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28/06/2023 | FRANCE | N°21PA06353

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 28 juin 2023, 21PA06353


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de condamner le centre hospitalier intercommunal (CHI) Robert-Ballanger à lui verser la somme de 33 742,42 euros en réparation des préjudices subis.

Par un jugement n° 1906344 du 15 octobre 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 décembre 2021 et 26 février 2023, Mme B..., représentée par Me Deschamps, demande à la C

our :

1°) d'annuler ce jugement du 15 octobre 2021 ;

2°) de condamner le CHI Robert-Ballanger...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de condamner le centre hospitalier intercommunal (CHI) Robert-Ballanger à lui verser la somme de 33 742,42 euros en réparation des préjudices subis.

Par un jugement n° 1906344 du 15 octobre 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 décembre 2021 et 26 février 2023, Mme B..., représentée par Me Deschamps, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 15 octobre 2021 ;

2°) de condamner le CHI Robert-Ballanger à lui verser la somme de 33 742,42 euros en réparation des préjudices subis ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de condamner l'Etat aux entiers dépens.

Elle soutient que :

- les premiers juges se sont fondés sur une médiation judiciaire en méconnaissance du principe de confidentialité garanti par l'article L. 213-2 du code de justice administrative et du secret professionnel attaché aux échanges entre avocats ;

- les premiers juges ont omis de répondre sur le fait qu'elle n'a pas bénéficié d'une évolution de son indemnité forfaitaire technique dans les mêmes conditions que les autres agents du même grade ;

- les premiers juges n'ont pas répondu aux moyens faisant état de sa mutation " forcée ", de la discrimination dont elle a fait l'objet, de son exposition à des risques psychosociaux et aux errements de l'administration dans la gestion de sa carrière ;

- sa mutation au service des archives est intervenue dans des conditions irrégulières dès lors qu'elle ne répondait à aucune nécessité de service, que les fonctions d'archiviste ne correspondent pas à ses compétences, qu'en tant que représentante du personnel, elle a été la seule à faire l'objet d'une telle mesure, et que sa mutation " forcée " est entachée de détournement de pouvoir ;

- en l'exposant à des risques psychosociaux du fait du management brutal de la part de sa hiérarchie, son employeur a commis une faute en ne veillant pas à sa santé et à sa sécurité ;

- son employeur a commis une faute pour ne pas lui avoir offert un déroulement de carrière normal dès lors qu'elle n'a pas été évaluée depuis 2015, que les évaluations prétendument effectuées n'ont pas été portées à sa connaissance, qu'elle n'a disposé que d'un avancement minimal et que son indemnité forfaitaire technique n'a pas évolué entre 2012 et 2018 ;

- elle a subi une discrimination dans le déroulement de sa carrière et en matière de rémunération ;

- elle a subi un préjudice de carrière ;

- elle a subi un préjudice financier du fait de l'absence d'évolution de sa prime de technicité, qu'elle évalue à une somme à parfaire de 23 742,42 euros ;

- elle a subi un préjudice moral qu'elle évalue à hauteur de 10 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 décembre 2022, le CHI Robert-Ballanger, représenté par Me Bazin, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 82-453 du 28 mai 1982 ;

- le décret n° 2011-661 du 14 juin 2011 ;

- le décret n° 2011-744 du 27 juin 2011 ;

- le décret n° 2013-102 du 29 janvier 2013 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Desvigne-Repusseau,

- les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique,

- les observations de Me Sarria, substituant Me Deschamps, avocat de Mme B...,

- et les observations de Me Marginean, substituant Me Bazin, avocate du centre hospitalier intercommunal Robert-Ballanger.

