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30/06/2023 | FRANCE | N°21PA01794

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 30 juin 2023, 21PA01794


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 21 janvier 2019 par lequel le ministre du travail a décidé son déplacement d'office, à titre de sanction disciplinaire du 2ème groupe.

Par un jugement n° 1902849 du 19 février 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 8 avril 2021 et 13 janvier 2022, Mme A..., représentée par

Me Louis-Palisse, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1902849 du 19 février 2021 du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 21 janvier 2019 par lequel le ministre du travail a décidé son déplacement d'office, à titre de sanction disciplinaire du 2ème groupe.

Par un jugement n° 1902849 du 19 février 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 8 avril 2021 et 13 janvier 2022, Mme A..., représentée par Me Louis-Palisse, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1902849 du 19 février 2021 du tribunal administratif de Montreuil, ensemble l'arrêté attaqué ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 400 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure est irrégulière dès lors que l'ensemble des pièces du dossier disciplinaire ne lui ont pas été communiquées en méconnaissance de l'article 19 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- les observations écrites qu'elle a transmises à l'administration le 10 janvier 2019 n'ont pas été préalablement communiquées à la commission administrative paritaire siégeant en formation disciplinaire de sorte que la procédure est également irrégulière pour avoir méconnu les articles 2 et 5 du décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;

- son supérieur hiérarchique, qui a rédigé le rapport préconisant l'adoption d'une sanction, a été auditionné par le conseil de discipline, en méconnaissance du principe d'impartialité et de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ce d'autant que le contradictoire n'a pas non plus été respecté dès lors qu'il ne lui a pas été possible de lui poser des questions lors de son audition ;

- son affectation au service des recours hiérarchiques de Nanterre par décision du 26 novembre 2018 constitue une sanction déguisée de sorte que la mutation d'office décidée le 21 janvier 2019, qui sanctionne les mêmes faits, a été adoptée en méconnaissance du principe de non bis in idem.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 décembre 2021, le ministre de l'emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens y soulevés sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi du 22 avril 1905 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Perroy,

- et les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., directrice adjointe du travail depuis le 1er juin 2017, a été affectée à l'unité départementale des Hauts-de-Seine de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation et de l'emploi (DIRECCTE) d'Ile-de-France, en qualité de responsable de l'unité de contrôle des Hauts-de-Seine, sur le site de Malakoff, à compter du 1er janvier 2018, puis en qualité de responsable d'unité de contrôle de Nanterre, à compter du 1er septembre 2018, tout en continuant d'assurer ses fonctions par intérim sur le site de Malakoff au cours du mois de septembre. Dans un contexte où, depuis plusieurs mois, divers actes de malveillance avaient été commis sur le site de Malakoff, Mme A... a admis avoir volé, le samedi 29 septembre 2018, une somme de vingt euros dans une enveloppe de collecte se trouvant dans un bureau fermé et avoir versé du liquide vaisselle dans des condiments à disposition des agents du service. Par un arrêté du 21 janvier 2019, le ministre du travail a décidé le déplacement d'office de Mme A..., sanction disciplinaire du deuxième groupe. Par sa requête, Mme A... demande à la Cour d'annuler le jugement du 19 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 janvier 2019 prononçant sa mutation d'office au titre de sanction du 2ème groupe.

Sur la régularité de la procédure disciplinaire :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 : " Tous les militaires, tous les employés et ouvriers de toutes administrations publiques ont droit à la communication personnelle et confidentielle de toutes les notes, feuilles signalétiques et tous autres documents composant leur dossier, soit avant d'être l'objet d'une mesure disciplinaire ou d'un déplacement d'office, soit avant d'être retardé dans leur avancement à l'ancienneté " et aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : " (...) Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. (...) ".

3. Mme A... soutient que la procédure disciplinaire a méconnu les garanties qu'elle tient des textes précités dès lors que le procès-verbal de la plainte déposée le 5 octobre 2018 pour la DIRECCTE par Mme C..., adjointe en charge de l'unité départementale des Hauts-de-Seine, mentionne une main courante déposée le 4 octobre 2018 au commissariat de Vanves par Mme D..., qui est la nouvelle responsable de l'unité de contrôle de Malakoff, et que cette main courante ne lui a pas été communiquée en dépit de multiples demandes tendant à sa production. Il ressort toutefois des pièces du dossier que cette main courante, qui ne figurait pas au dossier, n'a pas été présentée au conseil de discipline, lequel s'est exclusivement fondé, pour prononcer la sanction litigieuse, sur la plainte du 5 octobre 2018, le rapport administratif rédigé le 24 octobre 2018 par Mme C..., et la note du même jour de la directrice de la DIRECCTE au directeur des relations humaines du ministère du travail, tous documents qui ont été communiqués à Mme A... avant la réunion du conseil de discipline. Il s'ensuit que la requérante a eu communication de l'ensemble des pièces qu'elle était en droit d'obtenir en vertu de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 préalablement à l'intervention de la sanction de mutation d'office et qu'elle n'a ainsi pas été privée d'une des garanties de la procédure disciplinaire.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 du décret du 25 octobre 1984 : " Le fonctionnaire poursuivi peut présenter devant le Conseil de discipline des observations écrites ou orales, citer des témoins et se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix (...) ". Le deuxième alinéa de l'article 5 du même décret prévoit que : " (...) Le rapport établi par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire ou par un chef de service déconcentré ayant reçu délégation de compétence à cet effet et les observations écrites éventuellement présentées par le fonctionnaire sont lus en séance. (...) ". Enfin, le premier alinéa de l'article 8 du même décret dispose : " Le conseil de discipline, au vu des observations écrites produites devant lui et compte tenu, le cas échéant, des déclarations orales de l'intéressé et des témoins ainsi que des résultats de l'enquête à laquelle il a pu être procédé, émet un avis motivé sur les suites qui lui paraissent devoir être réservées à la procédure disciplinaire engagée. (...) ".

