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28/06/2023 | FRANCE | N°21PA03000

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 28 juin 2023, 21PA03000


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Etablissement J. Soufflet a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations additionnelles d'impôt sur les sociétés, de contributions sociales sur l'impôt sur les sociétés et de contributions exceptionnelles à l'impôt sur les sociétés pour les exercices clos en 2013, 2014, 2015, 2016 et 2017.

Par un jugement n° 1906241 du 1er avril 2021, le tribunal administratif de Montreuil a déchargé la société des impositions en litige à

l'exception des rappels d'imposition relatifs à l'application du dispositif dit du " rab...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Etablissement J. Soufflet a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations additionnelles d'impôt sur les sociétés, de contributions sociales sur l'impôt sur les sociétés et de contributions exceptionnelles à l'impôt sur les sociétés pour les exercices clos en 2013, 2014, 2015, 2016 et 2017.

Par un jugement n° 1906241 du 1er avril 2021, le tribunal administratif de Montreuil a déchargé la société des impositions en litige à l'exception des rappels d'imposition relatifs à l'application du dispositif dit du " rabot " fiscal des intérêts versés aux clients agriculteurs et des intérêts différés au titre du dispositif de sous-capitalisation déduits du résultat d'ensemble.

Procédure devant la Cour :

I- Par une requête n° 21PA03000 et un mémoire en réplique, enregistrés les 3 juin 2021 et 21 juin 2022, la SA Etablissement J. Soufflet, représentée par Me Daniel-Mayeur, avocat, demande à la Cour :

1°) à titre principal, d'infirmer le jugement du tribunal administratif de Montreuil en tant qu'il a rejeté ses demandes de dégrèvement intégral des impositions mises à sa charge en raison de la non prise en compte par la société, pour les besoins de la règle dite du " rabot fiscal ", des intérêts de retard payés par sa filiale intégrée la société par actions simplifiée (SAS) Soufflet Agriculture à ses partenaires commerciaux en application de conventions de compensation conclues entre les parties ;

2°) de prononcer la décharge de l'intégralité des impositions mises à sa charge à raison du seul chef de redressement des intérêts de retard ;

3°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au service de prendre en compte les intérêts payés par les agriculteurs à la SAS Soufflet Agriculture afin de déterminer les conséquences financières pour la société du chef de redressement intérêts de retard au titre des exercices clos de 2013 à 2016 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- les intérêts payés aux agriculteurs par la SAS Soufflet Agriculture, qui sont dus à raison de factures non réglées à échéance, ne viennent pas rémunérer des sommes laissées ou mises à disposition de l'entreprise au sens des dispositions du III de l'article 212 bis du code général des impôts, le dispositif dit de " rabot " fiscal n'étant par suite pas applicable en l'espèce ;

- les créances sont nées de la vente par les clients agriculteurs à la SAS Soufflet Agriculture de leur production agricole, la société pouvant choisir de régler ces ventes à échéance ; le compte ouvert pour chaque agriculteur ne peut être assimilé à un compte courant d'associé ;

- les créances inscrites en compte de compensation et non éteintes à leur échéance conservent leur nature commerciale, les intérêts versés n'étant pas de nature financière ;

- les intérêts versés constituent des pénalités de retard exclus du dispositif du rabot fiscal et la circonstance que les taux d'intérêt ne soient pas mentionnés sur les factures conformément à l'article L. 441-3 du code du commerce n'est pas dirimante ;

- les taux différenciés fixés par les conventions relèvent de la liberté contractuelle.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 20 octobre 2021 et 8 août 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la SA Etablissement J. Soufflet ne sont pas fondés.

II- Par une requête n° 21PA04456 et un mémoire en réplique enregistrés les 3 août 2021 et 13 décembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1906241 du tribunal administratif de Montreuil du 1er avril 2021 ;

2°) de remettre à la charge de la SA Etablissement J. Soufflet les suppléments d'impôts sur les sociétés et de contributions sociales et exceptionnelles assises sur cet impôt au titre de l'exercice clos en 2014 dont la décharge a été prononcée par le Tribunal.

