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14/12/2022 | FRANCE | N°21PA02776

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 14 décembre 2022, 21PA02776


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser la somme de 441 081 euros au titre de l'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'interruption du processus devant conduire à son recrutement comme attaché de coopération auprès de l'Ambassade de France à Bujumbura (Burundi).

Par un jugement n° 1904358 du 31 mars 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête e

nregistrée le 21 mai 2021, M. A..., représenté par Me Malterre, demande à la Cour :

1°) d'a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser la somme de 441 081 euros au titre de l'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'interruption du processus devant conduire à son recrutement comme attaché de coopération auprès de l'Ambassade de France à Bujumbura (Burundi).

Par un jugement n° 1904358 du 31 mars 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 21 mai 2021, M. A..., représenté par Me Malterre, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1904358 du 31 mars 2021 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 441 081 euros au titre de l'indemnisation des préjudices subis ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- son premier contrat s'est terminé le 26 avril à la fin de la période d'essai pour des motifs fallacieux ; le 25 mai 2018, un nouveau contrat quasiment identique et dans un pays limitrophe lui est proposé par le ministère des affaires étrangères ; le 13 juin 2018, ce dernier met un terme au processus de recrutement moins de 3 semaines après sa proposition sans autre motif que " l'intérêt du service " ; l'administration a fait preuve d'une légèreté blâmable constitutive pour lui et sa famille d'un grave préjudice ;

- le préjudice financier représente 341 081,28 euros compte tenu du manque à gagner pour son épouse, soit 23 124 euros, et de la perte du traitement et des indemnités au regard de la durée de son second contrat de vingt-quatre mois, soit 317 957,28 euros ;

- le préjudice moral résultant des deux ruptures est évalué à 100 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 septembre 2022, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors qu'elle reprend, au mot près, les moyens développés en première instance et n'est assortie d'aucun élément nouveau susceptible de remettre en cause l'appréciation des premiers juges ;

- en tout état de cause, aucun des moyens soulevés par M. A... n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de M. Perroy, rapporteur public, désigné en application de l'article R. 222-24 du code de justice administrative,

- et les observations de Me Malterre, pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. Par un contrat à durée déterminée conclu sur le fondement de l'article 4 de la loi du 11 janvier 1984 pour une durée de deux ans à compter du 1er septembre 2017, le requérant a été recruté par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères en qualité de conseiller de coopération et d'action culturelle auprès du service de coopération et d'action culturelle de l'ambassade de France à Kampala (Ouganda). Par un courrier du 13 avril 2018, l'administration a décidé de mettre un terme à ce contrat le 26 avril 2018, soit à la fin de la période d'essai qui avait fait l'objet d'un renouvellement. Toutefois, par un courrier du 25 mai 2018, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères a informé M. A... qu'il envisageait de l'engager par un contrat à durée déterminée de deux ans à compter du 1er septembre 2018 afin de lui confier l'emploi d'attaché de coopération auprès du service de coopération et d'action culturelle de l'ambassade de France à Bujumbura (Burundi). Le 13 juin 2018, la direction des ressources humaines de la direction générale de l'administration et de la modernisation du ministre des affaires étrangères a décidé d'interrompre le processus de son recrutement. Estimant avoir été illégalement privé d'un contrat de droit public, M. A... a vainement saisi, le 15 novembre 2018, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères d'une réclamation préalable tendant au versement de la somme globale de 441 081 euros correspondant, selon lui, aux préjudice matériel et moral qu'il a subis du fait de cette interruption. M. A... relève appel du jugement du 31 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur la fin de non-recevoir opposée en défense :

2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ".

3. Dès lors que M. A... demande l'annulation du jugement du 31 mars 2021 du tribunal administratif de Paris et qu'il en conteste tant la motivation que le bien fondé, à plusieurs reprises, sa requête ne constitue pas la reproduction littérale de sa demande de première instance et ainsi n'est pas irrecevable, quand bien même elle reprend les mêmes titres et les mêmes moyens que ceux de sa demande de première instance. Dès lors, la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'Europe et des affaires étrangères ne peut être accueillie.

Sur la régularité du jugement :

4. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Les premiers juges ont suffisamment motivé, aux point 6 à 8 de leur jugement, les raisons pour lesquelles ils ont estimé que l'attitude de l'administration, en refusant de recruter M. A..., n'était pas fautive. Si M. A... critique l'appréciation du tribunal, eu égard au caractère reconnu par celui-ci comme " équivoque " du refus de recrutement, cela relève du bien-fondé du jugement. Le moyen tiré d'une insuffisance de motivation du jugement ne peut ainsi qu'être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

Sur l'existence d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat :

5. Il résulte de l'instruction que, suite à la rupture de son contrat en qualité de conseiller de coopération et d'action culturelle auprès du service de coopération et d'action culturelle de l'ambassade de France à Kampala (Ouganda), à compter du 26 avril 2018, M. A... s'est vu proposer, le 25 mai 2018, un nouveau contrat comme attaché de coopération auprès du service de coopération et d'action culturelle de l'ambassade de France à Bujumbura (Burundi). Toutefois, par lettre du 13 juin 2018, M. A... a été informé par le sous-directeur des personnels contractuels de l'interruption du processus de recrutement " dans l'intérêt du service ". Il conteste cette décision en faisant valoir, d'une part, que cette proposition de contrat lui avait été faite, à sa demande, pour compenser la rupture de son précédent contrat et, d'autre part, l'absence de précision quant aux éléments qui auraient été transmis par l'attaché de sécurité intérieure de l'ambassade de France à Bujumbura et qui auraient conduit l'administration à refuser le recrutement envisagé, dans l'intérêt du service.

