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14/12/2022 | FRANCE | N°21PA05015

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 14 décembre 2022, 21PA05015


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... B... A... épouse E... a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler l'arrêté du 7 février 2020 portant régularisation de sa situation administrative, d'annuler les titre exécutoires n° 678 et 679 émis le 17 avril 2020, d'annuler l'avis à tiers détenteur du 7 juillet 2020 et de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 10 120 941 F CFP.

Par un jugement n° 2000506 du 8 juin 2021, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté s

a demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... B... A... épouse E... a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler l'arrêté du 7 février 2020 portant régularisation de sa situation administrative, d'annuler les titre exécutoires n° 678 et 679 émis le 17 avril 2020, d'annuler l'avis à tiers détenteur du 7 juillet 2020 et de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 10 120 941 F CFP.

Par un jugement n° 2000506 du 8 juin 2021, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 9 septembre 2021 et le 26 août 2022, Mme E..., représentée par Me Quinquis, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2000506 du 8 juin 2021 du Tribunal administratif de la Polynésie française ;

2°) d'annuler l'arrêté du 7 février 2020 ;

3°) d'annuler les titres exécutoires n° TR 678/20 et TR 679/20 émis le 17 avril 2020 ;

4°) d'annuler l'avis à tiers détenteur émis le 7 juillet 2020 ;

5°) d'annuler le commandement de payer du 26 avril 2021 ;

6°) de la décharger de l'obligation de payer à la Polynésie française la somme de 10 120 941 francs FCP ;

7°) de condamner la Polynésie française à lui reverser les retenues sur salaires opérées depuis le mois de juillet 2020 ;

8°) de mettre à la charge de la Polynésie française le versement de la somme de 400 000 francs FCP sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le Tribunal a omis de statuer sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du 7 février 2020 ;

- il a omis de statuer sur le moyen tiré du principe général du droit que constitue l'effet suspensif des recours formés contre les titres exécutoires ;

- les titres exécutoires émis le 17 avril 2020 ont été signés par une autorité incompétente ;

- l'avis à tiers détenteur émis le 7 juillet 2020 et le commandement de payer du 26 avril 2021 sont irréguliers dès lors que les recours formés contre les titres exécutoires ont, en vertu d'un principe général du droit, un effet suspensif faisant obstacle à leur exécution forcée ;

- en application de la règle du service fait elle n'a aucune dette à l'égard de la Polynésie française dès lors qu'elle a toujours effectué son service sur des fonctions de catégorie A ;

- la Polynésie française a commis une faute en la maintenant sur un poste relevant de la catégorie A après son intégration dans un grade de catégorie B ;

- elle a également commis une faute en ne la promouvant pas, au sein de la délégation polynésienne, en catégorie D1 correspondant à la catégorie A ;

- elle a subi du fait de cette faute un préjudice consistant en la différence de traitement entre les catégories B et A dans son corps d'intégration ;

- son intégration en catégorie B lui ouvrait droit à percevoir l'indemnité différentielle prévue par l'article LP 4 de la loi du pays du 15 juillet 2016.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mars 2022, la Polynésie française, représentée par Me Marchand, conclut au rejet de la requête et à ce que le versement la somme de 3 500 euros soit mis à la charge de Mme E... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens tirés de l'illégalité de l'arrêté du 7 février 2020 sont inopérants ;

- les autres moyens soulevés par Mme E... ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt de la Cour était susceptible d'être fondé sur les moyens d'ordre publics tirés de l'incompétence de la Cour pour statuer sur les conclusions tendant à l'annulation du commandement de payer du 26 avril 2021 et de l'irrégularité du jugement attaqué en tant qu'il a statué sur les conclusions tendant à l'annulation de l'avis à tiers détenteur qui ne relèvent pas de la compétence du juge administratif.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- l'ordonnance n° 98-581 du 8 juillet 1998 ;

- la " loi du pays " n° 2016-26 du 15 juillet 2016 ;

- la délibération n° 98-122 APF du 6 août 1998 ;

- la délibération n° 95-226 AT du 14 décembre 1995 ;

- la délibération n° 95-227 AT du 14 décembre 1995 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- et les conclusions de Mme Breillon, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A... épouse E... a été recrutée le 5 février 1987 par la délégation de la Polynésie française à Paris par contrat à durée indéterminée. A compter du 1er janvier 2000, elle a été reclassée en catégorie D2 en application de la délibération n° 98-122 APF du 6 août 1998 relative au statut du personnel de la délégation de la Polynésie française à Paris. Mme E... a ensuite été détachée auprès de la Polynésie française, pour une durée de cinq ans à compter du 10 juin 2004, et classée dans le cadre d'emplois des attachés d'administration au grade de conseiller principal des services administratifs. Son détachement a été renouvelé jusqu'à l'intervention de la " loi du pays " n° 2016-26 du 15 juillet 2016 portant mesures exceptionnelles d'intégration des personnels de la délégation de la Polynésie française à Paris recrutés à durée indéterminée dans la fonction publique de la Polynésie française. Par arrêté n° 9393 MTF du 28 octobre 2016, Mme E... a en conséquence été intégrée dans la fonction publique de la Polynésie française dans le cadre d'emplois de catégorie B des rédacteurs, au douzième échelon, à compter du 15 octobre 2016.

