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27/01/2023 | FRANCE | N°21PA00816

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 27 janvier 2023, 21PA00816


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Sécur.i.dress a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser la somme de 44 515 251,20 euros TTC, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de son éviction irrégulière de la consultation pour l'attribution d'un accord-cadre portant sur la fourniture et la distribution d'effets d'habillements, d'accessoires et d'équipements individuels destinés aux personnels de la gendarmerie nationale et de la police nationale ou, avant dire droit, d'ordonne

r une médiation.

Par un jugement n° 1908406/3-2 du 23 décembre 2020, le ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Sécur.i.dress a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser la somme de 44 515 251,20 euros TTC, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de son éviction irrégulière de la consultation pour l'attribution d'un accord-cadre portant sur la fourniture et la distribution d'effets d'habillements, d'accessoires et d'équipements individuels destinés aux personnels de la gendarmerie nationale et de la police nationale ou, avant dire droit, d'ordonner une médiation.

Par un jugement n° 1908406/3-2 du 23 décembre 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 16 février 2021, le 7 novembre 2021, le 31 mars 2022 et le 14 juin 2022, la société Sécur.i.dress, représentée par Me Palmier, demande à la Cour :

1°) à titre principal, d'annuler ce jugement ;

2°) avant dire droit, d'ordonner une médiation ou, à défaut, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 44 515 251,20 euros TTC, assortie des intérêts moratoires et de la capitalisation de

ceux-ci, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de son éviction irrégulière ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les dépens de l'instance.

Elle soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- la communication du sens des conclusions du rapporteur public du tribunal administratif de Paris méconnaît les exigences de l'article R. 711-3 du code de justice administrative ;

- le caractère contradictoire de la procédure a été méconnu dès lors qu'elle n'a pas été mise en mesure de présenter utilement des observations orales lors de l'audience devant le tribunal ;

- le jugement est irrégulier en ce qu'il occulte l'application d'un barème de notation, en ce que les premiers juges considèrent que le ministre n'était pas tenu de l'informer des éléments d'appréciation des sous-critères techniques et en ce que l'offre de l'attributaire aurait dû être déclarée irrégulière.

Sur le bien-fondé du jugement :

Sur la recevabilité du mémoire en défense :

- le signataire de ce mémoire est incompétent à défaut de production d'une habilitation du ministre de l'intérieur ;

- le mémoire en défense est irrégulier dès lors que l'intervention dans le litige de ce signataire, magistrat administratif très récemment détaché au ministère de l'intérieur, méconnaît les dispositions de l'article L. 231-4 du code de justice administrative.

Sur les conclusions indemnitaires :

- elle était habilitée à engager un contentieux au nom des membres du groupement ;

- l'absence d'un barème de notation objectif et non discriminatoire a méconnu l'égalité de traitement entre les candidats ; elle a notamment entraîné une liberté de choix discrétionnaire dans l'attribution ou le retrait des points pour chaque critère ou sous-critère technique ; ainsi, sur le critère de la valeur technique, le ministre lui a retiré plus de points qu'à l'attributaire au regard de remarques pourtant strictement identiques ;

- le ministère de l'intérieur a dénaturé son offre en ce qui concerne l'appréciation du poste n° 3 " fourniture et distribution des effets ", du poste n° 6 " transférabilité " et du poste n° 1 " mise en place de l'accord cadre " ; cette dénaturation a eu des incidences sur le classement des offres et l'a privée d'une chance sérieuse de remporter les deux marchés et d'une manière certaine le lot n° 2 ;

- le ministère de l'intérieur a utilisé, s'agissant de l'appréciation des sous-critères techniques " poste n° 1 " et " poste n° 6 " du critère " valeur technique ", des éléments de notation qui n'étaient pas annoncés dans les documents du marché, en méconnaissance de l'article 62 du décret du 25 mars 2016 et de la jurisprudence du Conseil d'Etat ;

- l'offre de l'attributaire était irrégulière concernant les deux lots, faute de respecter les exigences des articles 1.4.1 et 1.4.2 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) en termes d'anonymisation des profils utilisateurs, et aurait dû être écartée pour ce motif ;

- l'égalité de traitement entre les candidats a été méconnue dès lors que l'attributaire a bénéficié d'éléments de notation du critère " valeur technique " favorisant la reconduction de la solution logicielle qu'il avait mise en place au titre du précédent marché pour le compte de la gendarmerie nationale, en violation de l'article 12 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) ;

- l'offre de l'attributaire aurait dû être écartée pour irrégularité ou pénalisée en raison de l'absence de description de la solution logicielle ;

- ces diverses irrégularités sont en lien direct avec son éviction et l'ont privée d'une chance sérieuse de remporter les deux marchés ;

- son préjudice financier doit être évalué au regard de la marge nette qu'elle aurait pu dégager au titre des deux lots sur la durée du marché ;

- elle a également subi un préjudice moral et commercial qu'elle chiffrera ultérieurement, le cas échéant.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 6 octobre 2021 et le 13 mai 2022, le ministre de l'intérieur déclare ne pas vouloir donner suite à la demande de médiation et conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le signataire du mémoire en défense du 6 octobre 2021 avait compétence pour ce faire au nom du ministre ;

- son intervention dans le présent litige ne contrevient pas aux dispositions de l'article L. 231-4 du code de justice administrative en ce que notamment, il n'a jamais eu à connaître de ce litige dans le cadre de ses précédentes fonctions et qu'en outre, il relève de ses attributions dans le cadre de ses nouvelles fonctions au ministère de l'intérieur ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 ;

- le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de Mme Jayer, rapporteure publique.

