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05/04/2023 | FRANCE | N°21PA04202

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 05 avril 2023, 21PA04202


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de l'obligation de payer procédant de quatre mises en demeure de payer établies le 22 novembre 2018 et de huit saisies administratives à tiers détenteur établies le 12 septembre 2019 par le comptable public du service des impôts du 16ème arrondissement de Paris, pour avoir paiement d'une somme totale de 1 312 497,51 euros.

Par un jugement nos 1902968/2-3 et 2000335/2-3 du 29 juin 2021, le Tribunal administratif de Par

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de l'obligation de payer procédant de quatre mises en demeure de payer établies le 22 novembre 2018 et de huit saisies administratives à tiers détenteur établies le 12 septembre 2019 par le comptable public du service des impôts du 16ème arrondissement de Paris, pour avoir paiement d'une somme totale de 1 312 497,51 euros.

Par un jugement nos 1902968/2-3 et 2000335/2-3 du 29 juin 2021, le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge de l'obligation de payer procédant des mises en demeure de payer du 22 novembre 2018 et des saisies administratives à tiers détenteur du 12 septembre 2019, en tant qu'elles concernent les " autres taxes 1993 et 1994 " et rejeté le surplus de ces demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 23 juillet 2021, 30 novembre 2021, et 14 janvier 2022, M. C..., représenté par Me Thierry Gasquet, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement du 29 juin 2021 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme totale de 1 064 092,51 euros procédant des actes de poursuite en cause.

Il soutient que :

- les quatre mises en demeure de payer du 22 novembre 2018 constituaient bien les premiers actes permettant d'invoquer le motif tiré de la prescription de l'action en recouvrement, dès lors qu'il s'était écoulé un délai supérieur à quatre années entre les commandements de 2010 et les mises en demeure de 2018 ;

- le droit à l'oubli a été rappelé par les règles relatives à l'intangibilité du bilan et à la correction d'une dette maintenue au passif du bilan ou au délai de retrait des décisions administratives individuelles créatrices de droit ;

- les commandements du 28 avril 2010 ne sauraient se voir reconnaître la qualité de premier acte permettant d'invoquer le motif tiré de la prescription de l'action en recouvrement dès lors que les pièces du dossier et les arguments des parties ne permettent pas de considérer qu'à la date de leur signification, les créances dont le recouvrement est poursuivi étaient prescrites ;

- il ne les a pas reçus ;

- ils n'ont pas été régulièrement notifiés ;

- ils n'ont pas été signifiés à parquet ;

- la notification par voie postale était impossible à l'époque ;

- l'autre notification concerne un commandement différent et a irrégulièrement été faite à l'avocat chez lequel il avait élu domicile ;

- les dispositions de l'article 686 du code de procédure civile n'ont pas été respectées ;

- s'agissant des commandements portant les numéros d'ordre 10 00695, 10 00694 et 10 00693, il n'est pas justifié de quelque signification à parquet que ce soit ;

- il n'est en rien justifié, pour aucun des actes, des résultats de la signification à parquet qui aurait été réalisée ;

- s'agissant des commandements portant les numéros d'ordre 10 00695, 10 00694 et 10 00693, le verso de ces actes n'est pas produit, de sorte qu'il n'est pas justifié que les voies et délais des recours pouvant être exercés contre ces actes aient été portés à la connaissance de leur destinataire ;

- le verso du commandement portant le numéro 10 00696 indique qu'en cas de contestation, il appartient au redevable de saisir le Trésorier-payeur Général dans un délai de deux mois à compter de sa notification, mais ne mentionne pas l'obligation de saisir le juge administratif en cas de rejet de la demande préalable ;

- l'obligation d'invoquer le motif tiré de la prescription à l'appui du premier acte lui permettant de le faire n'a pas été portée à sa connaissance en 2010 ;

- on ne saurait lui reprocher de ne pas avoir soulevé le moyen tiré de la prescription à l'encontre d'actes de poursuites notifiés en 2010 dès lors qu'il n'a pu être averti qu'en 2020 que les actes précédents n'avaient pas été régulièrement notifiés ;

- les commandements du 13 avril 2010 ne sont pas produits et ont été irrégulièrement notifiés au conseil ;

- le commandement du 28 avril 2010 vise les rôles 53011 et 53012 du 31 mars 1998, donc les impositions antérieures à la décharge prononcée par le Tribunal, et n'a donc pas pu interrompre la prescription de l'action en recouvrement des créances à nouveau mises en recouvrement à la suite de l'arrêt de la Cour ;

- les mises en demeure des 12 novembre 2012 et 15 novembre 2013 notifiées au domicile élu chez l'avocat et en méconnaissance des dispositions de l'article L. 258 A du livre des procédures fiscales n'ont pas interrompu la prescription ;

- l'administration ne produit aucun élément permettant de considérer qu'il aurait eu sa résidence en Tunisie ;

- l'administration ne justifie pas, non plus, du respect des prescriptions de l'article 686 du code de procédure civile en cas de signification à Parquet ;

- aucun texte ne permet la notification par lettre recommandée de mises en demeure en Belgique ;

- il n'avait pas sa résidence en Belgique ;

- seule une remise à parquet était possible en cas d'inapplicabilité du règlement européen CE n° 1393/2007 du 13 novembre 2007 ;

- il convient, en ce qui concerne les taxes d'habitation, de transmettre la requête au Conseil d'Etat.