5. Si la requérante soutient que la procédure est irrégulière dès lors que les observations écrites, qu'elle a adressées à l'administration le 10 janvier 2019, n'ont pas été communiquées aux membres du conseil de discipline avant que celui-ci ne siège le 16 janvier suivant, il ressort des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal de la séance du conseil de discipline, que Mme A... a eu la faculté d'y lire ses observations écrites et qu'elle a été mise à même de formuler des observations orales pour résumer ses observations écrites ou développer son argumentation aux fins de se défendre sur l'ensemble des griefs formulés à son encontre. Dès lors, le moyen tiré de ce que les dispositions précitées, qui n'imposent pas la communication préalable des observations écrites du fonctionnaire aux membres du conseil de discipline, auraient été méconnues ne peut qu'être écarté.

6. En troisième lieu, Mme A... se plaint de ce que Mme C..., adjointe en charge de l'unité départementale des Hauts-de-Seine à la DIRECCTE, qui a dirigé l'enquête préconisant des poursuites disciplinaires, ait été auditionnée comme témoin par le conseil de discipline. Toutefois, elle ne saurait, d'une part, se prévaloir des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dont les garanties qu'elles prévoient ne concernent pas la procédure disciplinaire des fonctionnaires. D'autre part, à supposer qu'elle excipe d'une atteinte au principe d'impartialité, la partialité d'un témoin cité par l'une des parties est en tout état de cause sans incidence sur la régularité de la décision rendue par le conseil même, dont l'impartialité n'est pas contestée. Enfin, si la requérante conteste le fait de n'avoir pas pu interroger elle-même Mme C... à la suite de son audition ni prendre la parole durant son témoignage, une telle obligation n'est pas prévue par les textes qui encadrent la conduite de la procédure disciplinaire. En l'espèce, il ressort de l'examen du procès-verbal de la séance que Mme A... a pu formuler, après l'audition de Mme C..., toutes les observations qu'elle a jugées utiles à sa défense. Le moyen ne peut, par suite, qu'être écarté dans ses différentes branches.

Sur le bien-fondé de la sanction :

7. Mme A... soutient qu'elle a fait l'objet d'une sanction déguisée à son retour de congé, le 7 novembre 2018, puisqu'elle a été déplacée, par décision du 26 novembre 2018, de son poste de responsable de l'unité de contrôle de Nanterre pour exercer des fonctions d'instructeur au sein du service des recours hiérarchiques de Nanterre.

8. Si cette mutation d'office, prononcée le 26 novembre 2018, ne peut, contrairement à ce que soutient le ministre, être considérée comme une mesure d'ordre intérieur dès lors que Mme A... s'est vue, dans ces nouvelles fonctions, privée des fonctions d'encadrement qu'elle exerçait antérieurement, une telle décision n'est susceptible de dissimuler une sanction que pour autant que son adoption procède de l'intention de l'autorité administrative de sanctionner l'agent. Or, en l'espèce, il ressort des pièces du dossier que les faits commis par Mme A... le 29 septembre 2018 dans l'unité de contrôle de Malakoff ont compromis sa capacité à exercer des fonctions d'encadrement dans le département, comme l'établissent les tracts syndicaux publiés en novembre 2018 que produit le ministre et qui dénoncent les agissements de l'intéressée comme l'absence de sanction à cette date. Dans ce contexte, il ressort tant des termes de la décision du 26 novembre 2018 que du courriel de Mme A... relatant les conditions de son adoption, que son affectation provisoire au service des recours hiérarchiques, alors que l'intéressée a elle-même admis la difficulté à reprendre ses fonctions dans l'unité de contrôle de Nanterre, a été prise dans l'intérêt du service, comme du reste dans celui de la requérante et ne procédait, par suite, d'aucune intention répressive. La mutation d'office ne pouvant ainsi s'analyser comme une sanction déguisée, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le ministre aurait commis une erreur de droit en la sanctionnant, le 21 janvier 2019, une seconde fois pour les mêmes faits.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du ministre du travail et de l'insertion du 21 janvier 2019 la sanctionnant par une mutation d'office.

Sur les frais liés à l'instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à Mme A... la somme qu'elle lui réclame sur leur fondement.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.

Copie en sera adressée à la direction régionale et interdépartementale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités.

Délibéré après l'audience du 6 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- M. Perroy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 juin 2023.

Le rapporteur,

G. PERROY

La présidente,

H. VINOT

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA01794

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA01794
Date de la décision : 30/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: M. Gilles PERROY
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : LOUIS-PALISSE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-06-30;21pa01794 ?
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