- et les observations de Me Gaubert, représentant la société Sécur.i.dress et de M. C... chef du bureau de la commande publique, représentant le ministère de l'intérieur et des outre-mer.

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis d'appel public à la concurrence du 18 août 2017 publié au bulletin officiel des annonces des marchés publics (BOAMP), le ministre de l'intérieur a engagé une procédure d'appel d'offres ouvert en vue de l'attribution d'un accord-cadre ayant pour objet la fourniture et la distribution d'effets d'habillement, d'accessoires et d'équipements individuels destinés aux personnels de la gendarmerie nationale (lot n° 1) et de la police nationale (lot n° 2), d'une durée de quatre ans, tacitement reconductible pour une durée maximale de deux ans. Par deux courriels des 13 juin 2018 et du 21 juin 2018, le ministre de l'intérieur a informé la société Sécur.i.dress, mandataire du groupement constitué avec les sociétés Mulliez-Flory et Léo Minor, du rejet de son offre pour les deux lots. Par lettre du 7 février 2019, la société Sécur.i.dress, s'estimant irrégulièrement évincée, a demandé à l'Etat de lui verser la somme de 44 515 251,20 euros TTC, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de cette éviction. Par une décision du 27 février 2019, le ministre de l'intérieur a rejeté cette demande. La société Sécur.i.dress relève appel du jugement du 23 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation de ce préjudice.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne ".

3. Il résulte de ces dispositions que la communication aux parties du sens des conclusions, prévue par ces dispositions, a pour objet de mettre les parties en mesure d'apprécier l'opportunité d'assister à l'audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu'elles peuvent y présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l'appui de leur argumentation écrite et d'envisager, si elles l'estiment utile, la production, après la séance publique, d'une note en délibéré. En conséquence, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d'adopter, à l'exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Cette exigence s'impose à peine d'irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public.

4. Il ressort des pièces de la procédure devant le tribunal administratif de Paris que le, rapporteur public, qui n'était pas tenu de faire connaître le ou les motifs lui paraissant justifier le dispositif de rejet au fond de la demande, a suffisamment indiqué aux parties le sens de ses conclusions. La société Sécur.i.dress n'est dès lors pas fondée à soutenir que le jugement aurait été rendu au terme d'une procédure irrégulière en raison d'une communication insuffisante du sens des conclusions du rapporteur public.

5. En second lieu, la société Sécur.i.dress soutient que le jugement serait irrégulier en ce qu'il occulte l'application d'un barème de notation, en ce que les premiers juges ont considéré que le ministre n'était pas tenu de l'informer des éléments d'appréciation des sous-critères techniques et en ce que l'offre de l'attributaire aurait dû être déclarée irrégulière. Toutefois, de tels moyens relèvent du bien-fondé du jugement et non de sa régularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

Sur la recevabilité du mémoire en défense du ministre de l'intérieur du 6 octobre 2021 :

6. En premier lieu, aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 susvisé : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : (...) 2° Les chefs de service, directeurs adjoints, sous-directeurs (...) ". Le signataire du mémoire en défense produit devant la Cour par le ministre de l'intérieur le 6 octobre 2021, président du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, a été nommé sous-directeur du conseil juridique et du contentieux à la direction des libertés publiques et des affaires juridiques relevant du secrétariat général du ministère de l'intérieur pour une durée de trois ans, avec une période probatoire de six mois, par un arrêté du 17 août 2021 du Premier ministre, du ministre de l'intérieur, du ministre des outre-mer et de la ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté, publié au Journal officiel de la République française du 19 août 2021. Par suite, celui-ci a pu régulièrement signer le mémoire en défense du 6 octobre 2021. Dès lors, la fin de non-recevoir opposée par la société Sécur.i.dress, tirée de l'irrecevabilité du mémoire en défense sur le fondement de l'article R. 431-4 du code de justice administrative, au demeurant inapplicable à la représentation des parties devant la cour administrative d'appel, doit être écartée.

7. En second lieu, aux termes de l'article L. 231-4 du code de justice administrative : " Les magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel veillent à prévenir ou à faire cesser immédiatement les situations de conflit d'intérêts. / Constitue un conflit d'intérêts toute situation d'interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l'exercice indépendant, impartial et objectif d'une fonction ".