Considérant ce qui suit :

1. Titularisée au 6ème échelon du grade de technicien supérieur hospitalier de 2ème classe à compter du 1er octobre 2012, Mme B... exerçait des fonctions de documentaliste au centre documentaire de l'Institut de formation en soins infirmiers (IFSI) du CHI Robert-Ballanger depuis le 1er février 1995 et détenait un mandat de déléguée syndicale. Le 2 septembre 2017, elle a adressé au CHI Robert-Ballanger une demande de protection fonctionnelle en raison de faits de harcèlement moral qu'elle estimait avoir subis de la part de la directrice de l'IFSI et de son adjointe. Cette demande a été rejetée par une décision du 12 janvier 2018, dont la légalité a été confirmée par un jugement n° 1802832 du Tribunal administratif de Montreuil du 20 décembre 2019, devenu définitif. Par ailleurs, le 12 février 2019, Mme B... a adressé au CHI Robert-Ballanger une demande tendant à l'indemniser de divers préjudices qu'elle estimait avoir subis depuis 2014 à l'occasion de l'exercice de ses fonctions au sein de cet établissement. Cette demande a été implicitement rejetée le 14 avril 2019. Mme B... fait appel du jugement du 15 octobre 2021 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à condamner le CHI Robert-Ballanger à l'indemniser de ces préjudices.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 213-1 du code de justice administrative : " La médiation régie par le présent chapitre s'entend de tout processus structuré, quelle qu'en soit la dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l'aide d'un tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigné, avec leur accord, par la juridiction ". Aux termes de l'article L. 213-2 de ce code : " Le médiateur accomplit sa mission avec impartialité, compétence et diligence / Sauf accord contraire des parties, la médiation est soumise au principe de confidentialité. Les constatations du médiateur et les déclarations recueillies au cours de la médiation ne peuvent être divulguées aux tiers ni invoquées ou produites dans le cadre d'une instance juridictionnelle ou arbitrale sans l'accord des parties / Il est fait exception au deuxième alinéa dans les cas suivants : / 1° En présence de raisons impérieuses d'ordre public ou de motifs liés à la protection de l'intérêt supérieur de l'enfant ou à l'intégrité physique ou psychologique d'une personne / 2° Lorsque la révélation de l'existence ou la divulgation du contenu de l'accord issu de la médiation est nécessaire pour sa mise en œuvre ".

3. Si Mme B... soutient que les premiers juges ont méconnu le principe de confidentialité des médiations judiciaires garanti par l'article L. 213-2 précité ainsi que le secret professionnel attaché aux échanges entre avocats en indiquant, au point 3 de leur jugement, que " dans le cadre d'une médiation le 3 octobre 2019, il a été proposé à la requérante des alternatives de carrière visant à améliorer sa qualité de vie au travail ", il ressort de l'examen du dossier de première instance, et notamment des pièces produites à l'appui du mémoire en défense du CHI Robert-Ballanger, que, d'une part, par une ordonnance n° 1901125 du 5 février 2019, le président du Tribunal administratif de Montreuil a désigné une médiatrice dans le litige opposant Mme B... au CHI Robert-Ballanger et que cette médiation a pris fin le 12 juin 2019 sans que les parties n'aient pu parvenir à un accord et que, d'autre part, compte tenu de cet échec, le CHI Robert-Ballanger a pris l'initiative, le 3 octobre 2019, de proposer une solution qu'il a qualifiée, dans son mémoire en défense, de " médiation ". Ainsi, dès lors que la " médiation " du 3 octobre 2019, dont les premiers juges font d'ailleurs état sur la seule base des écritures du CHI Robert-Ballanger, n'entre pas dans le champ des dispositions précitées de l'article L. 231-2 du code de justice administrative, les moyens soulevés par Mme B... doivent, par suite, être écartés.

4. En second lieu, comme le soutient Mme B..., il ressort de l'examen du jugement attaqué que les premiers juges ont omis de statuer sur ses conclusions tendant à la condamnation du CHI Robert-Ballanger pour ne pas avoir, selon elle, revalorisé son indemnité forfaitaire technique. En revanche, contrairement à ce que soutient la requérante, les premiers juges ont répondu, aux points 3 et 4 de leur jugement, à l'ensemble des autres moyens invoqués devant eux, compte tenu de leur formulation dans les écritures de première instance.

