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12/12/2022 | FRANCE | N°21PA00577

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 12 décembre 2022, 21PA00577


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Est Ouvrages a demandé au tribunal administratif de Paris :

- de condamner la SNCF Réseau à lui verser une somme de 147 095,36 euros hors taxes au titre du solde du marché, augmentée des intérêts légaux, majorés de 10 points de pourcentage en application de l'article L. 441-6 du code de commerce, à compter du 13 septembre 2016 ;

- de condamner la SNCF Réseau à lui verser une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Par un jugeme

nt n° 1807723 du 1er décembre 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande et les ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Est Ouvrages a demandé au tribunal administratif de Paris :

- de condamner la SNCF Réseau à lui verser une somme de 147 095,36 euros hors taxes au titre du solde du marché, augmentée des intérêts légaux, majorés de 10 points de pourcentage en application de l'article L. 441-6 du code de commerce, à compter du 13 septembre 2016 ;

- de condamner la SNCF Réseau à lui verser une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Par un jugement n° 1807723 du 1er décembre 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande et les conclusions reconventionnelles de la SNCF Réseau.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 3 février 2021, la société Est Ouvrages, représentée par Iliade Avocats, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1807723 du 1er décembre 2020 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté sa demande ;

2°) de condamner la SNCF Réseau au versement d'une somme de 147 095,36 euros au titre du solde du marché, assortie des intérêts légaux au taux d'intérêt appliqué par la BCE, majoré de 10 points de pourcentage par application de l'article L. 441-6 du code de commerce à compter du 13 septembre 2016 ;

3°) de condamner la SNCF Réseau au versement d'une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

4°) de mettre à la charge de la SNCF Réseau la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- sa demande n'était pas tardive, dès lors que le solde du marché était devenu ferme et définitif et qu'elle n'était ainsi pas soumise aux disposition de l'article 85-2 du CCCG Travaux ;

- en tout état de cause, elle a saisi le tribunal de grande instance de Metz dans le délai de trois mois suivant le rejet de sa réclamation, peu important que cette juridiction se soit déclarée incompétente ;

- le solde du marché doit être regardé comme ferme et définitif, de sorte qu'elle est fondée à demander le paiement de la somme de 147 095,36 euros ;

- elle justifie des surcoûts induits par les multiples bouleversements de la commande initiale, qui ne lui sont en rien imputables ;

- la SNCF a tout mis en œuvre pour échapper à son obligation de paiement, ce qui relève d'une pratique abusive ;

- sa propre demande n'est aucunement abusive.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juillet 2021, la SNCF Réseau, représentée par Me Malik Memlouk, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 7 000 euros soit mise à la charge de la société Est Ouvrages en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, à titre principal, que la requête de la société Est Ouvrages est irrecevable faute d'avoir été présentée dans les délais et de comporter des moyens d'appel et, à titre subsidiaire, que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme d'Argenlieu, rapporteure,

- les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure public,

- les observations de Me Matuszak, représentant la société Est Ouvrages et de Me Juquin, représentant la SNCF Réseau.

Considérant ce qui suit :

1. La Société nationale des chemins de fer français (SNCF), en qualité de maître d'ouvrage délégué de Réseau ferré de France, devenu ultérieurement la SNCF Réseau, a confié à la société Est Ouvrages la réalisation d'études et de travaux de confortement d'un ponceau sur voie ferroviaire situé à Pouru-Saint-Remy dans les Ardennes. Ce marché a été conclu le 28 mai 2014 pour un montant total de 127 048 euros hors taxes. Les travaux ont été réceptionnés le 16 juillet 2015, avec effet au 9 juillet 2015. La société Est Ouvrages a présenté un premier décompte final du marché le 27 août 2015 pour un montant de 220 523,03 euros, soit 264 627,64 euros toutes taxes comprises. Il n'y a pas été répondu. Après une mise en demeure adressée le 1er février 2016 par la SNCF Réseau à la société Est Ouvrages, cette dernière a transmis le 5 février 2016 au maître d'ouvrage un nouveau projet de décompte final, dans lequel elle demande, eu égard aux situations mensuelles déjà réglées, le règlement d'un solde en sa faveur de 130 862,27 euros toutes taxes comprises. Le décompte général établi le 16 août 2016 par la SNCF Réseau a arrêté le montant des prestations réalisées à la somme de 125 473,59 euros hors taxes, et a fixé le solde du marché en faveur de la société requérante à 1 502,94 euros toutes taxes comprises, après déduction des acomptes déjà versés et l'application de pénalités. Le mémoire en réclamation adressé le 13 septembre 2016 par la société Est Ouvrages a été expressément rejeté par la SNCF Réseau le 6 février 2017. Par une assignation du 6 avril 2017, la société Est Ouvrages a saisi le tribunal de grande instance de Metz aux fins de voir condamner la SNCF Réseau au paiement du solde du marché. Par une ordonnance du 5 décembre 2017, le juge de la mise en état s'est déclaré incompétent au motif que le litige, eu égard à la nature du contrat, relevait de la compétence du juge administratif. La société Est Ouvrages a formé le 15 janvier 2018 une nouvelle réclamation assortie d'une demande de dommages et intérêts, laquelle a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. La société Est Ouvrages a saisi le 17 mai 2018 le tribunal administratif de Paris afin qu'il condamne la SNCF Réseau à lui verser une somme de 147 095,36 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts de retard, outre 10 000 euros au titre de sa résistance abusive. Par un jugement du 1er décembre 2020, dont la société Est Ouvrages fait appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur la tardiveté de la requête de première instance :