8. Il résulte de l'instruction que, d'une part, le signataire du mémoire en défense du ministre de l'intérieur du 6 octobre 2021 n'a jamais eu à connaître, dans l'exercice de ses précédentes fonctions au sein de la juridiction administrative, du présent litige, à quelque stade que ce soit. D'autre part et contrairement à ce que soutient la société requérante, ce signataire, nommé sous-directeur du conseil juridique et du contentieux à la direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ) dans les conditions mentionnées au point 6, n'a pas vocation à traiter le seul contentieux des étrangers mais a à connaître de l'ensemble des matières contentieuses relatives à la sous-direction placée sous son autorité, dont notamment le contentieux des contrats de commande publique passés par le ministère de l'intérieur. Il a d'ailleurs compétence pour signer l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous l'autorité du ministre, ainsi qu'il a été dit au point 6. La circonstance qu'une délégation de signature spécifique lui ait été consentie aux fins d'exercice d'astreintes au sein de la DLPAJ concernant les décisions prises, lors de week-ends de permanence, notamment en matière de police des étrangers et pour l'application de certaines dispositions du code de la sécurité intérieure, est sans incidence sur la compétence générale qu'il détient en qualité de sous-directeur du conseil juridique et du contentieux. En outre, l'allégation de la société Sécur.i.dress selon laquelle ce signataire du mémoire en défense disposerait de ressources documentaires non diffusées auprès du public en matière de jurisprudence relative au contentieux des marchés publics et auxquelles il aurait seul accès, via l'application " Ariane ", du fait de ses précédentes fonctions au sein de la juridiction administrative, à la supposer même établie, n'est en tout état de cause pas de nature à entraîner l'irrecevabilité du mémoire en cause. Enfin, si la société Sécur.i.dress invoque les dispositions précitées de l'article L. 234-1 du code de justice administrative, la méconnaissance éventuelle de l'obligation déontologique tendant à faire cesser une situation de conflit d'intérêts qu'elle prévoit, qui ne concernerait en tout état de cause que le magistrat concerné, est sans rapport avec le respect du principe d'égalité des parties devant le juge. Par suite, la société Sécur.i.dress n'est pas fondée à demander que ce mémoire en défense soit écarté comme irrégulier.

Sur les conclusions indemnitaires :

9. Tout concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif est recevable à former devant le juge du contrat, dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées, un recours de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat ou de certaines de ses clauses qui en sont divisibles, afin d'en obtenir la résiliation ou l'annulation. En vue d'obtenir réparation de ses droits lésés, le concurrent évincé a aussi la possibilité de présenter devant le juge du contrat des conclusions indemnitaires, à titre accessoire ou complémentaire à ses conclusions à fin de résiliation ou d'annulation du contrat, mais peut également engager un recours de pleine juridiction, tendant exclusivement à une indemnisation du préjudice subi à raison de l'illégalité de la conclusion du contrat dont il a été évincé. Il appartient au juge, si cette irrégularité est établie, de vérifier qu'il existe un lien direct de causalité entre la faute en résultant et les préjudices dont le candidat demande l'indemnisation. Il s'ensuit que lorsque l'irrégularité ayant affecté la procédure de passation n'a pas été la cause directe de l'éviction du candidat, il n'y a pas de lien direct de causalité entre la faute résultant de l'irrégularité et les préjudices invoqués par le requérant à raison de son éviction. Sa demande de réparation des préjudices allégués ne peut alors qu'être rejetée.

S'agissant de la méthode de notation et le défaut d'information :

10. D'une part, pour assurer le respect des principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, l'information appropriée des candidats sur les critères d'attribution d'un marché public est nécessaire, dès l'engagement de la procédure d'attribution du marché, dans l'avis d'appel public à concurrence ou le cahier des charges tenu à la disposition des candidats. Dans le cas où le pouvoir adjudicateur souhaite retenir d'autres critères que celui du prix, il doit porter à la connaissance des candidats la pondération ou la hiérarchisation de ces critères. Il doit également porter à la connaissance des candidats la pondération ou la hiérarchisation des sous-critères dès lors que, eu égard à leur nature et à l'importance de cette pondération ou hiérarchisation, ils sont susceptibles d'exercer une influence sur la présentation des offres par les candidats ainsi que sur leur sélection et doivent en conséquence être eux-mêmes regardés comme des critères de sélection.

11. D'autre part, la personne publique définit librement la méthode de notation pour la mise en œuvre de chacun des critères de sélection des offres qu'elle a définis et rendus publics. Elle peut ainsi déterminer tant les éléments d'appréciation pris en compte pour l'élaboration de la note des critères que les modalités de détermination de cette note par combinaison de ces éléments d'appréciation. Toutefois, une méthode de notation est entachée d'irrégularité si, en méconnaissance des principes fondamentaux d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, les éléments d'appréciation pris en compte pour noter les critères de sélection des offres sont dépourvus de tout lien avec les critères dont ils permettent l'évaluation ou si les modalités de détermination de la note des critères de sélection par combinaison de ces éléments sont, par

elles-mêmes, de nature à priver de leur portée ces critères ou à neutraliser leur pondération et sont, de ce fait, susceptibles de conduire, pour la mise en œuvre de chaque critère, à ce que la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre, ou, au regard de l'ensemble des critères pondérés, à ce que l'offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie. Il en va ainsi alors même que le pouvoir adjudicateur, qui n'y est pas tenu, aurait rendu publique, dans l'avis d'appel à concurrence ou les documents de la consultation, une telle méthode de notation.