5. Il y a lieu pour la Cour d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions de Mme B... tendant à la condamnation du CHI Robert-Ballanger faute pour celui-ci d'avoir revalorisé son indemnité forfaitaire technique, de se prononcer sur ces conclusions par la voie de l'évocation et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions présentées par Mme B... devant le Tribunal administratif de Montreuil.

Sur le fond du litige :

En ce qui concerne la responsabilité de l'administration pour avoir exposé Mme B... à des risques psychosociaux :

6. D'une part, aux termes de l'article 23 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Des conditions d'hygiène et de sécurité de nature à préserver leur santé et leur intégrité physique sont assurées aux fonctionnaires durant leur travail ". Aux termes de l'article L. 4111-1 du code du travail : " (...) les dispositions de la (...) partie [relatives à la santé et à la sécurité au travail] sont applicables (...) / (...) / 3° Aux établissements de santé, sociaux et médico-sociaux mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ". Aux termes de l'article L. 4121-1 de ce code : " L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs / Ces mesures comprennent : / 1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail / 2° Des actions d'information et de formation / 3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés / L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes ". Aux termes de l'article L. 4121-2 du même code : " L'employeur met en œuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants : / 1° Eviter les risques / 2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités / 3° Combattre les risques à la source / 4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé / 5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique / 6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux / 7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 / 8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle / 9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs "..

7. D'autre part, en vertu de l'article L. 4111-2 du code du travail, les dispositions de ce code relatives à la santé et à la sécurité au travail peuvent, pour les établissements de santé, sociaux et médico-sociaux mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986, faire l'objet d'adaptations, par décret pris, sauf dispositions particulières, en Conseil d'Etat, compte tenu des caractéristiques particulières de certains de ces établissements et des organismes de représentation du personnel existants. Aux termes de l'article 2-1 du décret n° 82-453 du 28 mai 1982 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique : " Les chefs de service sont chargés, dans la limite de leurs attributions et dans le cadre des délégations qui leur sont consenties, de veiller à la sécurité et à la protection de la santé des agents placés sous leur autorité ".

8. En vertu de ces dispositions, il appartient aux autorités administratives, qui ont l'obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et morale de leurs agents, d'assurer, sauf à commettre une faute de service, la bonne exécution des dispositions législatives et réglementaires qui ont cet objet.

9. Mme B... soutient que, alors que plusieurs agents de l'IFSI ont signalé, entre 2014 et 2016, à la direction des ressources humaines du CHI Robert-Ballanger des dysfonctionnements sérieux concernant l'organisation, les modalités de management et les relations humaines au sein de l'IFSI, elle a subi de la part de l'équipe directoriale de l'IFSI, à laquelle elle était directement rattachée, un " management brutal et injuste ", qu'elle a rencontré une dégradation de ses conditions de travail en raison d'une surcharge de travail, qu'elle a été mise à l'écart du service, qu'elle a été privée de ses outils de travail et que le CHI Robert-Ballanger n'a pris aucune mesure de nature à faire cesser les agissements qu'elle a subis, l'intéressée ne soutenant pas, dans la présente instance, qu'elle aurait été victime de faits de harcèlement moral.