Il soutient que :

- les premiers juges ont commis une erreur de droit dans l'application de l'article 216 du code général des impôts ;

- les gains et pertes de change, déterminés à la clôture de l'exercice, affectent les produits nets de participation ouvrant droit au régime des sociétés mères en application de l'article 216 du code général des impôts ; la notion de " produits nets des participations " est une notion purement fiscale distincte de la notion comptable de créance ; dès lors que les dividendes en cause bénéficient de l'exonération au titre du régime des sociétés mères, la détermination de la quote-part pour frais et charges, qui constitue une restriction au droit à déduction des charges afférentes aux dividendes, doit tenir compte du montant du dividende perçu à la clôture de l'exercice ; il n'en résulte aucune méconnaissance de la directive 2011/96/UE du 30 novembre 2011 relative au régime commun applicable aux sociétés mères d'Etats membres différents.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 novembre 2021, la SA Etablissement J. Soufflet, représentée par Me Daniel-Mayeur, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par le ministre de l'économie, des finances et de la relance ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la directive 2011/96/UE du 30 novembre 2011 relative au régime commun applicable aux sociétés mères d'Etats membres différents ;

- le code de commerce ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lorin,

- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public,

- et les observations de Me Daniel-Mayeur, représentant la société Etablissement J. Soufflet.

Considérant ce qui suit :

1. La SA Etablissement J. Soufflet et sa filiale fiscalement intégrée la SAS Soufflet Agriculture, qui exerce une activité de stockage, de commercialisation de productions agricoles et de distribution d'agrofournitures, ont fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 30 juin 2013 au 30 juin 2017, à l'issue de laquelle l'administration a notamment remis en cause les modalités d'application du régime mère-filiale par la SAS Soufflet Agriculture s'agissant de la neutralisation de l'imposition de dividendes de sa filiale tchèque Soufflet Agro A.S., ainsi que la déductibilité, au regard des dispositions du III de l'article 212 bis du code général des impôts (dispositif dit de " rabot fiscal "), de charges financières relatives à des intérêts versés sur des comptes courants ouverts au nom des agriculteurs clients ou fournisseurs de la SAS Soufflet Agriculture, à des contrats de swap de taux et à des intérêts dont la déductibilité était différée en application du II de l'article 212 du même code. Par une première requête enregistrée sous le n° 21PA03000, la SA Etablissement J. Soufflet relève régulièrement appel du jugement du tribunal administratif de Montreuil du 1er avril 2021 en tant que ce jugement a rejeté sa demande relative aux intérêts payés par la SAS Soufflet Agriculture à ses partenaires commerciaux. Par une seconde requête enregistrée sous le n° 21PA04456, le ministre de l'économie, des finances et de la relance relève régulièrement appel de ce jugement en tant qu'il a fait droit à la demande de la SA Etablissement J. Soufflet relative à l'application du régime mère-filiale.

Sur la jonction :

2. Les requêtes nos 21PA03000 et 21PA04456 présentées par la société Etablissement J. Soufflet et par le ministre de l'économie, des finances et de la relance sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une même instruction. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt.

Sur la requête n° 21PA03000 :

3. D'une part, aux termes de l'article 223 B bis du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : " I. - Les charges financières nettes afférentes aux sommes laissées ou mises à disposition de sociétés membres du groupe par des personnes qui n'en sont pas membres sont réintégrées au résultat d'ensemble pour une fraction égale à 25 % de leur montant. / II. - Le I ne s'applique pas lorsque le montant total des charges financières nettes du groupe est inférieur à trois millions d'euros. / III. - Pour l'application des I et II, le montant des charges financières nettes est entendu comme la somme des charges ou produits financiers nets de chacune des sociétés membres du groupe tels que définis au III de l'article 212 bis. (...) ". Aux termes du III de l'article 212 bis du même code : " (...) le montant des charges financières nettes est entendu comme le total des charges financières venant rémunérer des sommes laissées ou mises à disposition de l'entreprise, diminué du total des produits financiers venant rémunérer des sommes laissées ou mises à disposition par l'entreprise. ".

