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21/04/2023 | FRANCE | N°23PA00808

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, Juge des référés, 21 avril 2023, 23PA00808


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge partielle de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et de contributions sociales à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2017 et de la majoration de 80 % mise à sa charge au titre de l'année 2017 sur le fondement du c) de l'article 1728 du code général des impôts.

Par un jugement n° 2001134 du 25 novembre 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devan

t la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 23PA00808 le 23 février...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge partielle de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et de contributions sociales à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2017 et de la majoration de 80 % mise à sa charge au titre de l'année 2017 sur le fondement du c) de l'article 1728 du code général des impôts.

Par un jugement n° 2001134 du 25 novembre 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 23PA00808 le 23 février et le 13 avril 2023, M. B..., représenté par Me Orsini, demande au juge des référés :

1°) de prononcer, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de la mise en recouvrement de la somme de 156 887 euros;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la condition relative à l'urgence est satisfaite : il est très loin de disposer de liquidités disponibles suffisantes pour acquitter la somme mise en recouvrement ; la totalité des sommes portées sur ses comptes bancaires sont bloquées en conséquence des saisies pratiquées par l'administration fiscale, qui sont restées largement infructueuses, et le montant insaisissable de 598,54 euros par mois ne lui permet pas de couvrir ses dépenses fixes mensuelles ; à la suite de sa peine pénale il a été réintégré dans la société Mediactive Events sur un poste pour lequel il est rémunéré au SMIC, ainsi l'importance de sa dette fiscale le contraint à vivre chez ses parents à 43 ans, à envisager un échéancier qui l'amènera à payer cette dette à 80 ans et ne le met pas en mesure de reconstruire sa vie familiale, sociale et professionnelle.

- plusieurs moyens sont de nature à créer un doute sérieux sur la légalité des impositions :

. les impositions et pénalités en litige ont été établies en méconnaissance des dispositions de l'article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts en ce qu'elles sont calculées en prenant en compte la somme de 82 545 euros trouvée en espèces dans le cadre d'une enquête pénale, alors qu'elle n'est pas en totalité le fruit de l'infraction reprochée puisque son travail lui procurait aussi des ressources et qu'il devait constituer une épargne en espèces pour acquérir la " marchandise ", fût-ce de façon illicite ; aucune des trois valeurs évoquées, qu'il s'agisse de 60, 70 ou 84 euros par gramme, ne permet un calcul aboutissant à cette somme ;

. les impositions et pénalités en litige ont été établies en méconnaissance des dispositions de l'article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts en ce qu'elles sont calculées en prenant en compte une valeur vénale de la cocaïne exagérée ; il n'a pas pu acquérir la drogue au prix de 60 euros le gramme ; le conditionnement en gramme est une modalité de distribution du produit, ainsi il convient de retenir une valeur vénale au kilogramme, qui selon l'observatoire français des drogues s'élevait à 31 000 euros en 2018, correspondant à 34 100 euros pour 1,1 kilogramme.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 mars 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- la condition d'urgence n'est pas satisfaite : les éléments produits ne représentent pas la situation réelle de ses ressources ; le requérant ne produit pas d'élément probant concernant les montants inscrits sur son compte courant ; le requérant n'a pas de frais de logement ; les saisies à tiers détenteurs n'entraînent pas de conséquence grave et immédiate sur sa situation personnelle ;

- les moyens soulevés ne sont pas de nature à faire naître un doute sérieux quant au bienfondé des impositions en litige :

. le requérant n'apporte aucun élément permettant de considérer que la somme d'argent en cause ne correspond pas au produit d'infractions au sens de l'article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts ; il a reconnu avoir eu la possession des sommes en espèces qui ont été découvertes lors des perquisitions ;

. le requérant n'établit pas avoir acquis la cocaïne selon une tarification au kilogramme et n'apporte aucun élément susceptible d'invalider la valeur vénale des produits stupéfiants retenue par le service ;

. le requérant n'apporte aucun élément probant de nature à justifier que ses revenus déclarés au titre de l'année 2017 ont été utilisés pour financer l'acquisition des stupéfiants.

Par une décision du 1er septembre 2023, la présidente de la Cour administrative d'appel de Paris a désigné Mme Vinot, présidente de la 5ème chambre, pour statuer en qualité de juge des référés.

Vu :

- la requête enregistrée le 6 janvier 2023 au greffe de la Cour sous le n° 23PA00085, par laquelle M. B... demande l'annulation du jugement n° 2001134 du 25 novembre 2022 du tribunal administratif de Melun ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 19 avril 2023 à 14 h.

Ont été entendus, au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les observations présentées par Me Bahuet pour M. B..., qui conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens, et ajoute, s'agissant de l'urgence, que l'administration fiscale ne conteste pas sérieusement que M. B... ne détient aucun patrimoine et est désargenté et, s'agissant de l'existence d'un doute sérieux quant à la légalité de l'imposition et des pénalités contestées, que les éléments de l'enquête de police et les termes du jugement correctionnel du 17 mai 2018 confirment le caractère exagéré de la valeur vénale prise en compte par le service.