10. Toutefois, il résulte de l'instruction qu'à la suite des signalements qu'il a reçues, l'employeur de Mme B... a remplacé Mme D..., directrice de l'IFSI entre 2010 et 2014, par Mme C..., et a demandé, en 2015, à un cabinet de conseil d'identifier les risques psychosociaux allégués au sein de l'IFSI et, le cas échéant, de proposer des pistes d'amélioration pour y remédier. Cet audit, qui a été conduit entre mai 2015 et novembre 2016 et dont les résultats ont été présentés au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de l'établissement le 25 novembre 2016, a préconisé l'élaboration d'une charte de fonctionnement interne régissant les liens et modalités de travail en équipe, la nécessité pour la direction de clarifier les fiches de poste et les relations fonctionnelles et hiérarchiques au sein des équipes ainsi que la nécessité d'un management bienveillant et d'un projet fédérateur pour redonner une dynamique et une motivation à l'équipe. Le 1er mars 2017, Mme C... a présenté aux membres du CHSCT les mesures qui ont été prises au sein de l'IFSI afin de suivre les préconisations du cabinet de conseil. A la suite de la réception, le 19 septembre 2017, de huit demandes de protection fonctionnelle émanant d'agents de l'IFSI, dont Mme B..., motivées par " un environnement de travail mettant en danger leur santé et leur sécurité ", le CHI Robert-Ballanger a déclenché, le 24 novembre 2017, une enquête administrative qui a été conduite en présence de deux membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de l'établissement. Après avoir reçu les résultats de l'audit ainsi que de l'enquête administrative, et eu égard au dépôt, le 24 novembre 2017, de trois plaintes pénales pour harcèlement moral, dont l'une émanant de Mme B..., la direction des ressources humaines du CHI Robert-Ballanger, qui a reconnu l'existence " de conditions de travail très fortement dégradées à l'IFSI et d'un mode de management de l'équipe de direction [non] adapté aux enjeux de la structure " sans considérer que ces faits seraient constitutifs de harcèlement moral, a demandé, en janvier 2018, à l'équipe de direction de l'IFSI, composée de Mme C..., directrice de l'IFSI, et de Mme E..., son adjointe, de mettre en œuvre les préconisations de l'audit et d'adopter immédiatement " un mode de communication adapté aux enjeux de l'IFSI ainsi qu'un management bienveillant ". Enfin, si les membres du CHSCT ont considéré, le 26 mars 2018, que les actions entreprises par l'administration avaient échoué, le procès-verbal de ce CHSCT indique néanmoins que le CHI Robert-Ballanger a confié à une cadre de santé, extérieure à l'IFSI, le soin de recenser les difficultés rencontrées et qu'il s'est engagé, dans un second temps, à réaliser des démarches auprès de chaque agent de l'IFSI en fonction des nécessités et selon les situations. A ce dernier égard, il ressort d'un procès-verbal du 24 mai 2018 que le CHI Robert-Ballanger a demandé à l'agence régionale de santé d'Ile-de-France de diligenter une mission d'inspection de l'IFSI et que, dans l'intérêt de ce service, il a été procédé à des changements de service. La direction des ressources humaines du CHI Robert-Ballanger a ainsi proposé à Mme B..., lors d'un entretien qui s'est tenu le 18 mai 2018, d'occuper le poste de responsable des archives. Par ailleurs, les éléments produits par la requérante n'établissent pas qu'elle aurait effectivement subi une surcharge de travail ni que les missions qui lui ont été confiées l'auraient conduites à ne pas pouvoir exercer ses fonctions syndicales dans le respect de la décharge partielle d'activité dont elle bénéficiait à ce titre. Si Mme B... indique qu'elle a été privée de ses outils de travail à la suite de la restriction des abonnements et des achats de manuels au centre de documentation, il ne résulte pas de l'instruction que ces restrictions auraient été décidées en considération de sa personne. Enfin, il est constant que la requérante n'a fait l'objet d'aucun arrêt de travail.

11. Dans ces conditions, au vu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de considérer que le CHI Robert-Ballanger n'a commis aucun manquement à ses obligations de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité de ses agents qui caractériserait une méconnaissance de son obligation de sécurité au sens des dispositions de l'article L. 4121-1 du code du travail ni, en tout état de cause, que de tels manquements auraient affecté les propres conditions de travail de Mme B.... Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le CHI Robert-Ballanger aurait commis sur ce point une faute de nature à engager sa responsabilité.

En ce qui concerne la responsabilité de l'administration au regard de la gestion du déroulement de carrière de Mme B... et de l'évolution de sa rémunération :

12. En premier lieu, aux termes de l'article 65 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Le pouvoir de fixer les notes et appréciations générales exprimant la valeur professionnelle des fonctionnaires dans les conditions définies à l'article 17 du titre Ier du statut général est exercé par l'autorité investie du pouvoir de nomination, après avis du ou des supérieurs hiérarchiques directs / (...) ". Aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 6 mai 1959 relatif à la notation du personnel des établissements d'hospitalisation, de soins et de cure publics : " L'autorité ayant pouvoir de nomination attribue annuellement à chaque agent titulaire ou stagiaire et pour chacun des éléments de notation qui sont applicables à l'intéressé une note chiffrée (...) ".

