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02/06/2023 | FRANCE | N°21PA05020

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 02 juin 2023, 21PA05020


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Orphée a demandé au tribunal administratif de Paris la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et des pénalités et amendes à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2011, 2012 et 2013.

Par un jugement n° 2011152 du 9 juillet 2021, le tribunal administratif de Paris a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence de l'amende appliquée au titre de l'article 1759 du code général des impôts, objet d'un dé

grèvement en cours d'instance, et a rejeté le surplus de la demande de la SARL Orphée.

Procédur...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Orphée a demandé au tribunal administratif de Paris la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et des pénalités et amendes à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2011, 2012 et 2013.

Par un jugement n° 2011152 du 9 juillet 2021, le tribunal administratif de Paris a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence de l'amende appliquée au titre de l'article 1759 du code général des impôts, objet d'un dégrèvement en cours d'instance, et a rejeté le surplus de la demande de la SARL Orphée.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 septembre 2021, la SARL Orphée, représentée par Me Sebban, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2011152 du 9 juillet 2021 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge en droits et pénalités des impositions supplémentaires à l'impôt sur les sociétés revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011, 2012 et 2013 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat aux entiers dépens.

Elle soutient que :

- la provision pour créance douteuse est justifiée dès lors que les recettes correspondantes sont inscrites en comptabilité ;

- la dette en compte courant d'associé à l'ouverture de l'exercice 2011 est justifiée ;

- le passif pour travaux à effectuer correspond à des travaux inscrits en 2011 pour l'entretien d'un appartement acquis par voie d'adjudication, le surplus correspondant à une dette fournisseur comptabilisée pour la première fois en 2000.

Par mémoire, enregistré le 4 mai 2022, le ministre de l'économie, des finances et la relance conclut au rejet de la requête

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Simon ;

- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) Orphée, qui exerce une activité de gestion de biens immobiliers, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013. La comptabilité de la société ayant été rejetée pour les trois exercices en cause, le service a procédé à une reconstitution de recettes, qui a conduit à des rehaussements d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée. La SARL Orphée, demande régulièrement à la Cour l'annulation du jugement du 9 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris, après avoir prononcé le non-lieu à statuer sur les conclusions dirigées contre l'amende de l'article 1759 mise à sa charge, a rejeté le surplus de ses conclusions dirigées contre les cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des années 2011, 2012 et 2013, et les pénalités correspondantes, ainsi que la décharge desdites impositions et pénalités.

2. L'administration a abandonné, dans son courrier du 31 mars 2015, le redressement relatif à un solde de compte courant d'associé injustifié. Les moyens tenant au mal-fondé de ce chef de redressement est ainsi inopérant.

3. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions ou le comité mentionnés à l'article L. 59 ou le comité prévu à l'article L. 64 est saisi d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission ou le comité. /Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission ou du comité. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge ".

4. Il résulte de l'instruction, ainsi que l'a retenu le tribunal administratif au point 3 de son jugement dont il convient sur ce point d'adopter les motifs, que l'administration a écarté à bon droit la comptabilité de la SARL Orphée comme non probante, compte tenu des graves irrégularités dont elle était entachée et que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a donné un avis favorable au maintien des rectifications décidées. Dans ces conditions, en vertu des dispositions précitées de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve de l'exagération de l'évaluation du chiffre d'affaires par l'administration repose sur la société requérante.

5. En premier lieu, aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice. (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'elles se rattachent par un lien direct aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise. En outre, en ce qui concerne les provisions pour charges, elles ne peuvent être déduites au titre d'un exercice que si se trouvent comptabilisés, au titre du même exercice, les produits correspondant à ces charges et, en ce qui concerne les provisions pour pertes, elles ne peuvent être déduites que si la perspective de cette perte se trouve établie par la comparaison, pour une opération ou un ensemble d'opérations suffisamment homogènes, entre les coûts à supporter et les recettes escomptées.

