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16/12/2022 | FRANCE | N°21PA05006

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 16 décembre 2022, 21PA05006


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Terre Neuve a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de l'obligation de payer qui résulte de six mises en demeure notifiées à son encontre le 18 décembre 2017.

Par un jugement n° 2005041/1-1 du 12 juillet 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 8 septembre 2021, la SARL Terre Neuve, représentée par Me Eric Planchat, demande à la Cour :

1°) d'annuler le ju

gement du Tribunal administratif de Paris du 12 juillet 2021 ;

2°) de prononcer la décharge litigieu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Terre Neuve a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de l'obligation de payer qui résulte de six mises en demeure notifiées à son encontre le 18 décembre 2017.

Par un jugement n° 2005041/1-1 du 12 juillet 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 8 septembre 2021, la SARL Terre Neuve, représentée par Me Eric Planchat, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris du 12 juillet 2021 ;

2°) de prononcer la décharge litigieuse ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration n'établit pas avoir, conformément aux dispositions de l'article R. 281-4 du livre des procédures fiscales, accusé réception de son opposition ;

- l'administration ne l'a pas informée, à réception de son opposition, de ce que l'absence de réponse dans un délai de deux mois devait s'analyser comme une décision de rejet implicite ;

- elle n'a pas eu connaissance de la décision de rejet implicite un an avant sa demande devant le tribunal administratif ;

- le service du recouvrement a renoncé à sa créance.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 novembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 3 janvier 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 janvier 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public,

- et les observations de Me Planchat, représentant la SARL Terre-Neuve.

Considérant ce qui suit :

1. Par lettre du 25 janvier 2018, reçue par l'administration le 26 janvier 2018, la SARL Terre-Neuve a formé opposition à six mises en demeure de payer datées du 18 décembre 2017 et notifiées à son encontre par la responsable du pôle de recouvrement spécialisé de la direction régionale des finances publiques. La SARL Terre-Neuve relève appel du jugement du 12 juillet 2021 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge de l'obligation de payer l'ensemble des impositions réclamées par ces mises en demeure.

2. L'article R. 281-4 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable, dispose que : "Le chef de service se prononce dans un délai de deux mois à partir du dépôt de la demande, dont il doit accuser réception. / Si aucune décision n'a été prise dans ce délai ou si la décision rendue ne lui donne pas satisfaction, le redevable doit, à peine de forclusion, porter l'affaire devant le juge compétent tel qu'il est défini à l'article L. 281. Il dispose pour cela de deux mois à partir : a) soit de la notification de la décision du chef de service'; b) soit de l'expiration du délai de deux mois accordé au chef de service pour prendre sa décision. / La procédure ne peut, à peine d'irrecevabilité, être engagée avant ces dates. Elle doit être dirigée contre le comptable chargé du recouvrement".

3. En outre, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci en a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le livre des procédures fiscales, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.

4. Les règles énoncées au point 3., relatives au délai raisonnable au-delà duquel le destinataire d'une décision ne peut exercer de recours juridictionnel, qui ne peut en règle générale excéder un an sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, sont également applicables à la contestation d'une décision implicite de rejet née du silence gardé par l'administration sur une demande présentée devant elle, lorsqu'il est établi que le demandeur a eu connaissance de la décision. La preuve d'une telle connaissance ne saurait résulter du seul écoulement du temps depuis la présentation de la demande. Elle peut en revanche résulter de ce qu'il est établi, soit que l'intéressé a été clairement informé des conditions de naissance d'une décision implicite lors de la présentation de sa demande, soit que la décision a par la suite été expressément mentionnée au cours de ses échanges avec l'administration, notamment à l'occasion d'un recours gracieux dirigé contre cette décision. Le demandeur, s'il n'a pas été informé des voies et délais de recours dans les conditions prévues par les textes cités au point 2., dispose alors, pour saisir le juge, d'un délai raisonnable qui court, dans la première hypothèse, de la date de naissance de la décision implicite et, dans la seconde, de la date de l'événement établissant qu'il a eu connaissance de la décision.

5. Il résulte de l'instruction et il n'est d'ailleurs pas contesté que les mises en demeure de payer datées du 18 décembre 2017 ont été notifiées à la société Terre Neuve par pli recommandé remis contre signature et qu'au verso de ces actes étaient mentionnés les délais et voies de recours, ainsi que les conditions de naissance d'une décision implicite de rejet d'une éventuelle réclamation, tels qu'ils sont précisés aux articles L. 281, R. 281-l, R. 281-3-1 et R. 281-4 du livre des procédures fiscales. Il est en outre constant que l'opposition formée par la société requérante a été réceptionnée le 26 janvier 2018. Le directeur régional des finances publiques disposait d'un délai de deux mois pour y répondre et le délai pour saisir le juge administratif expirait dans les deux mois qui suivaient. Dans ces conditions, le délai de recours contentieux de deux mois qui courait à compter de la naissance de la décision implicite de rejet du directeur régional des finances publiques était expiré à la date d'enregistrement de la requête, le 11 mars 2020, devant le tribunal administratif. En outre, et à supposer même qu'en l'absence d'accusé de réception administratif de la réclamation préalable, le délai de recours prévu par les dispositions de l'article R. 284-1 du livre des procédures fiscales ne serait pas opposable à la société requérante, il incombait à celle-ci, qui avait été informée des conditions de naissance d'une décision implicite ainsi que de la date de réception de son opposition à poursuite par l'administration fiscale, de saisir le juge dans le délai maximal d'un an suivant la naissance de la décision implicite intervenue deux mois après le dépôt de sa réclamation. La demande présentée devant le Tribunal administratif de Paris le 11 mars 2020 était par suite également tardive au regard de ce dernier délai.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Terre-Neuve n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Terre-Neuve est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Terre-Neuve et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Topin, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 décembre 2022.

Le rapporteur,

F. A...Le président,

I. BROTONS

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

2

N° 21PA05006


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA05006
Date de la décision : 16/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : CABINET NATAF et PLANCHAT

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-12-16;21pa05006 ?
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