13. Il résulte de l'instruction que le directeur du CHI Robert-Ballanger, autorité investie du pouvoir de nomination, a évalué Mme B... au titre des années 2015 à 2017 le 11 octobre 2018. Si de telles évaluations rétroactives ont un caractère fautif, la requérante n'établit toutefois pas le lien de causalité entre cette faute et les préjudices dont elle se prévaut. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la responsabilité du CHI Robert-Ballanger serait engagée sur ce point.

14. En deuxième lieu, si la requérante, qui a obtenu le 11 septembre 2015 une note initiale de 16,50 / 25 au titre de l'année 2014, soutient qu'elle aurait dû obtenir une note de 19,75 / 25 au titre de cette année conformément à l'avis de la commission administrative paritaire locale (CAPL), il résulte de l'instruction, et notamment des mentions de la fiche de notation de l'année 2014, qu'à la suite de l'avis de la CAPL, qui s'est prononcée à l'unanimité, dans sa séance du 11 janvier 2016, en faveur d'un réajustement de la notation de Mme B... sans aucune précision chiffrée, l'administration, qui n'était pas tenue de suivre l'avis de la CAPL, lui a attribuée une note définitive de 19,25 / 25 au titre de l'année 2014. Si l'intéressée allègue qu'elle avait obtenu une note de 19 / 25 au titre de l'année 2011 et que sa notation aurait dû progresser chaque année de 0,25 point au minimum, elle n'en justifie pas. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le CHI Robert-Ballanger aurait commis sur ce point une faute de nature à engager sa responsabilité.

15. En dernier lieu, aux termes de l'article 1er du décret n° 2013-102 du 29 janvier 2013 relatif à l'attribution d'une indemnité forfaitaire technique aux agents du corps des techniciens et techniciens supérieurs hospitaliers : " Les (...) techniciens supérieurs titulaires ou stagiaires régis par le décret du 27 juin 2011 susvisé bénéficient d'une indemnité forfaitaire technique payable mensuellement à terme échu ". Aux termes de l'article 2 de ce décret : " Le montant mensuel de l'indemnité forfaitaire technique est arrêté par l'autorité investie du pouvoir de nomination en fonction de la valeur professionnelle de l'agent / Ce montant est fixé (...) dans la limite de 40 % du traitement mensuel brut indiciaire du bénéficiaire pour les membres du corps classés dans les deuxième et troisième grades (...) ". Pour l'application de ces dispositions, la valeur professionnelle d'un agent s'apprécie en tenant compte notamment de la nature des fonctions qui lui sont confiées, des sujétions qu'elles comportent et de la technicité qu'elles exigent.

16. Mme B... soutient que le CHI Robert-Ballanger a illégalement refusé de revaloriser l'indemnité forfaitaire technique (IFT) à laquelle elle avait droit depuis 2015. S'il résulte de l'instruction qu'au titre des années 2014 à 2017, l'intéressée a obtenu les notes respectives de 19,25 / 25, 19,5 / 25, 19,75 / 25 et de 20 / 25, la progression de sa notation de 0,25 point par an ne suffit pas à elle seule à établir que le CHI Robert-Ballanger aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa valeur professionnelle. Par ailleurs, si la requérante se prévaut de la situation d'autres agents, elle n'apporte aucun élément de nature à établir qu'ils auraient été dans la même situation de droit et de fait qu'elle, et elle ne fournit, en outre, aucun élément sur la technicité exigée par ses fonctions ainsi que sur celle attendue de ces autres agents. Ainsi, et en se bornant à renvoyer à un protocole d'accord, conclu en novembre 2018, par le CHI Robert-Ballanger sur l'attribution de l'IFT des techniciens et techniciens supérieurs hospitaliers ainsi qu'à un tableau dont l'origine n'est pas déterminée, Mme B... n'établit pas que les décisions de son employeur de ne pas revaloriser son IFT depuis 2015 seraient entachées d'une erreur manifeste d'appréciation sur sa valeur professionnelle. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le CHI Robert-Ballanger aurait commis sur ce point une faute de nature à engager sa responsabilité.

