La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/03/2023 | FRANCE | N°21PA05942

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 22 mars 2023, 21PA05942


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Riwal a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2012 à 2014, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1922447-1/1 du 29 septembre 2021, le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, jugé qu'il n'y avait pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité so

ulevée par la société Riwal, d'autre part, réduit ses bases d'imposition au titre de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Riwal a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2012 à 2014, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1922447-1/1 du 29 septembre 2021, le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, jugé qu'il n'y avait pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Riwal, d'autre part, réduit ses bases d'imposition au titre de l'exercice clos en 2012 à hauteur de la somme de 72 087 euros, au titre de l'exercice clos en 2013 à hauteur de la somme de 487 394 euros, au titre de l'exercice clos en 2014 à hauteur de la somme de 250 671 euros, prononcé la réduction des impositions contestées en résultant, déchargé la société des pénalités qui ont été appliquées sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts à raison de la remise en cause des provisions pour créances douteuses, enfin, par son article 4, a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 22 novembre 2021 et le 16 mai 2022, la société Riwal, représentée par Me Bornhauser, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 4 du jugement n° 1922447-1/1 du 29 septembre 2021 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge de l'intégralité, en droit et pénalités, des rehaussements mis à sa charge au titre de l'exercice clos en 2012 ;

3°) de réduire les bases d'imposition des sommes de 2 151 508 euros au titre de l'exercice clos en 2012, 6 194 euros au titre de l'exercice clos en 2013 et 2 378 562 au titre de l'exercice clos en 2014 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens ainsi que le versement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure d'imposition relative à l'exercice clos en 2012 est irrégulière dès lors que les documents comptables nécessaires au débat oral et contradictoire ont été saisis par le juge pénal et que ni elle ni le vérificateur n'y ont eu accès ;

- le débat oral et contradictoire relatif à cet exercice n'a pas pu avoir lieu faute de mandat donné pour cet exercice à l'expert-comptable de la société ;

- les salaires versés à une salariée ainsi que la mise à disposition de celle-ci d'un véhicule au titre des trois exercices en litige correspondent à un travail effectif réalisé dans l'intérêt de l'entreprise et constituent des charges déductibles ;

- les provisions pour créances douteuses comptabilisées au titre de l'exercice clos en 2014 sont justifiées par la probabilité de perte résultant notamment de la procédure pénale engagée en 2013 ;

- la majoration pour manquement délibéré mise à sa charge au titre de l'exercice clos en 2014 est injustifiée dès lors que les rehaussements relatifs à cet exercice sont injustifiés ;

- elle est injustifiée dès lors qu'elle est relative aux mêmes faits, qui n'ont pas donné lieu à majoration, au titre de l'exercice clos en 2012.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 février 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Breillon, rapporteure publique,

- et les observations de Me de Cools, avocate de la société Riwal.

Considérant ce qui suit :

1. La société Riwal exerçait l'activité d'agence de communication et de marketing et maison d'édition de livres et de revues. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014 au cours de laquelle le service vérificateur a mis en œuvre le 13 novembre 2015 son droit de communication auprès du tribunal de grande instance de Paris pour consulter les éléments de la procédure pénale visant la société Riwal. Par un jugement du 29 septembre 2021 le Tribunal administratif de Paris, après avoir refusé de transmettre au Conseil d'Etat une question prioritaire de constitutionnalité, a prononcé la décharge d'une fraction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés ainsi que d'une fraction des pénalités mises à sa charge et rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge de l'intégralité des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales ainsi que des majorations et des intérêts de retard correspondants auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2012 à 2014.

Sur la régularité de la procédure d'imposition au titre de l'exercice clos en 2012 :

2. Eu égard aux garanties dont le livre des procédures fiscales entoure la mise en oeuvre d'une vérification de comptabilité, l'administration est tenue, lorsque, faisant usage de son droit de communication, elle consulte au cours d'une vérification des pièces comptables saisies et détenues par l'autorité judiciaire, de soumettre l'examen de ces pièces à un débat oral et contradictoire avec le contribuable. A défaut, les impositions découlant de l'examen de ces pièces sont entachées d'irrégularité.

3. Il est constant que la société Riwal a remis au vérificateur la copie informatisée de sa comptabilité de l'exercice clos en 2012 en application du I de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ainsi que, le 11 décembre 2015 par l'intermédiaire de son conseil, un ensemble de pièces comptables dont des factures et d'autres documents. Il est également constant que plusieurs entretiens se sont tenus, au siège social de l'entreprise puis dans ses locaux, et enfin, à sa demande, au siège du cabinet de son expert-comptable, entre la société requérante ou son représentant et le vérificateur, sans qu'il soit établi ni même allégué qu'à ces occasions ce dernier ait refusé un débat contradictoire sur les impositions qu'il envisageait de faire découler de l'examen des pièces consultées dans l'exercice de son droit de communication auprès du juge judiciaire. A cet égard, la circonstance que la requérante n'ait pu obtenir, faute d'autorisation du juge pénal, la restitution des documents comptables qui ont été saisis par l'autorité judiciaire le 7 avril 2014 lors d'une perquisition au siège social de l'entreprise est sans incidence sur l'existence d'un débat oral et contradictoire. Est également sans incidence la circonstance que le juge pénal ait interdit au dirigeant de la société Riwal de communiquer avec son comptable, dès lors que ce dirigeant pouvait se faire représenter par le mandataire de son choix. Dans ces conditions c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de ce que la procédure d'imposition au titre de l'exercice clos en 2012 serait entachée d'une irrégularité faute de débat oral et contradictoire.

Sur le bien fondé des impositions :

4. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'oeuvre, le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire. Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu. Cette disposition s'applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais. (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice ".