Par des mémoires en défense enregistrés les 29 octobre 2021, 15 décembre 2021 et 19 janvier 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à l'annulation de l'article 1er du jugement du 29 juin 2021 du Tribunal administratif de Paris et à ce que l'obligation de payer procédant des mises en demeure de payer du 22 novembre 2018 et des saisies administratives à tiers détenteur du 12 septembre 2019, en tant qu'elles concernent les " autres taxes 1993 et 1994 ", soit remise à la charge de M. C....

Il soutient que :

- les conclusions d'appel en tant qu'elles concernent la taxe d'habitation sont irrecevables ;

- le montant des cotisations d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux restant en litige s'élève à un montant majoré égal à 1 037 506,36 euros ;

- les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés ;

- la prescription des sommes qui ont fait l'objet de la décharge de l'obligation de payer a été interrompue par la mise en demeure du 15 novembre 2013 réceptionnée par le conseil le 25 novembre 2013 et par la mise en demeure du 6 mai 2015.

Par une ordonnance du 14 janvier 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er février 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de Mme Prévot, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... a demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge de l'obligation de payer procédant, d'une part, de quatre mises en demeure de payer établies le 22 novembre 2018 par le comptable public du service des impôts du 16ème arrondissement de Paris, d'autre part, de huit saisies administratives à tiers détenteur établies le 12 septembre 2019 par ce même comptable. Ces actes de poursuites ont été établis en vue du recouvrement d'une somme d'un montant total de 1 312 497,51 euros, correspondant à des cotisations d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux des années 1993, 1994, 1995, 1998, 1999 et 2000, de taxe d'habitation des années 1997 et 1998, d'" autres taxes 1993 et 1994 " et à des pénalités. Par un jugement en date du 29 juin 2021, le tribunal accordé à M. C... la décharge de l'obligation de payer procédant des mises en demeure de payer du 22 novembre 2018 et des saisies administratives à tiers détenteur du 12 septembre 2019, en tant qu'elles concernent les " autres taxes 1993 et 1994 ", et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. Par la présente requête, M. C... relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait intégralement droit à sa demande. Pour sa part, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande la réformation de ce jugement en tant qu'il lui est défavorable.

Sur la compétence :

2. Aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. Toutefois, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : (...) ; 4° Sur les litiges relatifs aux impôts locaux et à la contribution à l'audiovisuel public, à l'exception des litiges relatifs à la contribution économique territoriale ; (...) ". Aux termes de l'article R. 351-2 du même code : " Lorsqu'une cour administrative d'appel (...) est saisie de conclusions qu'il estime relever de la compétence du Conseil d'Etat, son président transmet sans délai le dossier au Conseil d'Etat qui poursuit l'instruction de l'affaire ". Il résulte des dispositions précitées de l'article R. 811-1 du code de justice administrative que les conclusions de M. C... dirigées contre le jugement du 29 juin 2021 du Tribunal administratif de Paris, en tant qu'il rejette ses conclusions en décharge de l'obligation de payer des cotisations relatives à la taxe d'habitation, ont le caractère d'un pourvoi en cassation qui relève de la compétence du Conseil d'Etat. Elles doivent donc être transmises à cette juridiction en application de l'article R. 351-2 précité du code de justice administrative.

Sur l'appel principal :

3. Aux termes de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales : " Les comptables publics des administrations fiscales qui n'ont fait aucune poursuite contre un redevable pendant quatre années consécutives à compter du jour de la mise en recouvrement du rôle ou de l'envoi de l'avis de mise en recouvrement sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable ".

4. Aux termes de l'article R. 281-2 du même livre, dans sa rédaction applicable au litige : " La demande prévue par l'article R. 281-1 doit, sous peine de nullité, être présentée au trésorier-payeur général dans un délai de deux mois à partir de la notification de l'acte si le motif invoqué est un vice de forme ou, s'il s'agit de tout autre motif, dans un délai de deux mois après le premier acte qui permet d'invoquer ce motif ".