6. L'administration a remis en cause des provisions pour créance douteuse inscrites en comptabilité au titre des années en cause. La société soutient que ses provisions correspondent à des loyers impayés d'un bien immobilier situé passage Haguette à Saint-Denis, dont l'exploitant avait vu son bail résilié en 2011 et avait fait l'objet de commandements de payer par huissier suivis d'une ordonnance judiciaire d'expulsion. Toutefois, il résulte de l'instruction que la société requérante, qui comptabilisait ses recettes selon les encaissements, n'avait initialement pas déclaré les recettes correspondant aux loyers non payés. Par suite, et alors même que l'administration, contrairement à ses allégations, n'a pas réintégré les recettes non perçues, elle ne justifie d'aucune créance et n'a pas établi de compte client au nom du locataire défaillant. Dès lors, faute de justifier de l'existence d'un élément actif ayant pu donner lieu à dépréciation, elle n'établit pas que le redressement en litige est dépourvu de fondement.

7. En second lieu, aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. ". Aux termes du 4 bis dudit article : " Pour l'application des dispositions du 2, pour le calcul de la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de l'exercice, l'actif net d'ouverture du premier exercice non prescrit déterminé, sauf dispositions particulières, conformément aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales ne peut être corrigé des omissions ou erreurs entraînant une sous-estimation ou surestimation de celui-ci / Les dispositions du premier alinéa ne s'appliquent pas lorsque l'entreprise apporte la preuve que ces omissions ou erreurs sont intervenues plus de sept ans avant l'ouverture du premier exercice non prescrit. / Elles ne sont pas non plus applicables aux omissions ou erreurs qui résultent de dotations aux amortissements excessives au regard des usages mentionnés au 2° du 1 de l'article 39 déduites sur des exercices prescrits ou de la déduction au cours d'exercices prescrits de charges qui auraient dû venir en augmentation de l'actif immobilisé ".

8. La SARL Orphée a comptabilisé au titre de l'année 2011 la somme de 522 217 euros au crédit du compte " fournisseur factures non parvenues ". Si elle soutient qu'une part de cette somme correspondrait aux travaux nécessaires dans le bien immobilier mentionné au point 6 du présent arrêt, il ne résulte pas de l'instruction que les travaux envisagés, objet d'une étude réalisée en 2009 par son gérant, aient porté sur des dépenses de réparation ou d'entretien destinées seulement à remettre en état les locaux en cause, ni, en tout état de cause, que ces travaux aient fait l'objet d'un commencement d'exécution, un premier devis n'ayant été fourni qu'en janvier 2015. En outre, si la SARL Orphée soutient que la somme contestée correspond, pour le solde, au report à nouveau de sommes inscrites en provision dès 2000, et qu'à due concurrence, en application des dispositions précitées du 4 bis de l'article 38 du code général des impôts, aucune taxation du passif en cause à l'ouverture du bilan de l'exercice 2011, premier exercice non prescrit, ne pouvait être effectuée, elle ne justifie cependant pas, en se bornant à produire une attestation de son comptable établie en 2020 et non appuyée de pièce justificative, que ces sommes correspondraient à une dette auprès de ses fournisseurs née antérieurement à 2004.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Orphée n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 9 juillet 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge des impositions supplémentaires à l'impôt sur les sociétés, et des pénalités correspondantes, auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011, 2012 et 2013. Ses conclusions aux fins d'annulation et de décharge d'imposition, ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administratives, doivent dès lors être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Orphée est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée (SARL) Orphée et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à l'administrateur des finances publiques chargé de la direction régionale des finances publiques d'Île-de-France et de Paris (service du contentieux d'appel déconcentré - SCAD).

Délibéré après l'audience du 12 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- M. Simon, premier conseiller,

- Mme Boizot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 2 juin 2023.

Le rapporteur,

C. SIMONLe président,

S. CARRERE

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA05020


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA05020
Date de la décision : 02/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: M. Claude SIMON
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : SEBBAN

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-06-02;21pa05020 ?
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