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 441-3 du code de commerce : " Tout achat de produits ou toute prestation de service pour une activité professionnelle doivent faire l'objet d'une facturation. / (...) / La facture mentionne également la date à laquelle le règlement doit intervenir. Elle précise les conditions d'escompte applicables en cas de paiement à une date antérieure à celle résultant de l'application des conditions générales de vente, le taux des pénalités exigibles le jour suivant la date de règlement inscrite sur la facture ainsi que le montant de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement due au créancier en cas de retard de paiement. Le règlement est réputé réalisé à la date à laquelle les fonds sont mis, par le client, à la disposition du bénéficiaire ou de son subrogé. ".

5. Il résulte de l'instruction que la SAS Soufflet Agriculture a signé avec des agriculteurs avec lesquels elle entretient des relations commerciales, des contrats de comptes courants permettant de compenser les créances et dettes réciproques. Aux termes de ces contrats, les sommes dues par la société ou les agriculteurs sont soumises à des rémunérations d'intérêts qui courent à compter de l'échéance des délais de paiement octroyés dans le cadre de leurs relations commerciales. Ces conventions prévoient expressément que toutes les opérations réalisées entre la société et ses clients ou fournisseurs sont compensées entre elles et que le remboursement des comptes créditeurs laissés par les agriculteurs n'est ouvert qu'une fois par an à l'arrêté annuel des comptes.

6. D'une part, ce mécanisme de compensation des dettes et des créances qui s'opère d'office produit des intérêts rémunérant des sommes mises à la disposition de la société, lesquelles ne conservent pas leur nature commerciale, contrairement à ce que soutient la société, dès lors que les intérêts générés sur ces sommes ne rémunèrent pas, en tant que tels, un échange commercial. D'autre part, les taux d'intérêts dus par la société Soufflet Agriculture, proches des taux de marchés à court terme, s'appliquent uniquement sur les sommes laissées par les agriculteurs sur le compte courant lorsque ce compte est créditeur. Ces intérêts ne viennent donc pas rémunérer un retard de paiement dans le cadre des échanges commerciaux, alors au demeurant que les factures émises ne mentionnent pas le taux des pénalités exigibles requis par les dispositions précitées de l'article L. 441-3 du code de commerce. Par suite, compte tenu de leurs caractéristiques, les sommes ainsi portées au crédit des comptes courants sont génératrices d'intérêts de nature financière et non commerciale. La circonstance que les taux différenciés fixés par les conventions relèvent de la liberté contractuelle, les taux applicables aux partenaires commerciaux en cas de solde débiteur à échéance trimestrielle étant au moins trois fois supérieur à ceux applicables à la société, n'a pas d'incidence sur la nature des intérêts dus par la société et qui, au regard des particularités qui leur sont propres, constituent des intérêts financiers. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a retenu que les intérêts versés par la société Soufflet Agriculture relevaient des charges financières venant rémunérer des sommes laissées ou mises à disposition de l'entreprise et qui entraient dans le champ d'application des dispositions prévues au III de l'article 212 bis du code général des impôts.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la société Etablissement J. Soufflet n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Sur la requête n° 21PA04456 :

Sur la régularité du jugement attaqué :

8. Dans le cadre de l'effet dévolutif, le juge d'appel, qui est saisi du litige, se prononce non sur les motifs du jugement de première instance mais directement sur les moyens mettant en cause la régularité et le bien-fondé des impositions en litige. Par suite, le moyen tiré de ce que les juges de première instance auraient entaché le jugement attaqué d'une erreur de droit, qui ne porte pas sur la régularité du jugement, est inopérant.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

