. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre, que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que les requérants demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer à hauteur des dégrèvements accordés en cours d'instance.

Article 2 : Le surplus de la requête de M. et Mme C... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris (pôle contrôle fiscal et affaires juridiques - SCAD).

Délibéré après l'audience du 23 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Topin, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 décembre 2022.

Le rapporteur,

F. B...Le président,

I. BROTONS

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

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N° 21PA06637


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA06637
Date de la décision : 07/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: Mme PRÉVOT
Avocat(s) : CABINET F. NAIM

Origine de la décision
Date de l'import : 11/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-12-07;21pa06637 ?
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