En ce qui concerne les charges :

5. Si en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

6. En premier lieu, la société a déduit de son résultat en 2012, 2013 et 2014 des salaires versés à l'ex-épouse de son dirigeant et n'établit pas plus en appel qu'en première instance que celle-ci aurait réalisé un travail effectif à son profit en faisant valoir les bonnes relations qu'elle était en charge d'entretenir, au titre de son activité de " relations publiques" entre la SARL Riwal et M. D..., président du parti " C... " qui était avec l'association politique B... l'unique client de la société alors, d'une part, que pour les années en litige, ce dernier n'avait plus la qualité de dirigeant du parti " C..." dont il était seulement le président d'honneur et, d'autre part, que cette salariée a déclaré lors de son audition le 19 janvier 2015, dans le cadre de l'enquête pénale, qu'il s'agissait de rémunérations versées au titre d'activités exercées plusieurs années avant les exercices en litige. Les autres déclarations de cette salariée dans le cadre de cette enquête, ainsi que sa rétractation, hors de la procédure pénale et pendant les opérations de contrôle, ne sont pas de nature à établir l'effectivité de ce travail sur les années en litige. Par suite, c'est à bon droit que la déduction de ces charges a été remise en cause au motif qu'elles n'avaient pas été exposées dans l'intérêt de l'entreprise au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014.

7. En second lieu, il résulte de l'instruction que lors de ces auditions pénales cette même salariée a, à plusieurs reprises, déclaré utiliser le véhicule Peugeot 807 appartenant à la société pour ses besoins personnels. Pas plus en appel qu'en première instance la requérante n'établit un usage professionnel, à son profit, de ce véhicule par ses seules allégations, qui ne sont assorties d'aucun élément probant, selon lesquelles ce véhicule a été utilisé par d'autres salariés. La salariée qui a utilisé ce véhicule n'ayant exercé aucune activité au profit de la requérante, c'est également à bon droit que la déduction de ces charges a été remise en cause au motif qu'elles n'avaient pas été exposées dans l'intérêt de l'entreprise au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014.

En ce qui concerne les provisions pour créances douteuses :

8. En application des dispositions du 5° du 1. de l'article 39 du code général des impôts les provisions constituées pour faire face aux pertes pouvant résulter de la mauvaise situation financière du débiteur sont admises en déduction à condition que les créances auxquelles elles sont appliquées soient individualisées et que des évènements en cours à la clôture de l'exercice rendent probable la perte supputée, ce qui exclut les provisions destinées à faire face à des risques purement éventuels ou au contraire certains dans leur principe et leur montant. La probabilité de la perte ou de la charge doit résulter d'évènements en cours à la clôture de l'exercice, la perte ou la charge devant être nettement précisée et avoir été effectivement comptabilisée. Les justifications doivent être apportées pour chaque créance considérée comme douteuse, les provisions constituées en vue de couvrir un risque général de non-recouvrement des créances ne pouvant être admises. Le montant de la perte doit être évalué avec une approximation suffisante, et exclut le mode de calcul forfaitaire ou ne résultant d'aucun calcul précis. Il appartient au contribuable de justifier tant du montant des provisions qu'il entend déduire de son bénéfice net que du principe même de leur déductibilité. Enfin le contribuable doit notamment établir que les circonstances de fait à la clôture de l'exercice permettent de tenir pour probable la perte de tout ou partie de ses créances, produire toute indication sur les diligences dont les créances douteuses ont fait l'objet en vue de leur recouvrement et mentionner les circonstances propres aux débiteurs établissant leur insolvabilité.

9. Il résulte de l'instruction que la société a enregistré des provisions pour créances douteuses imputées à ses deux clients, l'association politique (PSEUDO)B...(PSEUDO) et le parti " C... " au titre des exercices 2012 et 2014 et a évalué ces provisions de manière purement forfaitaire à hauteur de 25 % en 2012 pour l'association B..., puis 100 % en 2014, et pour le parti " C... " à hauteur de 100 % en 2014. Pas plus en appel qu'en première instance la requérante n'apporte de justifications quant à la quotité adoptée, notamment pour l'exercice clos en 2012. Si à la clôture de l'exercice 2014 la mise en œuvre d'une instance pénale à l'encontre de l'association B... et du parti C... pouvait faire regarder les créances de la requérante sur ces entités comme exposées à un risque de non recouvrement, l'étendue de ce risque et la quotité de 100 % retenue ne sont pas plus justifiées, alors que l'administration fait valoir sans être contestée qu'il existait entre le parti C... et l'association B... une convention de " couverture " des pertes de cette dernière, et que l'association B... a réglé certaines de ses dettes envers la requérante au mois de février 2015. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que les provisions en cause ne sont pas déductibles des bénéfices imposables de la requérante.

Sur la majoration restant en litige :

10. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...). "

11. Dès lors que la requérante ne pouvait ignorer ni que l'une de ses salariées n'effectuait, ainsi qu'il est jugé au point 6, aucun travail effectif pour son compte au cours des exercices en litige, ni que le véhicule mis à sa disposition était en conséquence à usage strictement personnel, elle n'est pas fondée à soutenir que les majorations pour manquement délibéré assortissant les rehaussements correspondants seraient infondées.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la société Riwal n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Riwal est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Riwal et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction nationale des vérifications de situations fiscales.

Délibéré après l'audience du 21 février 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente assesseure,

- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 mars 2023.

La rapporteure,

P. A...Le président,

C. JARDINLa greffière,

C. BUOT La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA05942


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA05942
Date de la décision : 22/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: Mme BREILLON
Avocat(s) : SELARL CABINET BORNHAUSER

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-03-22;21pa05942 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award