2. Contestant sa catégorie d'intégration, Mme E... a saisi le Tribunal administratif de la Polynésie française qui, par un jugement du 29 septembre 2017, a annulé la décision implicite rejetant sa demande de reclassement dans le cadre d'emplois de catégorie A des attachés d'administration et a enjoint à la Polynésie française de procéder à ce reclassement et de lui verser les rappels de rémunération correspondants. La Cour a annulé ce jugement par un arrêt n°17PA03918 du 10 décembre 2019, devenu définitif après rejet du pourvoi en cassation de Mme E.... En conséquence de cette annulation la Polynésie française, qui avait procédé au reclassement en catégorie A de Mme E... en exécution du jugement annulé, a émis, le 17 avril 2020, deux titres de recettes à l'encontre de Mme E..., d'un montant de 10 120 941 F CFP, puis, le 7 juillet 2020, un avis à tiers détenteur, en vue du recouvrement de cette créance. Mme E... fait appel du jugement du 8 juin 2021 par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 7 février 2020 retirant son reclassement en catégorie A, à l'annulation des titres exécutoires émis le 17 avril 2020 et de l'avis à tiers détenteur émis le 7 juillet 2020, et d'autre part à la décharge de l'obligation de payer la somme de 10 120 941 F CFP. Elle demande en outre l'annulation d'un commandement de payer émis à son encontre le 26 avril 2021.

Sur la compétence de la Cour :

3. Aux termes de l'article 10 de l'ordonnance n° 98-581 du 8 juillet 1998 portant actualisation et adaptation des règles relatives aux garanties de recouvrement et à la procédure contentieuse en matière d'impôts en Polynésie française " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics doivent être adressées au trésorier-payeur général. Les contestations ne peuvent porter que : - soit sur la régularité en la forme de l'acte ; - soit sur l'existence de l'obligation de payer, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués, sur l'exigibilité de la somme réclamée, ou sur tout autre motif ne remettant pas en cause l'assiette et le calcul de l'impôt. Les recours contre les décisions prises par le trésorier-payeur général sur ces contestations sont portés, dans le premier cas, devant le tribunal de première instance, dans le second cas, devant le juge de l'impôt tel qu'il est prévu à l'article 9 ci-dessus ".

4. Les conclusions de Mme E... tendant à l'annulation du commandement de payer émis à son encontre le 26 avril 2021, au demeurant présentées pour la première fois en appel, relèvent de la compétence du juge judiciaire dès lors qu'il n'appartient pas au juge administratif d'annuler un acte de poursuite. Elles doivent dès lors être rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Sur la régularité du jugement :

5. Le juge administratif n'était pas davantage compétent pour statuer sur les conclusions de Mme E... tendant à l'annulation de l'acte de poursuite que constitue l'avis à tiers détenteur du 7 juillet 2020. Par suite, le jugement attaqué est irrégulier en tant qu'il a statué sur ces conclusions.

6. Par ailleurs il résulte des termes du jugement attaqué que les premiers juges ont omis de statuer sur les conclusions de la demande de Mme E... tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 février 2020 par lequel a été retiré l'arrêté du 9 novembre 2017 procédant à son classement, au sein de la fonction publique de la Polynésie française, dans le cadre d'emplois des attachés d'administration en exécution du jugement du 29 septembre 2017. Mme E... est donc fondée à demander, dans cette mesure, l'annulation du jugement.

7. Il s'ensuit qu'il y a lieu de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur les conclusions de la demande de Mme E... mentionnées aux points 4 et 5 et, par la voie de l'effet dévolutif, sur le surplus des conclusions de sa requête d'appel.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

8. En premier lieu, les conclusions tendant à l'annulation de l'avis à tiers détenteur émis par la Polynésie française le 7 juillet 2020 doivent être rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

9. En second lieu, en se bornant à relever que le succès du pourvoi qu'elle avait introduit contre l'arrêt de la Cour n°17PA03918 du 10 décembre 2019 entraînerait nécessairement le retrait de l'arrêté du 7 février 2020 procédant au retrait de l'arrêté du 9 novembre 2017, Mme E... ne formule à l'encontre de cette première décision aucun moyen assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, les conclusions dirigées contre cet arrêté ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions aux fins de décharge :

10. En premier lieu il résulte de l'instruction que les titres de recettes du 17 avril 2020 ont été signés par Mme F... C..., directrice du budget et des finances qui disposait, en application de l'article 2 d'un arrêté n° 1235 PR du 30 octobre 2018, régulièrement publié au journal officiel de la Polynésie française du 6 novembre 2018, d'une délégation du président de la Polynésie française pour accomplir les actes d'ordonnancement des recettes et des dépenses du budget général de la Polynésie française. Si une délégation a été donnée au ministre par un autre arrêté du 30 octobre 2018 pour procéder à la liquidation des recettes, il est constant que celui-ci a ensuite délégué sa signature à Mme C... pour procéder à la liquidation des droits des personnels. Dans ces conditions Mme E... n'est pas fondée à soutenir que Mme C... n'était pas compétente pour émettre les titres de recettes à l'origine de la créance en litige.