12. Le règlement de la consultation prévoyait deux critères de jugement des offres, le prix de la prestation et la valeur technique, respectivement pondérés à 60 % et 40 %. Il prévoyait également la division du critère de la valeur technique en six sous-critères correspondant aux différentes étapes d'exécution de l'accord-cadre, à savoir le poste 1 " Mise en place de l'accord-cadre ", noté sur 15 points, le poste 2 " Pilotage ", noté sur 28 points, le poste 3 " Fourniture et distribution des effets ", noté sur 38 points, le poste 4 " Prise en charge des effets reversés ", noté sur 7 points, le poste 5

" Eco-conception ", noté sur 2 points et le poste 6 " Transférabilité ", noté sur 8 points, auxquels il convient de rajouter l'élément " Développement durable ", présent tout au long de la vie du marché, noté sur 2 points. Il résulte en outre du rapport d'analyse technique que les offres des candidats ont été analysées sur la base d'une présentation de leur organisation logistique adaptée à un

" cadre de réponse technique ", document de référence annexé au règlement de consultation et intégrant les différentes phases de l'exécution du marché. Enfin, la méthode retenue pour analyser la valeur technique des offres des candidats s'est fondée sur la mise en place de comités de lecture puis de notation, composés de gestionnaires utilisateurs et de personnes qualifiées en pilotage et organisation logistique, en technique textile et en systèmes d'information.

13. En premier lieu, la société Sécur.i.dress fait valoir qu'il ressort du rapport d'analyse technique que, s'agissant du poste 1 " Mise en place de l'accord-cadre ", ayant obtenu, pour les deux lots, la note de 8,9 sur 15 compte tenu d'un nombre maximal, s'agissant du lot n° 1 en particulier, de quatre remarques négatives formulées, elle s'est ainsi vu retirer un nombre minimal de 1,52 points (15-8,9) / 4) par remarque négative alors que l'attributaire, qui a reçu deux notes de 14,4 sur 15 compte tenu d'une remarque négative formulée pour chacun des deux lots, ne s'est vu retirer que 0,6 points par remarque négative, ce qui caractériserait une rupture du principe d'égalité entre les candidats. Toutefois et ainsi qu'il a été dit au point 11, le pouvoir adjudicateur définit librement la méthode de notation pour la mise en œuvre de chacun des critères de sélection des offres qu'il a définis. Par suite, aucun texte ni aucun principe ne lui imposait de se référer à un barème de notation pour l'appréciation des sous-critères, ni au demeurant de retirer le même nombre de points ou de décimales de points pour chaque remarque négative faisant l'objet, dans le rapport d'analyse, d'un item séparé identifié par un alinéa propre. Dès lors, d'une part, la société Sécur.i.dress n'est pas fondée, au soutien du moyen tiré de la rupture d'égalité, à considérer que chaque remarque négative équivaudrait, en ce qui la concerne, à un retrait minimal de 1,52 points. D'autre part, en retirant à la société requérante le même nombre de 6,1 points pour quatre remarques négatives concernant le lot n° 1 et pour trois remarques négatives concernant le lot n° 2 alors qu'il n'a retiré à la société attributaire que 0,6 points pour une remarque négative s'agissant de chacun des deux lots, le pouvoir adjudicateur a, ainsi qu'il le fait valoir en défense, évalué de manière différente les griefs respectifs faits aux deux candidats au regard d'éléments d'appréciation d'importances différentes retenus par lui. Une telle méthode de notation du sous-critère n'est pas de nature à caractériser une rupture du principe d'égalité entre les candidats dès lors que la société Sécur.i.dress n'établit ni même n'allègue que ces éléments d'appréciation pris en compte pour noter les critères de sélection des offres seraient dépourvus de tout lien avec les critères dont ils permettent l'évaluation.

14. En second lieu, la société Sécur.i.dress soutient, d'une part, s'agissant du poste 3 " Fourniture et distribution des effets " que, ayant obtenu la note de 27,5 sur 38 pour le lot n° 1, compte tenu d'un nombre de six remarques négatives formulées, elle s'est ainsi vu retirer un nombre de 1,75 points par remarque négative alors que l'attributaire, qui a obtenu, pour le même lot, la note de 37 sur 38 compte tenu d'une remarque négative formulée, ne s'est vu retirer qu'un point par remarque négative. Toutefois et pour les motifs exposés au point 13 concernant le poste 1, la société Sécur.i.dress n'est pas fondée à considérer que chaque remarque négative équivaudrait, en ce qui la concerne, à un retrait minimal de 1,75 points, aucun texte ni aucun principe n'imposant au pouvoir adjudicateur de retirer le même nombre de points ou de décimales de points pour chaque remarque négative clairement identifiée. Elle n'est en outre pas davantage fondée à soutenir que le pouvoir adjudicateur, en lui retirant 10,5 points pour six remarques négatives s'agissant du lot n° 1 alors qu'il n'a retiré à la société attributaire qu'un point pour une remarque négative, aurait méconnu le principe d'égalité dès lors que, ce faisant, il a évalué de manière différente les griefs respectifs faits aux deux candidats au regard d'éléments d'appréciation d'importances différentes. Or la société Sécur.i.dress n'établit pas ni même n'allègue que ces éléments d'appréciation pris en compte pour noter les critères de sélection des offres seraient dépourvus de tout lien avec les critères dont ils permettent l'évaluation. Par suite, la société n'est pas fondée à soutenir que cette méthode de notation serait de nature à caractériser une rupture du principe d'égalité entre les candidats. D'autre part, la société Sécur.i.dress fait valoir que, pour la même remarque négative formulée à l'endroit de la société attributaire, elle lui a retiré un point pour le lot n° 1 alors qu'elle lui en a retiré six pour le lot n° 2. Toutefois et alors que le ministre fait valoir en défense que cette différence de notation est justifiée par la nature des insuffisances de l'offre de la société attributaire au regard du même grief, celles-ci ayant davantage nui à la cohérence de l'offre en ce qui concerne le lot n° 2, une telle méthode de notation, consistant à évaluer de manière différente un même grief au regard des conséquences différentes qui en ont résulté, n'est pas entachée d'irrégularité dès lors qu'il n'est ni soutenu ni même allégué par la société requérante que les éléments d'appréciation pris en compte ne sont pas dépourvus de tout lien avec les critères dont ils permettent l'évaluation. Par suite, la société n'est pas davantage fondée à soutenir que cette méthode de notation serait de nature à caractériser une rupture du principe d'égalité entre les candidats.