9. L'administration fiscale a constaté au cours du contrôle que la SAS Soufflet Agriculture avait reçu de sa filiale tchèque Soufflet Agro A.S. soumise à l'impôt sur les sociétés tchèques, un dividende dont la distribution a été décidée à hauteur de 14 524 333 euros par l'assemblée générale de sa filiale tchèque le 31 octobre 2013 et qui a été comptabilisé le lendemain au crédit du compte 7611. La créance a été réglée le 21 novembre suivant pour un montant de 13 740 894 euros compte tenu de la dépréciation de la couronne tchèque par rapport à l'euro. La société Etablissement J. Soufflet qui a placé ce dividende sous le régime fiscal des sociétés mères prévu aux articles 145 et 216 du code général des impôts, a déduit de son bénéfice imposable la somme comptabilisée au compte 7611, minorée de la quote-part de frais et charges de 5 %, correspondant à une déduction nette de 13 798 117 euros. L'administration a remis en cause cette déduction, estimant que la quote-part devait s'appliquer à la somme effectivement perçue, et a réintégré dans la base imposable au titre de l'exercice clos le 30 juin 2014 la somme de 744 267 euros, correspondant au calcul ainsi rectifié, la déduction au bénéfice de l'entreprise étant ainsi ramenée à la somme de 13 053 850 euros.

10. D'une part, aux termes de l'article 209 du code général des impôts : " I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles 34 à 45, 53 A à 57 et 302 septies A bis et en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions (...) ". Aux termes de l'article 38 du même code : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 33 ter, 40 à 43 bis et 151 sexies, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés (...) ; (...) 4. Pour l'application des 1 et 2, les écarts de conversion de devises ainsi que des créances et dettes libellées en monnaies étrangères par rapport aux montants initialement comptabilisés sont déterminés à la clôture de chaque exercice en fonction du dernier cours de change et pris en compte pour la détermination du résultat imposable de l'exercice. ". Aux termes de l'article 38 quater de l'annexe III audit code : " les entreprises doivent respecter les définitions édictées par le plan comptable général, sous réserve que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l'assiette de l'impôt ". Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges (...) ".

11. D'autre part, aux termes de l'article 145 du code général des impôts : " 1. Le régime fiscal des sociétés mères, tel qu'il est défini à l'article 216, est applicable aux sociétés et autres organismes soumis à l'impôt sur les sociétés au taux normal qui détiennent des participations satisfaisant aux conditions ci-après (...) ". Aux termes de l'article 216 du même code, dans sa version applicable aux années d'imposition en litige : " I. Les produits nets des participations, ouvrant droit à l'application du régime des sociétés mères et visées à l'article 145, touchés au cours d'un exercice par une société mère, peuvent être retranchés du bénéfice net total de celle-ci, défalcation faite d'une quote-part de frais et charges. / La quote-part de frais et charges visée au premier alinéa est fixée uniformément à 5 % du produit total des participations, crédit d'impôt compris ".

12. En premier lieu, il résulte de la combinaison des articles 205, 209 et 38 du code général des impôts que l'impôt sur les sociétés est établi sur l'ensemble des bénéfices de toute nature réalisés par chaque société. La base d'imposition à l'impôt sur les sociétés inclut donc, en principe, les produits de participation perçus de filiales. Le législateur a prévu par l'article 216 du code général des impôts, dans le but d'éviter l'imposition successive des mêmes bénéfices entre les mains de la société filiale puis de la société mère, la possibilité pour cette dernière, lorsque les conditions posées par l'article 145 du même code sont respectées, de retrancher de son bénéfice taxable le montant des produits de participation perçus de ses filiales, à l'exception d'une quote-part de 5 %, représentative des frais et charges exposés pour acquérir ces revenus.

13. D'une part, il résulte des dispositions précitées du code général des impôts que les dividendes attribués à une société mère remplissant les conditions prévues aux articles 145 et 216 pour ouvrir droit à leur exonération constituent, à raison de la créance résultant de la décision de distribution, un produit taxable au titre de l'impôt sur les sociétés afférent à l'exercice au cours duquel la distribution est intervenue, alors même, contrairement à ce que soutient l'administration, qu'ils n'auraient été " touchés " que postérieurement à la clôture de cet exercice.