En ce qui concerne la responsabilité de l'administration au regard de la mutation de Mme B... au service des archives :

17. Il résulte de l'instruction que, par un courrier électronique du 25 mai 2018, consécutif à un entretien préalable qui s'est déroulé le 18 mai 2018, la direction des ressources humaines du CHI Robert-Ballanger a informé Mme B..., titulaire du grade de technicien supérieur hospitalier de 1ère classe depuis le 23 mars 2017, de sa décision de la muter au poste de responsable des archives à compter du 15 juin 2018.

18. Aux termes de l'article 3 du décret n° 2011-744 du 27 juin 2011 portant statut particulier du corps des techniciens et techniciens supérieurs hospitaliers : " I. ' Les membres du corps des techniciens et techniciens supérieurs hospitaliers accomplissent des missions ou des travaux à caractère technique dans les spécialités regroupées dans les domaines suivants : / (...) / 5° Reprographie, dessin, documentation / (...) / III. ' (...) les techniciens supérieurs hospitaliers de 1re classe accomplissent leurs missions ou travaux dans les spécialités regroupées dans les domaines mentionnés au I et dans celles correspondant aux domaines suivants : / (...) / 3° Télécommunications, systèmes d'information et traitement de l'information médicale / Ils ont vocation à occuper les emplois qui nécessitent des qualifications particulières sanctionnées par un niveau d'expertise acquis par la formation initiale, l'expérience professionnelle ou la formation tout au long de la vie / Ils peuvent être investis de responsabilités particulières et être amenés à diriger et à coordonner les travaux des techniciens hospitaliers ou à assurer la gestion d'un service ou partie de service / (...) / IV. ' La liste des spécialités correspondant, pour chaque domaine mentionné aux I et III du présent article, aux missions ou travaux accomplis par les membres du corps des techniciens et techniciens supérieurs hospitaliers est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé / V. ' Les membres du corps des techniciens et techniciens supérieurs hospitaliers bénéficient d'une formation d'adaptation à l'emploi propre aux fonctions qui leur sont confiées, dont l'organisation et le contenu sont fixés par arrêté du ministre chargé de la santé ".

19. En premier lieu, Mme B... soutient que la décision de mutation prise à son encontre serait entachée de détournement de pouvoir et constituerait une sanction disciplinaire déguisée.

20. Une mutation dans l'intérêt du service revêt le caractère d'une mesure disciplinaire déguisée lorsque la décision prise par l'administration révèle une volonté de sanctionner l'agent concerné et entraîne une dégradation de la situation professionnelle de ce dernier. En l'espèce, il résulte de l'instruction, et notamment du courrier électronique du 25 mai 2018, que la décision de mutation prise par le CHI Robert-Ballanger à l'égard de Mme B... était justifiée par l'intérêt du service dès lors que le CHI Robert-Ballanger a fondé sa décision sur les circonstances que le poste de responsable des archives était vacant en raison de la démission de celui-ci, qu'il était nécessaire de le pourvoir rapidement en raison de l'absence de candidat correspondant au profil recherché, que les fonctions à pourvoir sont proches de celles exercées par Mme B... en qualité de documentaliste, que le lieu d'exercice de ce poste est à proximité immédiate du lieu d'exercice occupé jusqu'alors par la requérante et que le poste de responsable des archives implique le maintien voire l'accroissement des responsabilités qui étaient assumées par Mme B.... Dans ces conditions, la décision de mutation prise à l'égard de la requérante ne saurait être regardée comme une sanction disciplinaire déguisée qui porterait atteinte à ses intérêts professionnels et financiers ni comme caractérisant un détournement de pouvoir. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le CHI Robert-Ballanger aurait commis sur ce point une faute de nature à engager sa responsabilité.