15. En troisième lieu, la société Sécur.i.dress soutient, s'agissant du poste 6 " Transférabilité ", qu'elle s'est vu attribuer la note de 7 sur 8 pour les deux lots, un point lui ayant été retiré au motif que " l'offre ne mentionne aucune documentation relative aux données (modèle de données, dictionnaire de données) ", alors que ces éléments de notation n'ont pas été mentionnés dans le règlement de la consultation. Ce faisant, elle reprend en des termes identiques ce moyen soulevé en première instance, sans apporter en appel aucun élément de fait ou de droit nouveau de nature à mettre en cause l'appréciation des premiers juges. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par le tribunal au point 10 du jugement attaqué.

16. En quatrième lieu, la société requérante soutient que, s'agissant de ce même poste 6, elle s'est vu retirer un point au titre des deux lots pour une seule remarque négative, alors que la société attributaire ne s'est vu retirer que 0,5 point pour une remarque négative également. Toutefois et ainsi qu'il a été dit au point 13, aucun texte ni aucun principe n'imposait au pouvoir adjudicateur de retirer le même nombre de points ou de décimales de points pour chaque remarque négative faisant l'objet, dans le rapport d'analyse technique, d'un item séparé identifié par un alinéa propre. Il résulte en outre du même rapport que le motif de la remarque négative concernant la société Sécur.i.dress, pour les deux lots, est différent de celui qui concerne la société attributaire. Par suite et ainsi qu'il a été dit au point 13, une telle méthode de notation, consistant pour le pouvoir adjudicateur à évaluer de manière différente les griefs respectifs faits aux candidats au regard d'éléments d'appréciation d'importances différentes retenus par lui, n'est pas de nature à caractériser une rupture du principe d'égalité dès lors qu'il n'est ni soutenu ni même allégué par la société requérante que ces éléments d'appréciation pris en compte seraient dépourvus de tout lien avec les critères dont ils permettent l'évaluation.

17. Enfin, la société Sécur.i.dress soutient que le ministre de l'intérieur a fait un amalgame entre les points attribués à chaque sous-critère technique, qui font office de pondération, et la méthode de notation des offres elle-même, et que pour garantir l'égalité entre les candidats, l'appréciation qualitative doit se fonder sur un barème de notation préétabli et non discriminatoire. Elle fait ainsi valoir que faute d'avoir établi un tel barème de notation, le pouvoir adjudicateur a attribué les notes de manière discrétionnaire et aléatoire, entachant ainsi d'irrégularité la méthode de notation retenue. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que la méthode de notation mise en œuvre par le ministre de l'intérieur, consistant notamment à soustraire un nombre de points déterminé selon l'importance du défaut constaté ou de la nature des insuffisances relevées, de façon à permettre de refléter les différences qualitatives des offres, serait entachée d'irrégularité dès lors que les éléments d'appréciation pris en compte pour noter les critères de sélection des offres ne sont pas dépourvus de tout lien avec les critères dont ils permettent l'évaluation et que les modalités de détermination de la note des critères de sélection par combinaison de ces éléments ne sont pas, par elles-mêmes, de nature à priver de leur portée ces critères ou à neutraliser leur pondération. Par suite, la société Sécur.i.dress n'est pas fondée à soutenir que le principe d'égalité aurait été méconnu.

S'agissant de la dénaturation de l'offre :

18. Il appartient au juge du contrat, lorsqu'il est saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le pouvoir adjudicateur n'a pas dénaturé le contenu d'une offre en en méconnaissant ou en en altérant manifestement les termes et procédé ainsi à la sélection de l'attributaire du contrat en méconnaissance du principe fondamental d'égalité de traitement des candidats.

19. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, s'agissant du sous-critère " poste 3 - Fourniture et distribution des effets ", la société Sécur.i.dress a fait l'objet, tant pour le lot n° 1 que pour le lot n° 2, de la remarque négative " La procédure liée au traitement opérationnel des retours ne permet pas de s'assurer de la réalité d'une réponse adaptée à l'implantation de chaque unité de gendarmerie (lot n° 1) / de police (lot n° 2) ". La société soutient qu'une telle remarque, qui s'est accompagnée d'un retrait de points, est de nature à révéler une dénaturation de son offre dès lors qu'elle propose, pour assurer le traitement précité, les services de la société DPD France, associée au réseau Pickup, qui constituerait, selon elle, le premier réseau de relais en France, avec près de 8 000 points relais sélectionnés sur des critères stricts et situés à moins de 15 minutes de 95% de la population française. A cet égard, et alors que la société Sécur.i.dress a été invitée, au regard du point 3.6 du cadre de réponse technique " service à la clientèle ", à préciser les moyens et les outils mis en œuvre pour assurer ce " traitement opérationnel des retours ", le pouvoir adjudicateur lui a demandé, s'agissant de la procédure des échanges, d'indiquer l'organisme en charge des colis retournés et la localisation des 8 000 points de dépôt. La société lui a répondu notamment que la société DPD