14. D'autre part, pour l'application des dispositions précitées du 4 de l'article 38 et du 1 de l'article 39 du code général des impôts, si la perte de change ne constitue pas un élément du dividende devant être pris en compte pour déterminer le montant soustrait de l'assiette de l'impôt sur les sociétés en application des dispositions des articles 145 et 216 précités du code général des impôts, cette perte n'est elle-même déductible de l'assiette de l'impôt, au titre d'un exercice, que dans la mesure où elle se rapporte à un produit lui-même effectivement taxé au titre de cet exercice.

15. En l'espèce, la société Etablissement J. Soufflet a calculé la déduction prévue par les dispositions de l'article 216 du code général des impôts sur le montant du dividende attribué par sa filiale à la date à laquelle l'assemblée générale de sa filiale a décidé cette distribution. L'administration a en revanche estimé que cette déduction devait être calculée sur la somme effectivement perçue par la société et a en conséquence taxé le dividende à hauteur de 95 % de la différence entre le montant en euros du dividende distribué, et le montant en euros du dividende diminué de la perte de change, constatée avant la clôture de l'exercice. Il suit de là que l'administration, en réintégrant ainsi 95 % du montant de la perte de change déduite, au titre de l'exonération du dividende attribué, n'a à bon droit, eu égard à ce qui a été indiqué au point 14 ci-dessus, admis la déduction de cette perte de change qu'à concurrence de la fraction du dividende effectivement taxée, à raison de la quote-part pour frais et charges. Il suit de là que c'est à tort que le tribunal administratif de Montreuil a estimé que la SA Etablissement J. Soufflet était fondée à prendre en compte, en totalité, l'écart de change ayant affecté la créance acquise au titre du dividende distribué par sa filiale.

16. En second lieu, il découle de ce qui précède qu'en prévoyant, à l'article 216 du code général des impôts, la soumission à l'impôt sur les sociétés d'une quote-part des produits de participation perçus par une société mère, qui constituent des revenus dont elle a disposé, le législateur, qui a entendu restreindre le droit à déduction des frais et charges afférents à des revenus exonérés, s'est borné à préciser la portée de l'exonération qu'il instituait sans soumettre à l'impôt, quel que soit le montant de cette quote-part, des revenus fictifs.

17. Il appartient à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens éventuels soulevés devant le tribunal administratif et devant la Cour. Toutefois, en l'espèce, aucun autre moyen n'a été soulevé.

18. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a déchargé la SA Etablissement J. Soufflet des cotisations supplémentaires, établies au titre de l'exercice clos le 30 juin 2014, d'impôt sur les sociétés à hauteur de 114 283 euros, de contribution sur cet impôt à hauteur de 3 771 euros et de contribution exceptionnelle à l'impôt sur les sociétés à hauteur de 12 228 euros, ainsi que des intérêts de retard correspondants. Il y a lieu de remettre ces impositions à la charge de la SA Etablissement J. Soufflet.

Sur les frais liés aux instances :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans les présentes instances, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par la SA Etablissement J. Soufflet et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête n° 21PA03000 de la société Etablissement J. Soufflet est rejetée.

Article 2 : Les cotisations supplémentaires, établies au titre de l'exercice clos le 30 juin 2014, d'impôt sur les sociétés à hauteur de 114 283 euros, de contribution sur cet impôt à hauteur de 3 771 euros, et de contribution exceptionnelle à l'impôt sur les sociétés à hauteur de 12 228 euros, ainsi que les intérêts de retard correspondants, dont la décharge a été prononcée par le Tribunal, sont remises à la charge de la société Etablissement J. Soufflet.

Article 3 : Le jugement n° 1906241 du 1er avril 2021 du tribunal administratif de Montreuil est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Les conclusions présentées par la SA Etablissement J. Soufflet au titre de l'instance n° 21PA04456 sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme (SA) Etablissement J. Soufflet et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 26 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président de la chambre,

- M. Simon, premier conseiller,

- Mme Lorin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour le 28 juin 2023.

La rapporteure,

C. LORIN

Le président,

S. CARRERE

La greffière,

E. LUCE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA03000, 21PA04456


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA03000
Date de la décision : 28/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Cécile LORIN
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : FRESHFIELDS BRUCKHAUS DERINGER LLP

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-06-28;21pa03000 ?
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