5. Les dispositions du c) de l'article R. 281-3-1 du livre des procédures fiscales ne font pas obstacle à ce que le contribuable puisse se prévaloir de la prescription de l'action en recouvrement à chaque période de quatre ans qu'aurait laissé passer le comptable sans acte de poursuite, en lui ouvrant la possibilité, au titre de chacune de ces périodes successives de quatre ans, de se prévaloir ou de renoncer à se prévaloir de la prescription. Par suite et contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la circonstance que M. C... n'ait pas invoqué la prescription de l'action en recouvrement à la suite de la réception des commandements de payer établis le 28 avril 2010 ne fait pas obstacle à ce qu'il se prévale, à l'occasion des nouveaux actes de poursuite intervenus en 2018 et 2019 pour le recouvrement d'impositions mises en recouvrement entre le 30 septembre 1997 et le 15 novembre 2002, de ce qu'aucune poursuite n'a été diligentée contre lui pendant les quatre années consécutives qui ont précédé lesdits actes.

6. Les actes de poursuites notifiés en 2012 et 2013 au conseil de M. C... ne sauraient être en tout état de cause pris en compte dès lors qu'ils sont intervenus plus de 4 ans avant les mises en demeure établies le 22 novembre 2018. Pour se prévaloir de l'interruption de la prescription dans les quatre années ayant précédé les mises en demeure de payer établies le 22 novembre 2018, le ministre se borne à invoquer des mises en demeure du 6 mai 2015 notifiées en Belgique et en Tunisie. Il est constant que ces mises en demeure n'ont pas été reçues par M. C.... Il ne résulte pas de l'instruction que, parmi les adresses auxquelles l'administration a envoyé lesdites mises en demeure, figurait la dernière adresse connue du service, ni même une adresse que le requérant aurait occupée auparavant et qu'il aurait quittée dans le but d'égarer l'administration fiscale. L'administration ne produit en outre aucune pièce permettant de considérer qu'à la date du 6 mai 2015, M. C... aurait résidé à l'une de ces adresses. Il suit de là que, s'agissant des impositions en cause, M. C... est fondé à se prévaloir à l'occasion des mises en demeure de payer du 22 novembre 2018 et des saisies administratives à tiers détenteur du 12 septembre 2019, de la prescription de l'action en recouvrement.

Sur l'appel incident :

7. S'agissant des " autres taxes 1993 et 1994 ", et pour se prévaloir de l'interruption de la prescription dans les quatre années ayant précédé les mises en demeure de payer établies le 22 novembre 2018, le ministre se borne comme précédemment à invoquer des mises en demeure notifiées en 2015 en Belgique et en Tunisie. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que de telles notifications ne sauraient avoir interrompu la prescription de l'action en recouvrement. La mise en demeure du 15 novembre 2013, réceptionnée par le conseil du requérant le 25 novembre 2013, ne saurait en tout état de cause, à supposer même qu'elle puisse être regardée comme ayant été régulièrement notifiée, avoir interrompu la prescription dans les quatre années précédant les actes de poursuite qui font l'objet du présent litige. Il suit de là que les premiers juges ont à bon droit considéré qu'en ce qui concerne ces " autres taxes 1993 et 1994 ", la prescription de l'action en recouvrement était acquise à M. C....

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... est fondé à demander la décharge de l'obligation de payer les impositions autres que la taxe d'habitation mises en recouvrement le 30 septembre 1997 et le 15 novembre 2002, procédant des mises en demeure de payer du 22 novembre 2018 et des saisies administratives à tiers détenteur du 12 septembre 2019, qu'il y a lieu de réformer en ce sens le jugement attaqué et de rejeter l'appel incident du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

DECIDE :

Article 1er : Les conclusions de la requête de M. C... tendant à la décharge de l'obligation de payer les cotisations de taxe d'habitation au titre des années 1997 et 1998 sont transmises à la section du contentieux du Conseil d'Etat.

Article 2 : M. C... est déchargé de l'obligation de payer les impositions autres que la taxe d'habitation, mises en recouvrement entre le 30 septembre 1997 et le 15 novembre 2002, procédant des mises en demeure de payer du 22 novembre 2018 et des saisies administratives à tiers détenteur du 12 septembre 2019.

Article 3 : L'appel incident du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est rejeté.

Article 4 : Le jugement nos 1902968/2-3 et 2000335/2-3 du 29 juin 2021 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 22 mars 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Topin, présidente assesseure,

- M. Magnard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 avril 2023.

Le rapporteur,

Signé

F. B...Le président,

Signé

I. BROTONS

Le greffier,

Signé

A. MOHAMAN YERO

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

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N° 21PA04202


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA04202
Date de la décision : 05/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: Mme PRÉVOT
Avocat(s) : CABINET CAMILLE ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-04-05;21pa04202 ?
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