" ne souhaite pas communiquer la liste exhaustive des points de dépôt pour des raisons de secret commercial ", indiquant toutefois qu'un lien hypertexte permettait de rechercher les points relais les plus proches d'une adresse quelconque et mentionnant que " ce même moteur de recherche sera consultable directement sur le portail E-DRESS au moment de la demande d'échange ". Si la société Sécur.i.dress fait valoir qu'aucune disposition du règlement de la consultation ou du CCTP n'exigeait de préciser l'adresse exacte des relais " Pickup ", il résulte de ce qui a été dit au point 11 que la personne publique détermine librement les éléments d'appréciation pris en compte pour l'élaboration de la note des critères ainsi que les modalités de détermination de cette note par combinaison de ces éléments d'appréciation, qui ne sauraient nécessairement être tous contenus dans les documents de la consultation. Aucun élément ne faisait ainsi obstacle à ce que la personne publique demande à la société Sécur.i.dress, sur le fondement de l'article 12 du règlement de la consultation aux termes duquel " la personne publique peut demander aux candidats de préciser la teneur de leur offre ", d'indiquer la localisation précise des relais " Pickup " et de tenir compte de la réponse apportée dans la notation du poste 3, dès lors que cet élément d'appréciation, qui s'inscrivait dans le cadre de la réponse attendue au point 3.6 " service à la clientèle ", était également pris en compte pour les autres candidats et n'était pas dépourvu de tout lien avec les critères de sélection des offres. Par suite, en opposant à la société Sécur.i.dress l'absence de réponse adaptée à l'implantation des unités de gendarmerie et de police, le ministre n'a pas commis d'erreur de nature à entacher l'offre de la société Sécur.i.dress de dénaturation concernant la problématique du traitement opérationnel des retours.

20. En second lieu, s'agissant du poste 6 " Transférabilité " et de la remarque négative selon laquelle " l'offre ne mentionne aucune documentation relative aux données (modèle de données, dictionnaire de données) ", il résulte de l'instruction que, d'une part, le CCTP stipulait, que le titulaire devrait effectuer " a minima " les opérations de " transmission de la totalité des données contenues dans la solution logicielle dans un format facilement exploitable et convenu avec l'administration ". Ainsi si le CCTP ne comportait pas les expressions " modèle de données " ni " dictionnaire de données " et que le cadre de réponse technique ne précisait pas expressément que les candidats devaient remettre une documentation relative aux données transférées, la prise en compte de ces stipulations impliquait nécessairement que le titulaire précise les données en cause. Par suite, en sanctionnant l'offre de la société Secur.i.dress par la perte d'un point du fait de l'absence d'une documentation relative aux données, le pouvoir adjudicateur n'a pas dénaturé l'offre de la société.

21. En troisième lieu, s'agissant du poste 1 " Mise en place de l'accord-cadre " et du lot n° 1, et de la remarque négative tenant à ce que " La résolution d'un scénario n'a pas pris en compte la totalité des exigences d'une fiche technique d'un article ", alors qu'il n'y avait aucun scénario à résoudre pour ce poste, cet item d'appréciation procède d'une erreur dans la rédaction du rapport d'analyse technique qui ne saurait avoir eu d'incidence sur la notation du sous-critère dès lors que la société Sécur.i.dress a obtenu la même notation de 8,9 points sur 15 pour les deux lots alors que le lot n° 2 n'a pas fait l'objet de la remarque négative relative à la résolution d'un scénario, les trois autres remarques négatives étant par ailleurs strictement identiques concernant les deux lots. Il en résulte que la société Sécur.i.dress n'est pas fondée à soutenir que son offre aurait été pénalisée d'1,52 points à raison de cette remarque négative et, en conséquence, que son offre aurait été dénaturée sur ce point.

22. Enfin, s'agissant toujours du poste 1 " Mise en place de l'accord-cadre ", la société Sécur.i.dress conteste les remarques négatives qui lui sont opposées, à savoir " L'ergonomie et les fonctionnalités de la solution logicielle présentée ne prennent pas suffisamment en compte les spécificités du marché et les attentes de l'administration pour la bonne exécution des prestations ; / Les fonctionnalités laissent à la charge de l'administration une part importante des opérations de gestion courante et de paramétrage ". Elle fait valoir que son offre a proposé une solution logicielle existante et éprouvée offrant des possibilités de paramétrage très nombreuses, adaptable aux besoins des utilisateurs et non laissée à la charge du ministère et que, en l'absence de démonstrateur, la seule référence des notateurs pour apprécier les offres des candidats résidait dans la solution logicielle existante mise en œuvre depuis 2012 par l'attributaire sortant, ce qui constitue une rupture d'égalité au profit de ce dernier. Toutefois, d'une part, la société Sécur.i.dress n'établit pas que les fonctionnalités attendues de la solution logicielle des deux lots litigieux soient identiques à celle du précédent marché concernant la gendarmerie nationale. D'autre part, il ne résulte pas de l'instruction que les candidats n'auraient pas été notés au regard des mêmes éléments d'appréciation relatifs aux exigences techniques et fonctionnelles de la solution logicielle prévues aux articles 1.4.1 et 1.4.2 du CCTP et que le pouvoir adjudicateur a demandé aux candidats de développer aux articles 1.1 et 1.4 du cadre de réponse technique. Enfin et en tout état de cause, aucun texte ni aucun principe n'interdisait au pouvoir adjudicateur de prévoir, au titre d'un nouveau marché, des exigences et des fonctionnalités ayant déjà été mises en œuvre lors du marché précédent. Par suite, les moyens tirés de la rupture d'égalité entre les candidats et de la dénaturation doivent être écartés concernant les remarques précitées.