2. Aux termes de l'article 13.34 du cahier des clauses et conditions générales (CCCG) applicables aux marchés de travaux de Réseau ferré de France et de la SNCF, dans sa version n° 2 du 24 novembre 2008 applicable au marché en litige : " Le décompte général est signé par la personne responsable du marché et notifié à l'entrepreneur par ordre de service avant la plus tardive des deux dates ci-après : • quatre-vingt-dix jours après la date de réception, par le maître d'œuvre, du projet de décompte final ; • trente jours après la publication des indices ou index de référence permettant la révision du solde. Au vu du décompte général qui lui est notifié, l'entrepreneur émet la facture pour solde du montant résultant du calcul établi par le maître d'œuvre et la transmet à celui-ci qui l'adresse, à son tour, à la personne responsable du marché ". Les stipulations de l'article 85.2 de ce même document prévoient que : " Si l'entrepreneur refuse de signer sans réserve le décompte général, la personne responsable du marché dispose, à compter de la date de réception par le maître d'œuvre du mémoire de réclamation exprimant ces réserves (...), d'un délai de six mois pour notifier sa décision. L'absence de notification de décision dans le délai de six mois vaut rejet de la demande de l'entrepreneur. Si, dans le délai de trois mois à partir de la notification de décision ou de l'expiration du délai de réponse de six mois de la personne responsable du marché, l'entrepreneur n'a pas porté ses réclamations devant le tribunal compétent, il est considéré comme ayant adhéré à la décision de la personne responsable du marché et toute réclamation se trouve éteinte ". Enfin, l'article 86 du CCCG relatif, en cas de différends, à la juridiction et au droit applicable, dit que : " Toute difficulté qui pourrait naître entre le maître de l'ouvrage et l'entrepreneur à l'occasion des marchés soumis aux présentes clauses et conditions générales est portée devant les tribunaux de Paris. (...) ".

3. A l'appui de sa demande tendant à voir reconnaître la recevabilité de sa demande de première instance, la société Est Ouvrages fait valoir qu'en ne répondant pas à son projet de décompte final adressé le 27 août 2015, réceptionné le lendemain par le maître d'œuvre, la SNCF Réseau est réputée l'avoir accepté de manière tacite et définitive. Elle en déduit qu'il n'existe plus de différends entre les parties, lesquelles ne seraient plus soumises à l'article 85.2 précité du CCCG qui ne leur serait, par suite, plus opposable.

4. Toutefois, aucune disposition du CCCG ne prévoit que le silence gardé par le maître de l'ouvrage sur le projet de décompte final établi par l'entrepreneur vaudrait acceptation tacite de ce projet, qui ne pourrait dès lors plus être contesté. Par suite, l'absence de réponse expresse de la SNCF Réseau au premier projet de décompte final n'a pas pu avoir pour effet de conférer à ce projet un caractère général et définitif. Dans ces conditions, il existait encore un différend, au sens de l'article 85 précité du CCCG applicable, lorsque, le 6 février 2017, la SNCF Réseau a rejeté le mémoire en réclamation de la société Est Ouvrages. Ce faisant, les cocontractantes étaient toujours soumises aux stipulations combinées des articles 85.2 et 86 du CCCG qui sont devenues la loi des parties, par leur commune intention. Or, en l'absence d'autre précision dans les pièces du marché, l'article 85.2 du CCCG, qui stipule que l'entrepreneur doit porter sa réclamation " devant le tribunal compétent ", doit nécessairement être regardé comme renvoyant à l'article 86 de ce même document, lequel désigne " les tribunaux de Paris " comme étant les juridictions compétentes en cas de différend.

5. Il résulte de l'instruction que la société Est Ouvrages a saisi le tribunal de grande instance de Metz le 6 avril 2017. Toutefois, en vertu de l'article 86 précité du CCCG, l'entrepreneur devait porter ses réclamations devant les tribunaux de Paris. D'une part, la saisine d'un tribunal territorialement incompétent n'a pas pu avoir pour effet de conserver le délai de recours de trois mois ouvert à l'entrepreneur à compter du rejet de sa réclamation. D'autre part, la lettre du 15 janvier 2018, adressée par la société Est Ouvrages à la SNCF Réseau à la suite de l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Metz se disant incompétent pour connaître du litige, qui n'était pas expressément prévue par les stipulations de l'article 85.2 citées ci-dessus, n'a pas pu avoir pour effet de rouvrir le délai de recours contre la décision expresse de rejet de la réclamation de la société Est Ouvrages prise le 6 février 2017 par la SNCF Réseau. Ce délai était donc expiré le 17 mai 2018, date d'enregistrement de la demande de la société Est Ouvrages au greffe du tribunal administratif de Paris.

6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de sa requête d'appel, que la société Est Ouvrages n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté pour forclusion ses demandes, en ce compris celles tendant au paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SNCF Réseau, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Est Ouvrages demande au titre des frais de l'instance. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la société Est Ouvrages une somme de 1 500 euros à verser à la SNCF Réseau sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Est Ouvrages est rejetée.

Article 2 : La société Est Ouvrages versera à la SNCF Réseau une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Est Ouvrages et à la SNCF Réseau.

Délibéré après l'audience du 18 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Fombeur, présidente de la Cour,

- Mme Heers, présidente,

- Mme d'Argenlieu, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 décembre 2022.

La rapporteure,

L. D'ARGENLIEU

La présidente,

P. FOMBEUR

La greffière,

O. BADOUX-GRARE

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA00577


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA00577
Date de la décision : 12/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. FOMBEUR
Rapporteur ?: Mme Lorraine D'ARGENLIEU
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : CABINET BOIVIN et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-12-12;21pa00577 ?
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