La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue des perquisitions de son domicile et des locaux de la société où il est salarié, qui ont permis aux services de police d'y découvrir une masse totale de 1 100 grammes de cocaïne et une somme totale de 82 545 euros en espèces, l'administration a informé M. B..., par une proposition de rectification du 28 janvier 2019, qu'il était présumé, sur le fondement des dispositions de l'article 1 649 quater-0 B bis, avoir perçu au titre de l'année 2017 un revenu imposable de 148 545 euros, correspondant à hauteur de 82 545 euros, au montant des espèces retrouvées et, à hauteur de à la valeur vénale des biens illicites saisis, dont il a reconnu qu'ils étaient en sa possession. M. B... a, en conséquence, été assujetti à une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, majorée des intérêts de retard et assortie de la majoration de 80 % prévue au dernier alinéa de l'article 1758 du code général des impôts. Sa réclamation préalable présentée le 12 novembre 2019 ayant été rejetée par l'administration fiscale le 2 décembre 2019, les cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et les pénalités correspondantes ont été mises en recouvrement le 28 novembre 2022, pour un montant de 142 624 augmentés de frais de recouvrement, soit la somme totale de 156 887 euros.

2. M. B..., qui a présenté à la Cour une requête tendant à l'annulation du jugement du 25 novembre 2022 du tribunal administratif de Melun et à la décharge des impositions et pénalités en litige, demande au juge des référés, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de prononcer la suspension du recouvrement de la somme de 156 887 euros.

3. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) ".

4. Le contribuable qui a saisi le juge de l'impôt de conclusions tendant à la décharge de tout ou partie d'une imposition à laquelle il a été assujetti est recevable à demander au juge des référés, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de la mise en recouvrement de l'imposition dont il s'agit, dès lors que celle-ci est exigible. Le prononcé de cette suspension est subordonné à la double condition, d'une part, qu'il soit fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux sur la régularité de la procédure d'imposition ou sur le bien-fondé de l'imposition et, d'autre part, que l'urgence justifie la mesure de suspension sollicitée.

5. Aux termes de l'article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " 1. Lorsqu'il résulte des constatations de fait opérées dans le cadre d'une des procédures prévues aux articles 53, 75 et 79 du code de procédure pénale et que l'administration fiscale est informée dans les conditions prévues aux articles L. 82 C, L. 101 ou L. 135 L du livre des procédures fiscales qu'une personne a eu la libre disposition d'un bien objet d'une des infractions mentionnées au 2, cette personne est présumée, sauf preuve contraire appréciée dans le cadre des procédures prévues aux articles L. 10 et L. 12 de ce même livre, avoir perçu un revenu imposable équivalent à la valeur vénale de ce bien au titre de l'année au cours de laquelle cette disposition a été constatée. / La présomption peut être combattue par tout moyen et procéder notamment de l'absence de libre disposition des biens mentionnés au premier alinéa, de la déclaration des revenus ayant permis leur acquisition ou de l'acquisition desdits biens à crédit. (...) / Lorsqu'il résulte des constatations de fait opérées dans le cadre d'une des procédures prévues aux articles 53, 75 et 79 du code de procédure pénale et que l'administration fiscale est informée dans les conditions prévues aux articles L. 82 C, L. 101 ou L. 135 L du livre des procédures fiscales qu'une personne a eu la libre disposition d'une somme d'argent, produit direct d'une des infractions visées au 2, cette personne est présumée, sauf preuve contraire appréciée dans le cadre des procédures prévues aux articles L. 10 et L. 12 de ce même livre, avoir perçu un revenu imposable égal au montant de cette somme au titre de l'année au cours de laquelle cette disposition a été constatée. / La présomption peut être combattue par tout moyen et procéder notamment de l'absence de libre disposition des sommes mentionnées au quatrième alinéa, du caractère non imposable de ces sommes ou du fait qu'elles ont été imposées au titre d'une autre année. (...) / 2. Le 1 s'applique aux infractions suivantes : a. crimes et délits de trafic de stupéfiants prévus par les articles 222-34 à 222-39 du code pénal ; (...) ".

6. A l'appui de sa demande, M. B... soutient que les impositions et pénalités en litige ont été établies en méconnaissance des dispositions de l'article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts, d'une part, en ce qu'elles sont calculées en prenant en compte la somme de 82 545 euros trouvée en espèces à l'occasion d'opérations menées dans le cadre d'une enquête pénale, alors qu'elle n'est pas en totalité le fruit de l'infraction reprochée, et qu'aucune des trois valeurs évoquées, qu'il s'agisse de 60, 70 ou 84 euros par gramme, ne permet un calcul aboutissant à cette somme, d'autre part, en ce que qu'elles sont calculées en prenant en compte une valeur vénale de la cocaïne exagérée, soit 60 euros par gramme, alors qu'il convient de retenir la valeur de 31 000 euros par kilogramme.

7. En l'état de l'instruction, aucun de ces moyens ne paraît de nature à créer un doute sérieux concernant la régularité de la procédure d'imposition ou le bien-fondé de l'imposition et des pénalités en litige. Il suit de là, sans qu'il soit besoin de statuer sur la condition relative à l'urgence, que les conclusions par lesquelles M. B... demande la suspension de la mise en recouvrement de la somme de 156 887 euros doivent être rejetées.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, au titre des frais liés à l'instance.

ORDONNE

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. C... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au directeur départemental des finances publiques de Seine-et-Marne.

Fait à Paris, le 21 avril 2023.

La greffière,

E. VERGNOL La juge des référés,

H. A...

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA00808


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 23PA00808
Date de la décision : 21/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Hélène VINOT
Avocat(s) : TAXLO SOCIETE D'AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-04-21;23pa00808 ?
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