11. En deuxième lieu, si Mme E... invoque, pour contester l'obligation de payer procédant de l'avis à tiers détenteur émis le 7 juillet 2020, la règle, qui revêt le caractère d'un principe général du droit, selon laquelle l'opposition du débiteur au titre exécutoire formée devant la juridiction compétente suspend son recouvrement forcé, et si lorsqu'un texte prévoit l'obligation d'un recours administratif préalable à la saisine de la juridiction, ce recours a le même effet suspensif que le recours juridictionnel, il résulte toutefois de l'instruction que la requérante n'avait saisi aucune juridiction d'une contestation portant sur les titres exécutoires du 17 avril 2020 lors de l'émission de cet avis à tiers détenteur et que si elle avait formé le 25 juin 2020 un recours auprès du payeur général de la Polynésie française à l'encontre de ces deux titres, il résulte de l'instruction que celui-ci a été reçu le 9 juillet 2020, soit postérieurement à l'émission de l'avis à tiers détenteur. Dans ces conditions le moyen doit être écarté.

12. En troisième lieu, à supposer que le fait que Mme E... n'a jamais cessé d'exercer, après son intégration dans la fonction publique de la Polynésie française en octobre 2016, les fonctions qu'elle exerçait avant son intégration et qui correspondent à un emploi relevant de la catégorie A, puisse être regardé comme constitutive d'une faute, en tout état de cause une telle faute de la Polynésie française serait sans incidence, par elle-même, sur l'existence et le montant de la créance de cette dernière résultant de l'illégalité du classement de Mme E... dans un cadre d'emploi de catégorie A lors de son intégration.

13. En quatrième lieu, à supposer là encore que la Polynésie française ait commis une faute en n'ayant pas promu Mme E..., dans son statut d'origine, à la catégorie D2 correspondant à la catégorie A de la fonction publique de la Polynésie française pendant la durée de son détachement, alors que l'intéressée en remplissait les conditions statutaires, en tout état de cause une telle faute serait également sans incidence sur l'existence et le montant de la créance de la Polynésie française résultant de l'illégalité du classement de Mme E... dans un cadre d'emploi de catégorie A lors de son intégration.

14. En cinquième lieu, Mme E... n'est en tout état de cause pas fondée à invoquer la règle du " service fait " pour soutenir qu'elle avait droit, compte tenu de la nature des fonctions qu'elle exerçait après son intégration, à percevoir une rémunération correspondant à un emploi de catégorie A, cette règle imposant seulement qu'un agent exerçant ses fonctions perçoive la rémunération afférente à son cadre d'emploi.

15. Enfin, si Mme E... soutient que son intégration dans le cadre d'emploi des rédacteurs lui ouvrait droit à la perception de l'indemnité différentielle prévue par l'article LP 4 de la " loi du pays " du 15 juillet 2016 portant mesures exceptionnelles d'intégration des personnels de la délégation de la Polynésie française à Paris recrutés à durée indéterminée dans la fonction publique de la Polynésie française, il est constant que l'arrêté du 28 octobre 2016 procédant à l'intégration de Mme E... sans lui octroyer cette indemnité est devenu définitif suite à l'arrêt de la Cour du 10 décembre 2019.

Sur les frais de l'instance :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Polynésie française, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme E... demande à ce titre. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur ce même fondement par la Polynésie française.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2000506 du 8 juin 2021 du Tribunal administratif de la Polynésie française est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur conclusions de la demande de Mme E... tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 février 2020 par lequel a été retiré l'arrêté du 9 novembre 2017 procédant à son classement, et qu'il a statué sur les conclusions tendant à l'annulation de l'avis à tiers détenteur du 7 juillet 2020.

Article 2 : Les conclusions de la demande de Mme E... tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 février 2020 et celles tendant à l'annulation de l'avis à tiers détenteur du 7 juillet 2020 sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel de Mme E... est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de la Polynésie française présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... B... A... épouse E... et à la Polynésie française.

Délibéré après l'audience du 29 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente assesseure,

- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 décembre 2022

La rapporteure,

P. D...Le président,

C. JARDIN

La greffière,

L. CHANALa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA05015


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA05015
Date de la décision : 14/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: Mme BREILLON
Avocat(s) : SELARL PIRIOU QUINQUIS BAMBRIDGE-BABIN

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-12-14;21pa05015 ?
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