S'agissant des éléments d'appréciation des critères :

23. Aux termes de l'article 62 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, alors en vigueur : " (...) II. - Pour attribuer le marché public au soumissionnaire ou, le cas échéant, aux soumissionnaires qui ont présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, l'acheteur se fonde : (...) 2° Soit sur une pluralité de critères non-discriminatoires et liés à l'objet du marché public ou à ses conditions d'exécution au sens de l'article 38 de l'ordonnance du 23 juillet 2015 susvisée (...) IV. Les critères ainsi que les modalités de leur mise en œuvre sont indiqués dans les documents de la consultation. / Pour les marchés publics passés selon une procédure formalisée, les critères d'attribution font l'objet d'une pondération (...) ".

24. En premier lieu, s'agissant du poste 1 " Mise en place de l'accord-cadre ", la société Sécur.i.dress soutient que ce sous-critère a été évalué sur la base d'un élément d'appréciation relatif à la " résolution d'un scénario ", qui constitue un élément de notation non prévu dans les documents de la consultation. Toutefois et ainsi qu'il a été dit au point 21, cet item d'appréciation procède d'une erreur dans la rédaction du rapport d'analyse technique et n'a pas été pris en compte pour la notation du sous-critère. Par suite, le moyen manque en fait.

25. En second lieu, s'agissant du poste 6 " Transférabilité ", la société Sécur.i.dress soutient qu'elle a été pénalisée d'un point sur la base d'un élément d'appréciation qui n'a pas été prévu dans les documents du marché. Ainsi qu'il a été dit au point 15, il convient d'écarter ce moyen, déjà soulevé dans les mêmes termes en première instance, par adoption des motifs pertinents retenus par le tribunal au point 10 du jugement attaqué.

S'agissant de l'irrégularité de l'offre du groupement attributaire :

26. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 59 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, alors en vigueur : " I. - L'acheteur vérifie que les offres (...) sont régulières, acceptables et appropriées. Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation notamment parce qu'elle est incomplète, ou qui méconnaît la législation applicable notamment en matière sociale et environnementale (...). II. - Dans les procédures d'appel d'offres et les procédures adaptées sans négociation, les offres irrégulières, inappropriées ou inacceptables sont éliminées. Toutefois, l'acheteur peut autoriser tous les soumissionnaires concernés à régulariser les offres irrégulières dans un délai approprié, à condition qu'elles ne soient pas anormalement basses ".

27. D'autre part, aux termes du CCTP de l'accord-cadre litigieux : " 1.4 Fourniture et paramétrage de la solution logicielle. / L'exécution des prestations de l'accord-cadre repose sur la fourniture d'une solution logicielle intégrant l'ensemble des fonctionnalités nécessaires à la maîtrise de la chaîne logistique (...) / 1.4.1.1 Mesures de sécurité. / Le titulaire doit mettre en place toutes les mesures de protection et de prévention d'atteinte à la disponibilité, à l'intégrité et à la confidentialité des données (...). / La solution logicielle doit être conforme aux prescriptions de la fiche d'évaluation du besoin initial de sécurité jointe (annexe n°12). / (...) 1.4.1.4 Anonymisation des utilisateurs. / Pour la sécurité des utilisateurs, toutes les informations directement ou indirectement identifiantes sont fortement protégées dans les conditions suivantes : le prénom apparaît intégralement ; seule la première et la dernière lettre du nom de l'individu apparaissent ; les autres lettres sont masquées par des étoiles ; pour les adresses de courriel, seuls les premiers et les derniers caractères doivent apparaître. / (...) 1.4.2 Exigences fonctionnelles. / Outre les actions demandées et décrites dans le présent CCTP, la solution logicielle doit fournir a minima les fonctionnalités suivantes : (...) Droits minimum associés au profil " personnels " : affichage permanent du nom (anonymisé), prénom, grade et Nigend/matricule du titulaire du compte après connexion à la solution logicielle (...) / 1.4.5 Livrables et délais. / Le livrable attendu est le procès-verbal de livraison de la solution logicielle. / La prestation est d'une durée maximum de 5 mois à compter de la réception du bon de commande ".