21. En deuxième lieu, Mme B... allègue que la décision de mutation dans l'intérêt du service a été prise en raison de son appartenance syndicale et revêt un caractère discriminatoire. Il résulte toutefois de ce qui précède que la décision de mutation de Mme B..., a été prononcée dans l'intérêt du service. Ainsi, en prononçant une telle mesure, et alors même qu'aucun autre agent de l'IFSI n'aurait été muté, l'administration n'a pas entendu prendre une mesure discriminatoire à l'égard de l'intéressée en raison de son appartenance syndicale. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le CHI Robert-Ballanger aurait commis sur ces points une faute de nature à engager sa responsabilité.

22. En dernier lieu, Mme B... soutient qu'elle ne dispose pas des compétences nécessaires pour occuper le poste de responsable des archives, qu'elle n'a bénéficié d'aucune mesure d'accompagnement à sa prise de poste et que ce poste est inadapté au regard de son temps de décharge syndicale. Tout d'abord, il est constant que la requérante dispose d'une expérience significative dans le domaine de la documentation dès lors qu'elle exerçait les fonctions de documentaliste depuis 1995. Il ressort des dispositions précitées de l'article 3 du décret n° 2011-744 du 27 juin 2011 que le service des archives est assimilable à la spécialité " traitement de l'information médicale " et que les techniciens supérieurs hospitaliers de 1ère classe peuvent être amenés à assurer la gestion d'un service relevant de cette spécialité. En outre, il ressort des fiches du répertoire des métiers de la fonction publique hospitalière que les métiers d'encadrant " documentaliste " et d'encadrant " archives " appartiennent tous deux à la sous-famille " archivage et documentation " relevant elle-même de la famille " gestion de l'information ". Ensuite, si Mme B... allègue qu'elle n'a bénéficié d'aucune formation d'adaptation à l'emploi de responsable des archives, elle ne justifie pas qu'une telle formation lui aurait été refusée par le CHI Robert-Ballanger. Enfin, il ressort des mentions mêmes du courrier électronique du 25 mai 2018 que le CHI Robert-Ballanger a bien pris en considération le fait que Mme B... ne pourra pas exercer à temps plein ses nouvelles fonctions de responsable des archives en raison de son temps de décharge syndicale. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le CHI Robert-Ballanger aurait commis sur ces points une faute de nature à engager sa responsabilité.

23. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander la condamnation du CHI Robert-Ballanger à raison d'une absence de revalorisation de son indemnité forfaitaire technique ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté le surplus de sa demande.

Sur les frais liés au litige :

24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CHI Robert-Ballanger, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par Mme B... à ce titre. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... la somme demandée par le CHI Robert-Ballanger au même titre. Par ailleurs, la présente instance n'ayant donné lieu à aucun dépens à la charge de Mme B..., les conclusions présentées par cette dernière, sur le fondement des dispositions de l'article R. 761-1 du même code, afin de condamner le CHI Robert-Ballanger au paiement des dépens ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1906344 du Tribunal administratif de Montreuil du 15 octobre 2021 est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions de Mme B... tendant à la condamnation du CHI Robert-Ballanger faute pour celui-ci d'avoir revalorisé son indemnité forfaitaire technique.

Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par Mme B... devant le Tribunal administratif de Montreuil sur lesquelles celui-ci a omis de statuer, ainsi que le surplus de ses conclusions d'appel, sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions du CHI Robert-Ballanger présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au centre hospitalier intercommunal Robert-Ballanger.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente assesseure,

- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juin 2023.

Le rapporteur,

M. DESVIGNE-REPUSSEAULe président,

C. JARDIN

La greffière,

L. CHANA

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA06353


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA06353
Date de la décision : 28/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. Marc DESVIGNE-REPUSSEAU
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : SELARL BAZIN et ASSOCIES AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-06-28;21pa06353 ?
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