6. En premier lieu, la lettre du 25 mai 2018, qui précise notamment à M. A... que son recrutement en qualité d'attaché de coopération auprès du service de coopération et d'action culturelle de l'ambassade de France à Bujumbura sera effectif sous réserve de " l'accomplissement d'un certain nombre de formalités administratives et sous réserve qu'un avis médical confirme [ses] aptitudes à exercer ces fonctions " et indique la date de prise d'effet du contrat, sa durée et son lieu d'exécution, doit être regardée, eu égard aux termes dans lesquels elle est rédigée, comme une offre ferme de recrutement que le requérant devait ou non accepter dans un délai de dix jours.

7. En second lieu, ainsi que le fait valoir M. A..., la lettre du 13 juin 2018 ne donne aucune précision sur les motifs qui ont conduit l'administration à considérer qu'il convenait de rompre l'offre de recrutement faite à M. A... " dans l'intérêt du service ". En défense, l'administration fait valoir, en s'appuyant sur un certificat du directeur des ressources humaines en date du 26 septembre 2019, que cette décision a été prise après qu'elle a eu connaissance, tardivement, " d'éléments complémentaires " attestant de la " vulnérabilité " de M. A..., s'agissant d'une part de son comportement et " en particulier [de] certaines relations extraprofessionnelles [étant] de nature à mettre en danger tant l'intéressé que l'ambassade " et, d'autre part, d'un " risque de compromission " résultant de la perte par M. A... de son téléphone portable professionnel comprenant des " informations particulièrement confidentielles ". Elle relève également le " manque de rigueur " dont M. A... aurait fait preuve dans ses fonctions à Kampala.

8. Toutefois, d'une part, il résulte de l'instruction, notamment de la " notice individuelle " non datée rédigée suite à la mission d'inspection à l'ambassade de France à Kampala et du " courrier formel " du 12 avril 2018, et n'est d'ailleurs pas contesté, que le " manque de rigueur " reproché à M. A... par l'ambassadrice et les difficultés auxquelles l'intéressé a été confronté dans le cadre de l'exercice de ses précédentes fonctions étaient connus de l'administration à la date à laquelle la proposition de recrutement a été faite à l'intéressé, le 25 mai 2018. Ces insuffisances et difficultés ne peuvent donc pas, à elles seules, justifier la décision du 13 juin 2018 de revenir sur cette proposition.

9. D'autre part, et alors qu'il est constant que M. A... avait déjà fait l'objet d'une enquête de sécurité lors de son premier recrutement, l'administration ne donne aucune précision sur les " éléments de vulnérabilité " mentionnés dans le certificat du 26 septembre 2019, s'agissant en particulier des " relations extraprofessionnelles " de M. A... qui seraient susceptibles selon elle de représenter un danger tant pour l'intéressé que pour l'ambassade, ne mettant pas à même l'intéressé de contester utilement ces éléments dont il soutient qu'il ne comprend pas à quoi ils correspondent. De la même façon, à supposer même que l'administration n'ait pas eu connaissance plus tôt du vol du téléphone portable professionnel de M. A..., le 27 novembre 2017, elle n'indique pas en quoi celui-ci révèlerait une " vulnérabilité " de l'intéressé justifiant de ne pas donner suite à la proposition de recrutement qui lui a été faite le 25 mai 2018. Dès lors, M. A... est fondé à soutenir que la décision du 13 juin 2018 est entachée d'une illégalité fautive de l'administration, susceptible d'engager sa responsabilité.

Sur les préjudices :

Sur le préjudice matériel :

10. M. A..., qui ne peut pas prétendre au versement du traitement et des indemnités qu'il aurait perçues s'il avait été recruté, ne donne aucune précision sur sa situation suite au refus qui lui a été opposé, n'indiquant pas, notamment, s'il a retrouvé un emploi, ni ne produit à l'instance d'éléments permettant d'établir l'existence d'une perte de rémunération dont il serait fondé à demander la réparation.

11. Par ailleurs, il n'y a pas de lien entre la faute commise par l'administration et la perte de rémunération de l'épouse de M. A... à raison de la prorogation de son congé sans solde à sa demande et pour une durée de deux ans, à compter du 1er décembre 2017.

Sur le préjudice moral :

12. Si M. A... fait valoir que le refus de recrutement qui lui a été opposé a porté atteinte à sa réputation auprès des institutions et organisations internationales avec lesquelles il avait travaillé et noué des contacts professionnels, il n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes indemnitaires. Par suite, ses conclusions aux fins d'annulation et d'indemnisation ainsi que, par voie de conséquences, celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- M. Aggiouri, premier conseiller.

Rendu public par mise à dispositions au greffe, le 14 décembre 2022.

La rapporteure,

C. C...La présidente,

H. VINOT

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne à la ministre de l'Europe et des affaires étrangères en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA02776 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA02776
Date de la décision : 14/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: Mme Cécile VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur public ?: M. PERROY
Avocat(s) : CABINET MALTERRE - DIETSCH

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-12-14;21pa02776 ?
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