28. La société Sécur.i.dress soutient que l'offre de la société attributaire aurait dû être déclarée irrégulière dès lors que, s'agissant du poste 1 " Mise en place de l'accord-cadre ", elle n'a pas respecté les exigences de confidentialité, notamment l'anonymisation des utilisateurs, prévues par les stipulations du CCTP mentionnées au point 27. A cet égard, elle fait valoir que le rapport d'analyse technique a mentionné, s'agissant de la société attributaire et concernant les deux lots, que " les documents présentés pour la résolution des scénarios ne garantissent pas les exigences de confidentialité des individus. Des identités complètes apparaissent sur certains visuels de présentation ". Toutefois, en premier lieu, et contrairement à ce que soutient la société requérante, aucune stipulation contenue dans l'avis d'appel à la concurrence ou dans le dossier de consultation des entreprises n'imposait que les exigences liées à la confidentialité soient respectées, sous peine d'irrégularité de l'offre, dans les outils et maquettes présentés par les candidats au titre des scénarios prévus dans le cadre de réponse technique. L'article 1.4.5 du CCTP précisait au demeurant que la livraison de la solution logicielle ne devait intervenir que dans un délai de cinq mois à compter de la réception du bon de commande, l'article 1.4 du cadre de réponse technique demandant à cet égard aux candidats de fournir " le calendrier de mise en place de la solution logicielle ". Il n'était ainsi pas attendu des candidats, ainsi que l'ont relevé à bon droit les premiers juges, qu'ils remettent, pour la résolution des scénarios, des visuels correspondant en tous points à la solution logicielle finale, l'article 1.4.1.4 du CCTP mentionné au point 27 devant être regardé comme une prescription technique du marché que les candidats se sont engagés à respecter, en soumissionnant à l'appel d'offres, en cas d'attribution du marché. En second lieu et également contrairement à ce que soutient la société requérante, l'article 7.2 du règlement de la consultation, qui énonce notamment que pour chaque lot, le scénario de commande constitue une " pièce à fournir au titre de l'offre ", ne saurait être regardé comme signifiant que le non-respect des stipulations relatives à la confidentialité au stade de la remise de l'offre entraînerait l'irrégularité de cette dernière. Enfin, la société Sécur.i.dress ne peut utilement se prévaloir d'articles de journaux faisant état d'un dysfonctionnement informatique du logiciel de gestion de l'habillement des gendarmes, mettant en cause la confidentialité des données, une mauvaise exécution du marché litigieux, à la supposer même établie, ne permettant en tout état de cause pas de caractériser l'irrégularité de l'offre de l'attributaire.

29. En second lieu, la société Sécur.i.dress soutient que l'offre de la société attributaire serait irrégulière en ce que cette dernière aurait bénéficié d'un avantage concurrentiel du fait de la similitude entre les fonctionnalités attendues de la solution logicielle pour les des deux lots du marché et celles mises en œuvre dans le cadre du précédent marché exécuté par la société attributaire au bénéfice de la gendarmerie nationale. Toutefois et ainsi qu'il a été dit au point 22, d'une part, la société Sécur.i.dress n'établit pas que les fonctionnalités attendues de la solution logicielle des deux lots litigieux soient identiques à celle du précédent marché. D'autre part, aucun texte ni aucun principe n'interdisait au pouvoir adjudicateur de prévoir, au titre d'un nouveau marché, des exigences et des fonctionnalités ayant déjà été mises en œuvre lors du marché précédent, la société Sécur.i.dress ne pouvant utilement à cet égard se prévaloir d'une clause du marché précédent, auquel elle n'était pas partie, réservant le droit d'usage de cette solution à la personne publique pour la période limitée à ce marché. De plus, si le rapport d'analyse technique a mentionné, s'agissant du lot n° 1 et concernant la société attributaire, que " d'un point de vue fonctionnel, la description technique [de la solution logicielle] est sommaire ", cette seule mention n'est pas de nature à établir, ainsi que l'ont relevé à bon droit les premiers juges, que cette société se serait bornée à renvoyer, pour la description des fonctionnalités de la solution logicielle proposée, à la solution mise en œuvre dans le cadre du précédent marché concernant la gendarmerie nationale. Par suite, le moyen tiré de la rupture d'égalité entre les candidats doit être écarté.

30. Enfin, la société Sécur.i.dress soutient que les éléments de notation du sous-critère " poste 1 - Mise en place de l'accord-cadre " tenant au " planning prévisionnel de la phase de mise en place " et au " calendrier de mise en place de la solution logicielle ", inclus aux articles 1.1 et 1.4 du cadre de réponse technique, auraient procuré un avantage injustifié au groupement attributaire en sa qualité de candidat sortant disposant d'une solution logicielle déjà mise en œuvre au titre du précédent marché concernant la gendarmerie nationale. Toutefois, ces éléments d'appréciation, qui ne constituaient pas une prestation distincte de celle énoncée par le sous-critère, n'étaient pas susceptibles d'avoir une influence sur la présentation des offres par les candidats et n'étaient pas dépourvus de tout lien avec les critères dont ils permettent l'évaluation. En outre et ainsi qu'il a déjà été dit aux points 22 et 29, aucun texte ni aucun principe n'interdisait au pouvoir adjudicateur d'empêcher le titulaire sortant de proposer une solution logicielle déjà mise en œuvre lors du précédent marché. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité des éléments de notation du poste 1 " Mise en place de l'accord-cadre " doit être écarté.

31. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la société Sécur.i.dress n'établit pas que son éviction de la procédure de passation des deux lots de l'accord-cadre en litige serait entachée d'irrégularité. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

32. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société Sécur.i.dress demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Sécur.i.dress est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sécur.i.dress et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 13 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente de chambre,

- Mme Briançon, présidente assesseure,

- M. Mantz, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 janvier 2023.

Le rapporteur,

P. B...

La présidente,

M. A... La greffière,

O. BADOUX-GRARE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA00816 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA00816
Date de la décision : 27/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: M. Pascal MANTZ
Rapporteur public ?: Mme JAYER
Avocat(s) : CABINET PALMIER et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-01-27;21pa00816 ?
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